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Éclair de Jouvence

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Éclair de Jouvence Empty Éclair de Jouvence

Message  PtiteCoccie88 Dim 25 Déc 2011 - 15:16

Titre: Éclair de Jouvence
Auteur: PtiteCoccie
Date de publication: Dimanche 25 décembre 2011

Avertissement : PG-13
Catégorie : S
Mots Clés : H, MSR
Ship : ++

Résumé : Orages et disparitions en Caroline du Nord ! Deux agents du FBI spécialisés dans les affaires non classées prennent leur envol sur place, ne réservant qu'une seule chambre d'hôtel. Entre éclairs, pluie battante, faux cambriolage et douche à volonté, nos deux agents pourraient bien rencontrer des visages du passé...

Disclaimer : Les personnages ne m'appartiennent pas. Je ne m'en sers que pour le plaisir de mon Imagination et celle des Autres.

****************************************************************************************************************************

ÉCLAIR DE JOUVENCE


***
Première Partie
***


Jessica vérifia une dernière fois le moniteur cardiaque de Billy Foster puis éteignit la lumière de la chambre 204. Le couloir était calme. Rien à voir avec le jour. Pas de familles, pas de patients errant dans les couloirs. Mais s’y on prenait le temps d’écouter et de s’arrêter, on entendait le bruissement délicat de quelques blouses blanches s’élevant parfois dans l’air. Voilà pourquoi Jessica préférait toujours son service de nuit, car même si son compte en banque respirait davantage durant ces moments, la nuit lui permettait de se sentir plus proche de ses patients. L’effervescence du matin et la multitude de soins à effectuer durant les matinées rendait affreux ses heures à l’hôpital, passant d’un patient à l’autre plus par obligation et manque de personnel que par choix. Elle avait toujours la sensation de délaisser ses patients, de les considérer malgré elle plus comme un simple numéro que comme un être humain avec des peurs et des désirs. Mais la nuit, le temps flottait au ralenti, tout se décuplait dans un bon sens. Moins de techniques, plus d’empathie. Qui plus est, au-moment où le noir commençait à traverser les fenêtres pour venir s’installer dans les chambres du service pédiatrie, les petites mains appuyaient sur les sonnettes, certaines par peur, besoin de parler, d’éliminer une angoisse nocturne, d’autres parce qu’elles étaient plus espiègles, juste pour faire enrager les infirmières. Quoi qu’il en soit, Jessica rêvait de ce jour, où Billy Foster serait capable lui aussi d’appuyer sur le « dring », mais tant qu’il continuerait à dormir, elle savait que cela n’arriverait pas.

Jessica tourna la molette, réalisant la combinaison de son casier. Elle défit sa queue de cheval, libérant de la pression élastique sa longue chevelure blonde cendrée. La passation des dossiers entre le service de nuit et celui du matin s’était effectuée rapidement. Il n’y avait eu qu’une seule entrée au-cours de la nuit, aux alentours de minuit. Une petite fille de six ans, qui après un court séjour en salle de réveil pour cause d’appendicectomie, avait trouvé refuge dans le service le plus chaleureux (en apparence) de cet hôpital où par endroits, sur les murs et les vitres, des libellules, des chenilles, des abeilles et des coccinelles dansaient, toutes en peinture. Il n’était pas loin de sept heures du matin, mais il faisait encore nuit noire dehors. « Je déteste le mois de décembre », s’exclama juste pour elle et à voix haute Jessica. Elle ne put s’empêcher de grelotter, parcourue par quelques frissons quand elle constata que la pluie et l’orage qui avaient accompagné l’entrée de son service hier soir étaient toujours là pour l’accueillir à la sortie.

- Chouette ! Même pas besoin de prendre une douche ici, elle t’attend dehors !
- On parle toute seule ?

Jessica, surprise, se retourna sur elle-même.

- Jodie ! Tu m’as fait une de ces peurs ! Je ne t’ai pas entendue rentrer dans les vestiaires !
- Je vois ça ! Tu me parais un peu stressée ! Quand sont tes prochaines vacances ?
- M’en parle pas ! Plus rien avant six mois !
- Ah ma pauvre ! Moi c’est pareil. En tout cas, j’en connais une qui n’a pas l’air d’en vouloir, si elle pouvait nous en donner un peu, ricana Jodie. Mais d’un côté, je la comprends.
- Tu parles du Docteur Scully ?
- Ouais !
- C’est vrai que le repos, c’est pas trop son rayon. Mais tout le monde dit qu’elle n’a pas de famille et qu’elle vit seule…
- Célibataire ? Tu plaisantes ! Elle est trop bien foutue pour l’être ! Nan elle n’est pas dans la catégorie « pas de famille, tout pour mon métier », c’est pas ça. Crois-moi… je ne connais personne qui aime autant côtoyer la mort tous les jours ! Le docteur Scully a un truc à réparer avec elle-même ! Une blessure profonde ma p’tite Jessica. Et pour des blessures profondes, je sais de quoi je parle, tu te persuades que t’es remise, que t’as dépassé le « truc », mais la douleur ne disparaît jamais, la seule différence est que le temps t’apprend à ne plus écouter les hurlements déchirant l’intérieur de ton cœur !
- Tu penses ?
- Ça se voit que t’as pas fait attention à son comportement avec le petit Christian !
- Celui qui a la tumeur au cerveau… s’assombrit Jessica.
- Ouais ! confirma une nouvelle fois Jodie, refermant bruyamment son casier. L’autre jour, le docteur Steven lui est rentrée dedans à la réunion, en plus elles partagent le même bureau !
- Crêpage de chignon ! J’imagine la scène ! plaisanta Jessica.
- Si jamais ça arrive, je soutiens Scully sur le ring, en plus j’aime pas Stevens tu sais jamais ce qu’elle pense, bref ils veulent l’envoyer en soins palliatifs, le docteur Scully espère encore un miracle, tenter l’opération de la dernière chance, elle s’est même mise à dos le Père Ybarra !
- Ça ressemble pas au docteur Scully…
- Blessure profonde là-dessous j’tai déjà dit ! Quand t’auras mon âge, tu verras… Bon, sur ce je te laisse Jess’, les heures sup’ c’est pas mon style et demain je suis de repos ! Et toi ?
- Non. Je reprends à 20h45.
- Repose-toi alors. Passe une bonne journée.
- Toi aussi.

Jessica revêtit sa tenue civile. Soudainement un violent éclair illumina la pièce suivi d’un éclatement de tonnerre tonitruant faisant de nouveau tressaillir Jessica. La peur électrisant son corps frêle et juvénile, Jessica qui à la même seconde se trouvait en équilibre sur une jambe afin d’enfiler totalement ses escarpins perdit l’équilibre, se rattrapant de justesse au mur sur lequel elle prit appui pour s’empêcher de foncer tête la première contre le banc se tenant devant elle. Dans cette improvisation précipitée, sa chaussure lui échappa des mains, finissant sa course devant les cabines. A cloche pied Jessica s’approcha et se pencha, récupérant ainsi son escarpin volant, tout détrempée par l’eau ruisselant sur le sol s’écoulant toujours en abondance sous les portes pendant l’utilisation des douches.

- C’est pas vrai ! Elles n’ont même pas une semaine ! rechigna-t-elle.

Jessica, l’escarpin gauche plus rouge que celui de droite, remonta le couloir la conduisant vers la sortie du service. Ses yeux ne purent s’empêcher d’accrocher le numéro 204. Elle regarda autour d’elle. Personne. Les visites étant interdites le matin, et sans blouse blanche, il était difficile de pénétrer en civile dans les chambres. Toujours personne. L’avantage du changement de service. Même si elle n’avait pas fait attention au comportement du Docteur Scully avec Christian, elle comprenait, car pour elle, il ne s’agissait pas de Christian, mais du petit Billy. Elle prit le droit de pousser la porte et d’enfreindre le protocole. Il était là, paisible, endormi. Seul le bruit régulier de la surveillance cardiaque troublait le calme ambiant. « Mon cher petit Billy », murmura-t-elle, caressant sa joue. « Je sais que tu nous entends », continua-t-elle, lui saisissant la main. Jessica lui offrit un sourire maternel, puis se raisonna, se poussant à rebrousser chemin. Mais, sans prévenir, un étourdissement s’empara brutalement de la jeune infirmière. La foudre exécuta une fois de plus sa danse électrique à l’extérieur, partageant son énergie lumineuse avec la chambre. Puis le tonnerre gronda de toutes ses forces.

Remarquant la pièce ouverte, Sandy passa un œil pour vérifier si tout allait bien. Le jour s’était levé. L’aide-soignante balaya l’endroit, tout semblait en ordre. Le patient était toujours dans son lit. Sandy referma la porte sur laquelle étaient inscrites en lettres grises, un deux, un zéro, puis un quatre. Seul un œil expert aurait pu remarquer qu’un escarpin rouge s’était égaré sous le lit de Billy Foster.

***

48 heures plus tard

Dimanche matin. Un vent glacial balayait les rues de Washington. Le mois de novembre n’avait pas été tendre, amenant avec lui un bon nombre d’intempéries et le mois de décembre, encore tout jeune, n’était pas volontaire pour changer le refrain. La ville, grisonnante, était encore endormie, cependant une fenêtre au quatrième étage d’un immeuble située non loin de Georgetown ne semblait plus vouloir trouver le sommeil.

Elle alluma le poste de radio puis fit couler le café brûlant dans les tasses reposant sur le comptoir. Elle en saisit une et se dirigea vers la fenêtre et plongea son regard dans les rues désertes du quartier qui enveloppées dans le froid et la pluie ne souhaitaient pas se réveiller. Sa respiration forma de la buée sur le carreau. Tout en écoutant le journaliste, elle ne put s’empêcher d’insérer un « M » dans la vapeur d’eau.

« …L’alerte orange a enfin été levée sur la côte Est des Etats-Unis, cependant nous recommandons encore la plus grande prudence aux habitants de Caroline du Nord chez qui les orages semblent vouloir perdurer encore quelques heures. Concernant la capitale, le temps restera nuageux, quelques précipitations devraient survenir en début d’après-midi mais, rien de comparable par rapport à celles de ces deux derniers jours. L’actualité ! Repartons en Caroline du Nord, où en plus des orages violents persistants, une disparition d’une jeune infirmière après la fin de son service inquiète les autorités locales. Pour le moment aucunes victimes n’étant à déplorer suite aux conditions météorologiques, il se pourrait bien que Jessica Sanders vienne malheureusement noircir le bilan. La famille et les proches n’ayant plus de nouvelles depuis 48h… »

Il enroula ses bras autour d’elle et posa son menton contre son épaule.

- Une disparition… murmura son compagnon.
- Oui…

La jeune femme brune se retourna vers John qui se redressa. Ils s’abandonnèrent un instant dans le regard de l’autre avant de rejoindre tous les deux la cuisine ouverte. Monica éteignit le poste et lui tendit la seconde tasse qu’elle avait laissée à l’abandon. Appuyée contre le plan de travail, entre deux gorgées, elle prit un air concentré avant de poursuivre :

- Je parie qu’on va la retrouver amnésique… comme les autres.

John Doggett ne doutât pas un seul instant des propos que venait d’avancer son amie qui partageait sa vie depuis maintenant dix ans. Elle avait le don pour établir des connections là où personne ne pensait à le faire. Monica Reyes était un atout incroyable. En une dizaine d’années, elle avait éclairé un bon nombre d’affaires non-classées à ceci près, qu’il était indispensable d’être ouvert aux théories peu rationnelles.

- Si j’ai bien compris, il ne me reste plus qu’à réserver deux billets pour Raleigh !
- Je t’en serais très reconnaissante John, finit Monica dans un sourire des plus complices à l’adresse de son partenaire.

***

Quelques heures plus tard, les deux agents atterrirent sur le tarmac de Raleigh Airport. Ayant rejoints l’extérieur, Doggett s’empressa d’héler un taxi à la vue d’une Monica glacée jusqu’aux os par la pluie. Des éclairs faisaient rage au loin, révélant et illuminant par intermittence les nuages qui encombraient le ciel d’un noir d’encre. Monica concentrait son regard sur ces lumières électrisantes comme si elle espérait récupérer l’énergie qu’elles renfermaient dans le seul et unique but de réchauffer son corps. En attendant, elle se contentait de remonter jusqu’aux yeux le col de son manteau.

- Mais qu’est-ce qu’il fait froid ! C’est encore pire qu’à Washington, réussit-t-elle à articuler entre deux claquages de dents.

Le chauffeur saisit leurs bagages en les faisant disparaître dans le coffre puis il retourna vers eux, intimant à Monica Reyes de se réfugier au plus vite sur la banquette arrière au risque de finir en esquimau congelé.

Après vingt minutes de trajet, le taxi les déposa à destination.

- Quelle hécatombe cette pluie ! s’exclama le réceptionniste en remettant le passe magnétique à John. La moitié des clients ont annulé leur réservation ! Mais heureusement, tous ne renoncent pas, sans ça j’aurais déjà mis la clef sous la porte !
- Nous sommes de passage, motif professionnel, justifia Doggett.
- Oh je vois mais, je n’ai qu’une seule chambre de réservée pour vous deux, je laisse comme cela ?
- Euh…oui, une seule chambre, c’est normal, répondit un John Doggett déstabilisé.

« Motif professionnel ! » Pourquoi avait-il eu besoin d’en dire autant ! Déjà que le bureau n’appréciait guère l’ouverture précipitée d’enquête impromptue alors, s’il apprenait en plus que ses agents pratiquaient régulièrement quelques entorses au règlement en partageant les mêmes chambres, cela irriterait crescendo la direction supérieure.

- Dans ce cas, la chambre 27 vous attend déjà ! Voulez-vous de l’aide pour monter vos bagages ? ajouta le maître d’hôtel.
- Non merci, cela ira très bien, répondit Monica qui avait repris des couleurs pendant le trajet en voiture.

Monica et John s’apprêtèrent à disparaître dans l’ascenseur quand ils se firent une nouvelle fois interpeller :

- Pardonnez-moi mais… ne travaillerez-vous pas pour le FBI ?

Les deux agents dévisagèrent le gérant plus qu’interloqués. Trop abasourdis pour lui répondre, ils le laissèrent continuer sur sa lancée :

- Mais ne vous inquiétez pas, je ne dirai rien, promit-il tout en leur adressant un clin d’œil comprenant qu’il avait fait bonne touche. Vous me rappelez ce couple ! Même style, longs manteaux, une seule chambre ! sourit-il. Un couple… plutôt électrisant je dois dire… finit-il de leur révéler songeur.

Aussitôt, le souvenir de deux anciens collègues du bureau fédéral frappa l’esprit de John Doggett. Personne ne savait vraiment ce qu’ils étaient devenus. John les avait aidé à fuir puis, plus rien. Dix ans de silence.

- Cela remonte à combien de temps ? questionna-t-il sentant sa curiosité se décupler.
- Attendez que je réfléchisse… Il fronça des sourcils sous l’emprise de la réflexion en vue de rafraîchir sa mémoire. Je dirai au-moins une bonne dizaine d’années, voire plus ! C’est-à-dire qu’ils sont descendus ici à deux reprises. La première fois comme vous pour le travail, et d’ailleurs la pauvre n’avait pas l’air bien, aussi pâle qu’un linge, j’ai bien cru qu’elle n’en avait plus que pour quelques semaines…

Dana ! s’exclama Doggett à l’intérieur de lui-même.

- …ce qui m’a malheureusement été confirmé par son partenaire quand il m’a annoncé qu’elle souffrait d’un mal incurable, alors vous n’imaginez pas mon bonheur lorsque quelques années plus tard, ils ont de nouveau franchi le seuil de mon établissement ! Mais ils ne semblaient plus être en simple mission. Je crois même qu’ils cherchaient à s’installer quelque part mais sans trop savoir où aller !
- Et savez-vous s’ils se sont finalement implantés par ici ? avança prudemment Monica tout en étant persuadée de l’identité du mystérieux couple.
- Ça ! Je ne sais pas Madame ! Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’ils semblaient avoir fait un long voyage sur les routes. Je crois qu’ils remontaient du sud et qu’ils venaient avant tout chercher un peu de fraicheur. Après cette dernière nuit, je n’ai plus jamais entendu parler d’eux.

***

Pendant que Monica se trouvait occupée sous la douche, John Doggett, assis sur le rebord du lit en profita pour feuilleter en profondeur le dossier de l’enquête monté par sa partenaire. Il ne se posa même pas la question de savoir si oui ou non leur supérieur direct avait été informé de leur escapade en Caroline du Nord. Monica dénichait toujours les affaires qui n’intéressaient personne parce que jugées sans intérêts ou tout simplement parce qu’un passage entre les mains des enquêteurs n’était plus nécessaire. Quatre disparus en trois ans. Cinq avec Jessica Sanders. Tous volatilisés de façon similaire. Mais tous réapparus au bout de quelques jours et incapables d’expliquer où ils auraient pu être passés. Tous amnésiques de trois jours. Mais tous retrouvés, faisant ainsi classer les affaires sur le champ. Sans données, pas de direction possible donc pas d’enquête. Elliot Ziegler, Jason Adams, Ada Gordon, Andrea Lapierre avaient tous en commun d’avoir un jour disparu sans laisser de traces. Où, quand, comment ? Monica Reyes avait la ferme attention de répondre à ces questions que tout le monde ignorait faute d’éléments.

Le bruit de l’eau tambourinant contre la cabine de douche s’arrêta. Entourée d’une serviette, Monica fit son apparition dans la chambre et observa Doggett plongé dans l’affaire avant de l’interrompre :

- Il y a un lien entre toutes ces personnes disparues ! étaya Monica de façon convaincante. John décrocha son regard du dossier et tendit la main vers sa partenaire, l’invitant près de lui, la faisant asseoir sur ses genoux. Regarde ! reprit-elle, l’incitant à reconnecter son intention sur l’enquête et non sur les perles d’eau glissant sur sa peau.

John adorait saisir et contempler ces moments où un ouragan d’intuition s’emparait du corps de son amie.

- …Si on analyse les dépositions des victimes, on s’aperçoit que toutes appartiennent ou ont appartenu au corps médical !

Lui, au contraire était plus calme, plus sceptique aussi. Mais avide de nouvelles connaissances. Il murmura :

- Tout comme Jessica Sanders qui elle est infirmière.
- C’est d’ailleurs le seul lien qui a été établi par la police locale, affirma Reyes.
- Locale ? lui répondit-il surpris.
- Toutes ont disparu dans un rayon de moins de cinquante kilomètres par rapport à leur lieu de travail. Et nous sommes en ce moment même dans ce rayon en ce qui concerne Sanders, ce qui veut dire que si nous avons affaire à un trafic, c’est par ici qu’il faut chercher. La police a chaque fois suspendu l’enquête. Les victimes ne présentant aucunes marques physiques, bilan sanguin parfait… hormis cette amnésie… rien de suspect. Même les recherches dans le milieu médical dans lequel elles travaillent toutes n’ont rien donné.
- Et personne n’a jamais cherché à savoir l’origine de cette perte de souvenirs commune entre les victimes ?
- Personne ne sait réellement l’expliquer. Les médecins ayant examiné les victimes parlent juste du même mécanisme que celui étant à l’origine de nos rêves. Lorsqu’on se réveille le matin, la mémoire éprouve des difficultés à garder en elle les rêves de la nuit passée, certaines personne ne se souviennent jamais de leurs songes, et ici, cela serait le même processus selon eux et qui plus est, il serait responsable de cette perte de mémoire.
- Autrement dit, c’est comme s’ils avaient dormi durant trois jours.
- Exactement ! explicita Monica. Et la dernière source de tout ça semble être Our Lady of Sorrows Hospital !

***

Les portes de l’entrée principale de l’établissement s’ouvrirent automatiquement à leur approche. Le va et vient incessant du personnel perturbait le hall. Le défilé des blouses blanches et bleues à en donner le tournis était d’ailleurs la seule distraction offerte aux personnes patientant sur les bancs destinés à cet effet, des personnes toutes probablement dans l’attente de nouvelles de leurs proches. Certains s’apprêtant sans doute à passer la nuit, déjà bien tombée, sur ces chaises, et quand on prenait garde à remarquer leur posture frigorifiée et leurs traits tirés par l’inquiétude, un sentiment de compassion pouvait vous envahir. D’autres au contraire semblaient plus sereins et décontractés à en juger par leurs positions, la cheville droite posée sur la cuisse gauche, un journal à la main, comme s’ils attendaient leur prochain vol. Monica les observa un instant avant d’être rappelée à la réalité par son partenaire.

- Allons voir cette… hésita John.
- « Sœur » John ! N’aie pas peur de le dire. Ce n’est pas parce que tu ne crois pas en ces choses-là que tu ne peux les nommer.

Il sourit. Les pics de philosophie de sa compagne lui faisaient toujours un bien fou. Il lui enviait parfois cette sérénité qu’elle emportait et affichait partout avec elle aux quatre coins du monde, même dans les situations les plus périlleuses. Et dieu sait que sur le terrain, leur métier leur offrait plutôt deux fois qu’une l’opportunité de se retrouver confrontés à tous les dangers. Déterminée et dotée d’un sang froid à toutes épreuves, voilà ce qui faisait le charme de Monica dans le cœur de John Doggett.

Ils se dirigèrent vers la borne d’accueil.

- Bonjour. Puis-je vous aider ?
- Bonjour. Je m’appelle Monica Reyes et voici mon partenaire John Doggett. C’est bien ici que travaille Jessica Sanders ?

Aussitôt, le visage de Sœur Maria s’assombrit sous la surprise inattendue de la requête.

- Oui. Etes-vous des proches de mademoiselle Sanders ?
- Non mais nous nous intéressons à sa disparition, répliqua Monica.
- Je suis navrée mais je ne peux rien pour vous. Je ne suis pas autorisée à divulguer davantage d’informations à son sujet.

Il n’en fallu pas plus pour que John, tel un tour de passe-passe, brandisse son badge d’agent fédéral sous les yeux de Sœur Maria, imitée par Monica.

- Oh… je vois, murmura-t-elle, troublée. Dans ce cas… c’est différent. Veuillez m’excuser, je ne savais pas qui vous représentiez.
- Non, c’est de notre faute, nous nous sommes mal présentés, rassura Reyes.
- Jessica Sanders a toujours été très dévouée, n’hésitant jamais à rester plus longtemps quand il le fallait. Elle ne partage pas la foi religieuse de cet établissement mais, Jessica, malgré cela est un atout indispensable au sein de cet hôpital. Si par malheur, nous ne pouvions la revoir, je n’en serais que plus effondrée. Elle est encore si jeune.
- Quel âge a-t-elle ? demanda Reyes.
- 24 ans euh… non pardonnez-moi 23 ans ! Elle travaille avec nous depuis deux ans.
- Pour vous, Jessica n’avait donc aucuns ennemis, aucunes raisons de vouloir fuir ou de disparaître ? ajouta Doggett.
- Non ! Bien sûr que non ! Jessica est une personne exemplaire. Dévouée pour ses patients, à l’écoute en permanence.
- A-t-elle des enfants, des relations tendues avec sa famille ?
- Pas à ma connaissance. Elle a toujours été très discrète concernant sa vie personnelle.
- Jessica Sanders a disparu peu de temps après sa garde, probablement entre cet hôpital et son domicile, pouvez-nous nous communiquer la liste des patients et personnels présents dans son service, ici, il y a 48 heures ?
- Je ne sais pas si j’ai le droit… hésita Sœur Maria.

Une fois de plus, John s’amusa à faire apparaître sa plaque fédérale.

- Oui tout de suite ! avertit Sœur Maria qui pianota aussitôt sur l’ordinateur disposé derrière le comptoir et leur tendit une feuille qui venait de sortir de l’imprimante. Quelque chose vous fait penser que quelqu’un travaillant ici pourrait en vouloir à cette pauvre Jessica ?
- Non. Simple vérification, argumenta Reyes tout en saisissant l’exemplaire A4, le plaçant également sous les yeux de son partenaire de manière à ce qu’il puisse lui aussi bénéficier des données.
- Jessica travaille en pédiatrie depuis combien de temps ? questionna Doggett.
- Depuis le début. Cette spécialisation est une vocation de longue date, continua-t-elle de leur expliquer. Une deuxième feuille sortit de l’imprimante. Et voici la feuille de présence du personnel.

Monica abandonna la liste des patients pour s’emparer de la nouvelle. Son partenaire en profita pour récupérer la première liste afin de l’examiner de plus près.

- C’est pas vrai… sourit Monica, heureuse.
- Quoi ? s’empressa de savoir John.
- Un indice ? s’exclama Sœur Maria.
- Regarde qui travaille ici… révéla-t-elle mystérieuse.

« Le docteur Scully est attendu en soins intensifs, Docteur Scully en soins intensifs ! », résonna une douce voix féminine.

John, estomaqué, leva fébrilement son index près de son oreille comme s’il voulait vérifier qu’il avait bien entendu le nom du médecin sorti du haut-parleur. Monica, quant à elle se retourna vers lui, le sourire à s’en décrocher la mâchoire.

Sœur Maria qui n’avait pas raté une seule seconde précipita ses paroles :

- Oh non croyez-moi, le Docteur Scully n’a rien à voir avec tout ça !
- Nous ne soupçonnons pas l’agent Scully euh le « docteur » Scully, rétorqua immédiatement Doggett et qui aussitôt s’était fait affubler d’un coup de coude de la part de sa partenaire pour l’obliger à rectifier ses propos.

Cependant, cela n’empêcha pas Sœur Maria de relever le trouble confus régnant dans les dires de cet enquêteur.

- C’est… une ancienne connaissance, poursuivit ce dernier.
- Je me sens rassurée, dit Maria, respirant de soulagement.

Que quelqu’un puisse soupçonner le Docteur Dana Scully était une chose tout simplement impensable aux yeux de Maria, car elle n’avait jamais côtoyé une personne plus exemplaire que cette femme. Mais soudainement, elle réalisa ce que « ancienne connaissance » pouvait renfermer. C’est pourquoi Sœur Maria décida de creuser discrètement :

- Mais qu’entendez-vous exactement par « ancienne connaissance » ?
- Dana était juste une ancienne copine de fac ! réagit aussitôt Monica prenant le devant sur son collègue de peur qu’il laisse échapper malgré lui une nouvelle information capitale pour semer une fois de plus le « scoop » !
- Vous avez aussi fait médecine ? s’exclama Sœur Maria, admirative.
- Non ! Juste religion et sciences occultes ! affirma Reyes, sûre d’elle et toujours enclin à parler de son cursus universitaire lorsque l’occasion s’en présentait.
- Le Docteur Scully a étudié les sciences occultes ! parut soudainement horrifiée Maria.
- Non ! Bien sûr que non ! corrigea Monica, confuse, réalisant qu’elle ne valait pas mieux que John, car tous les deux formaient, preuves à l’instant, le roi et la reine des quiproquos. Ce que je veux dire, c’est que Dana Scully et moi sommes de simples amies.

Sœur Maria se sentit revivre.

John Doggett replongea une dernière fois son regard dans la liste du personnel comme pour être sûr que le nom de leur ancienne collègue apparaissait bien sur le papier, que ce n’était pas un mirage, mais il était bien là, inscrit noir sur blanc, oubliant presque la raison pour laquelle lui et sa partenaire se trouvaient ici, en Caroline du Nord. Puis il remercia celle qui leur avait fourni ces quelques éléments. Monica Reyes salua également Sœur Maria. Puis tous les deux prirent la direction de la sortie.

***

- Bonsoir Maria ! coupa le docteur à bout de souffle et s’écroulant presque sur le comptoir sous le poids des dossiers. Voici les derniers à remplir, il y a aussi trois nouvelles décharges de sortie à préparer !
- Merci, je m’en occupe tout de suite, répondit Maria, quant à vous docteur Scully, je ne veux plus vous voir, déjà 75 heures que vous êtes ici, soit trois heures de trop, je vous en prie rentrez chez vous. Le Docteur Stevenson prendra le relai !
- Mais je suis attendue en soins intensifs, je…
- Non ! C’est votre lit qui vous attend ! Et pas celui de la salle de garde ! Celui qui est chez vous ! Dans votre maison ! Je vous en conjure fi-lez !
- Je vous le promets Maria !

Le docteur Scully s’apprêtait déjà à exécuter les ordres de Sœur Maria, prenant la direction des vestiaires quand elle l’interpella, comme ayant oublié de lui dire quelque chose :

- Il y a environ une heure, votre amie était ici !

Se retournant, Dana se demanda si elle avait bien entendu. De quel ami Maria voulait-elle parlé. Sentant le brouillard dans les yeux du médecin, elle précisa :

- Monica !

Il s’agissait donc d’une amie. « IE ». Féminin. Mais, Scully avait beau faire toutes les connexions possibles dans son cerveau, elle n’arrivait pas à associer le prénom à un visage apparemment familier selon Maria. En réalité, les sept heures de bloc à la suite avaient eu raison d’elle, et il était grand temps qu’elle rentre chez elle, retrouver son ami. Masculin cette fois.

- Reyes ! Monica Reyes ! précisa-t-elle de nouveau.

Dana sentit un éclair fragmenter son corps. Une page toute entière de son passé lui fouetta le visage. Comme une claque impossible à éviter. On ne peut pas fuir sa vie passée en se réfugiant au bloc indéfiniment. Pourtant, Dana aurait bien aimé que le passé reste derrière elle. Se ressaisissant, elle bafouilla quelques bribes à destination de Maria :

- Est-ce que… Monica Reyes était seule ?
- Un grand homme brun l’accompagnait. Ils enquêtent sur la disparition de Jessica… répondit Sœur Maria qui ne put contenir sa tristesse, trahie par son timbre de voix chevrotante au moment où il avait fallu qu’elle prononce le prénom de leur collègue introuvable.

De son côté, Dana n’en menait pas large non plus.

- Merci Maria pour ces informations, bredouilla-t-elle, le regard absent avant de tourner une nouvelle fois les talons.
- Docteur Scully ! réagit Maria.
- Les vestiaires sont de l’autre côté !

Scully releva la tête et réalisa qu’elle reprenait la direction du bloc sans s’en rendre compte.

- Oh… fit Scully, souriant maladroitement. Vous avez raison.
- Je ne veux plus vous revoir ici pendant au-moins 24 heures ! Me suis-je bien fait comprendre, sermonna Maria, gentiment.
- Oui ! souffla Scully, des larmes d’épuisement commençant à lui monter aux yeux. Je vous le promets.

***

L’eau chaude massant son corps apaisa les courbatures qui avaient l’habitude de prendre racine dans ses jambes lors de son service à force de tirailler ses muscles qui ne demandaient qu’à trouver du repos. L’hôpital occupait tellement son esprit qu’il l’empêchait trop souvent ses derniers temps de prêter une oreille autour d’elle. Elle ne comptait plus les heures passées au bloc depuis ces derniers mois et d’ailleurs c’était mieux ainsi, car si le compteur venait à être révélé, cette addiction pourrait très bien être qualifiée de pathologique ! C’est comme cela que Scully n’avait appris que ce matin, deux jours après tout le monde, la disparition de Jessica, alors que toutes deux travaillaient dans le même service depuis deux ans, se croisant tous les jours. Elle n’était pas rentrée chez elle depuis 75 heures et commençait à culpabiliser de se laisser autant submerger volontairement par son travail, abandonnant ainsi la seule personne qui, elle, ne l’avait jamais laissée toute seule sur le bord de la route. Mulder… « Mulder… excuse-moi de te faire ça… », murmura-t-elle. Scully ferma l’eau puis enroula autour d’elle un peignoir éponge bleu ciel et des claquettes avant d’ouvrir la porte de la cabine de douche. Elle se dirigea vers son casier et en sortit une brosse. Le miroir placé sur la face intérieure de la porte lui renvoya des traits tirés mais revigorés par l’eau brûlante ayant rosit ses pommettes creusées par la fatigue. Elle démêla ses longs cheveux roux, puis enfila une tenue un peu plus civilisée, composée d’un jean foncé, d’un pull blanc, et d’une paire de ballerine rouge. Sa blouse blanche enfin enfermée à double tour dans son casier, Scully prit la direction du parking.

***

Après deux heures d’attente, réfugiés dans leur voiture, somnolant, les deux agents aperçurent pour leur plus grand soulagement l’objet de leur convoitise.

- La voilà ! prévint Reyes à l’adresse de son partenaire. John ! Réveille-toi ! insista-t-elle, lui adressant une légère tape sur l’épaule, constatant qu’il ne bougeait pas d’un millimètre ses cils.

John Doggett, qui émergeait trop lentement aux yeux de Monica, se redressa dans le siège auto, écarquilla ses yeux et peina à croire que cette femme, surprise par la pluie, se précipitant à grande enjambée, réquisitionnant sa sacoche marron en guise de parapluie tout en faisant clignoter les fards d’une Ford citadine, était bien cette même femme avec qui il avait travaillé, non-stop, durant deux ans.

Monica remit le contact, engouffrant la voiture de location dans les traces de cette ancienne connaissance.

***


Elle prit son courage à deux mains et ouvrit la portière.

- Mulder ! Je te jure que tu vas l’installer ce portail automatique ! bougonna-t-elle, les mains rendues rouges écarlates par la pluie glacée.

La voiture s’engouffra à travers une longue allée sinueuse où sans les phares il était impossible d’imaginer que l’endroit pouvait renfermer une maison tellement les lieux s’inscrivaient dans un décor sans vie. La Ford s’arrêta complètement sur le gravier.

Le docteur Scully, après 72 heures de garde et trois heures de trop, franchit le seuil de chez elle. Une lumière tamisée éclairait la pièce principale. Tout en se débarrassant de son manteau qu’elle laissa glisser sur le divan, elle jeta un coup d’œil sur la porte située à l’opposé de là où elle se tenait. Sentant son estomac improviser une énième symphonie, elle pénétra dans la cuisine. Ses yeux agrippèrent immédiatement la porte du réfrigérateur sur laquelle au-milieu des aimants et des photos était intercalé un post-it jaune canari : « Tu trouveras des spaghettis dans le micro-onde ! Ps : Tu me manques. » Scully regarda sa montre. Vingt-trois heures ! « Tant pis pour un repas léger ! » marmonna-t-elle.

Il lui fallut moins de dix minutes pour avaler son assiette qu’elle avait pris soin de faire disparaître sous un paquet entier de fromage râpé. Elle fit descendre dans sa gorge un grand verre d’eau comme si elle n’avait pas bu depuis des jours, lava ses couverts, ferma l’interrupteur, abandonna les lieux et prit la direction de cette porte qui avait perturbé son regard à son entrée dans la maison.

Mulder était là, assis à son bureau, plongé dans ses articles. Elle s’avança, s’apprêtant à prononcer quelque chose quand elle réalisa qu’il s’était endormi, assis. Un sourire s’esquissa sur ses lèvres. Elle ralenti son pas. Arrivée à sa hauteur, elle distingua plusieurs photos disposées en vrac sur le sous-main en cuir. Elle les balaya un court instant des yeux, s’attardant sur l’une d’elles. Une jeune femme blonde. Scully saisit le cliché, soupira puis le reposa et enroula dans une infime douceur le torse de son ami dans le creux de ses bras, ce qui eu pour effet de l’extirper progressivement de son sommeil. «Tu me manques », lui souffla-t-elle à l’oreille. Une grande inspiration bomba le torse de Mulder juste avant qu’il n’ouvre ses paupières. Il s’empara aussitôt des mains de sa partenaire qu’il emprisonna dans les siennes.

- Excuse-moi de ne pas être rentrée plus tôt…

Une grande culpabilité régnait dans le timbre de Scully. Mulder se retourna vers elle.

- Scully ! S’il y a bien une seule chose pour laquelle je ne veux pas que tu t’excuses, c’est bien celle-ci ! Je suis bien placé pour comprendre à quel point il est facile d’oublier le temps et les heures lorsqu’on est passionné par son travail. Et puis… faut bien que l’un de nous deux travaille pendant que l’autre s’occupe d’entretenir la maison.

Un léger rictus troubla les traits tirés de Scully.

- Juste que… je n’aime pas t’abandonner.
- Scully… sache que tu ne m’abandonnes jamais ! Tu es toujours avec moi, ici, insista-t-il en posant leurs mains entrelacées sur sa poitrine gauche.

Il intercepta à nouveau les yeux cernés de Dana, mais dont la fatigue n’avait en rien altérer la puissance du bleu soie les remplissant et face auxquels il bien était difficile de rester insensible.

- Je… monte me coucher.
- Attends ! réagit aussitôt Mulder, retrouvant ses esprits. Est-ce que ce visage te dit quelque chose, Scully ? lui demanda-t-il, plaçant un cliché sous leurs yeux.
- Hum…
- Ada Gordon ! 42 ans au moment des faits.
- Que lui est-il arrivé ? questionna Scully s’emparant de la photo.
- Elle et Jessica Sanders peuvent se serrer la main…
- Depuis combien de temps es-tu au courant pour Jessica Sanders, coupa Scully.
- Depuis deux jours.

Mulder disposa par-dessus les autres clichés celui où figurait le portrait de Jessica, celui qui avait attiré l’intention de Scully quelques instants plus tôt.

- Je ne l’ai appris que ce matin, soupira Dana, constatant qu’elle ne semblait plus vivre sur Terre depuis trop longtemps, or d’habitude c’était son compagnon le champion concernant ce domaine.

Scully fixa une deuxième fois son attention sur la photo d’Ada Gordon qu’elle détenait encore entre ses mains. Mulder reprit :

- Docteur en pédiatrie. Elle a quitté Sorrows of Hospital en 2007, trois semaines avant ton arrivée. Alors si elle ne te dit rien, rassure-toi, étant donné…
- Que je la remplace, termina Scully.
- Elliot Ziegler, Jason Adams et Andrea Lapierre ont travaillé ou travaillent encore en pédiatrie au Seattle Hospital dans l’état de Washington. Trois disparus au nord-ouest du pays, deux pour le moment ici, continua d’expliquer Mulder, pointant à chaque fois du doigt le portrait correspondant au nom cité… je ne tiens pas trop à ce que tu sois la prochaine. Nous ne sommes pas face à un tueur, car personne n’est mort jusqu’ici, mais quelle que soit cette personne à l’origine de ces enlèvements, elle cherche désespérément quelque chose qu’elle ne semble pas trouver…
- Relâchant ces personnes comme une greffe n’arrivant pas à prendre…
- Et étant donné que la femme que j’aime…

Mulder s’était arrêté, constatant un léger trouble dans les yeux de sa partenaire avant de poursuivre :

- …se donne corps et âme pour sauver des enfants, je n’aimerais pas qu’elle se volatilise à son tour. Une fois, mais pas deux.

Un silence s’installa un court instant avant d’être brisé par un Mulder intrigué, sentant Scully soulevée par un éclair d’intuition :

- Quoi ?
- Greffe… Tu crois qu’un patient… pourrait être à l’origine de tout ça ? Que quelqu’un pourrait être à la recherche d’un organe ?
- Non ! Aucunes marques de prélèvements n’ont été répertoriées chez les victimes.
- Et si cela avait un rapport, pourquoi se limiter uniquement au personnel du service pédiatrie…
- Quoi qu’il en soit, c’est là que la source se trouve… Monte te glisser dans les draps, je te retrouve dans cinq minutes.
- Une Dana frigorifiée et comateuse par ton absence trop longue, voilà tout ce que tu trouveras !

Mulder sourit et déposa un léger baiser sur les lèvres de sa moitié qui s’éclipsa aussitôt à l’étage supérieur.

Fox Mulder inspecta en boucle quelques dossiers et attendit tout juste cinq minutes pour respecter sa promesse et plonger son bureau dans le noir. Il s’apprêtait à monter l’escalier quand il arrêta brusquement son élan. L’esprit alerte et attentif au moindre bruit, il s’approcha à tâtons de la porte d’entrée, persuadé d’avoir entendu un bruit suspect. Arrivé à quelques mètres de l’entrée, il ouvrit le premier tiroir de la commode et en sortit un revolver qu’il arma aussitôt. D’un geste convaincant, il ouvrit la porte. La pluie encore bien présente n’accordait guère de visibilité. Même la lumière en provenance de la porte laissée grande ouverte ne suffisait pas à améliorer la situation. De nouveau, ce même bruit sourd qui avait troublé Mulder devant l’escalier se manifesta.

- Qui est là ? cria Mulder en direction de l’endroit susceptible d’abriter le danger. Qui que vous soyez, sortez de là ! menaça-t-il.

Mulder, complètement détrempé, renforça son emprise autour de la gâchette. Progressant à pas de loup vers la zone renfermant peut-être un intrus, il fit, dans un mouvement instinctif, brutalement volte-face.

- Mulder c’est moi ! Baisse cette arme !
- Scully ! Qu’est-ce que tu fais là ? J’aurais pu te tuer !
- Et toi qu’est-ce tu fais dehors, t’avais dit cinq minutes !
- Je crois que nous ne sommes pas seuls, informa Mulder, volontairement à voix basse. Remonte à l’étage Scully. Tu vas tomber malade ! ajouta-t-il.
- Mais Mul…
- Pour une fois fais ce que je te dis Scully !

Dana qui se tenait sur le pas de la porte, hésita. Pourtant sa tenue légère, une simple chemise de nuit brodée de fines dentelles angéliques bleuâtres et dotée de fines bretelles, aurait dû la faire remonter dans les draps en quelques secondes. Mais le froid ne semblait pas être un problème pour elle. Même ses pieds nus semblaient imperméables à la pluie glaciale.

- Fais ce que je te dis ! répéta-t-il.

Scully finit par hocher la tête et obéit aux ordres bien que rongée par l’angoisse d’un quelconque rodeur chez eux.

Il attendit d’être sûr que Scully se trouvait remontée au niveau supérieur avant de reprendre l’exploration aux abords de la maison. Au bout de dix minutes, ne décelant personne, Mulder envisagea d’arrêter les vérifications. Au moment où il s’apprêtait enfin à rebrousser chemin, ce même bruit, semblable à un mouvement à travers buissons, stoppa net ses pas, bien décidé cette fois-ci à faire sortir de sa cachette cet individu non invité et potentiellement dangereux.

- Sortez de là ! J’ai une arme braquée sur vous ! Ne m’obligez pas à m’en servir ! prévint Mulder.

Les bruits sourds comme ceux de quelqu’un se faufilant à travers les feuillages retentirent plusieurs fois de suite. Un homme grand et brun apparut devant ses yeux. Mulder crut que son cerveau lui procurait une hallucination. L’identité de l’homme qui se tenait devant lui était la dernière que Mulder aurait pu imaginer.

- John Doggett… siffla Mulder, presque amusé finalement, la frayeur retombant.
- Mulder ! S’il vous plaît baissez votre arme.
- Ah oui ! Pourtant, de nous deux, c’est vous l’intrus, qui en plus n’hésite pas à s’introduire à moins de dix mètres de l’entrée principale de mon domicile ! Alors donnez-moi une bonne raison Doggett de baisser justement mon arme, répliqua sèchement Mulder.
- Ecoutez, il s’agit d’un malentendu…
- John ! John ! cria une voix surgie de nulle part.

Mulder et Doggett dirigèrent tous deux leur attention en direction de l’appel.

- Jessica ! Ils viennent de l’annoncer ! Dans la voiture, à la radio ! Jessica Sanders vient d’être retrouvée ! révéla Monica Reyes, essoufflée par sa course.

Mulder finit par renoncer à une explication rationnelle en provenance de ses deux anciens collègues. De toute façon, le paranormal était ce qu’il préférait, alors un mystère de plus ou en moins, cela ne changerait pas grand-chose !

***




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Message  PtiteCoccie88 Dim 25 Déc 2011 - 15:18

***

Mulder versa le thé brulant dans les tasses. Reyes s’empara aussitôt de la sienne, plus pour réchauffer ses mains que pour hydrater son corps.

- Maintenant que Jessica est de retour, que compte faire le FBI ? questionna Mulder.
- En réalité, poursuivit Doggett, le bureau n’est pas au courant de notre petite escapade dans les parages.
- Intéressant… releva Mulder, tout sourire, leur comportement lui rappelant certains agissements qu’il pratiquait à outrance avec Scully par le passé.

Doggett préféra se plonger dans la boisson chaude afin de se dérober à une nouvelle remarque sarcastique. Il n’était déjà pas fier de s’être fait piéger comme un rat par l’homme à qui il devait le poste qu’il occupait aujourd’hui au sein du service des affaires non classées du bureau d’investigation. Une place qu’il détenait depuis environ huit ans.

- Je récapitule ! Vous avez débarqué au Sorrows Hospital afin d’obtenir des informations supplémentaires sur la disparition de Jessica, puis après avoir découvert que Scully faisait parti du corps médical de cette enceinte, vous l’avez filée jusqu’ici. Enfin John, vous avez joué les éclaireurs pendant que vous, Monica, attendiez bien sagement au chaud, dans la voiture laissée assez loin du lieu pisté pour ne pas attirer l’attention, résuma Mulder, leur faisant comprendre au passage qu’il n’approuvait pas vraiment le comportement que les deux agents avaient décidé d’adopter suite au repérage de Scully dans les parages.
- C’est à peu près ça, souligna Reyes.
- Quel est votre opinion sur l’affaire ? tenta Doggett.

Mulder s’assit à son tour autour de la table.

- Pour l’instant les indices sont maigres. Scully n’a rien remarqué de spécial autour d’elle dans le service… Je crois qu’il ne reste plus qu’à interroger la concernée elle-même…
- Jessica Sanders !

Tous, surpris par une fréquence endormie, levèrent la tête en direction des marches de l’escalier se tenant juste derrière eux. Scully qui venait d’apparaître, toujours très peu vêtue, les cheveux légèrement désordonnés, reprit, grimaçant :

- J’ai… complètement oublié de te dire tout à l’heure que… Sœur Maria m’avait prévenue de la visite d’anciens… amis.

Mulder se leva et récupéra le plus vite possible le plaid gisant sur leur canapé tout en prenant soin de le déposer aussitôt sur les épaules de Dana qui n’avait pas encore eu le temps de fouler de ses pieds fins la dernière marche. Mulder aurait voulu lui ordonner de remonter passer une tenue plus correcte, afin de paraître non pas plus présentable face à John et Monica, mais afin de paraître moins aguicheuse face à… John Doggett, qui avait toujours éveillé les soupçons chez Fox Mulder. Il restait persuadé que s’il n’avait jamais été retrouvé suite à son enlèvement, lui et Scully auraient pu finir ensembles. D’ailleurs, la première fois qu’il l’avait vu, cela n’avait pas été « Bonjour. », « Enchanté ! Ravie de vous rencontrer », ou encore « Merci de m’avoir retrouvé ! », mais « boum ! » dans le but de le remercier de lui avoir piqué son poste. Quelques mois plus tard, Scully lui avait révélé que c’était son verre d’eau qu’elle avait choisi d’offrir à Doggett en guise de présentation. Cela avait rassuré Mulder, mais quoi qu’il en soit, dans ses souvenirs, Mulder savait que John Doggett n’avait jamais eu l’occasion de côtoyer une Scully parée d’un vêtement si intime. Et ce n’était pas aujourd’hui que Mulder prendrait le risque de valider ses hypothèses. C’était « sa » Scully.

- Mulder ? Vous êtes avec nous ? Mulder ? répéta Monica.
- Oui ! Excusez-moi, j’étais ailleurs, trouva-t-il à dire pour sa défense, tout en essayant de défocaliser son regard de celui de l’agent John Doggett qu’il soutenait tel un chevalier se préparant à défier son adversaire pour conquérir sa dame de cœur.

Au même instant, Scully revint de la cuisine avec un chocolat chaud et s’installa à la gauche de Mulder.

- Vous avez un endroit pour dormir ou vous pensez repartir filer d’autres Ford de Caroline du Nord ? provoqua amusée Scully plongeant délicatement ses lèvres dans la texture fondante.
- Euh… nous avons une chambre de réservée au Saint Jean, près de… tenta d’expliquer Doggett.
- Nous connaissons l’endroit, coupa Mulder.
- D’ailleurs, nous ferions mieux de prendre enfin possession de cette réservation, enchaîna Monica, se levant, sentant qu’ils n’avaient pas trop une place légitime autour de cette table, s’étant conduit lamentablement quelques instants auparavant, s’introduisant chez Mulder et Scully de manière insolente et déplacée. Elle invita ainsi John, explicitement à prendre la tangente afin de regagner leur hôtel. Je compte interroger Jessica Sanders dès qu’elle sera en état, prévint-elle de nouveau, arrivée sur le pas de la porte. Nous vous tiendrons au courant de l’état d’avancement de l’enquête.
- S’il y en a une, souligna Mulder. Sachez que le FBI ne vous appuiera certainement pas sur ce coup là.
- Nous le savons, souleva Reyes, avec regret.

Soudain, une sonnerie semblable à un léger bip régulier en provenance du canapé du salon alerta leur attention de tous. Scully qui s’était levée aussi, pour ramener à la porte les deux intrus, son chocolat occupant toujours l’une de ses mains, se précipita vers la source sonore. De sa main libre, elle s’empara de son manteau, fouillant dans l’une des poches et en sortit un petit boîtier rectangulaire, extrêmement fin.

- Scully ! Ton bipeur, cent fois je t’ai déjà dit de l’éteindre ! parut lassé Mulder, constatant qu’il avait beau lui dire ce qu’elle devait faire, Scully n’obéissait jamais.
- Code rouge, c’est une urgence… se défendit Scully, appréhendant tout de même la réaction de son partenaire.

Mulder s’empara de l’objet indésirable et le mit hors-service, appuyant sur le bouton « off ».

- Tu n’es plus de garde, les internes peuvent se débrouiller 24 heures sans toi !
- Tu as raison, réalisa Scully.
- Et bien nous allons vous laisser, essaya de se faire entendre Monica.
- Oui, il se fait tard, accentua Doggett.

Mulder et Scully relevèrent ensembles leur attention vers les deux agents qu’ils avaient complètement oublié l’espace d’une minute.

- Oh… et bien, oui, à bientôt peut-être, leur adressa Scully, un peu confuse et évasive, la situation régnant dans cette maison devenait décidément de plus en plus embarrassante. Personne ne sachant réellement comment se comporter et interagir.

Mulder ferma à triple tour la porte et monta enfin les escaliers qu’il aurait dû gravir depuis au-moins trois heures. Lorsqu’il arriva dans la chambre mise en lumière par le rayon lunaire transperçant la fenêtre, il ne put faire autre chose que de contempler Scully, allongée sur le ventre, en travers du lit comme si d’épuisement elle s’était laissée tomber dessus, juste après le départ de nos deux faux cambrioleurs, et qui pour son plus grand soulagement, semblait enfin partie avec Morphée. Trois nuits d’hôpital, il le savait, signifiait pour sa compagne, trois nuits blanche. Une fois glissé dans le lit, il souleva une mèche rousse recouvrant une partie du visage de Dana, découvrant ainsi ses pommettes de porcelaine, puis il la ramena près de lui, délicatement, prenant soin de ne pas troubler ses songes. Il écouta la douceur de sa respiration comme pour vérifier que là où son esprit était, Scully était en sécurité. Il admira son corps quelques instants comme hypnotisé par les formes charnelles que Dana lui dévoilait… avant de se décider à remonter jusque sur ses épaules la couverture qui avait trouvé refuge sur le sol et d’embarquer à son tour pour la nuit. Le surgissement inattendu de leur passé fédéral à travers Doggett et Reyes tout au long de cette soirée fraya en Mulder des songes qui au cours de ce repos nocturne réveillèrent dans son inconscient des souvenirs vitaux et précieux comme celui qui protégeait cette première fois où on lui avait donné le présent de croiser un regard aussi vif, passionné et déterminé que l’était celui de la femme dormant dans ses bras : “Agent Mulder, I’m Dana Scully. I’ve been assigned to work with you. – Oh, isn’t it nice to be suddenly so higly regarded! Who did you tick off to get stuck with this Scully? – Actually, I’m looking forward to working with you. I’ve heard a lot about you. – Oh really? I was under the impression that you were sent to spy on me.”

***

Une fois encore, la plus brune des agents du FBI se révélait matinale. Vêtue d’un tailleur noir et d’un chemisier bleu marine, les traits apaisés malgré peu d’heures de sommeil, elle déposa sur la table de chevet un café acquit au distributeur de l’hôtel à l’attention de son partenaire, qui visiblement ne partageait pas les mêmes habitudes, éprouvant certaines difficultés à apprécier la rosée hivernale.

- John… prononça faiblement Monica, s’asseyant sur le lit.
- Quelle heure est-il ? proposa-t-il de sa voix la plus enraillée, ouvrant progressivement ses yeux.
- Sept heures. J’ai contacté le poste de police. Ils viennent de m’informer que je pouvais me rendre chez Sanders et l’assaillir de questions.
- Et si elle ne peut te répondre faute de mémoire… quel est ton plan B ?
- Justement, à propos, je me disais qu’on pourrait se diviser sur ce coup là, moi chez Sanders, toi à l’hôpital pour essayer d’en savoir plus sur de quelconques empruntes capables d’étayer ou non l’affaire.
- Mais on ne sait même pas ce qu’on cherche, lui fit-il remarquer.
- Je sais, mais Mulder a raison, la source est au cœur de cet établissement hospitalier, c’est la seule certitude qui éclaire toutes ces disparitions concernant celles de Seattle Hospital et celles de Sorrows. Sur place, renseigne-toi sur les habitudes de Sanders, ses collègues, si des personnes extérieures ont l’habitude de venir la voir sur son lieu de travail, etc.
- Mais si tu vas l’interroger…
- Deux dépositions valent mieux qu’une John ! Enquêter c’est notre boulot !
- C’est sûr… ! approuva-t-il bien qu’il n’aurait pas été contre quelques heures de sommeil en plus. Mais, cette affaire travaillait les neurones de sa partenaire et ce n’était pas aujourd’hui qu’il déciderait de ne plus être là pour l’accompagner. Et puis elle avait raison, ces disparitions étaient réellement paranormales, or l’étrange était ce pour quoi leur service avait été créé par Mulder. Ce type de dossier était la raison d’être des affaires non classées. Jessica Sanders, contribuait sans le soupçonner à la survie du sous-sol du FBI.

Un bruit de klaxon retentit soudainement, alertant nos deux agents. Monica s’éloigna du lit et souleva le rideau.

- Le taxi vient d’arriver ! releva Monica, je file chez Jessica Sanders. Je t’ai apporté un café, n’attend pas qu’il soit froid.
- Il est tôt, tu n’appréhendes pas de la trouver au fond de son lit ?
- Je crois que « dormir » est bien la dernière de ses préoccupations depuis son retour. Ce qui m’inquiète, c’est que sa mémoire puisse se révéler défaillante, continua sur sa lancée Monica, revêtant sur ses épaules un long manteau noir de laine et prenant soin de coincer ses cheveux dans celui-ci afin de les abriter au maximum de la pluie qui tambourinait toujours vigoureusement sur le sol de la Caroline du Nord.
- C’était étrange… dit Doggett, juste avant qu’elle ne sorte.
- De quoi ?
- De revoir Mulder et Scully…
- …
- Je les ai trouvés un peu…
- Ailleurs !
- Oui.
- Nous revoir n’était sûrement pas dans leur plan d’organisation d’hier soir ! Et qui plus est la vie ne les a pas épargnés…

Le taxi se fit une nouvelle fois entendre.

- Bon, j’y vais ! Dès que j’ai fini l’entretien, je te rejoins à Sorrows !

Par la fenêtre, John qui avait enfin trouvé la force de se hisser hors des draps, regarda Monica s’engouffrer dans le véhicule avant de prendre la direction de la salle de bain où l’eau mit un certain temps avant d’atteindre une température convenable, s’écoulant, froide, tiède, puis légèrement trop chaude, picotant les millions de cellules cutanées de John, finissant d’extraire en totalité l’engourdissement de ses membres provoqué par un repos trop court. Au fur et à mesure que la buée s’élevait dans la cabine de douche, apaisé par la chaleur ambiante, John Doggett se laissa surprendre par des pensées concernant Dana Scully, son esprit vagabondant dans des interstices qu’il n’avait en rien prévu de parcourir en cet instant avec cette femme. Mais cette confrontation brutale et inattendue au cours de la nuit dernière avec celle qui n’avait été sa partenaire que durant deux courtes années fit émerger en John Doggett des images dans son esprit qu’il valait mieux garder que pour lui-même. Il la revoyait descendre les escaliers, parée de sa tenue angélique bleutée, ses cheveux auburn libérés tombant sur ses reins, gracieuse, nue des pieds jusqu’à mi-cuisse, il voulait toucher sa peau, la sonder, parcourir du bout des doigts cette soie si affriolante et inaccessible. John tourna la pomme vers le bleu et tenta de faire bifurquer sa conscience, l’informant violemment par le jet d’eau froide avec lequel il s’aspergea le visage, qu’il s’agissait d’un sens interdit. Dana Scully, même s’il s’était déjà senti attiré par elle lorsque tous deux partageaient le même sous-sol, ne lui appartiendrait jamais. Mais dans ce tourbillon infernal qui l’avait enrôlé depuis la mort de son fils et son divorce, Monica était son vent d’oxygène, une rafale d’apaisement qu’il garderait à vie avec lui et rien, surtout pas des désirs fantasmatiques refoulés, ne pourraient détruire l’amour qu’il partageait avec la plus fascinante des spécialistes des frontières du réel.

***

Dana fit descendre le thé brûlant dans ses organes, réchauffant les milliers de parcelles habitant son corps, appréciant la chaleur s’engouffrant dans le creux de ses entrailles, l’incandescence remontant progressivement vers le haut, submergeant soudainement son buste, ses épaules, puis son visage, bien que le liquide, par une maladresse du préparateur, détenait une saveur trop sucré à son goût. Revigorée et complètement réveillée par la boisson, Scully retira son peignoir satiné bleu nuit, un kimono soyeux et aussi fin que léger, qu’elle ne réservait que pour le matin, dévoilant à l’air frais sa peau fondant sous le feu.

Mulder sortit de la cuisine, une bouilloire d’eau chaude à la main qu’il déposa sur la table pendant que Scully se hissa sur le rebord supérieur du canapé.

- Ainsi ce matin, nous avons oublié que Dana n’aimait son thé que nature, monsieur Mulder ? lui adressa Scully, malicieuse.

Agréablement surpris, il décida de rentrer dans le petit jeu qu’elle lui laissait entrevoir.

- Oh… comme je suis navré, veuillez accepter mes plus humbles excuses, mademoiselle… s’approchant d’elle comme un léopard s’apprêtant à bondir sur sa proie.
- « Mademoiselle… » siffla Scully, entre vexation et amusement.

Dangereusement prédateur, il glissa une main sur la cuisse de sa partenaire, faisant remonter d’une diablerie languissante la fine dentelle occultant la chair divine tant convoitée.

- Mais c’est que je vous trouve bien entreprenant monsieur Mul… Scully arrêta ses mots dans un souffle, souriante, nerveuse, ne lâchant pas des yeux l’homme, troublée par les sensations qui commençaient à prendre naissance en elle sous la diction des doigts étrangers cherchant à se frayer un chemin vers le cœur du brasier qui ne demandait qu’à être attisé.

Mulder profita de ce court instant d’égarement qu’il faisait volontairement subir à sa partenaire pour la débarrasser de sa tasse, l’abandonnant près de la bouilloire.

- Rendez-moi mon thé Mulder !
- Tiens, nous oublions les politesses, plus de monsieur, provoqua-t-il, approfondissant son parcours sous la dentelle fine de la chemise de nuit.
- Oh non du ciel… qu’on me rende ma boisson ! parvint-elle à articuler, laissant échapper un petit rire, la tension électrique s’élevant en elle devenant progressivement difficile à ignorer.
- Il faudra pour cela me passer sur le corps, lui murmura Mulder à quelques centimètres de ses lèvres encore délicieusement imbibées d’un parfum délicat de feuille de menthe, ce qui augmenta sensiblement de quelques degrés supplémentaires les attentions peu recommandables de ce dernier.
- Comme vous voudrez, défia-t-elle.

Les yeux fermés, Dana était désormais bien loin de penser à sa tasse de thé, seul comptait les mains de son partenaire investiguant doucement sa chair, ses cuisses, son bassin, ses reins, ses seins, son cou, sa nuque, ses lèvres dans les siennes, ce baiser tendre qu’ils s’offraient, leur souffle haletant, cette fougue grandissante. Mulder l’enveloppait de ses bras, la retenant ainsi de tomber à la renverse sur le bas du canapé. Elle, par ses cuisses renfermait le bassin de son amant. Dans un effort de conscience surhumain, Scully échappa à son emprise, fuyant un dixième d’instant :

- Faut que j’aille au travail…

Leurs lèvres s’entrechoquèrent de nouveau, affolées, comme si cette courte séparation avait duré trop longtemps. Même s’il se comportait comme si elle n’avait rien dit, Mulder se résigna enfin à réagir, interrompant à son tour leur étreinte caressante et langoureuse ne demandant qu’à se poursuivre.

- Par pitié, ne m’inflige pas un tel couperet…
- Je suis attendue au bloc pour 11 heures.

Mulder esquissa une moue boudeuse, espérant la faire craquer.

- Je me rattraperai cette nuit… lui avoua-t-elle dans le creux de l’oreille. Tu sais que je tiens toujours mes promesses.
- Dans ce cas, accepta Mulder, l’aidant à descendre du divan, je vous rends votre liberté.
- C’est un jeune garçon.
- Quel âge a-t-il ?
- Christian ? Huit ans.
- …

Scully s’en voulut d’avoir révéler l’âge de son petit patient aussitôt qu’elle réalisa où partirent les pensées de Mulder. Il n’était possible que d’une seule solution concernant la préoccupation qui fracassait l’âme de Mulder en cet instant précis. Il lui suffisait de lire dans ses yeux verts pour percevoir la douleur qu’elle avait involontairement réveillée avec ses derniers mots. Elle posa son front contre le sien et d’une voix tout juste audible prononça :

- Tu penses à William, n’est-ce pas ?

Il ne répondit pas. A la place, il esquiva sa requête en déposant un doux baiser sur sa bouche, saisissant son visage entre ses mains, enveloppant ses lèvres, comme s’il rêvait de s’éclipser avec elle dans un autre monde où leur fils, William, qui avait huit ans lui aussi, ne leur aurait jamais été enlevé. Plus de fougue, plus qu’une profonde mélancolie.
Ils se détachèrent l’un de l’autre afin de sonder une nouvelle fois leur regard respectif comme pour vérifier que le nuage sombre se dissipait. Elle déposa ses mains à son tour sur ses joues et dit :

- Que dirais-tu d’aller trouver Doggett et Reyes ? Je suis sûre que ton aide leur serait précieuse.
- C’est loin d’être une mauvaise idée, renforça-t-il.

La tristesse n’habitant pas le timbre de Mulder, Scully se sentit rassurée et décida qu’elle pouvait le quitter.

Il regarda sa dulcinée remonter à l’étage, disparaître. Ce n’est qu’au moment où il perçut l’eau de la douche résonner à travers la cage d’escalier qu’il sembla revenir à lui et qu’il se resservit une tasse.

***

L’agent Reyes atteignit enfin Kingston Place et appuya deux fois sur l’interphone correspondant à Sanders. En attendant qu’on veuille bien lui répondre, Monica en profita pour jeter un furtif angle de vue. Le centre ville était calme, quelques voitures seulement arpentaient les rues malgré l’heure matinale légèrement avancée. Il était plus que probable que le mauvais temps s’accrochant retenait les gens recroquevillés chez eux, au travail ou dans les magasins, surtout en ces périodes de fêtes de fin d’année. Un léger grésillement alerta les tympans de l’agent.

- Oui ?
- Jessica Sanders ?
- Oui.
- C’est Monica Reyes ! C’est moi que vous avez eue au téléphone tout à l’heure.
- Ah oui ! Je vous ouvre. C’est au deuxième ! La porte située sur votre gauche en arrivant par les escaliers.

Le bruit mécanique s’échappant de la serrure se fit entendre, puis Monica poussa la lourde porte en bois.

Reyes, assise sur le canapé reçut avec plaisir le café que lui tendit la jeune Jessica Sanders qui prit place en face d’elle, sur une chaise.

- Encore une fois, merci d’accepter de recevoir le FBI chez vous.
- Si seulement je savais précisément ce qu’il s’est passé, je me sentirais plus rassurée. Je n’aimerais pas que quelqu’un d’autre subisse la même chose.
- Voilà pourquoi le FBI s’intéresse de près à votre disparition, enjoliva Monica, car en réalité, seule elle et Doggett suivaient l’affaire (et Mulder). Nous allons reprendre tout simplement les faits depuis le début. Quelle est la dernière chose dont vous vous souvenez ?
- Et bien… je finissais mon service, je suis allée me changer, puis… je suis retournée voir un patient auquel je suis attachée… vous savez comment c’est en pédiatrie… on ne peut pas toujours se conduire comme des robots, parfois on s’attache malgré nous, parut-elle soudainement gênée, de peur que le FBI aille raconter à tout Sorrows que Jessica Sanders éprouvait certaines difficultés à tenir ses émotions à l’écart, comportement pouvant fragiliser ses compétences professionnelles.
- N’ayez pas peur. Je ne suis pas là pour vous juger.
- Je sais, répondit l’interrogée, davantage rassurée par les dires de l’investigatrice.
- De quel patient s’agissait-il ?
- Billy Foster. Puis… plus rien. « Blackout » total. Ensuite, je me souviens juste de m’être retrouvée devant mon ancienne maison de vacances, située à plus de cent miles d’ici. Je m’y suis rendue plusieurs années consécutives avec ma famille. J’y ai passé toute mon enfance. Des années merveilleuses, remplies d’insouciance et de plénitude pour moi et mes parents, se remémora la jeune infirmière.
- Puis de là, vous avez appelé votre ami…
- Jason.
- Pour qu’il vienne vous chercher.
- C’est ça. Je ne sais comment expliquer la façon dont j’ai parcouru ces kilomètres. Mes constantes étaient normales, mes fonctions vitales comme régénérées. Même pas la trace d’un quelconque choc traumatique. Rien. Hormis le fait qu’il manquait un escarpin à ma tenue.

***

Trois heures qu’il déambulait dans les moindres recoins. Une chose était sûre, il était prêt à passer au grade conférencier hospitalier spécialité visite guidée. Etrange comment tout ce personnel médical, grouillant atour de vous, au milieu, partout, comme des fourmis sans pour autant prêter un œil aux alentours, pouvait faire naître en vous un sentiment de mal être intérieur désagréable et insupportable car en règle générale, si vous vous trouvez à l’hôpital, c’est que quelque chose ne va pas bien fort dans votre corps ou votre tête ou bien pour l’un de vos proche !

- Doggett !

Il se retourna en direction de l’interpellation, soulagé qu’on le sauve enfin de sa solitude qui commençait à enfler en torpeur.

- Mulder ! Rien de mon côté et du votre ?
- Nada ! Niet !
- Les collègues avec qui Sanders a l’habitude de travailler sont tous de repos aujourd’hui. La plupart ne reprennent leur service que ce soir.

Mulder jeta attention à sa montre.

- Scully ne devrait pas tarder à remonter du bloc, constata-t-il.

La poche intérieure droite du veston de l’agent Doggett se mit sans prévenir à vibrer.

- Ici Doggett !
- C’est moi.
- Ça fait des heures qu’on t’attend, tout va bien Monica ?
- J’ai auditionné Sanders puis après j’ai effectué quelques recherches. Est-ce que Dana est avec vous ?
- Elle n’est toujours pas remontée.
- Dans ce cas, j’arrive. J’ai du nouveau.
- Très bien, répondit Doggett, raccrochant et remettant son mobile sous sa veste.
- Alors ? s’enquit Mulder doublement impatient.
- Elle arrive.

Puis, Mulder et Doggett se résolurent à rejoindre les autres gens sur les bancs d’attente de l’entrée principale et à se métamorphoser en patients, constatant et forcés d’admettre qu’ils se trouvaient au plus haut degré de sécheresse concernant l’avancée de l’enquête.

***

Le Père Ybarra guettait son arrivée depuis qu’il avait vu remonter le brancard poussé par les infirmières sur lequel se trouvait endormi Christian. Les doubles portes embarquant dans les couloirs interdits à la famille et à toutes personnes étrangères au service s’ouvrirent de nouveau, laissant apparaître Dana Scully, épuisée, mais plutôt confiante, l’opération s’étant déroulée sans difficultés. Mais Christian n’était pas pour autant à l’abri. Une dernière intervention délicate était nécessaire pour terminer le traitement qu’elle tentait de lui administrer, sans soutiens de la part de ses confrères qui s’acharnaient à lui répéter qu’agir ainsi relevait tout simplement de la démence.

Agacée par tant d’incompréhension envers elle, le docteur Scully ne trouva pas nécessaire de prendre un temps pour rendre des comptes à un homme qui pour elle remettait trop vite le sort de l’existence entre les mains d’un plus haut.

- Docteur Scully ! appela Ybarra, ne pouvant qu’observer une fois de plus le comportement insubordonné du médecin.
- Plus tard ! On m’attend ailleurs ! envoya Scully sans même se retourner, continuant son chemin vers les étages supérieurs.

Mulder se sentit pousser des ailes dans le dos quand il la vit surgir dans le hall. Il se leva, quittant cette chaise métallique aussi dure que la pierre, imité par Doggett.

- Rattrapons-là, insista John, remarquant que Scully ne les avait pas vus et qu’elle ne faisait que passer afin de rejoindre l’aile du bâtiment dans lequel elle était spécialisée.

Mulder distingua que Scully était suivie par deux individus. Le Père de cet établissement et une femme blonde qui ne pouvait être que médecin à en juger par la blouse blanche qu’elle revêtait.

- Docteur Scully ! essaya d’arrêter la blonde, visiblement époumonée par la cadence rebelle de la rousse.

Les murs blancs qui défilaient sous leurs pas laissèrent progressivement la vedette aux libellules et coccinelles du service pédiatrie. Le docteur Dana Scully s’immobilisa finalement, récupérant et signant des dossiers sur le comptoir que lui tendait une aide soignante.

- Vous avez opéré sans nous avertir ! s’exclama le docteur Stevenson.
- Docteur Scully, j’aimerais des explications ! sermonna Ybarra.

Sans même lever ses yeux en leur direction, préférant admirer l’encre bleue glisser sur le papier plutôt que de faire face aux réprimandes, elle rétorqua :

- Stevens ! Il s’agit de mon patient ! Christian est mon patient ! Pas le vôtre !
- Stade cinq ! On ne peut plus rien faire !

Mulder, en compagnie de Doggett, qui avait lui aussi pénétré au milieu du service le plus enguirlandé de la structure, rouge, or, argenté et bleu, Noël étant dans quelques jours, se trouvait aux premières loges du conflit. C’était donc ça. Le cancer. Le nom de Stevens ne le laissa pas non plus indifférent ayant déjà entendu prononcer ce nom par la bouche même de Scully. Et d’après l’intonation qui dans ces moments-là s’écoulait de ses lèvres, il savait qu’elle ne la portait pas toujours dans son cœur, divergeant régulièrement toutes deux sur leurs pratiques professionnelles.

- Je reste persuadée que cela peut marcher, insista Dana. Peu m’importe si je suis la seule à être convaincue par cela.
- C’est de l’acharnement, laissez-le donc partir en paix ! Il existe des établissements plus adaptés pour lui.
- Je donne raison au Père Ybarra ! ajouta Stevens, faisant par la même occasion monter d’un cran supplémentaire la tension qui grondait en Dana. Vous avez franchi la limite en vous attachant à ce patient, flouant votre objectivité, agissant comme s’il était votre fils !
- Il n’est pas mon fils, bouillonna Scully.
- Laissez-le dans ce cas, rajouta sa consœur.
- Je refuse, accentua-t-elle, faisant disparaître les dossiers l’occupant toujours dans des enveloppes.
- Je ne vous comprends pas ! commençait à renoncer sa collègue face à tant de fermeture.

Scully les prit enfin en considération, leur accordant son attention par des yeux qui du bleu océan commençaient à virer au rouge.

- Si on avait tord ! Croyez-moi les miracles existent et pas qu’entre les mains de Dieu.
- Quoi qu’il en soit, ce traitement appartient au domaine de la folie, ajouta le Père Ybarra.
- Très bien dans ce cas, enfermez-moi, mais au moment d’ouvrir mon dossier médical, vous constaterez que le stade cinq a lui aussi visité ma boîte crânienne, or comme vous le voyez, Dieu ne m’a pas reprise, lâcha-t-elle, comme une bombe tombée du ciel.

Et manifestement, ces deux détracteurs n’avaient pas vu venir ses propos. Le Maître du Silence s’étant instantanément emparé d’eux, leur jetant un sort, sous l’emprise de la révélation de Scully. Mais leur refus de comprendre semblait faire son chemin et tendre vers une place plus indulgente, moins répressive.

- Veuillez m’excuser, j’ai une famille à voir et des patients m’attendent, leur fit-elle savoir sur le point de tourner les talons, glacial.
- Oui… oui faîtes donc, accorda le Père Ybarra, confus, voire peiné.
- Scully !

Cette fois-ci, ce fut au tour de Dana de paraître surprise, aux limites du choc. Derrière l’épaule des deux individus qui l’avaient fait sortir de ses gonds, elle identifia la présence de Mulder et Doggett.

- Scully, reprit Mulder.
- Je devrais avoir fini dans trente minutes, l’avertit-elle avant de disparaître pour de bon.
- Qui êtes-vous ? demanda poliment Ybarra quoiqu’un peu décontenancé, à l’adresse des deux hommes.

Stevens se trouvait toute ouïe également, curieuse, en attentes de réponses. Et après une minute, Mulder choisit cette réponse :
- Sa famille.

***

- J’espère que tu ne passeras pas toute ta jeunesse dans cette condition... La vie ne se passe pas sur un lit d’hôpital mais dehors… murmura Scully d’une voix aussi douce que celle des anges, contemplant le jeune adolescent avec un air qui se voulait rassurant et chaleureux.
- Tu nous présentes ?
- C’est pas vrai Mulder ! sursauta Scully.
- Pardon, sourit-il, comme voulant s’excuser de l’avoir effrayée tout en s’avançant dans la chambre.
- Où est Doggett ?
- Avec Reyes dans le hall. Ils échangent sur l’enquête.
- Pourquoi tu n’es pas resté avec eux ? parut-elle surprise.
- Après cette altercation avec Ybarra et Stevens… je m’inquiète pour toi.
- Je vais bien Mulder, lui dit-elle, se montrant rassurante. Je viens de m’entretenir avec les parents de Christian, ils me soutiennent désormais.
- Je te fais confiance… Alors tu nous présentes ? répéta-il, s’avançant vers le lit près duquel Scully se tenait, occupée à passer au peigne fin les fonctions vitales du patient.
- C’est Billy. Foster Billy. Foudroyé à l’âge de douze ans dans son jardin alors qu’il passait la tondeuse.
- Et le coma dure depuis combien de temps ?
- Euh… c’était en 2005 je crois donc…
- Trois ans, termina Mulder, réfléchissant, se concentrant, observant Scully vérifier la perfusion puis concentrée à noter des données dans son calepin.

Mulder recula un peu, augmentant son champ de perception de la pièce. Auscultant dans les moindres détails les alentours, concentrant tous ses sens. La pluie battante, frappant contre la vitre se fit plus frappante au cœur de ses tympans. Brusquement son attention fut attirée vers le bas. Scully l’aperçut se baisser comme pour ramasser un objet perdu.

- Qu’est-ce que tu fais ? nota-t-elle assez amusée.
- Saurais-tu à qui appartient cette chaussure rouge ? lui demanda-t-il, brandissant intrigué l’objet récupéré à l’instant derrière le lit à roulette de Billy.

En contemplant les traits surpris de Scully, il en déduit qu’elle était loin de détenir la réponse.

- Billy a toujours été ici ?
- Comment ça ?
- Ici à Sorrows ?
- Euh… attend je vais regarder, l’informa-t-elle, se dirigeant vers l’avant du lit où se trouvait suspendu à la barre du haut dans un dossier les informations recherchées.

Entre temps, une sonnerie avait distrait l’endroit, Mulder décrocha son téléphone.

- Mulder !
- Ici Reyes.

Mulder ne quittait pas des yeux Scully qui tournait les pages du dossier médical de Billy Foster.

- Je vous écoute.
- Nous avons toutes les raisons de croire qu’un patient pourrait être à l’origine de ces disparitions…

Scully se trouvait toujours accaparée par le dossier et comprit que l’intuition de Mulder avait encore frappé.

« Seattle Hospital » murmura-t-elle.

- …D’après le témoignage de Sanders, la dernière chose dont elle se souvienne est qu’elle se trouvait avec Billy Foster ! J’ai fait mes recherches et ce même Billy Foster a déjà été hospitalisé à Seattle ! Tous ceux qui ont un jour subi ce phénomène se sont occupés de Foster ! Et les parents de Billy ayant déménagé il y a un an pour ici, ils ont tout naturellement rapatrié leur fils…
- Qui est toujours dans le coma, coupa Mulder.
- Comment savez-vous ? parut étonnée Reyes.
- Parce que Scully et moi-même nous trouvons en ce moment près de Billy !
- Quelle chambre ?

Mulder demanda à Scully l’information qu’elle lui fournit sur-le-champ.

- Chambre 204, communiqua-t-il.
- Ne bougez pas ! On arrive !

Mulder raccrocha.

- Depuis combien de temps t’occupes-tu de Billy Foster ?
- Depuis… un petit moment, répondit Scully. Tu crois vraiment que Billy aurait pu… mince Mulder ! Billy est dans le coma !
- Pas Billy… mais la foudre oui, divulgua Mulder un brin mystérieux.
- Quoi ? parut légèrement agacée Scully, ayant régulièrement tendance à éprouver des difficultés pour penser paranormal.
- Et rien qu’à voir comment ça se déchaîne dehors encore une fois, il y a fort à parier qu’un nouveau cas recommence bientôt…
- Tu crois ?
- L’Etat de Washington est l’état où il y a le plus d’intempéries de ce genre et…

Mulder ne termina pas sa réplique, surpris tout comme Scully par l’arrivée éclaire de Reyes et Doggett dans la chambre.

- Avez- vous la possibilité de le mettre en quarantaine ? déballa Monica, ce qui eu pour effet d’agrandir les yeux de Dana qui ne semblait pas accepter cette éventualité, le coma étant déjà un lourd fardeau pour son patient.
- Oui mais est-ce vraiment nécessaire ? fit-elle savoir.
- Tant que Billy Foster représente un danger, nous ne devons prendre aucuns risques…
- Mais personne ne sait s’il s’agit vraiment de lui ! défendit Scully.
- Quoi qu’il en soit, il aime les escarpins rouges, rappela Mulder.
- Je m’en vais trouver le chef de service pour lui faire part de notre avancée et de la mise en quarantaine ! conclut Reyes, tout en sortant de la chambre.
- Agent Reyes ! précipita Scully, paniquant, comme effrayée, un éclair électrisant le ciel noir. Elle craignait que tout ce chamboulement fédéral n’oblige à réquisitionner une surveillance constante autour de Billy Foster, diminuant la disponibilité du personnel soignant, retardant ainsi sa prochaine intervention sur Christian. Je crois qu’il vaudrait mieux at… tendre, eut cependant du mal à finir Scully, un mal de tête lui traversant violemment l’intérieur du crâne, ce qui fit porter sa main à son front, attitude que Mulder entendit et visualisa instantanément.
- Scully ! s’inquiéta-t-il, l’attrapant par le bras, Scully tournant de l’œil, plongeant dangereusement à la renverse, prête à se fracasser contre le sol.
- John ! Tu viens avec moi ? signala Monica, qui trop occupée par la future mise en quarantaine du suspect n’avait pas pris connaissance des faits se déroulant dans son dos. John ? se retourna-t-elle, dans le couloir, trouvant son partenaire doté d’une réaction décuplée de lenteur.

Mais, tout ce qu’elle put admirer fut Billy Foster, puis le tonnerre fit connaître son plus beau rugissement.

***

« La jeune fille ouvrit les yeux. Le miroir lui renvoya un visage juvénile qui d’abord endormi laissa place à une stupeur grandissante.

- Oh mon Dieu… prononça-t-elle, doucement, chuchotant presque, disséquant ses traits, passant ses mains dessus. C’est bien moi… pas de panique…

Elle s’écarta du lavabo. Elle remarqua sa tenue. Une longue robe de soirée aux tons noirs et dorés. Sublime. D’une élégance rare.

- Waouh… murmura-t-elle tremblante, faisant glisser le tissu soyeux entre ses doigts.

Elle reporta son attention sur la glace. Une longue frange raide auburn gênait son regard, tombant sur ses yeux. Elle la replaça sur le côté révélant un bleu hypnotique ancré dans ses prunelles. Le reste de sa chevelure parsemée par endroits de quelques ondulations volontairement tissées ainsi contrastaient avec les autres mèches plus raides descendant jusqu’à mi-dos. Passée le choc de la confrontation puis de la contemplation avec elle-même, elle reprit ses esprits.

- Mulder !

Elle se retourna, prenant conscience de l’endroit où elle se tenait. Des spots encastrés dans le plafond éclairaient l’espace. Des toilettes. Par réflexe, elle partit à la recherche de son bipeur, tapotant sa tenue de toutes parts.

La porte s’ouvrit.

- Dana ? Qu’est-ce que tu fais ! Tu en mets du temps, tout va bien ?
- Missy ? failli s’étrangler Scully. Mulder ! Je dois trouver Mulder !
- Qui ?
- Mul… s’arrêta Dana, comme ayant oublié ce dont elle voulait parler.
- Quoi ?
- Je sais plus.
- Tu sais très bien que tu ne tiens pas la Margarita Dana !

Mélissa l’attrapa par le bras l’entraînant vers la sortie. Après avoir longé un couloir, elles pénétrèrent dans une grande salle où avait lieu une soirée. Dana saisit le pourquoi d’une tenue aussi magnifique habillant son corps. D’ailleurs, Mélissa était aussi somptueuse qu’elle. La salle était remplie, la musique choisie pour l’occasion rendant l’atmosphère rock et mystique.

- Qu’est-ce qu’on fête ?
- Haha ! Très marrante !
- …

Voyant que Dana attendait toujours une réponse, Mélissa un peu intriguée par ce comportement qu’elle expliquait grâce à l’alcool malgré l’heure encore toute jeune, lui donna tout de même l’explication sans dissimuler son étonnement.

- Dana ! Ton anniversaire ! Viens… je t’emmène à l’air frais… ça te fera du bien… 23 ans… faudrait pas que ça électrocute ton cerveau !
- C’est ça moque toi ! Mais je ne suis pas contre un peu de fraîcheur.

Mélissa se sentit rassurée. Sa sœur semblait redescendre sur terre, retrouvant peu à peu ses esprits, leur conversation reprenant une allure plus normale et moins troublée. Et elles n’étaient pas les seules à apprécier et savourer délicatement la fraîcheur nocturne, même si pour certains, c’était avant tout pour s’encrasser les poumons.

- Au fait… merci Missy d’avoir organisé cette surprise pour moi.
- Tu le mérites tellement. Depuis que tu es interne, on te voit presque plus. Qu’est-ce que ça sera quand tu seras résidente toi et tes amis ! Quoi qu’il en soit, c’est moi qui aie ton bipeur et j’ai supplié les autres d’ignorer le leurs pendant au-moins un temps raisonnable.
- T’es la meilleure Missy ! lui dévoila sa sœur, pleine de gratitude.

Scully orienta soudainement son regard vers deux garçons, tournant probablement autour des vingt-cinq ans, qui s’apprêtaient à goûter à la soirée eux aussi.

- Tu les connais ? interrogea Mélissa, ayant noté l’insistance habitant cet échange visuel entre sa sœur et les deux jeunes hommes.
- Non…
- Sûrement des amis de Charles.
- Oui sans doute.
- Pour ça qu’ils te disent certainement quelque chose.

Mélissa se fit soudain appeler par une personne située un peu plus loin, entraînant avec elle sa sœur qu’elle tenait toujours par le bras, se fondant dans la foule, devenant toutes deux hors-champ pour Doggett et Mulder. »

***

Fin de la première partie.

A SUIVRE ! santa

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Éclair de Jouvence Empty Éclair de Jouvence - Deuxième Partie

Message  PtiteCoccie88 Dim 12 Fév 2012 - 15:19

ÉCLAIR DE JOUVENCE

***
Deuxième Partie
***

Un regard à gauche. Un autre à droite. Voie libre. Elle aurait d’ailleurs difficilement pu être autre chose. La maison de Mulder et Scully était située en retrait de tout. Même la nature semblait vouloir fuir cet endroit aux allures déclinantes. Elle sortit de sa poche l’outil qui s’apprêtait à devenir son complice et le glissa dans la serrure. Un léger « clic » se fit entendre au bout de quelques secondes. Monica Reyes pénétra dans les lieux qu’elle reconnut immédiatement, s’étant invitée avec son partenaire John Doggett au cours de la nuit passée sous la forme d’un faux cambriolage, ce qui leur avait valu un accueil plutôt glacé de la part de Mulder et Scully. Cette fois-ci, Monica prit le temps d’observer la pièce à vivre que révélait l’entrée principale et de disséquer l’espace. Une table ronde occupait l’espace central. Juste derrière se trouvait une porte laissée ouverte amenant à la cuisine, étroite et où au fond se dessinait une porte-fenêtre donnant sur la partie arrière du terrain. Si on revenait dans le séjour, sur la droite près de l’escalier, était situé un coin plus intime croulant presque d’étouffement sous les livres entreposés sur la table basse, à côté, en dessous ou par terre, la bibliothèque occupant le mur étant devenue complète. Au milieu de tout ce capharnaüm de romans, magazines, revues spécialisées, émergeait tout de même un écran plat, seul signe de modernité dans le décor. Monica se retourna à 180° et distingua deux portes. Elle commença par celle fixée à côté de la cuisine. Il s’agissait d’une chambre assez vaste et inoccupée à en juger par sa décoration sommaire et son manque de vitalité, mais disposant de sa propre salle de douche avec cabinet. Puis, elle revint sur ses pas et ouvrit la deuxième porte située sur la gauche. « Bingo ! ». Monica venait enfin de trouver ce pourquoi elle avait forcé cette maison. Le bureau de Mulder.

L’excitation la parcourant fut intense. Toutes les affaires non-classées étaient là, conservées dans leurs armoiries originelles. Du-moins, toutes celles appartenant aux années où Mulder en avait eu le plein contrôle, ce qui représentait tout de même un nombre impressionnant de dossiers. Elle repéra le rangement alphabétique et ouvrit le casier s’étendant des lettres « R » à « U ». Elle fit défiler frénétiquement tous les dossiers pour arriver le plus rapidement possible au nom qui l’intéressait depuis le début : « Scully ! ». Arrivée à destination, elle sortit la chemise rouge en carton. L’enlèvement de Dana était rapporté dans les moindres détails. Plusieurs clichés photographiques l’étayaient. Une autre photo attira son attention. Pas de rapport avec l’enlèvement orchestré par le gouvernement ici, mais un papier glacé montrant un serpent en anneau et que l’intéressée avait choisi de tatouer au milieu de ses reins. Cependant mauvaise fortune, l’encre rouge ayant servi à l’élaboration de ce dessin charnel s’était révélée être une puissante drogue hallucinogène, conduisant à des délires psychopathes. En tournant les pages, était rapporté un dossier médical mettant en évidence une rémission complète et miraculeuse à la suite d’un cancer. Par trois fois, Dana Scully avait fait une entrée fracassante dans le top « X » des affaires non-classées. Arrivée à la dernière page du dossier, Reyes constata avec regret qu’elle n’avait pas trouvé l’information si recherchée. Depuis dix ans, elle et Doggett avaient pour habitude de constituer une biographie succincte pour chaque candidat, son lieu de naissance, ses adresses, son cursus scolaire et professionnel, or cela n’avait, preuves à l’appui, jamais était l’habitude de Mulder ou de Scully. Des informations qu’elle aurait pu avoir automatiquement par le bureau, mais ce dernier l’ayant laissée se débrouiller seule avec Doggett sur la disparition de Jessica Sanders qui depuis avait été retrouvée, l’agent Reyes ne voulait en aucun cas leur offrir sur un plateau doré la volatilisation simultanée de trois agents spéciaux du FBI dont deux en retraite anticipée. La sonnerie du téléphone lui fit remettre aussi sec le dossier à sa place avant de refaire promptement surface dans la pièce à vivre.

- Allô ?
- Bonsoir. Serait-il possible de parler à Dana Scully je vous prie ?
- Dana Scully est absente, voulez-vous que je prenne un message ?
- Je suis le Père Ybarra, de Sorrows Hospital. Dites-lui de venir me voir ou de me rappeler dès qu’elle aura connaissance de mon appel. Je voudrais faire des excuses.
- Très bien ! Je lui transmettrai. Oh et… j’en profite aussi pour vous communiquer qu’elle m’a chargée également de vous transmettre un message. Le Docteur Dana Scully sera absent durant au-moins trois jours pour des raisons personnelles.
- Est-ce qu’elle va bien ? s’inquiéta Ybarra.
- Oui. N’ayez crainte. Un imprévu de dernière minute. Au-revoir ! raccrocha Reyes. La pauvre, l’hôpital ne la quitte jamais ! réalisa-t-elle, prenant la direction de l’étage.

Une fois en haut, elle fit comme en bas, inspectant toutes les pièces. Salle de bain, WC, trois nouvelles chambres dont une enfin touchée par la chaleur humaine. Reyes ramassa le dessus de lit parme gisant à moitié sur le parquet, le redressant plus ou moins correctement sur les draps et couvertures défaits. La chambre de Mulder et Scully dénotait vis-à-vis du reste de la maison parée d’une atmosphère inexistante, neutre et si transparente que l’air en devenait comme irrespirable tant l’oxygène semblait figé et inaccessible. Mais cette pièce était différente. Monica avait fait erreur, car cette maison avait bel et bien un cœur battant. Un sentiment agréable s’était emparé d’elle à l’instant même où ses pas étaient rentrés en contact avec cet espace. Des couleurs apaisantes mélangées à un léger désordre. Chaussures, vêtements éparpillés par endroits sur un fauteuil et sur la chaise d’une commode coquette. Quelques affaires dépassant des portes du placard laissées ouvertes ou dégringolant directement au sol. La vie s’emparait immanquablement de cette suite parentale. Reyes ouvrit l’une des deux tables de nuit encadrant la tête du lit. Un amoncellement d’enveloppes et de feuilles vierges noyaient l’intérieur, ainsi qu’une montre masculine au cadre de verre brisé, accompagnée d’une paire de lunette de vue rétro, n’ayant probablement pas d’autres usages que celui d’une aide à la lecture tardive. Sans réfléchir, Reyes contourna le lit et ouvrit l’autre tiroir qui se révéla beaucoup plus ordonné que le premier pour la simple et unique raison qu’il se trouvait pratiquement vide. Plongeant sa main au fond, tâtonnant de sa paume l’espace replié, elle rentra en contact avec une forme familière à celle d’un livre qu’elle amena aussitôt à elle, dévoilant à l’air libre un carnet marron foncé rigide. Presque comme un livre, à la différence que ce « presque livre » n’était destiné qu’à son auteur. Monica joua avec les pages, les faisant défiler et virevolter à vive allure, leur rendant leur oxygène qu’elles semblaient tant réclamer, ces dernières passant visiblement trop de temps au fond d’un tiroir en bois sentant le renfermé. L’écriture manuscrite habillant ces pages était changeante, parfois appliquée, parfois brouillonne ou encore tremblante. Cela ne se faisait pas. Pour cela que certains préféraient les doter d’un cadenas, d’autres encore préféraient s’en débarrasser dès achèvement, les brûlant dans la cheminée, détruisant toutes les preuves matérielles des souvenirs, douleurs et autres confessions d’une âme en regard sur elle-même. Monica se répéta une fois de plus que cela ne se faisait pas, mais sa curiosité était vraiment indomptable. Elle regarda derrière elle, vérifiant que personne ne l’observait. Voie toujours libre. Ce léger flottement de paranoïa redescendue, elle rouvrit le carnet au hasard et plongea ses yeux sur l’encre bleutée choisie pour graver un certain dimanche 4 janvier 1997 :

« Blanc, trouble, si blanc, et de plus en plus trouble. La tête écrasée sur le sol, ma joue froide. Le carrelage. Si froid. Et humide. Incapable de bouger, de murmurer, de gémir, d’appeler, juste la peur. Et des pleurs. Une heure ? Deux heures ? Une journée ? Pour vous dire la vérité, je ne sais pas. Juste incapable. Ne me reste que le souvenir de m’être écroulée sur le sol de ma salle de bain. Plus par désespoir je dois l’avouer que par manque de force. J’ai une seconde… décrochée… volontairement. Pendant une seconde, j’ai voulu croire que j’allais me réveiller, que la douleur ancrée dans ma tête cesserait. Une douleur massacrante, m’écartelant de frayeur jusque dans mes os. Comme tous les jours j’ai pénétré dans la salle de bain mais cette fois-ci, réalisation que s’accrocher à la surface n’était (que ce n’est) que peine perdue. Alors lentement… j’ai glissé jusqu’au sol, m’effondrant sur les carreaux blancs et frigorifiques. Je ne gagnerai pas. Le cancer est fort. Une bête rampante et imprévisible. Un monstre insaisissable, invisible d’abord puis de plus en plus sournois. Plus il se montre, plus vous disparaissez. Il dévore vos joues, creuse vos orbites, vous décharne et insuffle en vous la mort, discrètement, doucement puis sans prévenir, à forte dose.

J’ai dû m’endormir. Je sens mes joues humides. Mes paupières piquent. Le décor comme une vague, trouble et ensevelissant. Des secousses parcourant mon corps, le froid s’engouffrant en moi. Puis, un bruit sourd. Sans lui, je serais déjà au Paradis.

Mulder me ramasse. Il m’allonge sur mon lit. Il m’enveloppe dans ses bras, puis sous les couvertures. Tremblements. Rien d’autres que des tremblements. Il veut appeler une ambulance. Je dis non ! Il accepte. Je dis j’ai froid. Il dit je suis là. Je dis j’étais partie… pendant une seconde je suis partie. J’ai voulu… partir. Silence. Il abandonne l’idée de la boisson chaude et se rallonge près de moi. Il me serre. Presque qu’à m’étouffer. Je dis je me sens si faible. Je suis là il répète. Je dis je ne suis plus là.

Mulder avait tenté de m’appeler toute la journée. Je n’ai pas répondu. Evidemment ! J’étais trop occupée à contempler et à ressentir le sol glacé de ma salle de douche ! Quand il a débarqué, j’étais dans un état second. Un état me submergeant de larmes. J’avais la sensation de me noyer en moi-même. Scully ! a-t-il crié, paniqué, horrifié par la vision morbide que je lui offrais. Une Dana écroulée à même la terre, sanglotant de terreur et suffoquant. Une Dana souhaitant quitter son corps et ses os pour tomber en paix. La douleur me dévore mais c’est la fatigue qui me tue. Et cette incapacité de bouger, cette pétrification de mes membres, c’est ce qui m’a choquée le plus fortement. Comme une avant-première de ce qui m’attend…»


Reyes referma le journal intime. Elle avait voulu être curieuse, mais elle n’avait pas souhaitée être désarçonnée or, elle l’était. Remuée.

- La vache ! murmura-t-elle à soi-même, s’asseyant au ralenti sur le rebord du lit, tentant d’évacuer la tension qui s’était progressivement emparée d’elle durant la traversée des mots de Dana. Je savais bien Dana que vous aviez cette fureur d’émotions… John et vous êtes si semblables, continuait-elle de se révéler à elle seule.

Elle remonta jusqu’aux premières pages du petit livre. Reyes voulait absolument dissiper le malaise qui était sorti de ces pages pour venir s’engouffrer en elle. Elle parcourut de nouveaux mots mais juste en diagonale cette fois-ci de peur de replonger dans une nouvelle torpeur. Dana lui fit rebrousser chemin jusqu’en 1992, date où commençait le début de ce journal qui n’était sans doute pas le premier tome. Dana y parlait de sa mutation prochaine au sein du FBI, de ses doutes à vouloir y rester, de son hésitation à démissionner ou encore de son désir vital de retourner à plein temps à la médecine. Au fil des pages, le nom de Mulder apparaissait de plus en plus régulièrement, comme un point d’ancrage, un repère, au sein de la plume de Dana. Des sauts de plusieurs mois espaçaient souvent les dates, parfois des années. Rien entre 95 et 97 puis le traumatisme du cancer avait ravivé son écriture pour finalement s’estomper progressivement un an plus tard et finalement reprendre vers 2000. Et retour d’une écriture muette depuis 2003. Rien d’autres que des pages blanches qui n’attendaient que de se noircir. Reyes remit le journal à sa place, le condamnant de nouveau à l’obscurité et sortit de la pièce.

***

Jour un – 22h18

« Dana s’approcha du bar et pris place dos au comptoir sur l’un des tabourets et fixa son regard sur les gens. Elle ne les scrutait pas vraiment, car son esprit était parti ailleurs, dans des abîmes douloureux et qu’elle aurait aimé esquiver en ce 23 février 1987. Ils avaient tous étaient si tendres avec elle. Surtout Missy. Dana s’en voulait de sombrer loin d’eux, mais elle ne savait pas s’arrêter de penser et mettre son cerveau sur « off ». Elle ne connaissait pas la moitié des personnes présentes dans la salle qui régulièrement était réquisitionnée par les étudiants de première année de médecine. Sur les deux cents âmes ici, les trois quarts n’étaient pas encore internes. Et ceux qui l’étaient se retrouvaient le plus souvent appelés en renfort par l’autre bâtiment situé en face de l’université, n’ayant d’autres choix que de remonter quatre à quatre dans les étages supérieurs du bâtiment, de traverser l’avenue sans se faire faucher et de s’engouffrer dans le ventre de l’hôpital universitaire qui au milieu de la nuit se transformait une fois sur deux en mine d’or concernant le rayon urgence. Dana raffolait de cette adrénaline qui la transformait sans prévenir. Elle aurait bien aimé que son bipeur lui fournisse une fois de plus ce grand huit intérieur mais ils avaient tous orchestré l’événement de ce soir depuis des jours, lui confisquant tout ce qui la reliait à l’autre côté de la rue. James, Missy, Olivia avaient vraiment géré et prévu leur plan. A commencer par la robe que Missy lui avait offerte. Le thème de la soirée choisie ce soir était « Tout le monde en long ! » Et la plupart avaient répondu fidèlement au jeu, véhiculant une élégance presque sacrée aux lieux. Mais une chose avait été omise. Ils avaient oublié d’éteindre ses pensées dont une qui revenait sans arrêt, comme un boomerang dès qu’elle se retrouvait seul. Elle se retourna et demanda pour la troisième fois en deux heures une Margarita dans laquelle elle sembla se noyer plusieurs minutes, hypnotisée par le mouvement circulaire qu’elle effectuait avec le pic en plastique fournie avec, faisant sombrer dans le liquide tout le sucre coloré accroché sur l’extrémité des parois de la coupe en verre. Mais rien à faire, le nom de Waterston revenait toujours marteler son cerveau. Elle se pinça les lèvres, retenant l’émotion montante qui ne demandait qu’à se déverser. Elle ne trouva d’autres solutions que celle d’accentuer sa respiration par de longues prises d’air afin de calmer ses nerfs bancales.

- T’as du feu ?

Dana revint à la réalité, reconnaissant la voix rassurante de James. Se retournant vers lui, sa coupe à la main, elle fouilla dans son sac et en sortit un briquet.

- Tiens.
- Merci Dana. Et… dis-moi tout.
- Qu… quoi ?
- C’est ton anniversaire, Missy a tout planifié dans les moindres détails pour que tu restes jusqu’au petit matin à cette soirée, tu es à tomber par terre, or tu es là, toute seule au bar, triste… dis-moi tout.
- Tu sais déjà.
- Dana… réagit James, se voulant bienveillant, mais quelque peu désemparé par le manque de vivacité de son amie.

En guise de réponse, Dana descendit d’une traite sa Margarita puis la reposa sur le comptoir.

- Ça allait mieux depuis trois semaines et puis… il y a eu hier où j’ai assisté toute la journée le professeur Waterston.

James préférait ne pas réagir, ne voulant pas risquer d’annuler les confessions de Dana qui étaient rarissimes.

- Je sais que j’aurais dû demander à changer, demander un autre titulaire hier matin, ou juste descendre à la mine mais j’ai pas pu… acheva Dana qui replongea la main dans son sac attrapant une cigarette qu’elle alluma aussitôt comme pour s’éclipser mentalement.
- De toute manière, le cas sur lequel il travaillait hier était tellement dément que tu aurais eu tord de te priver d’un tel apport de connaissances et d’expérience. Et qui plus est, tu es la meilleure d’entre nous…
- Foutaises !
- Bien sûr que si Dana ! Tu es douée ! Tu seras un grand chirurgien ! Et le professeur Waterston est vraiment un Dieu vivant.
- Tu méritais ce cas autant que moi James.
- Mais c’est toi qu’il a choisi Dana !
- Parce qu’il a des sentiments pour moi voilà pourquoi ! Mon soi disant « talent » n’a rien à voir là dedans !
- Dana ! Tu es vraiment bornée ! chuchota-il de colère.
- Et amoureuse d’un homme marié ! rappela-t-elle à James tout aussi brutalement.

Il ne répondit pas tout de suite. Il laissa le temps à Dana ainsi qu’à lui d’expirer plusieurs bouffées de tabac avant de reprendre :

- Ecoute… approchant son visage près du sien, redescendant d’un ton, pour des médecins, il serait peut-être bon d’envisager d’arrêter de fumer.

Dana se dérida enfin, esquissant ce léger sourire en coin que James aimait tant et que s’il n’était pas effarouchée d’Olivia, il l’aurait sans doute fait succomber sur le champ.

- Oui… s’esclaffa-t-elle, presque amusée. Tu as raison. Mais… plus tard !
- Ah vous voilà ! s’exclama Missy derrière eux. Déjà qu’Olivia est partie, j’ai cru qu’ils t’avaient appelé toi aussi James !
- Et non, comme tu vois, je complote avec ta chère sœur. Si tu savais ce qu’elle m’a appris sur toi !
- C’est pas vrai, je n’ai rien dit Missy ! rassura Dana moqueuse.
- Oh non, elle ment ! Il faut que tu saches Mélissa que ta sœur n’est pas celle que tu crois, car elle ne peut garder tes secrets ! rajouta James.
- T’es con James ! rit Dana. L’écoute pas Missy, il délire.
- Oh non c’est toi qui délire ! Cinq coupes depuis ton arrivée…
- Trois ! corrigea Dana.
- Et par plaisir arrête de te bousiller les poumons Dana ! implora Mélissa tentant de lui arracher sa cigarette mais sans victoire, Dana s’y accrochant coûte que coûte.
- J’arrêterai à 26 ans, n’est-ce pas James ? lui adressa-t-elle les yeux brillants.

Missy les regardait amusée.

- Oui et bien, c’est pas la peine de me copier, j’ai arrêté à 26 ans, mais vous pouvez arrêter plus tôt tous les deux ! Un médecin qui sent le tabac, c’est pas terrible, surtout en service pédiatrie ! réprimanda Mélissa qui savait pertinemment qu’un discours en hébreux aurait eu le même effet de platitude sur ces deux lascars qui étaient bien difficiles à dompter.

Soudainement, l’humeur dilettante attisée par l’alcool qui faisait doucement son chemin dans les veines de Dana et James se figea quand le signal si familier transperça l’air. Fini les yeux pétillants, place à une alerte extrême boostant l’esprit de Dana qui ne perdait pas une miette des mouvements de James scrutant son bipeur tout juste sorti de sa poche extérieure.

- Alors ? s’impatienta Dana qui entre temps avait promptement sauté de son tabouret.
- La mine ! répondit James.
- La quoi ? demanda Missy.
- Les urgences Missy ! On dirait vraiment pas qu’on vit ensemble ! lui répondit aussi sec sa sœur.
- Je dois filer… constata à regret James, déçu de ne pas pouvoir passer plus de temps à fêter les 23 ans de son amie.
- Allez vas-y lucky man! lui ordonna Scully, exerçant de sa main libre une légère poussée sur le torse du jeune homme.
- Je te raconterai tout dans les moindres détails ma chère ! promit-il dans un regard perçant de promesse.
- T’as intérêt ! menaça-t-elle amicalement, tout en échangeant avec lui une dernière embrassade enroulée de tendresse.

Les deux sœurs regardèrent s’éclipser le jeune interne et qui par sa démarche pressée trahissait son envie irrépressible de se retrouver au cœur de l’imprévu médical.

- Oh j’adore cette musique ! s’exclama Dana dans un éclair de folie, ce qui déclencha un sourire heureux sur les lèvres de sa sœur.
- Un slow ? parut tout de même étonnée Missy. Depuis quand aimes-tu ce genre de mouvement ?
- Et bien… depuis maintenant ! gloussa Dana. Mais j’ai l’impression d’être toute seule dans cette salle, finit-elle en boudant.
- Merci et moi ? rétorqua Missy presque outrée par la remarque de sa sœur.
- Mais nan ! Juste que tu peux pas m’inviter à danser et le seul homme qui aurait pu le faire vient de partir là où je crève d’envie d’être !
- Chérie, c’est ton anniversaire, tu vas devenir folle à ne jamais t’arrêter. Je m’inquiète pour toi et qui plus est l’alcool ne te réussit pas ce soir, lui fit-elle comprendre.
- Oh ça va, je suis juste un peu pompette…
- Complètement hystérique tu veux dire !
- OK ! T’as raison !
- Par contre…
- Quoi ?
- Mais laisse-moi finir au lieu de m’interrompre !
- Pardon, s’excusa-t-elle dans un mouvement robotique qui confirmait bien les dires de sa sœur sur le caractère euphorique qui s’imprégnait en elle.
- Juste sur ta droite, trois rangs plus loin… il y a deux garçons qui te dévorent des yeux… paracheva Mélissa d’une voix complice.

Dana orienta son regard vers la situation jugée intéressante par son aînée et croisa aussitôt leur regard. Deux grands hommes bruns qui effectivement l’observaient avec une grande insistance. Cinq secondes exactement passèrent sans que ni Dana ni sa sœur et encore moins les deux jeunes hommes ne brisent ce lien invisible qu’ils tissaient d’une manière sensuelle et électrique avec leur yeux. L’air était comme suspendu.

- Ce sont eux qu’on a croisé dehors juste avant qu’on tombe sur Ellen… souffla Dana.
- Et j’ai bien vu qu’ils ne t’avaient pas laissée insensible, fit part Missy.
- C’est que… j’ai l’impression de les avoir déjà vus quelque part, ajouta Dana dans un ton hypnotique et troublé. Et pour ta gouverne, ma chère sœur, je t’interdis de penser que je suis victime d’un faible envers eux… Pour cela, il faudrait déjà que j’arrête de penser à Daniel, termina-t-elle dans un souffle à peine audible, se retournant vers sa sœur qui se tenait debout face à elle, détachant ainsi brutalement son regard des deux proies potentielles de la soirée.
- Tu penses toujours à lui à ce que je vois… s’attrista Mélissa.
- La douleur est si intense… si tu savais… délivra Dana à bout sentant l’émotion monter violemment.
- Je sais ce que c’est ma chérie, rassura Missy tout en prenant dans ses mains le visage de sa sœur dont les prunelles commençaient à fortement rougir. Etre amoureux, ça fait mal… mais c’est aussi ce qui nous fait nous sentir vivant.
- Si tu le dis, sembla s’apaiser Dana sous ses paroles.
- Et oh mon Dieu respire un bon coup, ils arrivent vers nous ! avertit Mélissa finissant de sécher les larmes que n’avaient pu retenir Dana.
- Bonsoir, amorça Missy devinant l’hésitation des deux jeunes hommes.
- Bonsoir, répondit celui aux yeux verts.
- Moi c’est Mélissa et voici ma sœur Dana.
- Bonsoir, bredouilla cette dernière la voix encore enrouée par la brûlure de tristesse dans sa gorge.
- Alors vous venez souvent dans ce genre de soirée étudiante ? enchaîna Missy.
- Euh… oui… mentit le plus grand des deux.
- A vrai dire, c’est la première fois, rectifia son compagnon.
- Ça se voit, souligna Dana, retrouvant son assurance pétillante. Vous connaissez nos prénoms, quels sont les vôtres ?
- John, répondit le plus grand.
- Mulder.
- Mulder ? releva Missy adressant un regard à sa sœur. C’est pas un certain Mulder que tu voulais absolument trouver tout à l’heure ?
- Alors enchanté John et Mulder, leur sourit Dana sans avoir prêté attention à la remarque. Mais on ne s’est pas déjà vu quelque part ? risqua-t-elle enfin.
- J’en doute… avança Mulder un brin mystérieux, et si tel était le cas, je ne manquerais pas de m’en souvenir, à moins que nous ayons partagé une vie antérieure par le passé, finit-il dans un clin d’œil.
- Et branché paranormal qui plus est ! Missy, je crois que tu as trouvé quelqu’un avec qui dialoguer jusqu’au petit matin.
- Ma sœur exagère ! N’écoutez pas ce qu’elle dit ! Elle essaie de me faire passer pour ce que je ne suis pas. C’est son anniversaire et elle se croit tout permis !
- Ton anniversaire ? se réjouit Mulder.
- Oui… 23 ans, s’empourpra légèrement Dana.
- Dans ce cas, asseyons-nous autour d’une table pour vérifier que Dana aime amplifier le caractère de sa sœur qui s’entrouvre d’après ce qu’elle dit très sympathique, défia Mulder.
- D’accord, acceptèrent-elles toutes les deux, la proposition les enchantant fortement.

Pendant qu’ils faisaient route en chasse d’un endroit tranquille où ils pourraient faire connaissance au calme, Missy égaya leur parcours en rappelant à Dana un point important de ces derniers jours :

- Au fait, tu ne m’as pas parlé de ton entrevue avec Jennie ?
- Missy, je t’en supplie, ce n’est vraiment pas le moment, implora Dana.
- Qui est Jennie ? se montra curieux Mulder, tout en s’asseyant en même temps que les autres autour d’une table agencée pour la soirée.
- Personne ! coupa Dana.
- Une voyante !
- Missy… supplia Dana enfouissant par désespoir son visage dans ses mains. Pas maintenant ! C’est mon anniversaire et…
- Et quoi ? Tu ne crois pas à ces choses là après tout, alors je ne vois pas pourquoi tu refuses toujours de me dire les révélations qu’elle aurait pu te faire parce que…
- Parce que c’est toi qui a envoyé Jennie frapper à ma porte et que pour m’en débarrasser au plus vite j’ai accepté de jouer le jeu mais…
- Mais… reprit Missy, notant le trouble de sa sœur.
- Je ne m’attendais pas à ce qu’elle me dise ce qu’elle m’a dit voilà tout.
- Et…
- Rien du tout Missy.
- Tu vois que tu y crois !
- Non ! Bien sûr que non ! Qui voudrait croire que je puisse mourir à 32 ans ! lâcha Dana qui se triturait les bracelets du poignet afin de ne pas affronter le regard de l’assemblée.

Le silence s’était emparé de la petite table. Dana releva la tête et remarqua le malaise qu’elle avait déclenché. L’expression figée de Mulder et de John ne la laissa pas insensible. Ils semblaient prendre ses révélations très au sérieux, trop à son goût tellement leur abattement rongé par le choc était profond. La réaction de l’ami de Mulder la frappa, lui qui jusqu’ici s’était montré plutôt discret. L’émotion qui émanait de lui était si crédible qu’elle se sentit déstabilisée durant une seconde. Que Missy réagisse de façon disproportionnée était nettement envisageable, mais de la part de deux inconnus, beaucoup moins.

- Hey ! tenta-t-elle, détendant l’atmosphère. C’est des conneries ! Et puis même si c’est la vérité, le fait de ne pas y croire diminue fortement les chances qu’il m’arrive ce que cette Jennie a bien voulu me faire croire ! La science Missy ! Il n’y a que ça de vrai ! finit-elle de brandir avec fierté tout en se levant. Sur ce, je vais danser ! annonça-t-elle le sourire aux lèvres.
- Oui… balbutia Missy.
- Tu nous abandonnes déjà ? interrogea Mulder, une ombre d’inquiétude dans son timbre de voix.
- Mais qui a dit que je vous abandonnais ? mit-elle en avant, scrutant tour à tour Mulder, puis John.

Yeux verts ou yeux bleus ? Par son hésitation, Dana pour son plus grand plaisir avait déployé une légère tension entre les deux garçons encore attablés dont l’un manifestait un malaise emprunt de timidité touchante, ce qui orienta définitivement son choix.

- John, tu danses ?

Le garçon ne bougea pas d’un millimètre. La proposition tombée de la jeune fille le paralysa, hypnotisé par le regard perçant qu’elle lui offrait, mélange de fraîcheur et de séduction. Ce n’est qu’au moment où Mulder l’affubla dans les côtes d’un discret coup de coude sous la table qu’il se décida enfin à satisfaire la demande de Dana.

- Un slow John ! Cela devrait être dans tes cordes ! encouragea Mulder, faisant sourire Dana qui en même temps en profita pour s’emparer de la main de John afin de l’entraîner au plus vite avec elle.

Mulder les observa se fondre avec les autres danseurs quelques instants, comme s’il les surveillait plus qu’il ne se réjouissait de voir son ami profiter de la fête, avant de reporter son attention sur Mélissa qui inexorablement n’arrivait pas à sortir d’une torpeur grandissante donnant l’impression qu’on la dévorait depuis que sa sœur lui avait donné l’information qu’elle lui avait tant quémandée.

- Tu y crois vraiment on dirait… lança doucement Mulder.

Mélissa accepta de sortir de ses pensées inquiétantes pour lui répondre.

- Il y a deux mois, j’ai tiré les cartes et… ce que j’ai vu ne m’a pas plu du tout.
- Qu’as-tu vu ?
- La mort. La mort de ma sœur. J’ai voulu avoir un deuxième avis. J’ai supplié ma sœur de rencontrer Jennie et… Dana vient de me confirmer ce que je redoutais. Jennie ne se trompe jamais. Je préférerais tant sentir ma mort et non celle des autres !
- …
- Mais Dana ne croit pas en ces choses, alors je me dis qu’au-moins, elle ne redoute pas l’échéance. Sur ce point, je l’admire de n’écouter qu’elle-même. Dans certaines circonstances, cela peut avoir des avantages. Et toi ? D’après ce que j’ai pu entendre tout à l’heure et aussi d’après mon instinct, tu « crois », n’est-ce-pas ?
- Bien plus que tu ne peux le ressentir Mélissa, lui confia-t-il. Mais, je crois aussi que le destin n’est pas seul maître de nos vies, l’espoir ancré en chacun de nous peut contrecarrer notre épée de Damoclès.
- Tu es fascinant, complimenta Missy. Et si c’était vrai ?
- Si c’était vrai quoi ? reprit Mulder, occupant les quelques secondes de silences installées par la recherche réflexive de son interlocutrice.
- Tout à l’heure, tu as parlé de vie antérieure… et que Dana m’annonce devant vous ce qu’elle refusait tant de me dire n’est pas un hasard ! Qui plus est dès qu’elle vous a vus, Dana avait cette étrange sensation de vous avoir déjà rencontrés quelque part. Et un peu plus tôt dans la soirée, pendant une minute, je l’ai trouvée très bizarre, j’avais l’impression d’avoir perdu ma sœur, ce que je veux dire c’est que Dana ne semblait plus cette Dana que je connais mais une autre Dana, toujours elle, mais… je sais pas… elle était différente… elle cherchait quelqu’un, un certain dénommé « Mulder »… et tu t’appelles Mulder ! Puis, soudainement cette préoccupation l’a quittée en un éclair. Oui, je suis sûre qu’il y a une connexion.
- Tu penses au voyage des âmes du passé ?
- Oui ! s’esclaffa Missy de bonheur. Tu vois nos pensées concordent, il y a forcément quelque chose qui se passe en ce moment même !
- Et si…
- Oui, se montra avide Mélissa, sentant décrocher une information capitale de la part de Mulder.
- … cette connexion n’était pas en lien avec le passé…
- Non impossible ! Les vies futures se construisent à partir de celles du passé, et non l’inverse, empêchant les âmes de refaire les mêmes erreurs, les éclairant au fil des siècles… Seul le futur peut être changé, pas le passé, toi, Dana et ton ami ne peuvent venir que du passé ! Et… cette vie ne semble pas être encore celle où Dana sera sauvée…
- Très bien. Dans ce cas, laisse-moi te prouver qu’il est temps d’ouvrir ton champ de possibilités des croyances.
- Je t’écoute.
- Laisse-moi t’assurer que Dana ne mourra pas à 32 ans.
- Mais à quoi devra-t-elle survivre ? risqua de demander Missy, son ton se faisant plus grave et court, appréhendant la réponse.

Mulder lança un nouveau jet d’œil en direction de la piste de danse puis se reconnecta à la situation.

- Le cancer.
- Mon Dieu ! lâcha Missy… Je lui répète sans arrêt qu’elle fume beaucoup trop !
- Elle arrêtera bientôt et le tabac n’a rien à voir là dedans. Le seul coupable c’est moi…
- Tu ne viens pas d’une vie passée, commençait à comprendre Missy, ni d’une vie future. Tu as juste quelques années d’avance. Tu appartiens à cette vie. Tout comme ton ami. Et Dana se sentant comme si elle n’avait jamais eu encore plus de 23 ans implique qu’elle était la seule élue à la base pour faire ce voyage, n’est-ce pas ? Dis-moi si je me trompe…
- Tu vois juste… et c’est parce qu’elle travaillera, qu’elle a travaillé (corrigea-t-il) à mes côtés que Scully est tombée malade… très malade, se reprocha-t-il.
- C’est comme cela que tu l’appelles ? tiqua Missy amusée par le nom de famille prononcé.
- Oui, se dérida-t-il.

La douleur hantant la façon dont Mulder amenait ses mots ne pouvait laisser indifférent. Une douleur pareille à une déchirure et qui s’infiltrait tout en entier sous votre peau.

- Tu es médecin alors ? posa Missy, devinant peu à peu la nature des liens l’unissant probablement à sa sœur.
- Non…
- Mais tu travailles dans le corps médical !
- Non.
- Je suis perdue…
- C’est en m’accompagnant dans mes enquêtes au sein du FBI que Scully a affronté le pire et…
- Du FBI… murmura-t-elle étonnée tout en s’emparant du bras de Mulder, insistant sur son poignet, canalisant de la sorte les émotions néfastes le torturant.
- Elle a beaucoup perdu à cause de moi…
- Mais elle t’aime. Et aimer implique des sacrifices.

Tout ce que Mulder put offrir à Mélissa en guise de réponse fut un regard rongé par une culpabilité destructrice.

John Doggett rencontrait quelques difficultés à contrôler sa respiration. Dana avait posé sa tête contre sa poitrine. La jeune fille était apaisée et se laissait bercer par les mouvements lents de la danse, tout en savourant les yeux fermés la musique se glissant agréablement en elle. Lorsque la musique se termina laissant place à un nouveau rythme, elle releva les yeux vers lui.

- Tu n’aimes vraiment pas danser…
- Non ce n’est pas ça ! réagit-il aussitôt. Juste que… je ne devrais pas être ici ce soir…
- Oh… je vois. Tu n’es pas libre.
- C’est ça.
- Mais nous ne faisons rien de mal, sourit-elle dans le but de le détendre.
- Tu as raison. Et toi ?
- De quoi ?
- Est-ce que tu es libre ?
- C’est compliqué. Contrairement à toi… je fais du mal à quelqu’un… On va dire que je suis la troisième personne…
- Tu veux en parler ?
- Non ! Merci d’avoir accepté cette danse John. Tu m’as fait un beau cadeau.

Il n’eut même pas le temps de réagir qu’elle lui avait déjà déposé un baiser sur sa joue. Son cœur s’emballa une seconde et le sourire qu’elle lui offrit acheva de le déstabiliser. Ce n’est qu’une fois qu’ils reprirent la direction de leur table que John redescendit sur Terre, retrouvant progressivement son contrôle interne.

- Alors de quoi avez-vous parlé en notre absence ? questionna Dana un peu espiègle, je pensais que vous nous auriez rejoint sur la piste de danse mais non, alors oui j’aimerais savoir ce qui a pu tant accaparer ma sœur pour qu’elle préfère rester sur sa chaise !
- Et bien… de toi voyons ! Sache que tu étais au cœur de notre discussion ! provoqua Mulder.
- C’est vrai ? s’inquiéta-t-elle, se tournant vers sa sœur.
- En réalité, on a juste parlé paranormal, rassura Missy.
- Voilà qui sonne plus juste ! rétorqua-t-elle, et quant à moi, je viens de passer un merveilleux instant, annonça-t-elle offrant un dernier sourire un peu timide à John… mais je vous annonce que je vais vous laisser, je tombe de sommeil, avoua-t-elle. Les cinq heures de bloc à la suite d’aujourd’hui avec en prime un arrêt sur la table ont puisé toute mon énergie.
- Dans ce cas, je rentre avec toi, mais laisse-moi une minute, avertit Missy.
- Je vais chercher nos manteaux et tu n’as qu’à me rejoindre près de la sortie, prévint Dana juste avant de disparaître.
- Dana et moi habitons juste derrière l’hôpital universitaire situé de l’autre côté de la rue. C’est un lotissement. Au numéro 42. Et sachez que demain toute la journée, une collecte de sang aura lieu à l’hôpital, je suis sûre que ma sœur sera très heureuse de vous revoir.
- Mélissa ! retint une dernière fois Mulder avant qu’elle ne s’échappe. Juste au-cas où on ne se reverrait pas… un soir de janvier 95, vous laisserez un message à votre sœur l’avertissant que vous vous rendez chez elle afin de discuter d’une chose importante… mais s’il-vous-plait Mélissa, ne le faite jamais.
- La mort…

Mulder hocha la tête.

- Scully a beaucoup perdu par ma faute. Je refuse que cela se reproduise à l’infini. »

***

PtiteCoccie88
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Message  PtiteCoccie88 Dim 12 Fév 2012 - 15:20

***

Monica Reyes vérifia une énième fois l’adresse griffonnée sur son calepin puis frappa deux coups distincts sur la porte d’un pavillon situé dans une banlieue aisée et relativement calme. Après un court instant, une femme d’une cinquantaine d’année lui ouvrit.

- Madame Ada Gordon ? prononça Reyes, montrant sa plaque fédérale.
- Oui, répondit-elle, quelque peu surprise par l’insigne.
- On m’a dit que je vous trouverais ici, j’aurais quelques questions à vous poser au sujet de votre disparition en 2007. Puis-je entrer ?
- Euh… oui bien sûr.

La tapisserie très années soixante, grosses fleures marron sur un beige de mauvais goût interpella Monica Reyes qui se demandait comment des gens au XXIème siècle pouvaient encore supporter de vivre dans un tel décor. Elle préférait de loin la neutralité du salon de Mulder et Scully qui en fin de compte si on scrutait attentivement n’était pas si mal agencé. Il reflétait juste un couple qui passait trop de temps à côté de leur vie. Cependant, le choix du revêtement du salon du docteur Gordon, du parquet, sauvait un peu les murs.

- Veuillez m’excuser, mon petit-fils a parfois quelques difficultés à s’endormir pour la sieste, si je ne suis pas avec lui, il se met à angoisser facilement, dit Ada en redescendant les escaliers.
- Ce n’est rien, rassura l’agent Reyes.
- Mais, prenez donc place sur le canapé !
- Merci.
- Avez-vous des enfants ? demanda Ada, s’asseyant confortablement au fond d’une bergère en face de Monica.
- Non… mais j’y pense. Pour le moment mon métier n’est pas en adéquation avec une vie familiale.
- Oui ! C’est vrai. Quand on est médecin, ce n’est pas évident non plus. Vous savez quand vous partez de chez vous mais rarement quand vous rentrez ! Mais je ne regrette pas ce choix de vie. J’aime mon métier. Et il est grand temps de refaire la déco de cette pièce, informa Ada qui avait bien senti le regard lourd de l’agent sur ses murs. Un an que je suis ici et je n’ai toujours pas pu m’en occuper. Mais assez parlé, j’ai eu connaissance de la disparition de Jessica Sanders ainsi que de sa réapparition subite et je suppose qu’en venant me voir, vous espérez trouver quelques réponses.
- Effectivement, confirma l’agent Reyes. J’ai appris que vous aviez mené votre propre enquête concernant votre disparition, mais que vous n’aviez jamais rendu public vos recherches, or trois nouvelles personnes viennent de subir ce même phénomène, à Sorrows Hospital, où vous avez travaillé dix ans. J’aimerais si possible comprendre plus en détails la situation.
- Je n’étais pas au courant de ce nouveau cas, s’assombrit le docteur.
- L’affaire est confidentielle, voilà pourquoi l’actualité ne s’en est pas emparée, expliqua Reyes.
- J’en conclue que Billy Foster ne s’est toujours pas réveillé… A qui s’en est-il pris cette fois ?
- A trois de mes amis, dont le docteur Scully. Madame Gordon j’aimerais que vous me parliez de vos profils types établis dans votre rapport personnel.
- Trois personnes en même temps… ceci n’était encore jamais arrivé, continuait de réfléchir Ada Gordon.
- En réalité, seul le docteur Dana Scully était visée je pense. Moi-même si je n’étais pas sortie de la pièce à l’instant où cela s’est produit, je crois bien que je ne pourrais me trouver ici devant vous en ce moment.
- Dana ? s’interrogea Gordon.
- Oui, confirma Reyes légèrement surprise.
- Une rousse aux yeux bleus ?
- Oui… Vous la connaissez ?
- Il y avait une Dana Scully lorsque j’étais en dernière année de résidence.
- Quel hôpital universitaire ?
- Celui du Maryland !
- Le Maryland, mais bien sûr, réalisa soudainement Monica.
- Je comprends mieux maintenant pourquoi Billy s’intéresse à elle…
- Billy aurait besoin de Dana ?
- C’est presque ça… disons que Dana est fortement susceptible de lui apporter ce qu’il espère tant… s’il s’agit effectivement de la Dana dont je me souviens.
- Je suis sûre qu’il s’agit de la même Dana.
- Dans ce cas je suppose que le docteur Scully est spécialisée en pédiatrie ?
- Effectivement, acquiesça Reyes.
- Elle ne m’a pas vraiment connue, continua Ada sur sa lancée, on ne s’est jamais trop parlé même si on se croisait souvent dans les couloirs et les vestiaires, hormis cette fois où je l’avais prise sous mon aile pour travailler sur un patient. Ce jour là j’ai compris de quelle manière Waterston avait pu se retrouver subjugué par cette jeune interne à l’esprit vif et à la fois si fermé. (silence) Je me suis reconnue en elle.

Ada Gordon qui avait baissé les yeux comme pour mieux replonger dans le passé les releva vers Reyes.

- Je n’étais pas amie avec Dana et même si nous avions été dans la même promotion, je reste persuadée que nous n’aurions jamais été l’une vers l’autre pour la simple et bonne raison que nous nous ressemblions beaucoup trop.
- Que souhaitez-vous dire par là ? tenta Reyes en vue d’éclaircir les révélations encore obscures.
- Dana… si elle est toujours comme le peu que j’ai pu apercevoir d’elle il y a longtemps est… assez douée pour faire naître ce que Billy cherche tant…
- Qu’est-ce que c’est ? demanda Monica qui malgré la piste lancée par Ada se sentait enlisée dans le brouillard.

Un éclair intrépide et malicieux traversa les yeux d’Ada Gordon.

- Le coup de foudre !

Reyes écarquilla ses traits, se demandant ce qui avait bien pu voiler une telle évidence !

- Billy !... Billy, répéta plus affectueusement le docteur Gordon, s’efforce de lutter contre la léthargie qui un jour a décidé de s’emparer de son corps, lui arrachant sa jeunesse. A l’extérieur rien ne bouge, mais croyez-moi… à l’intérieur, dans son cœur, c’est un déchaînement !... Ce qu’est Dana et toutes les personnes choisies par Billy, finit par conclure Ada.
- Et comme John aussi, murmura Monica se perdant dans le vide, soudainement bien troublée.

***


Jour 2 – 2h48

- Mulder ?
- Hum… marmonna ce dernier, cherchant à s’endormir si on jugeait le peu d’entrain animant sa voix.
- Vous ne m’en voulez pas ?
- De quoi ? D’avoir danser avec Scully ?
- Oui…
- Elle était heureuse, c’est tout ce qui compte. Essayez de dormir Doggett, les prochaines heures risquent d’être riches en émotion.
- Ce qui veut dire ?
- Que Dana doit faire un choix.
- Un choix ? insista John qui ne semblait toujours pas comprendre.

Mulder fit l’effort d’ouvrir les yeux dans la pénombre de la chambre d’hôtel tout en se redressant sur le côté afin de faire face à Doggett qui lui-même se trouvait étendu sous les couvertures d’un lit jumeau à celui de Mulder.

- Si nous sommes là, c’est par l’intermédiaire de Billy et de Scully, et il se pourrait bien que notre intrusion à tous les deux ici accélère la quête de Billy.
- Vous croyez ?
- Dana à 23 ans… je n’étais pas là pour le voir mais… je sais que c’est à partir de ce moment précis qu’elle a commencé à se demander si sa véritable place tenait réellement dans un hôpital…
- Qu’est-ce qui a déclenché ce doute en elle ?

Mulder prit un instant, faisant réaliser à son esprit que ce qu’il était en train de vivre était de loin l’expérience la plus inattendue et surprenante de toute sa vie. Il n’observait plus une simple affaire non classée, il était devenu acteur d’une X-Files grandiosement paranormale !

- L’amour. »

***

Jour 2 – 8h54

« Dana ouvrit la porte.

- Oh ! ça alors ! débita-t-elle, arrêtant subitement son élan pour sortir, visiblement très surprise de retomber si vite sur les deux jeunes hommes rencontrés un peu plus tôt au cours de la soirée dernière.
- On s’apprêtait justement à frapper à la porte quand tu l’as ouverte, justifia Mulder. Et tu as l’air drôlement pressée, nota-t-il, remarquant la veste noire qu’elle portait sur elle ainsi qu’une sacoche emprisonnée dans sa main et qui lui semblait si familière dans le futur.
- Oui ! Je dois filer ! Mais ma sœur est en haut ! Missyyyy ! hurla-t-elle. John et Mulder sont en bas ! Parce que c’est elle que vous voulez voir n’est-ce pas ? continua-t-elle sans pause, retrouvant tout de même une tonalité plus supportable pour les tympans des deux hôtes et leur adressant de nouveau le regard. Bien sûr que c’est elle que vous voulez voir et qu’elle veut vous voir sinon elle vous aurait pas donné son adresse et vous ne seriez pas ici là devant cette porte et waouh j’ai pas l’habitude de parler autant aussi vite et sans respirer mais c’est parce que comme tu l’as dit Mulder je suis pressée ! C’est collecte de sang aujourd’hui alors, ça va être bondé !

Dana passa devant eux, courant presque et arrivée pratiquement au bout de l’allée séparant le perron de la maison de la rue, elle se retourna une dernière fois.

- Oh et j’oubliais ! Vous êtes forcément invités à donner votre sang ! Pour cela il vous suffit de traverser l’avenue !

Doggett et Mulder suivirent du regard la disparition telle une éclipse de l’interne.

- Quelle énergie, remarqua John, médusé.
- La Margarita ! Scully la supporte vraiment très mal, expliqua Mulder sans se retourner vers son collègue et moyennement convaincu par sa justification trouvée pour expliquer le comportement précipité et électrique de celle qui venait de les quitter à l’instant.
- Sans doute, encouragea Doggett.
- L’effet est toujours très long chez elle.
- Non vous vous trompez ! les firent sursauter la voix de Missy juste derrière eux qui à son tour se tenait sur le pas de la porte, à cheval entre l’entrée de la maison et l’extérieur. Elle est juste en manque de sang ! leur dit-elle levant les yeux au ciel.
- Oui, forcément… réalisa Mulder.
- Ou alors… fit-elle plus mystérieuse. Elle cherchait à vous éviter parce que si vous saviez jusqu’à quelle heure elle m’a tenue éveillée, car « Mulder par ci, John par là ! » alors qu’elle avait vraiment besoin de dormir, d’ailleurs c’est pour ça que nous sommes rentrées si tôt mais non rien à faire. Félicitations jeunes hommes ! Vous avez réussi à la rendre insomniaque ce qui veut dire que vous ne l’avez pas laissée indifférente ! Après, lequel de vous deux la tient la plus alerte ? Ça ! Je ne sais pas encore !

Mulder et Doggett n’avaient pu dire mots ou interrompre la réplique de Mélissa tellement ils ne parvenaient à savoir si ce qu’ils venaient d’entendre était la réalité ou une illusion. Missy reprit avec une gratitude marquée envers les deux garçons :

- J’en étais presque à deux doigts de regretter le mutisme dont elle fait preuve depuis toujours ! Vous avez réussi à embarquer son esprit loin de ses angoisses profondes et croyez-moi, cela faisait une éternité que ce n’était pas arrivé.

Mulder et Doggett échangèrent un nouveau regard. Missy nota immédiatement le malaise tendu s’installant entre les deux garçons.

- Suis-je bête ! déclara-t-elle, je n’ai pas cours ce matin et il fait froid dehors, venez donc prendre un café à l’intérieur !
- Oh… vous êtes, euh, « tu » es étudiante ? demanda John dont l’invitation à savourer une boisson remplie de caféine lui avait permis de se dérober au regard légèrement menaçant que lui avait lancé Mulder malgré lui.
- Non… se retourna dans un sourire Missy qui avait déjà refermé la porte derrière eux. Ils avançaient dans l’entrée. Je suis professeur à l’université.
- Professeur ! Déjà ? s’exclama Doggett rencontrant quelques difficultés à dissimuler son étonnement.
- Je ne fais pas mon âge, leur avoua-t-elle. Qui plus est, la rapidité dans les hautes études chez les Scully c’est quelque chose de plutôt banale, mais il est vrai que Dana est celle qui fait grimper le record ! acheva-t-elle plus fort pour qu’ils l’entendent depuis la cuisine où elle s’était dirigée afin de préparer du café, les laissant quelques instants livrés à eux-mêmes de l’autre côté de la cloison.
- Et maintenant qu’est-ce qu’on fait ? demanda John à Mulder.
- Et bien… si vous m’en disiez un peu plus sur vous deux, les surprirent Missy qu’ils n’avaient pas vu revenir vers eux.
- C’est-à-dire ? demanda Mulder en quête d’un peu plus de précisions tout en s’asseyant sur un divan, action qu’imitèrent aussitôt Missy et Doggett. Je crois que tu sais déjà presque tout de nous. Tu es très douée pour voir autour de toi et à l’intérieur des autres.
- La nuit dernière, j’ai cru comprendre que vous faisiez partis du FBI… ma sœur aurait-elle renoncé à la médecine ?
- Oui et non, répondit Mulder.
- Ça parait quand même dingue ! Elle ne vit que pour ça ! avança Missy qui avait bien du mal à se projeter dans cet avenir que dessinait Mulder pour sa sœur.
- Dans un premier temps, elle a été recrutée pour enseigner la médecine au sein de l’académie du FBI, mais très vite, ses compétences ont été remarquées, et c’est comme cela qu’elle s’est retrouvée agent spéciale sur le terrain.
- Avec toi… insinua Mélissa.
- Avec moi. Ainsi qu’avec l’agent Doggett quelques année plus tard.
- Tu as démissionné ?
- Non, j’avais disparu et l’agent Doggett était chargé de l’enquête. Et John a fini par me retrouver ! Au fait, merci John !
- De rien Mulder, soupira ce dernier. Et après cela, Mulder et Dana ont démissionné tous les deux. Aujourd’hui, il ne reste plus que moi et l’agent Reyes au sein du service dans lequel votre sœur et Mulder ont travaillé.
- Et Scully est médecin à plein temps maintenant, ajouta Mulder.
- Intéressant tout ça… réfléchissait Missy, qui soudainement les abandonna, alertée par le bourdonnement de la cafetière.
- Quand est-ce que tout ceci va finir Mulder ? Qu’on retournera en 2008 Mulder ?! s’exaspéra Doggett.
- Je suis comme vous ! Scully aussi d’ailleurs, soyez patients ! Nous ne nous sommes pas vus depuis pratiquement une décennie, cachez votre joie, je vous en prie !

Au même moment, Missy revenait les mains chargées de tout le nécessaire pour offrir le café tant attendu.

- Ma sœur est un vrai mur, expliqua Missy préoccupée tout en servant le café. Je suis « douée » comme tu dis Mulder pour comprendre les autres mais elle… ma propre sœur est si fermée. Une tombe ! Finalement ça ne m’étonne pas que le FBI l’ait recrutée pour conserver les plus grands secrets du gouvernement !

Sa dernière réflexion teintée d’un brin d’humour détendit l’atmosphère, les faisant tous les trois rire quelques secondes. Mais situation qui fut balayée avec Missy par ses quelques mots :

- Je suis morte pour elle, et elle a survécu à un cancer… quoi d’autre ? leur demanda-t-elle, assise en face d’eux, ses mains enveloppant une tasse de café bien chaude.

Mulder baissa les yeux, visiblement ébranlé.

- Euh… essaya Doggett, voyant que Mulder était dans une terrassante incapacité d’actions. Il chercha tout de même le regard de Mulder, en quête d’un accord qui lui permettait de prendre le relai, ce que Mulder autorisa d’un simple hochement de tête. Ils… ils ont perdu leur enfant.

Missy sentit sa tasse se dérober sous ses mains. Elle réussit néanmoins à maîtriser son émotion et à ne pas laisser tomber la porcelaine remplie de liquide à même le sol.

- « Perdu »… dans quel sens ? risqua Missy.
- Pour le protéger… réussit à articuler Mulder, Scully et moi avons dû le faire adopter.

Missy sentit sa respiration s’engouffrer à nouveau dans ses poumons. Leur enfant n’était pas mort. Mais pour sa sœur et Mulder, c’était sans doute ce qu’ils ressentaient. La mort ou l’absence provoquée par un abandon offrent le même résultat. Le vide.

Elle nota que dans un élan de compassion, John avait posé sa main sur l’épaule de Mulder. Mais ce qu’elle ne savait pas, c’est que John Doggett lui aussi un jour avait dû faire face à cette même catastrophe. Elle termina :

- Peut-être… qu’il y a de l’espoir. »

***

Jour 2 – 11h10

« John pénétra dans le bâtiment et suivit les affichettes signalant la direction à prendre pour faire don de son sang. Il pénétra presque dans la minute dans un vaste dispensaire où plusieurs infirmières et quelques internes étaient occupés auprès de personnes volontaires toutes venues ici dans le but de donner une denrée précieuse.

- C’est la première fois que vous venez ici, monsieur ? accosta une infirmière.
- Euh… oui ! C’est la première fois, répondit John.
- Alors venez par ici, nous allons constituer votre dossier.

John prit place derrière le bureau qu’on lui avait indiqué et commença à répondre aux questions posées dont les réponses étaient scrupuleusement notées dans un dossier médical.

- Hé ! Tu es venu ! interpella une voix familière aussi bien pour Doggett que pour l’infirmière qui était en train de monter le dossier.
- Oui ! ne put s’empêcher de sourire John.
- Annie ! fit signe Dana à sa collègue. Je m’en occupe.
- D’accord, sourit-t-elle, lui laissant la place. Et oh ! Le docteur Waterston te cherchait tout à l’heure ! prévint-elle.

Aussitôt la mine du crayon que tenait Dana se brisa sur la feuille.

- Et tu sais ce qu’il voulait ? demanda-t-elle avec une once de tremblement dans la voix.
- Non, mais il veut te voir ! répondit Annie avant de faire volte face afin d’accueillir d’autres personnes.
- Est-ce que ça va ? demanda précautionneusement John qui n’avait pas manqué de remarquer le malaise qui s’était emparé de Dana à la seconde même où avait été prononcé le nom de « Waterston ».
- Ça va très bien… Alors où en était Annie ?
- On en était à ma date de naissance, 4 avril 1960.
- Des antécédents médicaux ? Non.
- Ton groupe sanguin ?
- O.
- Une adresse ?
- … euh, Washington !
- En vacances ici ?
- On peut dire ça.
- Super on a tous ce qu’il faut, on peut passer à l’étape suivante. Suis-moi !

John Doggett s’exécuta sans se faire prier et suivit le docteur Dana Scully à l’opposé de la salle où étaient disposés près des fenêtres plusieurs rangées de lits installés les uns à côté des autres.

- Allonge-toi.

Scully prépara tout ce dont elle avait besoin pour la procédure de donation et s’installa sur un tabouret près de Doggett.

- Tu as déjà donné ton sang ?
- Non, c’est la première fois.
- Tu vas voir, ça va bien se passer. Tends bien le bras et serre ton poing, lui expliqua-t-elle tout en lui relevant son pull et en commençant à désinfecter la zone propice au prélèvement.
- Du moment que personne ne prononce le nom du médecin qui te cherche…
- Arrête ! se troubla de nouveau Scully. Sauf si tu veux que je rate ta veine !
- Je me tais, promis mais… si tu as besoin de parler, je suis là…

Dana releva la tête vers lui.

- Je te remercie, mais je m’en sors très bien toute seule, répondit-t-elle sèchement et plutôt satisfaite du pouvoir qu’elle avait pris sur lui au moment même où l’aiguille s’était enfoncée dans ses veines, calmant sur le champ la capacité pour John de fournir une nouvelle réplique.

Cela faisait cinq minutes déjà qu’il l’observait remplacer les tubes remplis avec d’autres qui progressivement rougissaient à leur tour. Dana était concentrée et agissait avec une minutie appliquée. Il reconnaissait tant en la jeune Dana celle qu’un jour le FBI avait mis sur sa route un mois de mai 2000. John savait qu’elle se servait de ce comportement irréprochable et étouffant de professionnalisme comme un masque. Pour avoir travaillé deux ans avec elle, il comprenait très bien ce que Mélissa avait voulu dire lorsqu’elle avait parlé de « mur » pour décrire sa propre sœur. A tous les âges, elle était la même. Lisse à l’extérieur, débâcle à l’intérieur.

- Mulder est resté avec ma sœur ? se dérida enfin Scully au bout de dix minutes.
- Oui, lui répondit John, heureux de voir qu’elle tentait de briser le silence.
- Je suis sûre qu’elle lui montre toute sa collection d’articles détaillant les affaires paranormales depuis des siècles !
- C’est ça ! sourit John.
- C’est bientôt fini, prévint-elle.
- La blouse blanche te va aussi bien que la robe noire…
- Merci, se sentit soudainement gênée Dana.
- Le blanc fait ressortir la couleur de tes cheveux, ajouta-t-il.
- Tu trouves ? Parce que justement, je n’aime pas du tout la couleur de mes cheveux ! J’aurais donné n’importe quoi pour être brune comme ma mère !
- Pourquoi ?
- A la maison, pas de problèmes, c’est plutôt Charlie qui se fait remarquer
- Qui est Charlie ?
- Charles ? Mon frère ! Il est brun alors que Bill, Missy et moi sommes roux. Mais dehors ! Tous les yeux de tout le monde sont comme braqués sur mes cheveux ! Je déteste ça ! Et c’est… très pénible à la longue !
- Pourquoi ?
- …

Dana avait ralenti ses gestes, recentrant son attention sur le visage de Doggett.

- Je n’aime pas qu’on me remarque.
- Tu as bien tord de penser cela.
- Mais parfois les gens me donnent l’impression que je suis une extraterrestre !

Ce dernier mot prononcé déclencha le rire en John Doggett.

- Et voilà c’est fini ! lui dit-elle juste après lui avoir apposé un léger pansement. Doucement en te relevant, prends ton temps.

Pendant que John prenait toutes les précautions du monde en reposant les pieds à terre et éviter ainsi une variation brutale de tension, James, paré d’une blouse similaire à celle de Dana s’approcha vers elle.

- Salut Dana !
- Salut James.

Ce dernier, sous les yeux de John, se pencha à l’oreille de Dana et lui chuchota quelques paroles qui crispèrent aussitôt le visage de Dana. Le trouble une fois de plus défigura le calme azur de ses yeux.

- Je te remercie, murmura-t-elle. Annie m’en a déjà fait part. Mais je ne veux plus lui parler, c’est clair, je ne veux plus avoir à faire avec lui ! continua-t-elle, son timbre de voix affecté par les larmes commençant à brouiller ses yeux.
- Le mieux est que tu lui dises en face. Vous bossez sur un projet scientifique ensemble, t’es une pierre précieuse pour lui.
- Qu’il prenne Ada avec lui, je l’ai déjà vue faire, elle lui apportera beaucoup plus dans ses recherches que moi.
- Ada est résidente, il ne lui reste plus qu’un an ici, elle souhaite s’envoler vers un autre état dès sa titularisation. Non Dana, je crois qu’il a besoin d’entendre les choses directement par toi.
- Je lui ai déjà dit il y a trois mois !
- Pas pour le projet… Et entre nous, je comprends qu’il ne lâche pas l’affaire…
- James… prononça faiblement Dana, mal à l’aise d’être mise à nue ainsi.
- Parle-lui Dana. Dis-lui ce que tu ressens. Il a besoin de comprendre ton comportement, lui implora-t-il amicalement une main posée sur son épaule avant de rebrousser chemin.

James avait disparu de son champ de vision depuis au-moins trente secondes, pourtant elle continuait d’arquer son regard dans l’espace parcourue par ce dernier, oubliant complètement la présence de John.

- Est-ce que ça va ? demanda-t-il une fois encore prudemment posant à son tour une main amicale sur le bras de Dana.

John avait quitté le lit d’appoint et était complètement redressé, le teint légèrement plus pâle qu’à son arrivée dans le dispensaire.

- Ouais… ça va… en fait non ça va pas trop, corrigea-t-elle. Le protocole veut que tu boives quelque chose de sucré avant de repartir, tu accepterais que je me joigne à toi ?
- Je te l’ai déjà dit… je suis là… juste avant que tu prennes un malin plaisir à me faire taire avec ton aiguille maléfique !
- Ouais… sourit-elle enfin, mal à l’aise de constater qu’elle avait dévoilé plus qu’à son habitude ses émotions intérieures.
- Je suis sûre que si tu souriais plus souvent comme en ce moment, ce serait une bonne stratégie pour que l’on remarque moins la couleur de tes cheveux.

Dana ne répondit rien. Juste un sourire. »

***

Jour 2 – 12h00

« Après avoir fourni à John le minimum vital pour retrouver une certaine énergie, Dana pianota sur les touches de la machine à café située dans une salle agencée pour l’occasion tel un salon située à la sortie du dispensaire et où plusieurs personnes qui toutes comme John avaient donné leur sang, reprenaient quelques forces avant de retourner dans leur vie normale.

- Tu as toujours voulu faire médecine ?

Dana attrapa le gobelet brûlant tout droit expulsé du ventre de la machine et porta le plastique à ses lèvres avant de répondre.

- J’en sais trop rien, révéla-t-elle fronçant les sourcils tout en s’asseyant près de Doggett sur une banquette. Je ne me souviens pas très bien du moment où je me suis dit : « Dana plus tard, tu seras médecin ! ». Je crois que cette volonté est née progressivement. Et toi qu’est-ce tu fais ?

John Doggett hésita quelques secondes sur le contenu à mettre dans sa réponse. Il ne pouvait pas lui dire qu’il travaillait pour le FBI au risque d’éveiller sa curiosité ou au contraire de diminuer la confiance qu’elle était en train de lui accorder.

- Je travaille dans l’administration… la haute administration, simplifia-t-il de son mieux.
- Et ça te plait ?
- Je me sens utile. J’aide mon pays.
- Tu veux un autre jus de fruit ? proposa Dana, regardant l’heure sur l’horloge affichée non loin d’eux, constatant qu’on avait sûrement besoin d’elle ailleurs.
- Non ça ira, je me sens bien.
- Dans ce cas… amorça-t-elle invitant John à prendre le chemin de la sortie, je te souhaite un bon retour sur Washington, car je suppose que tu ne vas rester éternellement dans la région. D’ailleurs ! Comment… toi et Mulder avez-vous eu connaissance de la soirée d’hier soir ? soupçonna-t-elle enfin.
- Et bien…commençait à sécher Doggett.

Mais il n’eut pas besoin de se triturer davantage les neurones gérant l’improvisation, car Dana soudainement changea d’orientation, se dérobant brutalement sous l’agitation mentale qui une fois encore semblait la traverser. Il suivit son regard que soudainement elle réorienta sur lui.

- Embrasse-moi !
- Quoi ?
- T’as très bien entendu, embrasse-moi ! répéta-t-elle.

John regarda une nouvelle fois dans la direction qui semblait tant préoccuper Dana et comprit en un éclair ce qui avait provoqué ces mots précipités dans la bouche de la jeune fille. Des paroles déstabilisantes mais qui n’étaient pas pour autant dépourvues de sens. Il braqua son attention sur Dana et sonda ses yeux paniqués et à la fois si bouleversants. Un besoin vitale semblait émaner de la prière de Dana.

- Je t’en prie, implora-t-elle au bord des larmes.
- Dana, je ne pense pas que ce soit la solution…

John n’arriva pas à terminer. Et pour cause, au fur et à mesure qu’il essayait de la convaincre qu’il existait un autre moyen que celui-ci d’éclaircir la situation, plus elle rapprochait son visage près du sien. Jamais il n’avait senti d’aussi près le parfum de Dana. Leurs lèvres se rencontrèrent dans une infime douceur, mélange de pureté et de volupté. Ce baiser ne dura que quelques secondes, pourtant il laissa ses deux auteurs le souffle court.

Avec une légère difficulté, Dana jeta un œil discret sur sa droite.

- Il fait demi-tour… merci John.
- Je suppose que c’est lui ce mystérieux « Waterston » qui semble te troubler tant, essayait de se ressaisir John tout en réalisant peu à peu la scène qu’il venait de vivre.
- Oui… avoua-t-elle. Je suis pitoyable n’est-ce pas ?
- Non, bien sûr que non. Mais ton ami… celui de tout à l’heure…
- James.
- Je pense qu’il a raison. Tu dois lui parler. Ne pas fuir.
- Je vais essayer mais…

Pendant qu’elle essayait de trouver ses mots, Dana et John sentirent un courant d’air plutôt froid venir jusqu’à eux par l’intermédiaire des portes automatiques vitrées venant de s’ouvrir et donnant sur le parking. Cependant, ils ne virent pas avec quel élan il s’avançait vers eux.

- Oh mon Dieu ! s’écria Dana. John ! Elle l’aida à se redresser. John ! Est-ce que ça va ?

Tout le hall s’était figé. Elle se retourna et dévisagea avec prudence l’homme qui avait surgit de nul part et qui avait soigneusement gracié John d’un coup de poing tombé du ciel. Ce n’est que quand elle réalisa qu’elle connaissait l’intrus qu’elle reprit la parole.

- Non mais t’es malade Mulder !
- Moi malade ? Je vous ai vus vous embrasser !
- Et alors ! Où est le problème ? Non mais c’est pas vrai tu lui as brisé l’arcade sourcilière !
- T’en rêvais depuis des années, hein, avoue ! s’acharna Mulder menaçant de nouveau Doggett.
- Quoi ? essayait de comprendre Dana.
- Je te jure que non Mulder, tenta de se défendre John.
- Attendez je ne comprends rien ! tenta de se faire entendre Dana. C’est… moi qui lui ai demandé de m’embrasser, John n’y est absolument pour rien !

Elle avait enfin réussi à capter l’attention de Mulder. La salle était toujours toute ouïe vers eux.

- Encore une fois Mulder ! Pourquoi tu l’as frappé ? exigea-t-elle un peu plus bas, ne voulant pas fournir de nouveaux éléments croustillants au reste du personnel soignant de l’hôpital présent autour d’eux.
- Et bien… parce que… bredouilla Mulder, conscient qu’il ne pouvait pas lui avouer qu’il partageait sa vie avec elle depuis pratiquement dix ans dans un futur proche. Pense à Monica John !
- Mais bien sûr… réalisa Dana. J’avais oublié que tu avais quelqu’un John. Je suis désolée. Je n’aurais jamais dû te forcer…
- Tu l’as forcé ? s’interrogea Mulder, un peu surpris.
- Bien sûr que oui ! John n’est coupable de rien je t’assure Mulder.
- Pourquoi alors ?

Mulder était de plus en plus perdu.

- C’était pour me… défiler ! avoua Dana. J’aime quelqu’un, et ce quelqu’un m’aime aussi mais, il est marié et qui plus est… c’est mon supérieur. Il nous a vus et… il est reparti.
- Oh… je vois.
- Tu ne pouvais pas savoir.

John porta sa main sur son arcade.

- Dana… est-ce qu’il y aurait moyen de soigner ceci ?
- Oui bien sûr ! s’excusa-t-elle, navrée d’avoir oublié aussi rapidement que John n’était pas physiquement sorti indemne de l’altercation qu’elle avait provoquée.

Dana entraîna les deux garçons dans une salle de consultation quelques mètres plus loin. Le hall avait reprit son rythme normal. En haut de l’escalier central le surplombant, le docteur et professeur Waterston avait observé la scène finale. Ada Gordon qui montait les escaliers vint à sa rencontre et s’arrêta près de lui, appuyant à son tour ses mains sur la balustrade.

- Elle est passée à autre chose Daniel… tu devrais faire pareil. Pense à ta fille Maggie, elle est encore si jeune et a besoin de son père. Ne va pas tout gâcher pour une amourette de couloir.

Elle s’éloigna.

- Trois ans… je n’appelle pas ça une amourette… murmura brisé le docteur Daniel Waterston. »

***


« Les passagers du vol American Airlines 91750 à destination de l’état du Maryland sont priés de se rendre porte E pour un embarquement immédiat. Les passagers du vol… »

A l’entente du message, Monica Reyes se leva du banc et plia la revue qui l’occupait et la fit disparaître dans son sac. Elle jeta un œil à sa montre tout en se dirigeant vers la porte d’embarquement. Si ses calculs étaient bons, il ne restait plus que quelques heures pour Mulder, Scully et Doggett avant de reprendre le chemin du présent.

Installée près du hublot, Monica n’arrivait à garder immobiles ses mains agitées par une certaine nervosité. Elle demeurait persuadée qu’il s’agissait du dernier voyage de jouvence par procuration pour Billy. Elle le sentait. Billy avait la bonne combinaison pour atteindre son but. Et il n’avait certainement pas pour projet d’effacer ce rêve qu’il était en train de vivre. Oui, Monica avait peur de leur retour. Peur qu’ils se souviennent. Peur que le futur ne soit plus jamais comme le passé.

***

Fin de la deuxième partie

A SUIVRE ! I love you
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Éclair de Jouvence Empty Éclair de Jouvence - Troisième Partie

Message  PtiteCoccie88 Jeu 23 Fév 2012 - 17:07

ÉCLAIR DE JOUVENCE

***
Troisième Partie
***



Jour 2 – 21h50

« Mélissa Scully était concentrée. Trois heures qu’elle faisait défiler les copies sous ses yeux. Le bruit de la porte d’entrée accorda une bouffée d’oxygène à son cerveau.

- Qu’est-ce que tu fais ? demanda Dana en guise de salutation à la vue de sa sœur assise à même le sol, la table-basse lui servant de bureau.
- Des partiels de mi-semestre, je suis très en retard dans ma correction ! se justifia-t-elle.
- Il t’en reste beaucoup ? dit Dana en s’avançant près d’elle après s’être débarrassé de son manteau.
- Je viens de finir les troisièmes années, mais il me reste encore une cinquantaine de copies de première année !
- Et c’est quoi le sujet ?
- « Faut-il combattre nos désirs ? »
- Oh… très bonne question, se crispa Dana.

Missy posa son crayon et décrocha complètement de ses copies.

- Assieds-toi ma chérie, ordonna-t-elle chaleureusement.

Dana s’exécuta aussitôt, s’asseyant en tailleur sur la moquette.

- Qu’est-ce que tu aurais répondu ? interrogea Mélissa.
- Et bien… hésita Dana, le désir… n’est que malheur.
- Pourquoi ?
- Parce qu’il… peut rendre triste. Alors, vaut mieux ne pas les écouter ou ne pas en avoir du tout.
- Tu ferais une parfaite Stoïcienne !
- Une quoi ?
- Tu penses comme Epictète. « Quant aux désirs, pour le moment, renonces-y totalement. » Pour la philosophie stoïcienne, le désir est dangereux et il est préférable d’y renoncer.
- Si tu le dis ! C’est toi le professeur ! rit Dana par pure nervosité. Oh et j’ai apporté chinois ! se déroba-t-elle, tendant une barquette à sa sœur.
- Oh parfait ! T’es vraiment adorable ! Je meurs de faim !

Dana avait déjà attrapé une baguette quand sa sœur revint à la charge.

- Mais cette volonté de renoncement aux désirs, cette « ataraxie » que tu recherches n’est que la première étape d’un long cheminement. En ce moment, ce qui te fait renoncer à Daniel ne trouve sa source que dans ton esprit rationnel qui te gouverne toute entière, mais sache que le désir sait aussi être une force positive !
- C’est-à-dire ? fit Dana en apparence plus absorbée par ses pâtes chinoises que par les propos de sa sœur.
- Le désir amoureux est ce qu’il y a de plus beau et de plus fort. Si tu ne désires plus rien Dana, tu es comme morte. Le désir est ce qui donne du sens à la vie, ce qui l’intensifie !
- Sauf que je préférerais ne rien ressentir plutôt que de suffoquer chaque minute, chaque seconde avec une souffrance qui me rappelle à chaque instant que ce que je souhaite le plus au monde ne me sera probablement jamais accordé.

Missy se sentit touchée par les derniers mots de sa petite sœur. La voir en proie depuis plusieurs mois à un tel tourment sans pouvoir l’extirper de cet abîme de douleur lui était insupportable.

- Cette souffrance restera en toi tant que tu n’auras pas appris à maîtriser ce que tu ressens…
- Et comment on fait ? implora Dana délaissant son repas sur le rebord de la table basse, comme si les mots prononcés depuis plusieurs minutes dans l’air lui avaient dévoré toute énergie ne serait-ce que pour avaler le moindre nutriment.
- Le désir est néfaste, il fait mal mais, si tu lui accordes une place en profondeur, différente de la pulsion, un regard réfléchi et posé, alors là tu comprendras que désirer est normal, que ce n’est pas un crime. Daniel est marié, mais ce n’est pas pour cela que tu n’as pas le droit de l’aimer. Que vous n’avez pas le droit de vous aimer. Ecris-le…

Dana médita quelques instants, entre trouble et réflexion.

- Qu’est-ce que tu entends par écrire ?
- Ce que tu ressens ! Ecris ce que tu ressens. Ne le refoule pas. Si tu analyses tes désirs, tu les gouverneras.
- Et alors je n’aurai plus peur ?
- Tu seras en paix.
- En « araxie ».
- « Ataraxie » ! corrigea Missy résistant à une explosion de rire à l’entente de la notion philosophique écorchée par sa sœur.
- « Ataraxie », répéta Dana, se déridant à son tour. »

***

Jour 2 – Au même moment

« Fox Mulder attrapa le verre que lui tendit le barman de l’hôtel. Cet éclair de jouvence commençait à lui peser sur les épaules. Certes, le côté irrationnel des circonstances l’avait accaparé tout entier pendant un temps, mais la tournure des événements peu à peu faisait naître en lui une certaine appréhension s’apparentant plus à de l’angoisse qu’à une certaine méfiance face à l’inconnu et au basculement possible des événements à suivre. Plus les heures avançaient et plus l’étrange sensation que sa vie future se jouait en ce moment même martelait tous ses sens en éveil. Voir Scully et John Doggett s’embrasser n’était pas ce qu’il avait envisagé pour la journée, même si au fond il se persuadait que cela n’avait pas de racines profondes. Ici, Dana était amoureuse de Daniel Waterston, pas de John Doggett ! John n’était qu’une bouée de sauvetage pour Dana, rien d’autre. Mais l’image de Scully et de Doggett s’embrassant revenait sans arrêt en lui.

- Mulder ?

Ce dernier sursauta.

- Je vous ai cherché partout ! Où étiez-vous ? demanda Doggett s’installant sur un tabouret.
- Et bien ici, comme vous pouvez le constater…
- Mulder… s’il y a bien une personne en qui vous pouvez avoir confiance c’est Dana. Ce matin, je n’étais rien d’autre pour elle qu’un… « moyen » pour se dérober. Je n’étais rien d’autre Mulder ! essayait de convaincre John. Je n’ai fait que ralentir Dana tout ce temps où j’ai travaillé avec elle, alors qu’avec vous Mulder, Dana avance et se construit. Vous êtes là avec elle alors que moi dès le début, j’ai été là contre elle. Et ce n’est pas aujourd’hui que cela changera, qu’on soit dans le futur ou ici. Et puis… je suis aussi borné qu’elle, ça ne peut pas fonctionner ! On se ressemble trop.
- Ça c’est bien vrai, sourit Mulder, repoussant son verre auquel il n’avait pas touché, estimant qu’il n’en avait plus besoin.

Mulder regarda John Doggett s’éclipser de nouveau dans les étages de l’hôtel avant de quitter à son tour le comptoir. Soudainement l’ex-partenaire de Dana Scully venait de remonter dans l’estime de Fox Mulder. »

***

Jour 3 – 00h05

« Dana arpentait l’avenue principale depuis un quart d’heure. Elle avait eu besoin de sortir marcher après le repas expéditif avalé en moins d’une minute. Mélissa en avait probablement encore pour quelques heures la tête plongée dans ses corrections. Elle n’avait pas envie de dormir, ni de regarder la télé ou de lire, juste de se concentrer sur elle-même. Et marcher dans les rues éclairées du centre ville lui était apparu comme étant la solution la plus judicieuse malgré le froid lui fouettant les entrailles. Machinalement elle avait pris la direction du parc de l’hôpital. Enveloppée dans une simple veste, elle commençait à s’en vouloir de n’avoir pas pris son manteau resté oublié dans l’entrée. Dana finit par s’asseoir sur un banc situé dans les allées de l’hôpital amenant à l’entrée principale. Elle n’était pas de garde ce soir, et pourtant elle ne pouvait s’empêcher de venir rôder autour du bâtiment comme si elle était en manque. Elle alluma une cigarette.

- Dana ?

Elle tourna sa tête en direction de l’interpellation. L’éclairage était allumé, mais pour autant, elle n’arriva à discerner tout de suite son visage. Ce n’est que quand il s’avança devant elle qu’elle le reconnut.

- Mulder ? Si tu viens donner ton sang, je crois qu’il est un peu tard, reviens le mois prochain, amorça-t-elle.
- Non, je ne viens pas pour ça. Je n’arrivais pas à dormir.
- Moi non plus.
- Je peux ?
- Oui bien sûr, autorisa-t-elle, le laissant s’asseoir à côté d’elle. Tu fumes ? proposa-t-elle, montrant son paquet de cigarette.
- Non. Je ne fume plus.
- Je n’ai pas encore ce courage malheureusement.
- Ça viendra, assura-t-il. Il suffit juste de le vouloir.
- On croirait entendre ma sœur. D’ailleurs tu t’entends plutôt bien avec elle non ? Enfin… d’après ce que John m’a dit ce matin ! Je n’insinue rien du tout ! finit-elle dans un sourire.
- C’est vrai qu’elle est fascinante.
- Et célibataire !
- Je croyais que tu n’insinuais rien du tout ! provoqua Mulder.
- J’ai dit ça ? joua-t-elle charmeuse.
- Il me semble bien que oui. Et sinon ça fait longtemps que tu vis avec ta sœur ?
- Ça fait un an. Elle est revenue dans la région. A l’époque j’étais en colocation avec James et Olivia, deux autres internes avec qui je travaille et puis ils ont fini par se mettre ensemble alors moi me sentant de trop j’ai préféré partir vivre avec ma sœur qui était déjà toute seule à l’époque. Missy m’apaise. Je ne sais pas ce que je deviendrais sans elle.

Dana qui regardait droit devant elle ne remarqua pas le trouble de Mulder provoqué par ses derniers mots. Quelques secondes passèrent, sans que ni l’un ni l’autre n’échangent un mot. Dana en profita pour terminer sa cigarette.

- Je crois qu’il pleut, remarqua Dana, sentant quelques gouttes tomber sur ses mains.
- Et il se fait tard…

Dana regarda sa montre.

- Il est à peine minuit ! s’exclama-t-elle.
- Tout le monde n’a pas l’habitude de travailler la nuit comme toi, fit-il remarquer.
- C’est vrai ! Tu marques un point… eut du mal à finir Dana, les gouttes commençant à se transformer en pluie glacée sur ses cheveux.
- Tu trembles ! s’inquiéta Mulder.
- Ça m’apprendra à sortir sans mon manteau, articula-t-elle péniblement.

Sans prendre le temps de réfléchir, il lui passa autour de ses épaules le sien.

- Merci, fit part Dana.
- De rien.
- Maintenant, c’est toi qui n’as plus de quoi te protéger, culpabilisa-t-elle.
- Ne t’inquiète pas pour moi, rassura-t-il. Tu veux rentrer chez toi ?
- Non pas encore… j’aime rester sous la pluie quitte à tomber malade…
- Je sais…

Mulder nota la légère interrogation dans les yeux de Scully.

- Je veux dire… ça se voit.
- Si tu veux rentrer, vas-y, j’ai l’habitude d’être seule.
- Et si je te disais que je n’ai pas envie de rentrer…
- Je dirais que l’idée me plaît.

Ils se sourirent tous les deux.

- Tu sais… Missy n’avait pas tord quand elle disait l’autre soir que j’avais déjà l’impression de vous avoir vus quelque part, toi et John, sauf qu’en réalité, cela n’est valable que pour toi. Il n’y a que toi que j’ai l’impression d’avoir déjà vu quelque part.
- Et où ça ?
- Je sais pas… c’est comme quand tu es persuadé d’avoir déjà vécu cette scène, mais en fait, c’est juste un dérèglement momentané de ton cerveau. Ou alors on s’est vraiment bien rencontré mais hélas, j’étais sûrement bien trop cuite pour pouvoir m’en souvenir ! acheva Dana, rencontrant doucement le regard de Mulder.
- Dans ce dernier cas, je suis sûr que je n’aurais pas oublié.

La pluie accentuait de plus en plus son rythme. Pourtant, aucun des deux ne semblaient se décider à partir en quête d’un endroit plus abrité. Dana accrochait les yeux verts de Mulder.

- Depuis l’autre soir, dès que je croise ton regard, tu arriverais presque à me le faire oublier…
- Qui ça ?
- Daniel… et c’est… si agréablement déstabilisant.
- Pourtant… là tu y penses non ?
- Moins que d’habitude… comme si ta présence m’aidait à tourner la page.
- Mais c’est avec John que tu as dansé…
- Parce que je voulais que toi et ma sœur puissent parler en tête à tête… je me suis dit que tu t’entendrais mieux avec elle.
- C’est ce que tu pensais ?
- Oui.

Mulder se mit à rire. Le soulagement s’emparant de lui. Elle n’avait jamais éprouvé un seul instant de faiblesse à l’égard du jeune John Doggett. En vérité, c’était ce que n’avait osé imaginer Mulder qui s’était produit.

- C’est stupide, n’est-ce pas ? rit Scully également. La petite sœur qui cherche à caser la grande…
- Non, ce n’est pas stupide, prononça Mulder, luttant contre son envie de la saisir dans ses bras. Ce séjour dans le passé lui semblait interminable et faire semblant que Scully ne lui appartenait pas était de plus en plus dur. Elle était là sous ses yeux et pourtant elle lui manquait. Tu aimes ta sœur, c’est tout.

La pluie s’emparait du visage de Dana. La résistance de Mulder céda. Il dégagea une mèche de cheveux rendue humide par l’eau du visage de Dana et la lui replaça derrière son oreille. Cependant, il n’enleva pas sa main de son visage. Mais la suite des événements, ce n’est pas lui qui l’orchestra. Ce fut Dana.

Le transfert de chaleur qu’elle ressentait par sa main enveloppant sa joue lui procurait un apaisement qu’elle n’avait pas ressenti depuis un siècle. Et ses yeux qu’elle se refusait d’abandonner ne faisaient qu’accentuer cette plénitude reposante. Même le tonnerre qui commençait à gronder n’arrivait à se frayer un chemin jusqu’à ses tympans. Elle avait l’impression de percevoir son âme derrière ce vert. Une âme faisant écho à la sienne. Elle aimait Daniel, mais c’est lui qui était venu vers elle. Dana s’était sentie flattée et avait succombé. Mais en ce moment, c’était différent, car tout semblait limpide quand elle regardait Mulder. Tout ce qui l’entourait, la pluie, les allées, les arbres, les passants, revêtaient le syndrome de l’évidence, car en la présence de cet homme rencontré il y a peu, Dana se sentait en accord avec elle-même et en confiance. Elle agrippa la main de Mulder qui reposait contre son visage avec la sienne. Puis, pour la première fois depuis des semaines, Dana Scully, 23 ans, laissa parler son cœur pour elle. Victime du coup de foudre pensa en un éclair Dana juste avant de goûter le parfum de Mulder. Elle ne réservait ces choses qu’aux films romantiques pour adolescentes de quinze ans. Elle s’était trompée de croire en ce stéréotype reconnut-elle tout en sombrant en profondeur dans les délices que lui procurait ce baiser qu’elle échangeait avec cet homme. Leur baiser quitta vite la timidité pour laisser le champ libre à l’urgence de l’émotion. La pluie glacée s’inséra entre leurs lèvres brûlantes, leur arrachant un imperceptible sourire, sans pour autant les faire renoncer à leur poursuite vers une électricité grandissante.

Un éclair se montra et le tonnerre exécuta son plus beau rugissement. »

***

Jour 3 – 00h35

« Mélissa Scully releva de nouveau la tête de ses copies quand une fois de plus le bruit de la porte d’entrée qui s’ouvre attira son attention.

- Mon Dieu Dana, mais tu es trempée jusqu’aux os ! s’exclama Missy accourant aussitôt auprès de sa sœur. Tu cherches à attraper la mort sous l’orage ma parole !
- Peut-être bien ou pas… pour tout te dire, j’en sais rien, prononça-t-elle avec difficulté complètement frigorifiée.
- Comment ça t’en sais rien Dana ! répondit Missy frictionnant sa sœur pour l’aider à se réchauffer.
- Je… crois que je me suis endormie sur un banc près de l’hôpital !
- Dana… reprocha sa sœur, le seul soir où tu n’es pas de garde, au-lieu de le passer devant la télé comme tout le monde à te goinfrer de céréales avec ta sœur…
- Je ne me goinfre jamais de céréales !
- Oui ça je sais Dana, c’était juste façon de parler ! lui expliqua Mélissa l’amenant sur le canapé. Je vais te chercher de quoi te sécher les cheveux. Je reviens.
- D’accord… grelotta Dana congestionnée des pieds à la tête.

Ce n’est que quand Mélissa refit surface dans le salon avec un sèche-cheveux qu’elle remarqua le manteau que portait sa sœur sur les épaules.

- Tu as rencontré Mulder lors de ta petite promenade nocturne ?
- Qui ?
- Mulder ! répéta Missy branchant l’accessoire puis s’asseyant à côté d’elle.
- Qui est Mulder ? interrogea Scully, visiblement égarée.
- Oh… comprit Missy. Je vois, sourit-elle.

Puis le bruit du sèche-cheveux envahit la pièce. »

***

Washington D.C. – 1h02

La chambre était plongée dans l’obscurité. Seule la lumière de l’écran d’ordinateur sur lequel Monica fixait son attention depuis au-moins une heure éclairait la pièce. Il n’était pas évident de rédiger un tel rapport d’enquête pour le bureau du FBI. Elle avait en effet décidé de mettre au courant l’institution du phénomène tout simplement parce qu’une fois de plus, il n’y avait pas de preuves. Juste des témoignages et des interprétations. Sans justifications solides, pas de quoi ébranler la rationalité du monde et changer le regard du FBI sur le service des affaires non-classées. De longues heures au sous-sol se profilaient de nouveau pour lui à l’horizon. Ayant placé l’ultime point sur le document, Monica entreprit une relecture puis éteignit la machine. Un silence complet envahit subitement l’espace. Déjà en chemise de nuit, Monica Reyes se glissa aux côtés de John Doggett endormi profondément depuis deux heures.

Monica ne plongea pas dans le sommeil immédiatement. Elle voulait avant de sombrer, contempler les traits de John qu’elle arrivait tout de même à discerner malgré le noir. La blessure située au-dessus de son œil droit était en voie de guérison. Elle s’en voulait d’avoir un instant douté de lui comme elle l’avait fait juste avant d’embarquer pour le Maryland. L’amour peut parfois conduire à des comportements dépassant la raison, mais pas ses bases. Ce sur quoi il se construit est toujours constitué d’un assemblage bien spécifique, comme deux codes distincts qui ensembles forment une clef. Monica Reyes repensa aux propos du docteur Ada Gordon rencontrée quelques jours auparavant. « Je reste persuadée que nous n’aurions jamais été l’une vers l’autre pour la simple et bonne raison que nous nous ressemblions beaucoup trop. » Ceci était valable pour l’amitié, mais aussi pour le coup de foudre. Ce qui crée le coup de foudre, ce qui fait que d’un seul coup deux âmes s’électrisent entre elles par un simple regard, ce n’est pas leur ressemblance, mais leur différence. Un coup de foudre n’est que le résultat de la rencontre de deux personnes qui n’auraient jamais dû se rencontrer.

***

Caroline du Nord – 11h11

La luminosité éblouit les yeux fragiles de Dana. Il lui fallut un moment pour réaliser où elle se trouvait. La vue des draps bleus clairs qui la recouvraient l’aidèrent à se rafraîchir la mémoire. Caroline du Nord. Présent. 44 ans.

Scully ne bougeait pas. La place était vide à côté d’elle. Scully allongée, le regard figé, se contentait d’observer le jour bien levé par la fenêtre. Après toute cette pluie qui s’était abattue sur la région en une semaine, elle en avait presque oublié à quel point la force du soleil pouvait être impressionnante. Pas un nuage. Rien. Que de l’azur. Mais juste à l’extérieur. Car son ciel intérieur était sur le point de s’écrouler sous ses larmes. Son cerveau intercepta des bruits en provenance du rez-de-chaussée qui se rapprochaient progressivement.

- Tu es réveillée, dit-il le sourire aux lèvres.

Cependant le léger bonheur habitant son visage le quitta dès qu’il prit conscience que Scully ne partageait pas la même émotion.

- Missy… murmura-t-elle la voix déchirée.
- Scully… prononça Mulder délicatement venant aussitôt à elle, l’enveloppant avec la plus grande tendresse qu’il pouvait émettre.

Scully accepta ses bras, enfouissant son visage contre son torse. Ils restèrent ainsi plusieurs minutes. Les muscles de Scully se détendirent sous la chaleur et la pression exercée par le corps de Mulder contre le sien. Ce dernier attendit d’être sûr que la tension résultant du choc provoqué par le resurgissement du passé était redescendue en elle avant de renouer le dialogue.

- J’ai pris le courrier ce matin. Monica nous a envoyé une copie du rapport qu’elle a transmis à Skinner. Si tu veux le lire, il est en bas. Et… le Père Ybarra a laissé deux messages sur le répondeur… Billy Foster s’est réveillé.

Scully releva tout d’un coup le regard vers lui, surprise et heureuse.

- Et devine à quelle heure ?
- Hier entre 00h00 et 1h00 du matin ?

Mulder sourit, confirmant la proposition de Scully.

- J’ai fait du café…
- Je veux bien que tu m’en apportes une tasse, devança Scully.
- C’est comme si c’était fait ! s’apprêtait à disparaître Mulder.
- Attends ! le retint Scully par l’épaule.
- Quoi ?

Doucement elle approcha ses lèvres des siennes, offrant à Mulder un baiser délicat et agréablement brûlant ne pouvant s’empêcher de glisser sa main derrière sa nuque. Ce fut un vrai déchirement de s’arracher à lui, mais elle voulait regarder par la fenêtre, il fallait qu’elle vérifie.

- Le soleil est toujours là !

Mulder éclata tendrement de rire à la remarque de Scully.

- Ce serait trop beau pour être vrai si on avait un coup de foudre à chaque fois qu’on s’embrasse !
- Mais on peut toujours l’imaginer, répondit Scully.
- Même dans le cas où c’est Doggett que tu embrasses ?
- Mais nan ! se vexa brusquement Dana. Tu vas me le ressortir combien de fois ? J’ai assez honte comme ça ! avertit-elle se réfugiant sous les draps.
- Scully, chercha Mulder sur un air qui savait que cela ne faisait qu’irriter davantage sa partenaire. Assume les responsabilités de tes actes. Par exemple, moi j’assume complètement de lui avoir laissé un bel hématome sur l’arcade sourcilière.
- Mulder tu m’énerves ! prévint Scully.
- Surtout qu’à vue d’œil, tu avais l’air de prendre plaisir à l’embrasser et que… aïe !

Scully l’avait prévenu mais il avait continué. Il ramassa l’oreiller qui avait atterri sur le sol juste après avoir heurté son visage par l’intermédiaire d’une Scully un peu trop bouillonnante.

- Scully ! Tu m’as frappé ! lui fit-il remarquer sur un air faussement outragé, se retenant de piquer un fard.
- Arrête de parler de John Doggett, je me sens assez bizarre comme ça. Je me demande encore comment j’ai pu faire une chose pareille !
- Scully… il ne s’en souvient même pas ! A ta place, je serais plutôt complètement dévasté si j’apprenais que je suis tellement sans effet qu’on ne se souvient même pas des baisers que j’offre et…

Cette fois-ci cela en était trop pour Dana Scully qui se rua sur Mulder, montant à califourchon sur lui dans le but de l’immobiliser tel un plaquage.

- Voilà qui devient intéressant, susurra Mulder qui ne perdait pas le nord.
- Arrête ou je vais…
- Tu vas quoi ?
- Rien, soupira Scully un peu perdue sa colère la quittant d’un coup. Ce n’est pas pour autant qu’elle redescendit de Mulder.
- Oh… semblait visiblement déçu Mulder du manque soudain d’initiatives de sa partenaire. Mais si tu n’as pas d’idées, je t’informe que moi j’en ai ! l’informa-t-il, reprenant le dessus sur elle sans crier garde, la faisant basculer à l’aide de son poids tout en lui arrachant un léger gémissement de surprise, la dominant à son tour. Te voilà prisonnière !
- Mais ça s’appelle tricher aussi !
- Ah bon ?
- T’as profité d’un moment où j’étais fragile.

Il sonda profondément ses yeux. Un bleu impénétrable derrière lequel se réfugiait un milliard d’interférences provoquées par un bouillonnement d’agitation interminable. Sous ses mains posées sur le ventre de sa compagne, il sentit tout de même que sa respiration se détendait progressivement.

- Scully… les héros du coup de foudre de Billy Foster, c’est toi et moi, pas Doggett et toi.
- Je sais… mais quand même… j’ai embrassé Doggett !
- Encore une fois il ne se souvient de rien. A l’heure qu’il est, j’espère qu’il croît toujours qu’il s’est cogné contre une baie vitrée de l’hôpital du Maryland et non moi qui l’ait affublé d’un coup de massue !
- Tu étais jaloux ?
- Oui. Pendant une seconde, j’ai eu le sentiment que Billy transformait notre rêve en cauchemar. Mais surtout demande toi pourquoi tu as voulu qu’il t’embrasse…
- Daniel…
- Une fois de plus tu t’es dérobée.
- …
- Quoi ? s’inquiéta Mulder, ne pouvant constater qu’effectivement Scully une fois de plus était en train de s’éclipser vers des contrées lointaines.
- Si tu avais été médecin, si c’était toi qui t’étais occupé de Billy...
- Tu te dis que j’aurais revu Samantha et que je lui aurais sauvé la vie mais… sache qu’aujourd’hui, là où elle est, ma sœur est en paix.
- Mais pourquoi m’offrir la chance de sauver ma sœur ?
- Peut-être que Dieu a entendu tes prières… ou les miennes.

Mulder s’était attendu au visage consterné de stupeur qu’était en train d’afficher Scully.

- Scully… tu es bien placée pour savoir que… la foi est contagieuse.

La stupeur disparut de son visage pour laisser place à une profonde reconnaissance. Elle attira Mulder vers elle et captura ses lèvres. Mulder succomba sans résistance se laissant envahir par la sérénité que lui procuraient les mains de Scully se faufilant sous son t-shirt. En échange il lui offrait de multiples baisers qu’il déposait dans son cou, derrière son oreille, puis de nouveau sur ses lèvres. Puis soudain, un léger gargouillement en provenance des tréfonds de l’estomac de Scully se fit entendre, déclenchant une petite hilarité chez Mulder et Scully.

- Je vais te chercher ton café ! décida Mulder.
- Nan ! supplia Scully tentant de le retenir une fois de plus.
- Tu n’as rien mangé depuis 24 heures Scully ! Tu dois prendre quelque chose !
- D’accord, se rendit-elle.
- Et puis… ce n’est pas moi qui te dois une promesse, c’est toi ! rappela-t-il déposant un ultime baiser sur ses lèvres, la faisant sourire.

Scully le regarda disparaître à travers la porte grande ouverte. Les cheveux quelque peu ébouriffés par trop d’heures de sommeil, elle se redressa sur le lit et enfila un fin gilet. Elle ouvrit le tiroir de sa table de nuit et attrapa sa montre. « 11h45… » murmura-t-elle surprise que la matinée soit déjà si avancée. Elle s’apprêtait à refermer le tiroir quand elle arrêta son geste. Elle ne l’avait pas remarqué hier soir mais, il n’était pas dans le même sens que d’habitude. Il reposait sur l’envers. Scully s’en empara et le feuilleta quelques instants. Elle ne s’arrêta pas sur les pages qui parlaient de sa maladie. Elle savait que les mots étaient là et n’avait pas besoin d’aller vérifier s’ils n’avaient pas disparu. « Mulder est quelqu’un de fascinant et bourré de connaissances, mais je ne partage pas ses convictions ! » put-elle lire à la date du 15 mars 1992. « Je trouve d’ailleurs dommage qu’un tel potentiel se trouve freiné par tant d’aveuglement… bien qu’il est vrai que ce sur quoi nous enquêtons ne me laisse pas insensible. Mais je reste persuadée que la science reste la seule mesure adéquate pour répondre à toutes les interrogations auxquelles nous sommes confrontés, tout comme lui s’acharne à me convaincre que nous ne sommes pas seuls. » Scully en lisant ses derniers mots ne put s’empêcher d’esquisser un sourire. Elle était sur le point de refermer les pages quand un détail accrocha son attention. Elle ne parcourait pas souvent son journal, les moments qu’elle lui consacrait s’espaçaient de plus en plus, mais ce n’est pas pour cela qu’elle ne le connaissait pas. En faisant vibrer une ultime fois les pages, elle se rendit compte qu’il commençait plus tôt que 1992. Dana Scully, 23 ans, avait respecté à la lettre les conseils de Mélissa Scully. Ce n’est plus « 1992 » qui trônait sur la première page. Mais ce qui déstabilisa le plus Scully fut de trouver en première page en plus de cette date surprise, le nom de Waterston mêlé à celui de Mulder. La preuve du voyage était entre ses mains. Et le plus étrange était que Dana Scully, celle du présent, se souvenait qu’elle avait écrit ses mots il y a tout juste quelques heures, juste avant de s’électriser sous la pluie avec Mulder.

- Qu’est-ce qui te fait sourire ? demanda Mulder qui revenait avec une tasse de café bien chaude accompagnée d’une tranche de pain grillée.
- Mon journal, répondit-elle, lui tendant. Lis…
- Vraiment ? questionna-t-il vérifiant qu’il avait bien entendu étant donné que la dernière fois qu’il l’avait vu écrire, elle lui avait formellement interdit de s’approcher d’elle à moins de deux mètres.
- Oui.

Elle fit l’échange avec lui, récupérant son café bien chaud.

- A haute voix ?
- Si tu veux.
- « 25 février 1983. Il est 23 heures et 15 minutes. Je n’arrive pas à dormir. Mélissa est en bas. Je suis en haut. Aujourd’hui j’ai embrassé le premier venu pour échapper à Daniel. Cela ne me ressemble pas. »
- Arrête de te moquer ! prévint Scully, remarquant que Mulder avait tendance à se dérider.
- Je ne me moque pas ! Tu m’as demandé de lire alors je lis ! « Mais j’ai aussi pris la décision d’aller lui parler demain. Je dois lui dire que je ne supporte plus que notre relation m’affecte à ce point durant mes heures de travail. » Je comprends du coup pourquoi toi et moi ça a pris autant de temps !

Scully leva les yeux aux ciels, manquant de s’étouffer avec une gorgée brûlante qu’elle était en train d’avaler.

- « Dans un mois, après l’examen de fin d’internat pour passer en résidence, je pourrais choisir ma spécialité. Je ne serais donc plus dans le service de cardiologie étant donné que je souhaite me spécialiser en pédiatrie, service oncologie. Je ne le verrai pratiquement plus. Et puis… j’ai compris que je n’étais pas aussi amoureuse de lui que je le croyais. Je suis plus amoureuse des sentiments qu’il me porte que je suis amoureuse de lui. Je ne souhaite pas être la raison pour laquelle il s’autoriserait à quitter sa femme. J’ai peut-être du mal à savoir ce que je veux, mais je sais ce que je ne veux pas.
Et puis… il y a Mulder… dès le premier instant où j’ai croisé son regard, je me suis sentie étrange. J’aurais pu ne jamais cesser de le regarder. J’étais comme électrisée. L’impression qu’il pouvait lire en moi, tout comme moi j’avais l’impression de lire en lui. Pourtant, il pense comme Missy. Mais… il se trouve que les esprits comme Missy m’apaisent. Et Dieu sait que j’en ai besoin. Absence de troubles, un jour je te trouverai. ».

Mulder referma le journal pendant qu’elle se débarrassait de sa tasse sur le rebord de la table de nuit.

- Et là comment tu te sens ? lui demanda-t-il.
- Heureuse.
- Scully…
- Chut… coupa-t-elle sentant le sujet qu’il allait aborder, s’approchant de lui, passant ses bras autour de son cou. Je préfère cent mille fois t’avoir avec moi et avoir vécu tout ce que nous avons vécu, le cancer, William… plutôt qu’une vie où je n’aurais jamais été confrontée à tout cela, car tu as fait de moi ce que je suis aujourd’hui. Et maintenant laisse-moi appliquer ma promesse…

Mulder scruta une ultime fois les yeux de Scully. C’était vrai. Elle ne lui mentait pas. Elle était heureuse. Puis, tel un accord muet, il l’autorisa à déployer ce qu’elle lui devait.

***

Lady of Sorrows Hospital – 17h04

Un an que le docteur Dana Scully pénétrait dans la chambre 204 sans frapper, car il n’y avait tout simplement jamais personne pour répondre de l’autre côté.

- Docteur Scully ! accosta Jessica. Vous vous rendez compte ! Billy Foster s’est réveillé ! Incroyable non ?
- Oui… lui sourit Dana, repérant également que le Père Ybarra l’observait de loin.
Jessica s’éloigna dans une autre chambre tandis que Scully frappa le numéro 204.
- Bonjour Billy !
- Bonjour docteur Scully !

Cette dernière ne fut aucunement surprise qu’il prononce son nom alors qu’il ne l’avait encore jamais vue avec tous ses sens bien réveillés.

- Comment te sens-tu ?
- Comme si j’avais trop dormi !

Ils se sourirent.

- Est-ce que quelqu’un de ta famille est dans les parages ?
- Oui, ma mère. Elle est partie se chercher à manger au distributeur.
- Excusez-moi ? interpella une voix féminine dans le dos du docteur qui se retourna.
- Madame Foster ! reconnut Scully. Vous tombez bien !
- On était justement en train de parler de toi maman !
- Sachez que vous pourrez ramener Billy chez vous dès demain soir. Une chose est sûre, tu ne passeras pas un Noël de plus ici !
- Merci beaucoup Docteur Scully ! s’exclama madame Foster.
- Mais ce n’est pas moi qu’il faut remercier, c’est Billy ! Mais en attendant Billy, dès que tu auras retrouvé tes forces, tu pourras aller te promener dans le parc !
- Il est grand temps que tu profites de ce soleil Billy ! dit Helena Foster s’approchant du lit de son fils. C’est un vrai miracle qu’il se soit réveillé, n’est-ce pas docteur Scully ?

Le docteur Dana Scully échangea un regard complice avec Billy, puis tous les deux en chœur répondirent :

- Absolument !

***

Scully remontait l’allée centrale le nez plongé dans un dossier.

- Docteur Scully ?
- Père Ybarra, salua-t-elle.
- Je vous autorise à continuer sur Christian. Je… reviens sur ma décision. J’ai eu tord de ne pas vous faire confiance. Depuis la dernière opération, il y a quatre jours, l’état de Christian s’est nettement amélioré. Sa tumeur régresse à vitesse surprenante.
- Je sais Père Ybarra. Voilà pourquoi je ne vous ai pas écouté.
- Et vous avez bien fait.
- Félicitations Docteur Scully.

Elle le regarda s’éloigner, se demandant si elle n’était pas en train de rêver. A vrai dire, entre rêve, réalité, passé, futur, Scully ne savait plus trop où elle en était. Peu importe. Le plus important était qu’elle était en paix avec elle-même.

***

19h30

Mulder n’était pas dans son bureau, mais devant la télé.

- Ça alors ! Attention Mulder, tu vas faire fuir le soleil qui est revenu en apportant la neige avec toi par cette télé allumée !
- Scully ! sursauta Mulder qui ne l’avait pas entendue rentrer tellement sa concentration était accaparée par le programme. Je me suis dit qu’à force de la laisser éteinte, elle risquerait de ne plus fonctionner ! ironisa-t-il.
- Tu n’as pas tord ! encouragea-t-elle
- Et tu rentres tôt ce soir… j’aime.

Elle s’assit près de lui et déposa un baiser sur sa bouche.

- J’aime de plus en plus ! lui fit part Mulder sur un petit nuage.
- Moi aussi, lui avoua-t-elle. Elle tourna la tête vers l’écran plat et se troubla. Mulder… ne me dis pas que tu regardes ce genre de série ! s’alerta Scully. Mulder ! Ils ne racontent que des conneries là-dedans !
- Mais au-moins, je comprends à quoi ressemble ta vie à l’hôpital. Ces séries ne sont pas des conneries, corrigea Mulder. Bon ok ! Peut-être et même sûrement qu’ils se plantent sur certains termes médicaux ou qu’ils font un peu trop la part belle à des diagnostiques que tu ne rencontreras jamais dans ta vie de médecin mais… je ne pense pas qu’ils se trompent quand ils s’intéressent aux relations qui animent les personnages entre eux dans les séries. Tiens dans celle-là, une interne s’est mariée avec son titulaire et il était marié… !
- Mulder…
- La réalité dépasse la fiction Scully… D’ailleurs je propose qu’on fasse notre propre série Scully !
- Mulder…
- Si je t’assure ! Toi et moi au sous-sol du FBI ! Je suis sûr que ça ferait un tabac ! exagérait Mulder se croyant déjà dans les studios.
- Je ne t’écoute plus Mulder ! signala Scully qui était partie dans la cuisine se chercher un verre d’eau.
- On l’appellerait « The X-Files ! Aux frontières du réel ! »

A son retour Scully s’empara du dossier qui était resté sur la table et revint près de Mulder.

- Oublie « Aux frontières du réel ! », « The X-Files » tout seul s’est beaucoup mieux et moins explicite, comme ça les gens mettront dix ans avant de réaliser que le « X » ne désigne pas ce qu’ils croient.
- Je croyais que tu ne m’écoutais plus !
- J’ai dit ça ?
- Oui tu l’as dit. Et aussi tu croyais que les séries ne racontaient que je cite : « des conneries ! ».
- Sauf que toi et moi… c’est la vérité.

***

Epilogue :

« Affaire X 24 - 350.
Vingt-deux décembre 2008.
Etats de Caroline du Nord et de Washington.
Personnes impliquées : Elliot Ziegler, Jason Adams, Andrea Lapierre, Ada Gordon, Jessica Sanders, Dana Scully, Fox Mulder, John Doggett, Billy Foster.

Billy Foster, sexe masculin, âge 15 ans, s’est réveillé après trois ans de coma. Raisons de son état : foudroyé par la foudre le 25 février 2005 dans son jardin alors qu’il passait la tondeuse.
Parallèlement, huit disparitions ont été répertoriées dans les Etats de Washington et de Caroline du Nord. Deux Etats dans lesquels le patient Billy Foster a séjourné lors de son hospitalisation. Toutes les personnes ont disparu sur leur lieu de travail, appartenaient au corps médical et ont un jour suivi Billy Foster, sauf dans les cas de Fox Mulder et de John Doggett. Toutes les victimes sont réapparues d’eux-mêmes, dans des lieux en lien avec leur passé. Toutes ont reçu un même diagnostique : « amnésie temporaire », sauf dans les cas de Dana Scully et de Fox Mulder.
Billy Foster s’est réveillé le 22 décembre 2008 à 00 heure et 54 minutes, heure à laquelle Dana Scully, Fox Mulder et John Doggett ont été retrouvés dans le parc de l’hôpital universitaire du Maryland.
Les relevés des bulletins météos indiquent que durant chacune des disparitions, de violents orages sévissaient sur les lieux des faits.
Rien de scientifique ne permet d’étayer l’hypothèse que Billy Foster serait à l’origine de ces événements.
D’un point de vue rationnel, l’enquête demeure à ce jour non expliquée.
Affaire non classée. »

Scully referma le dossier et se réfugia dans les bras de Mulder qui ne perdait pas une miette de sa nouvelle série fétiche.

- Mulder ?
- Hum…
- J’ai envie d’une cigarette.
- Quoi ? réagit-il étonné décrochant soudainement ses yeux de l’écran pour dévisager Scully.
- Je plaisante !

Les rires de Scully et Mulder ensorcelèrent leur maison, l’illuminant d’un éclair de jouvence.

- Scully ? reprit Mulder.
- Oui ?
- On ne l'a jamais fait mais... j’aimerais beaucoup qu’on achète un sapin de Noël.

***

---FIN---
PtiteCoccie88
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Sandwish de Tooms

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