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Intuition Electrique

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Intuition Electrique Empty Intuition Electrique

Message  PtiteCoccie88 Mer 15 Déc 2010 - 21:17

Titre: Intuition Electrique
Auteur: Coccie
Date de publication: Lundi 31 mai 2010 (premère édition) Mercredi 15 décembre 2010 (deuxième édition)

Avertissement: PG-13
Catégorie: S
Mots Clés: H, Angst, MSR
Ship: ++

Résumé: FanFic se déroulant au cours de l'été 2012. Quelqu'un semble être à la recherche de Fox Mulder tandis que d'étranges phénomènes "lumineux" se déroulent autour de Scully.

Disclamer: Les personnages sont une idée originale de Chris Carter. Ils ne m'appartiennent pas et je n'en fais aucun bénéfice commercial. Je ne m'en sers que pour mon plaisir et celui des autres.

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INTUITION ELECTRIQUE

26 Juillet 2012 17h54

Elle marchait le long du couloir. Il faisait chaud, ce qui était plutôt normal lorsqu’on se trouvait au cœur de l’été. Mais, cette chaleur donnait la sensation d’être le vecteur d’un mauvais présage à venir. Cette chaleur étouffante et constante n’était pas normale. Elle le sentait au plus profond de son être. Elle saisit la poignée, ouvrit la porte. Tout en gardant sa longue blouse blanche, elle but une profonde gorgée d’un verre d’eau qu’elle tenait dans une de ses mains. Elle inspira une grande bouffée d’air frais et ferma les yeux. Les images de la nuit dernière défilèrent sous ses paupières, lui donnant une soudaine envie de se retrouver de nouveau en sa présence, de sentir son souffle parcourir son corps, ses caresses sur sa peau ... « bip, bip, bip, bip, bip, bip ». Le son la sortit de sa rêverie, il lui perçait les tympans, elle rouvrit ses yeux. Elle remarqua qu’elle n’avait même pas pris la peine de s’asseoir à son bureau, elle était restée juste devant la porte, toujours ouverte, laissant percevoir l’agitation du couloir. « bip, bip, bip, BEEEP … » Le bruit se faisait de plus en plus fort. On hurlait “Docteur Scully, bipez-moi le docteur Dana Scully!!” Elle mit la main dans sa poche, saisit et regarda le bipeur puis se rua dans le couloir. Sur son passage, les lumières se mirent à clignoter. Cela faisait des semaines qu’un électricien devait venir réparer ce problème technique. Parfois durant la journée, les lumières, situées dans l’aile du bureau du docteur Scully ne cessaient de s’allumer et de s’éteindre toutes seules tout aussitôt. Un simple dérèglement du circuit pensait-elle, mais qui en cette journée de grande chaleur commençait sérieusement à l’exaspérer ! Il était arrivé à sa hauteur, lui saisit le bras et la força à accélérer encore plus la cadence :

- Docteur Scully, je sais qu’il fait très chaud, que cette chaleur est très désagréable et que cela rend nos conditions de travail très difficiles, mais ce n’est pas parce que notre climatisation ainsi que notre réseau électrique n’en fait qu’à sa tête qu’il faut aussi que vous en fassiez qu’à votre tête vous aussi ! Depuis quelques jours, je vous trouve bien dispersée et par-dessus tout, vous arrivez maintenant en retard ! Croyez-moi ces patients tout comme vous préféreraient être au bord de l’eau plutôt que sur un lit d’hôpital ! On a besoin de vous en salle d’urgence !

Elle le fusilla du regard comme elle seule savait aussi bien le faire. Les lumières accélérèrent leurs clignotements puis se calmèrent progressivement. Elle détacha dans un mouvement lent son bras droit retenu par la main de cet homme. Le Père Ybarra n’avait jamais sa langue dans sa poche. Tout comme elle, il était d’un très fort caractère, n’hésitant jamais à prononcer tout haut ce que le monde n’osait dire. Elle ouvrit d’une seule grande et violente poussée les battants de la double porte. Le service des urgences était rarement débordé dans la ville, étant donné le nombre plutôt faible des habitants. Cependant, une agitation inhabituelle y régnait en cette fin d’après-midi. C’est à cet instant qu’elle se dit qu’elle aurait mieux fait de rester encore un peu plus longtemps dans les bras de son amant.

- Ah ! Docteur Scully, vite ! Venez par ici ! Nous n’arrivons pas à stabiliser ce patient, ses maux de tête ne cessent de s’accentuer, sa température monte et … … Les cris de douleurs du patient déchiraient l’atmosphère … - ça alors ! Son état devient enfin stationnaire, sa température redescend ! C’est incompréhensible … La jeune infirmière ne cessait de s’étonner de cette amélioration brutale. Scully quelques secondes auparavant avait posé ses mains sur les bras du jeune garçon. Elle restait à son tour surprise par le brutal changement d’état de ce dernier. Des voix se firent entendre depuis le couloir extérieur, d’abord incompréhensibles, puis de plus en plus distinctes :

- Où est mon fils, où est-il ? Je veux savoir si ce qu’il a est grave !

- Madame, je vous en prie, calmez-vous ! Scully essayait de contenir tant bien que mal l’émotion de la mère. – L’état de votre fils semble être redevenu tout à fait normal. Cependant, nous allons quand même lui faire passer quelques examens … une simple précaution.

00h40

L’examen n’avait rien révélé de particulier. La chaleur ainsi que la fatigue du voyage en voiture jusqu’en Caroline du Nord étaient sans doute responsable des troubles de ce jeune patient. Il s’était enfin endormi, sa mère, grande, brune aux cheveux courts se trouvait à son chevet. Scully entra à pas feutré dans la chambre. La dame brune releva sa tête et regarda avancer le docteur Scully. Elle fut frappée par l’intensité du regard azur de cette femme, un regard qu’elle n’avait pas remarqué dans la salle d’urgence quelques heures plus tôt. Sa queue de cheval de tout à l’heure désormais défaite, laissait la place à de longues boucles rousses.

- Madame … (Scully jeta un rapide coup d’œil au dossier qu’elle tenait entre ses mains) …Van De Kamp ! Je suis le docteur Scully, c’est moi qui me suis occupée de votre fils. Nous nous sommes déjà vues tout à l’heure. (Elle lui sourit)
- Oui … je me souviens.
- Nous avons fait tous les examens nécessaires. Ils n’ont rien montré d’alarmant, cependant nous préférons le garder en observation pour cette nuit.
- Je vous remercie docteur Scully, mon mari et moi sommes ici en vacances chez une amie. Nous avons eu si peur. D’habitude, il n’est jamais malade, c’est la première fois qu’il se retrouve dans un tel état.
- Et bien, vous pouvez rassurer votre mari. Votre fils …
- William, il s’appelle William.

Scully ressentit en elle cette sensation électrique qui vous prend à la gorge pour ensuite vous parcourir tout le corps. Elle réussit à reprendre calmement :

- Votre fils … William (Fébrilement, elle sourit) … va bien. Elle avait prononcé ces quelques mots avec une infinie douceur. - Tout va beaucoup mieux. Par contre, pensez à bien l’hydrater lors de très fortes chaleurs. Je sais que cela peut sembler évident mais, … ce sont parfois ces choses si évidentes qui semblent parfois nous échapper.
- Je vous remercie.

La grande dame brune venait de saisir les mains de Scully dans les siennes. La mère de William fut frappée par la froideur des mains du docteur malgré la température élevée de la pièce. Ses mains n’étaient pas froides, elles étaient glacées. Scully fut quelque peu surprise et gênée par le geste de cette dame inconnue et retira subitement ses mains des siennes.

- En attendant, rentrez chez vous, enfin chez votre amie et essayez de vous reposer. Je repasserai voir William demain matin. Le service de nuit garde l’œil sur lui. Vous pouvez passer une nuit sereine.

Scully s’efforça d’offrir un léger sourire puis tourna les talons.

Trente minutes plus tard

Le crissement des pneus sur le gravier retentit puis on coupa le contact. La fraîcheur de la nuit commençait enfin à se faire sentir. Scully ouvrit délicatement la porte, posa sa sacoche sur une chaise près de la table de la salle à manger, puis monta tout doucement les escaliers. La porte de la chambre grinça malgré toutes les précautions de Scully. Elle enleva gracieusement sa robe, la laissa glisser sur le sol puis se faufila dans les draps fins et légers comme de la soie. Elle se tourna sur le côté gauche. Elle ne se lassait jamais de le regarder dormir. Sa respiration était légère et régulière. Elle fit glisser une délicate caresse le long de son visage, le fixa pendant quelques secondes encore puis à son tour ferma ses yeux. Quelques secondes passèrent. Scully paisible se laissait emporter par le sommeil quand, un souffle presque imperceptible parcourut le haut de sa pommette pour finir tout doucement sa course sur ses lèvres. Scully dessina un sourire :

- Tu m’as eue. J’ai vraiment crue que tu dormais profondément. Scully avait prononcé ces quelques mots d’une voix à peine audible mais si sensuelle, tout en ayant un grain de malice au fond des yeux qu’elle venait de rouvrir. Il la fixait.
- C’est que … Il lui donna un sourire rempli d’une très grande tendresse … Je voulais moi aussi avoir le plaisir de te voir … t’endormir.

Leurs doigts s’étaient trouvés et entrelacés. Il prononça dans un chuchotement :

- Tu rentres tard. Dure journée ?

Elle respira profondément puis dans un soupir :

- Non, ça va. Juste que la moitié du service est en congé et que la chaleur n’arrange pas vraiment les choses. On a de plus en plus de patients et de moins en moins de personnels … et … je me suis faite engueulée par Ybarra … encore. (Elle s’empourpra) Il en a marre que j’arrive en retard depuis le début de la semaine … C’est toi qu’il devrait punir car c’est TOI qui m’empêche de dormir la nuit. Mais je ne suis pas contre. Elle prit une pause, allongés l’un contre l’autre, elle le regarda droit dans les yeux. Elle avait quelques difficultés à garder les siens ouverts, elle continua : - s’il savait que cela fait douze ans que je ne suis plus célibataire … il croit que ma vie ne se résume qu’à son hôpital …

Son flot de paroles s’était fait de plus en plus lent et de plus en plus faible. Elle avait fermé les yeux. Il se rapprocha d’elle pour mieux l’enlacer et remonta délicatement le drap de soie sur son corps dénudé, puis déposa un doux baiser sur sa joue.

27 Juillet 2012 06h30

Il la sentit bouger à travers les draps.

- Hum … s’il te plait ne me dis pas que tu t’en vas pour l’hôpital, je te signale que c’est ton jour de repos.
- Ce n’est pas en prenant un ton mielleux que tu arriveras à me retenir. Elle s’était déjà redressée, prête à bondir hors du lit. Je n’en ai pas pour longtemps. J’ai juste un jeune patient à contrôler. Tu n’as qu’à m’accompagner … comme ça tu conduiras et après tu pourras me kidnapper et m’emmener où tu veux. Elle parcourut de ses doigts frêles le bras de Mulder. Son regard pétillait. Elle reprit :
- Et puis, si tu n’es pas content, t’as qu’à te trouver un travail ! Elle rigola puis lui aussi à son tour, quand les caresses de Scully se transformèrent en chatouilles.

07h30

- Je sais, je fais comme d’habitude, je ne bouge pas, je t’attends ici et je me fais passer pour un patient. Il allait lui saisir la main …
- Non Mulder, pas ici, on est …
- Dans un hôpital catholique, je sais.

Elle leva les yeux au ciel et poussa un soupir :

- Mulder ! Etre sérieux ne serait-ce qu’un instant. J’en ai pour une demi-heure grand maximum, s’il te plait, ne bouge pas, ne fouille dans aucune pièce. Tu vois là devant toi, il y a des magazines. Elle lui en plaqua un contre le torse. Mulder regarda la couverture, il fit une petite moue et ricana gentiment :
- T’aurais pas plutôt FHM ?

Elle saisit le magazine des mains de Mulder et s’en servit pour lui donner une légère tape sur l’épaule tout en rigolant. Elle lui redonna aussitôt et bien fermement le magazine et tout en essayant de retrouver son sérieux, entre deux gloussements elle parvint à lui dire :

- Contente-toi de Paroisse Hebdomadaire !

Elle s’éloignait progressivement de Mulder et ayant du mal à lui tourner le dos :

- A tout de suite, lui lança t’elle. Sa sacoche dans sa main gauche, elle ne savait pas quoi faire de l’autre. Finalement, elle s’en servit pour lui faire un petit signe d’au-revoir. Elle s’éloignait en marche arrière puis subitement, se retourna, accéléra et quitta le hall d’entrée. Elle était heureuse. Il aimait la voir ainsi. Depuis quelques mois, son sourire illuminait constamment son visage. Elle méritait d’être heureuse. Perdu dans ses pensées, il esquissa un sourire, puis alla s’asseoir sur une des chaises et ouvrit Paroisse Hebdomadaire.


Elle tira suffisamment le rideau pour laisser filtrer quelques rayons de lumières. Il dormait encore. Elle s’approcha de lui, vérifia sa température et son pouls. D’après le compte-rendu du service de garde, ce jeune garçon avait passé une paisible nuit. Elle le regarda dormir puis sursauta lorsqu’un bruit se fit entendre derrière son dos. Scully se retourna brusquement et fit tomber le dossier médical du jeune garçon qu’elle tenait à la main :

- Oh … je ne voulais pas vous faire peur docteur Scully.
- Ce n’est rien … Elle sourit, se baissa et ramassa un peu confusément le dossier. Elle se releva et s’adressa à la femme. Je vais prévenir le service que votre fils est autorisé à nous quitter dès la fin de matinée. Tout s’est bien déroulé. Vous pouvez le ramener chez vous. Scully parlait d’une manière calme et rassurante.

- Merci docteur Scully, merci d’avoir sauvé mon fils.
- Oh, vous savez, ce n’est pas moi qui ait fait le plus gros travail c’est surtout …

Elle s’arrêta. Elle réalisa qu’en fin de compte ce prénom finissait par lui faire un peu de mal, malgré tous ses efforts pour ne pas y penser. Elle sentait en elle la douleur d’une plaie mal cicatrisée. Elle reprit, un peu émue :

- C’est surtout Will … William.
- Oui, vous avez raison ! Notre petit William est très fort.

Cette mère avait prononcé ces derniers mots avec tant d’amour dans sa voix. On entendit bouger les draps. Scully allait se retourner en direction du lit lorsqu’elle l’interpella de nouveau :

-Vous allez trouver cela peut-être étrange ou bête mais …

Elle posa son regard sur le visage de Scully. Cette dernière baissa les yeux.

- … Mais j’ai l’impression de vous avoir déjà vu quelque part … enfin, votre visage ne me semble pas inconnu.

Scully était devenue légèrement pâle.

- Oh ça j’en doute, bégaya t’elle … Vous savez, je passe la plupart de mon temps dans cet hôpital. Je ne sors pas beaucoup.

Tout en prononçant ces mots, elle s’esclaffa doucement puis nerveusement. Scully était troublée. Elle se refusait d’y penser. Elle respira profondément. Oui, elle n’y pensait pas, elle n’y pensait plus. Elle était heureuse et elle ne voulait pas que cela change, pas maintenant. Ils devaient partir au bord de la mer dans quelques jours. Il lui avait promis et rien ne devait contrecarrer leur plan idyllique qu’ils attendaient depuis si longtemps. Juste LUI et ELLE.

- Maman ? prononça une petite voix.
- Veuillez m’excuser, je dois y aller, dit fébrilement Scully.
- Oui, mon chéri, je suis là.

Scully passa devant la dame et la bouscula involontairement et maladroitement au niveau de l’épaule.

- Excusez-moi, je suis vraiment désolée, balbutia Scully.
- Ce n’est rien, ne vous inquiétez pas, dit-elle gentiment.

Elle était sur le point de franchir le seuil de la porte lorsqu’il apparut à son tour :

- Mais qu’est-ce que tu fais là ? (Elle chuchotait) Je t’avais dit de ne pas bouger. Enfin tu m’avais dit que tu ne bougerais pas…
- Oui mais … c’est que je commençais à trouver le temps un peu long et on m’a dit que le charmant docteur Scully se trouvait dans la chambre numéro douze.
- Mulder, fais attention à ce que tu dis, je ne suis pas seule et …
- Bonjour.

Trop tard. Scully n’osait jamais exposer sa vie privée en public mais, lui, prenait un malin plaisir à la voir paniquer pour des choses qui n’embarrassait que sa compagne.

- Bonjour Monsieur.
- Excusez-moi, mais je dois enlever le docteur Scully. Elle ne devrait pas être là aujourd’hui. Je vous souhaite une magnifique journée.

Ils sortirent enfin tous les deux de la chambre. Scully referma la porte derrière elle et continua ses remontrances. Quelques néons s’emballèrent précipitamment.

- Heureusement que ce n’était que la mère d’un patient. Imagine si je m’étais trouvée avec le Père Ybarra. A force de te voir ici, il va finir par avoir des doutes étant donné que cet hôpital ne prend pas en charge les longs séjours et …

Il s’esclaffa puis tendrement lui murmura :

- Scully, Scully … Chuuut … Tu t’énerves encore pour rien.

Il avait pris son visage entre ses mains. La chaleur de ces mains la rassurait et la calmait. Elle pencha la tête sur le côté pour mieux apprécier et savourer ce moment privilégié. Les lumières avaient enfin arrêté leur bataille électrique.

- A ce que je vois, cet hôpital a les moyens d’acheter du matériel de haute gamme, d’embaucher la plus belle des femmes mais pas de payer un électricien.

Elle rigola. Le couloir était désert.

- J’aime finalement quand tu viens me déranger sur mon lieu de travail, dit-elle doucement et en ne cessant de plonger son regard dans le sien.

Leurs visages s’étaient rapprochés. Ils sentaient chacun le souffle de l’autre. Mulder écarta lentement son visage et lui murmura dans le creux de l’oreille :

- Dépose tout ce dont tu n’as plus besoin et on y va.

Elle n’arrivait pas à détacher son regard du vert profond des yeux de Mulder.

- Allez... on y va … Scully !
- Quoi ? … hein ? oui ! Je dépose tous les dossiers, ma blouse dans les vestiaires et je suis à toi.

Il sourit de nouveau en la regardant s’éloigner de quelques mètres. Il avait hâte qu’ils puissent enfin s’évader quelques jours. Scully était déjà revenue.

- Mulder ? Mulder t’es là ? ouh ouh … sors de tes pensées …
- hum … oui, nan je … enfin j’me sens comme … tu sais … quand on a une impression de « déjà-vu », la sensation d’avoir déjà vécu un moment … d’avoir rêvé de cet instant précis …

Elle sourit et lui dit :

- Et nos vacances sont-elles au premier plan dans ton « déjà-vu » ?

Il lui renvoya son sourire.

Ils remontèrent le long du couloir en direction du hall d’entrée, passèrent non loin de la chambre douze.

- Ah la vache !
- Quoi ?

Scully venait de porter ses mains sur ses tempes et les massait doucement.

- Non c’est rien …j’ai un des ces mal de crâne d’un seul coup … je crois que t’as raison de vouloir m’emmener au bord de l’eau Mulder … Ces vacances sont je crois les bienvenues.

Tout en marchant vers la sortie, il rapprocha Scully près de lui en plaçant un bras derrière son dos. Elle finit par appuyer sa tête contre son épaule. Dès qu’elle enlevait sa blouse blanche, Scully se fichait bien de ce que les autres pouvaient penser d’elle. Lorsqu’elle était en service, tous les signes d’une vie privée devaient rester dehors mais sinon, elle avait pris goût à se laisser envahir par la chaleur agréable de son compagnon, où qu’elle se trouve, du moment que sa blouse était au vestiaire. Mulder poussa la double porte. L’air, malgré qu’il soit déjà si chaud en ce début de matinée dansa sur les joues de Scully et lui fit du bien. Sa tête reposait toujours sur l’épaule de Mulder. Ils arrivèrent sur le parking. Mulder ouvrit la porte du coupé bleu. Il aida Scully à s’asseoir. Il prit place lui aussi mais du côté conducteur. Il alluma le contact. La voiture fit un demi-tour puis se fondit au loin.



Washington D.C 15h00

La double porte de l’ascenseur s’ouvrit. Une jeune femme blonde en sortit, lisant un dossier. Elle emprunta le couloir, marcha sur quelques mètres, puis tourna sur la droite. Elle replia le dossier. La porte qu’elle venait de pousser déboucha sur un vaste lieu beaucoup plus animé. Un va et vient de personnes alimentait l’espace. D’autres se trouvaient seulement assises sur des chaises le long du mur et attendaient visiblement qu’on s’occupe d’elles. La jeune femme blonde se dirigea vers cette file d’attente.

- Madame Stevenson ?

Une femme se leva.

- Oui, c’est moi.
- Veuillez me suivre s’il vous plaît.

La dame brune obéit. Elles pénétrèrent dans une pièce étroite située quelques mètres plus loin. Mademoiselle Spencer l’invita à s’asseoir en face d’elle, le plan du bureau les séparait. Spencer ouvrit le dossier, relut quelques détails puis le referma.

- Madame Stevenson … votre demande a bien été prise en compte. Vous avez de la chance ! Une seule personne répondant à ce nom en est ressortie. Nos registres parfois, nous en mentionnent plus d’une dizaine, surtout que vous ne connaissez même pas la date de naissance … Cette personne a bien vécu ici même, à Washington. Cependant, depuis une dizaine d’année, tout semble prouver qu’elle n’habite plus dans la région et l’adresse indiquée par nos registres ne correspond plus aussi. Et de plus, hormis son nom et son prénom ainsi que son adresse erronée, nous n’avons aucune autre information à notre disposition. Tout semble montrer qu’on a délibérément effacé toutes traces pouvant nous aider à remonter jusqu’à elle. Aucune famille n’a été trouvée, pas d’enfants non plus apparemment. Je suis désolée de ne pouvoir vous aider davantage, mais … comment saviez-vous que vous auriez peut-être vos chances à Washington ?

- Oh … euh … (visiblement mal à l’aise) … une intuition. (Madame Stevenson eut un sourire maladroit).

Mademoiselle Spencer raccompagna Madame Stevenson vers la sortie. Sans même prendre la peine de s’asseoir, elle saisit le combiné posé sur son bureau et y composa un numéro. La tonalité d’attente se fit entendre puis on décrocha :

- Oui ?

Mlle Spencer répondit calmement :

- C’est moi. Je crois qu’on a un problème.


Deux heures plus tard

Deux coups retentirent. Personne ne répondit. Il n’était pas dans sa chambre. Un gant de base-ball traînait sur le lit. Des voix venant de l’extérieur se firent entendre : « Nina, Nina … par ici !… Oui !! Bravo Nina ! » Elle s’approcha à la fenêtre. Un petit garçon s’amusait avec un labrador dans le jardin. Elle le regarda quelques instants. Elle sourit. Elle était si heureuse de constater qu’il avait retrouvé toutes ses forces. L’excursion aux urgences n’était plus qu’un mauvais souvenir. Elle s’écarta de la fenêtre, ses yeux se posèrent sur le bureau. Plusieurs feuilles blanches éparpillées entre des livres et quelques albums de musique recouvraient le plan de travail. L’inscription « Fox Mulder, Washington » noircissait l’ensemble de ces feuilles. « Mulder » … un nom qu’hurlait souvent William depuis plusieurs semaines au cours des ses cauchemars devenus maintenant récurrents. Sandy était revenue bredouille de sa sortie à la capitale. Après tout, il en était peut-être mieux ainsi. Les moments douloureux que l’on peut vivre au cours de sa jeune enfance sont sûrement destinés à demeurer inconscient pour l’éternité.


21h45

Un téléphone vibrait sur la table de l’entrée. La journée touchait déjà à sa fin. Ils n’avaient rien fait de particulier, n’avaient pas bougés de leur maison. Les violents maux de tête de Scully s’étaient progressivement estompés. La fraîcheur de la nuit commençait enfin à se faire ressentir. Le son du vibreur résonnait toujours. Elle se tenait devant la porte de leur maison, et se laissait bercer par le vent glissant entre ses cheveux. Elle s’assit sur les marches du perron et regarda loin devant elle. Mulder vint se poser à côté d’elle. Il ne parlait pas. Il la regardait comme s’il essayait de lire en ses pensées. Il sentait que quelque chose la tracassait même si elle n’osait se l’avouer à elle-même.

- Ton portable a sonné deux fois. Il lui tendit son téléphone. Je crois que tu as un message vocal.
- …
- Je parie que c’est l’hôpital.
- … sûrement.

Elle soupira, prit le téléphone et le porta à contrecœur à son oreille. Mulder ne la quittait pas des yeux. L’expression démoralisée de Scully laissa place à la surprise, ce qui éveilla la curiosité de Mulder. Elle raccrocha.

- FAUX ! Perdu ! Ce soir, j’ai le droit de choisir le film Mulder ! et … c’est pas l’hôpital …

Le visage de Scully s’était soudainement assombri pendant que Mulder écoutait à son tour le message.

- Il dit qu’il veut nous voir. Crâne d’œuf a dû lui donner mon numéro. On lui avait dit seulement en cas d’extrême urgence. Tu te rappelles ? La voilà ton urgence !
- Scully …

Mulder avait posé sa main sur la cuisse de Scully.

- Scully …

Il essayait d’avoir une voix rassurante mais une larme commença à couler sur le visage de Scully. L’émotion s’emparait d’elle. Il la connaissait par cœur. Il savait pertinemment que le fort caractère dont Scully ne se séparait jamais n’était qu’une façade. Un mur qu’elle se permettait de détruire qu’avec lui. D’une voix brisée et pratiquement inaudible, elle réussit à articuler :

- Tu sais … j’ai soigné un garçon hier et je suis allée vérifier que tout allait bien ce matin. Il s’appelle William … Elle s’arrêta, ferma les yeux, réussit à contenir ses larmes et continua. Je sais même plus à quoi il ressemble. A chaque fois que je l’ai approché, il dormait ou alors il hurlait de douleur. Mal à la tête, mal à la tête ! T’entends ça Mulder ! Il avait juste mal à la tête ! Comme moi ! Et il a douze ans. Depuis que je suis en pédiatrie, j’en ai vu défilé des têtes qui m’ont fait penser à … alors tu vois à force … et puis c’est pas vraiment un prénom rare ! … Mulder n’arrivait plus à la calmer. Sa voix déchirée et crispée par l’émotion s’était renforcée. Elle finit par crier tout en mêlant à sa voix quelques timbres nerveux : - Et tu sais quoi ? sa mère ce matin me dit : « Oh dites donc charmant Docteur, on s’est pas déjà vu quelque part ?! Et maintenant lui qui nous appelle pour nous dire qu’il débarque chez nous dans moins d’une heure ! Pourquoi on a donné notre adresse ? hein ?!
- En cas d’urgence …
- …

Ils se regardaient. Le visage de Scully était encore teinté par l’émotion. Mulder fit un bond, le portable de Scully venait de vibrer entre ses mains, il devina l’interlocuteur malgré le numéro inconnu qui apparaissait à l’écran. Il décrocha :

- Oui … (un silence) oui … on l’a eu … nous sommes là.

Il regarda Scully et rompit le silence :

- Il arrive.

Scully se leva, se dirigea vers le seuil de la porte d’entrée et appuya sur le bouton. L’ouverture du portail permit l’entrée d’une voiture longue et sombre. Les graviers retentirent sous le poids du véhicule. Quelques secondes s’écoulèrent. Mulder s’était levé à l’approche de la voiture. Scully s’était rassise sur les marches. La portière claqua. John Doggett était là. Mulder lui serra la main. Ils échangèrent quelques mots. John Doggett, se tenait toujours devant la voiture. Il tourna la tête et aperçut Scully. Elle était assise, n’osant relever la tête en leur direction. Elle semblait mal à l’aise ou peut-être lui en voulait-elle simplement de faire irruption si brutalement de nouveau dans leur vie. Lui qui était synonyme d’une vie passée et douloureuse. Un passé que Scully ne souhaitait pas déterrer. D’un seul coup, elle se leva et se dirigea de l’autre côté de la maison, allant ainsi rejoindre l’autre extrémité du jardin. C’est à ce moment précis, lorsqu’elle leur tourna le dos qu’il constata à quel point ses cheveux étaient longs. Il l’avait côtoyé durant deux ans et elle arborait en ce temps un simple carré. Finalement, il ne la connaissait pas vraiment, malgré toutes les épreuves qu’ils avaient traversées sur le terrain. Elle ne s’était jamais confiée, même lorsque la disparition de Mulder provoquait en elle des crises de panique. Non, il ne la connaissait pas, mais sa brève collaboration à ses côtés l’avait marqué. Ce n’est pas tous les jours qu’on rencontre une femme aussi charismatique. Il n’avait jamais réussi à acquérir pleinement sa confiance. De longues boucles d’un roux éclatant dansaient jusqu’en bas de son dos. Cela faisait si longtemps qu’il ne l’avait pas vue. Depuis l’évasion de Mulder. Pieds nus, sa robe bougeant au rythme de ses mouvements et du vent, elle disparut derrière l’angle gauche de leur maison.


28 Juillet 2012 02h00

Scully dormait profondément. La fatigue nerveuse avait eu raison d’elle. Mulder se glissa à ses côtés. Scully avait senti juste. Cet homme, John Doggett voulait rouvrir leur passé. Après s’être éclipsée derrière la maison, Scully était montée rapidement se coucher. Mulder et Doggett avaient discuté tard dans la soirée. La nuit étant déjà bien avancée, Mulder avait proposé à Doggett de rester dormir dans la chambre d’amis située au rez de chaussé, juste à côté de la pièce renfermant le bureau de Mulder. Il n’arrivait pas à s’endormir. Il ne cessait de penser à ce que Doggett lui avait dit. Une personne recherchait sa trace. Pourquoi ? Etait-ce encore les mêmes personnes qui voulaient s’en prendre à William et à lui-même il y a déjà une dizaine d’années ? Ou peut-être … peut-être était-ce seulement la volonté d’un enfant, à la recherche d’un lien, d’une origine, de son origine. Mulder allongé sur le dos avait les yeux rivés sur le plafond. Toutes ses pensées s’entrechoquaient dans son esprit. Le sommeil de Scully semblait être troublé par de mauvais rêves. Elle remua tout en gémissant, puis ouvrit avec difficulté les yeux. Allongée sur le ventre, elle réussit à percevoir, malgré la pénombre que Mulder ne dormait pas.

- Quelle heure est-il ? murmura-t-elle d’une voix éteinte.
- Il doit être environ trois heures du matin, lui répliqua-t-il dans un chuchotement.

D’une voix anxieuse, il lui demanda si un mauvais rêve avait été la cause de son réveil. Elle lui dit :

- Non … peut-être … enfin je sais pas, je ne me rappelle de rien …

Elle se tourna du côté de Mulder. Scully se sentait toujours aussi angoissée et terrifiée suite à l’intrusion chez eux de cet homme dans la soirée. Elle entrouvrit ses lèvres comme pour parler mais s’arrêta brusquement. La douleur, la même que celle ressentie dans le couloir de l’hôpital recommençait. Elle poussa un gémissement atroce. Tout se passa très vite. Mulder l’aida à se redresser dans le lit. Scully plaqua sa main glacée sur son front. La douleur parut s’estomper. Scully reprit ses esprits mais, d’un seul coup, sans prévenir, elle bondit hors du lit, manquant de tomber par terre et de se prendre dans sa course effrénée la porte de la chambre en plein visage. Elle ouvrit la porte des toilettes à temps, puis s’accroupit sur ses genoux. Mulder la rejoignit tout aussi vite et l’aida à tenir ses longs cheveux jusqu’à tant que ce soit fini. Le calvaire toucha bientôt à sa fin. La chasse d’eau résonna. Scully n’arriva pas à se relever et resta assise dans les toilettes adossée contre le mur. Le froid du carrelage contre son dos l’apaisa.

- … hum … bordel … ! (Elle fit une pause pour reprendre son souffle) … Finalement … c’était peut-être une bonne chose que tu sois parti en voyage de noce avec E.T. en me laissant au sol … parce que tu vois … (Elle ferma ses yeux et humidifia ses lèvres) … pour William, c’était tous les soirs et parfois le matin comme ça … ! Enfin, j’ai plus mal à la tête.

Blanc comme un linge, elle roula sa tête collée contre le mur et vers Mulder agenouillé près d’elle. Elle s’esclaffa puis se calma lorsqu’elle entendit du bruit venant du niveau inférieur et montant par la cage d’escalier. Elle se releva, aidée de Mulder et se dirigea en direction de la chambre. Elle pénétra dans la salle de bain, ouvrit le robinet et se passa un peu d’eau fraîche sur le visage. Il l’observa à travers l’angle de la porte. Il était rassuré, elle avait l’air d’aller un peu mieux, elle reprenait quelques couleurs. Mulder se sentait crispé. Jamais, elle ne lui avait parlé du temps où elle s’était retrouvée enceinte de leur fils, du moins pas de cette manière aussi détachée et frivole. Dans quelques jours, ils devaient s’envoler pour la France. Scully allait beaucoup mieux depuis trois, quatre ans. La cicatrice « William » paraissait se cicatriser même si une mère ne peut tirer une croix sur un enfant. Le vide laissé par cet enfant était incommensurable mais, peu à peu, elle avait réussi à dominer et à calmer ses émotions envers ce drame qui le touchait autant qu’elle. Mais si elle allait bien alors il allait bien. Fusionnels depuis le premier jour, depuis mars 1992, voilà ce qu’ils étaient l’un pour l’autre. Mais le retour de Doggett dans leur vie, du FBI après toutes ces années ne présageait rien de bon. Et surtout, cela était sur le point de détruire le bonheur retrouvé de Scully. Mulder sentit une angoisse parcourir son corps au moment où cette date frappa de nouveau son esprit. Ils étaient déjà en août et qui plus est en 2012. Tout comme Scully avait fini par gérer ses émotions au fil des années, Mulder avait lui aussi occulté une part de son esprit. Il ne souhaitait vivre que le moment présent avec elle. Ne plus penser à rien. Juste ELLE et LUI. Les ténèbres les rattrapaient … encore !


Mulder enfila un T-shirt et un jean puis descendit les escaliers. Doggett, réveillé par les cris de douleurs de Scully avait allumé la lumière du séjour. Il se tenait en bas des marches. Il demanda à Mulder si tout allait bien. Il n’eut pas le temps de lui répondre car, au même moment, on entendit de nouveau le parquet de l’escalier craquer. Scully fit son apparition. Toujours pieds nus, elle n’avait pour tenue qu’une simple nuisette. Tout en continuant à descendre les marches, sur un air nonchalant elle laissa échapper :

- Toi qui veux avoir la « gueule de bois » sans un gramme d’alcool dans le sang ?! Appelle Dana Katherine Scully.

Mulder laissa échapper son rire. Doggett ne réussit à dissimuler son étonnement. Il n’avait jamais vraiment eu l’occasion d’entendre une Scully jouant à l’humour. Non, il ne s’était pas attendu à une réplique de ce genre. Décidément, la présence de Mulder était bien la seule chose sur cette Terre capable de la dérider.

- Bonjour Dana … ou plutôt bonsoir …

Finalement, la séance d’humour avait très vite tournée, car un sourire bien triste s’empara du visage de Scully. Elle ne répondit pas. Après un silence, il enchaîna :

- Je suis navré de faire irruption si brutalement après toutes ces années … je …

Scully qui s’était écroulée sur une chaise près de la table du séjour releva lentement sa tête qu’elle avait placée dans ses mains et fixa Doggett :

- Et moi, je suis « navrée » d’avoir troublé votre sommeil, coupa-t-elle d’une manière sarcastique.

John Doggett avait l’habitude des sauts d’humeurs plutôt grinçants de Dana Scully. Il n’était pas prêt d’oublier leur première rencontre. En guise de présentation, elle lui avait balancé son verre d’eau en pleine figure. Tous ceux qui ont un jour côtoyé Dana Scully vous diront qu’il est toujours préférable d’avoir son sang froid sur soi.

Mulder était dans la cuisine. Scully soupira.

- Veuillez m’excuser … je … j’ai eu une semaine chargée. J’aurais dû venir vous saluer à votre arrivée.

- Ce n’est rien Dana. Et puis, Mulder m’avait prévenu que vous n’étiez pas au meilleur de votre forme depuis ce matin.

Mulder refit son apparition et déposa un verre d’eau dans les mains de Scully. Elle frissonna.

- Tu trembles Scully ! Je vais te chercher un…
- Non ça va Mulder. J’ai pas froid…

Il s’était approché d’elle et avait pris ses mains.

- Scully, il fait au-moins vingt-cinq degrés et tes mains sont complètement gelées. Je vais te chercher un gilet pour …

Elle dégagea aussitôt les mains de Mulder des siennes avec un air d’agacement. Elle lui coupa la parole.

- Mulder, je te dis que ça va …

L’ampoule accrochée au plafond commença à donner des signes de faiblesse.

- Je vais quand même te chercher …
- MulDEURRRR, J’AI BESOIN DE RIEN !!!

L’ampoule éclata au même moment. Doggett, Mulder et Scully sursautèrent. Quelques éclats d’ampoule finirent leur course sur la table, à l’endroit même où se tenait Scully.

- Mince, les problèmes de circuit électrique semblent s’étendre en dehors de l’hôpital, déclara posément Mulder.

Après avoir allumé une autre lumière, Mulder s’assit à côté de Scully. Sa colère l’avait enfin convaincu à laisser dénuder les épaules de sa partenaire. Doggett, calmement prit une chaise à son tour. Ils étaient tous les trois placés autour de la table. Doggett donna l’impression de vouloir prendre la parole, mais il s’arrêta dans son élan tout en baissant son regard. Scully semblait perdu dans ses songes. Mulder lança un regard vers Scully. Il avait peur de sa réaction aux mots que Doggett allait sûrement prononcer. L’agent Doggett essayait d’accrocher le regard de Scully.

- … comme je l’ai déjà souligné à Mulder quelques heures plus tôt … (Il s’arrêta puis continua avec la plus grande précaution, ne quittant pas Scully des yeux) … une personne s’intéresse à Mulder.

Sèchement, Scully lui coupa la parole.

- Cette personne manque d’imagination.

Mulder prit une grande inspiration.

- Dana … je ne suis pas là pour vous mettre en danger mais pour vous prévenir afin de justement éviter un quelconque « danger » … Un de mes contacts, Mlle Spencer travaillant pour les services publics a reçu la visite d’une certaine Mme Stevenson en milieu d’après-midi, aujourd’hui, souhaitant des informations sur Mulder. Mlle Spencer est parfaitement au courant des personnes qui ont cherché à vous nuire à tous les tr … (Scully baissa ses yeux et Mulder saisit discrètement sa main sous la table) … deux.

Doggett s’en voulait de réveiller en eux, surtout en elle, une souffrance volontairement endormie. Il se sentait coupable. Mais, c’était pour les protéger, pour leur bien à tous les deux.

- Oui … oui ça y est … je me rappelle. J’ai dû la rencontrer une ou deux fois en deux mille un avec Doggett lorsque tu étais au Mexique.

Scully semblait un peu plus apaisée. Doggett continua :

- Dana … (Doggett amena ses mots toujours avec une grande précaution, il ne voulait pas la brusquer encore plus) … Avez-vous remarqué autour de vous des personnes …

Scully l’interrompit une nouvelle fois :

- Ce sont parfois ces choses si évidentes qui semblent parfois nous échapper …Comment n’ai-je pu rien voir ! ça coule de source ! C’est pas possible d’être aussi buté ! !

Sa réplique intrigua Doggett, et en entendant la fin, il ne put s’empêcher de détendre un peu ses propres traits.

- Ah ! Enfin tu t’en rends compte, la taquina Mulder

Scully lui renvoya un léger sourire.

- C’est bien ce que je te disais avant qu’il arrive … La femme à l’hôpital ! La femme que j’ai soignée, enfin non ! Le garçon, son fils que j’ai soigné, tu sais, celui que j’ai contrôlé ce matin, enfin j’veux dire hier matin ! …

Scully s’exprimait rapidement. Tout semblait se mélanger dans son esprit. Elle continuait toujours son flux incessant, personne ne pouvait l’interrompre :

- J’ai pas percuté ! Ou plutôt j’ai PAS voulu percuter ! Sa mère m’a dit qu’ils étaient en visite, ici, en Caroline Du Nord chez une amie, qu’ils avaient fait un long voyage en voiture. J’ai soigné son fils pour une déshydratation. Et … putain ! …

Scully lâcha la main de Mulder et plongea son visage dans ses mains et soupira. Une pause. Doggett et Mulder attendaient qu’elle poursuive. Elle inspira :

- Sa mère m’a dit qu’elle croyait déjà m’avoir vu quelque part … (dans un souffle, elle lâcha) … et William … il s’appelle William.

Mulder sentit une décharge électrique lui parcourir les poumons et la gorge. Les doutes volontairement refoulés de Scully concernant l’identité de ce jeune patient semblaient se confirmer. Il regardait Scully. Elle avait toujours son visage enfouie dans ses mains et ses cheveux. Mulder saisit la main droite de Scully, ce qui la força à tourner sa tête vers lui. Ses yeux bleus ne réussirent à retenir plus longtemps cette larme qui ne demandait qu’à couler. Elle ferma les yeux. Son souffle reprit un rythme normal. Elle rouvrit ses yeux. Conscient de la douleur que ressentait ce couple, il entreprit de continuer doucement. Lui aussi ne connaissait que trop bien ce vide indescriptible qu’est la perte d’un fils.

- J’ai effectué une recherche sur cette Mme Stevenson. Tout indique qu’elle vit en ce moment même en Caroline du Nord.

Mulder et Scully sentirent leurs cœurs et leurs yeux se faire transpercer par l’effroi.

- D’où ma volonté de vous contacter au plus vite, ajouta calmement Doggett.

Il se leva, revint avec un dossier et en sortit une photo sur laquelle une dame brune y figurait et qu’il donna à Scully. Après avoir regardé de manière insistante cette femme, elle fit glisser la photo vers Mulder.

- Non … cette Mme Stevenson ne me dit rien, répondit Scully.
- Moi non plus, dit Mulder.

Le silence s’installa. Scully était livide. D’où sortait cette femme ? Lorsqu’elle était enceinte, d’autres personnes lui rappelant cette femme ne lui avaient pas voulu que du bien. Mulder se servit un verre d’eau, il en donna un à Scully. Elle but une gorgée. Scully porta la main à sa bouche. Mulder s’inquiéta :

- T’as encore envie de vomir ??
- Non … (Mulder restait tout de même sur ses gardes) … mais … ce que je ne comprends pas c’est … (Après une longue pause pour réfléchir, elle reprit concentrée comme jamais, le regard dans le vide) … quand je suis arrivée dans la salle des urgences, son état ne cessait d’empirer, ses maux de tête s’accentuaient de plus en plus et quand je me suis approchée … j’ai posé mes mains sur son corps pour l’empêcher de bouger et c’est à ce moment là que la température de son corps a commencé à redescendre … ses maux de tête se sont estompés … (elle ferma ses yeux pour contenir son émotion) … C’était comme chimique … (puis dans un chuchotement tout juste perceptible) … « biologique ».

Elle leva les yeux au ciel avant de les ramener vers Mulder et dit :

- Il existe au-moins un moyen de vérifier une chose.

***




06h30

D’habitude, elle n’arrivait que vers sept heures. Le père Ybarra n’allait jamais dans son bureau avant huit heures. Placé dans une aile sombre et peu fréquentée de l’hôpital, elle savait qu’elle n’y rencontrerait personne. Elle savait aussi qu’il conservait dans son bureau tous les dossiers des patients ayant présenté des anomalies ou plutôt des guérisons et des symptômes suspects. Ybarra avait été à ses côtés lors de l’amélioration brutale de William. Son bureau était ouvert, dès qu’elle pénétra dans les lieux, elle le vit aussitôt. Heureusement pour elle, le dossier était placé en évidence, elle nota les informations nécessaires et replaça le document dans le même état qu’à son arrivée. Elle sortit aussi vite qu’elle était entrée et sentit une force la prendre par le bras gauche, puis par la taille. Elle se retrouva plaquée au mur et laissa la force s’emparer d’elle. Des frissons lui parcoururent le corps. Elle parvint à articuler dans un chuchotement :

- Mulder … qu’est-ce-que tu fais ?… Tu as laissé Doggett tout seul dans le hall ?
- … aurais-tu préféré que je l’emmène avec moi ici ?
- N’importe quoi ! … Et puis comment as-tu trouvé l’emplacement du bureau, tu…
- Je te rappelle que je suis doté d’une intuition hors du commun. Quoi ?! A quoi tu joues ?!
- Je suis persuadé que c’est toi qui fais ça …
- Mulder ! Qui fait QUOI ??

Il l’embrassa fougueusement. La lumière s’alluma toute seule, deux néons éclatèrent.

- Je veux que tu contrôles tes émotions ! répliqua Mulder dans un souffle.
- Je peux pas, lui souffla-t-elle entre deux baisers passionnés.

Il renforça leur étreinte. Un autre néon menaçait d’éclater à son tour. Peu à peu, la chamade des lumières se calma même si l’étreinte des deux amants était toujours aussi passionnée. Mulder la laissa respirer, sourit et lui chuchota au creux de l’oreille :

- Tu vois que t’y arrives.
- J’apprends vite c’est tout, répondit-elle assez troublée.

Scully prit conscience qu’il avait raison. Depuis le début, c’était elle. Cela avait toujours été elle.

- Scully … … tu ne t’es jamais demandé si … s’il avait ces dons … ces capacités incroyables … si William savait faire … c’était parce que ça venait de nous ? … de nous deux.

Toujours adossée contre le mur, Scully fixait Mulder, puis baissa les yeux.



07h30

Doggett et Mulder descendirent du coupé bleu. Le quartier était résidentiel. Ils avaient pris soin de garer la voiture un peu plus loin. L’endroit ne se trouvait qu’à dix minutes en voiture du lieu de travail de Scully. Ils arrivèrent bientôt à hauteur du numéro recherché. L’adresse mentionnée sur la fiche d’admission aux urgences de l’hôpital que leur avait fourni Scully, en s’infiltrant dans le bureau d’Ybarra, semblait correspondre. Un simple grillage rehaussé sur une murette séparait le jardin de la rue. Le ciel malgré l’heure matinale était déjà lumineux. Un chat roux et blanc traversa le jardin puis disparut par une porte-fenêtre légèrement brisée sur le côté gauche et laissée entrouverte. Une femme brune sortit par la même ouverture.

- William ?… William ?

Une petite voix répondit :

- Je suis là maman ! Je cherche Félix … Nina a encore dû le faire fuir !
- Il vient de rentrer dans la cuisine. Rentre, Sandy t’a servi ton chocolat.

Une autre dame brune, correspondant à celle de la photo qu’avait montrée Doggett dans la nuit sortit à son tour. Les bras sur la taille, elle essaya de prendre une attitude menaçante :

- William ! Je te préviens ! Ne compte pas sur moi pour te le réchauffer ! Et si je te vois encore avec cette maudite balle entre les mains ... ! Je prends ton gant de base-ball et ta balle-briseuse de vitre et je te fais rôtir le tout !
- Sandy ! répliqua Mme Van de Kamp.
- Mais je plaisante !! répondit Sandy.

Les deux femmes partirent dans une explosion de joie.

Une silhouette frêle sortit des buissons et se mit à courir vers les deux femmes. De là où ils étaient, Mulder et Doggett visualisaient toute la scène mais on ne pouvait les voir du jardin. Elles disparurent dans la cuisine. Le petit garçon aux cheveux blonds cendrés allait leur emboîter le pas lorsqu’il s’arrêta net. Il se retourna brusquement et regarda en direction de l’endroit où étaient dissimulés les deux voyeurs. Ses yeux bleus azur s’immobilisèrent. Le garçon resta dans cette position durant plusieurs secondes qui parurent interminables, puis d’un mouvement hésitant, ne cessant de regarder autour de lui finit par disparaître à son tour du jardin.



10h13

Scully les attendait à la maison. Elle n’avait pas voulu venir avec eux. Après avoir donner l’adresse à Mulder et Doggett, ils l’avaient redéposée. Elle aurait aimé avoir un début de vacances un peu plus heureux. La semaine suivante, ils devaient normalement s’envoler pour Paris, puis partir dans le sud de la France, au bord de la mer, comme il lui avait promis. Cela faisait maintenant plus d’une heure qu’ils étaient partis. De nouveau assise sur les marches du perron, elle guettait le moindre mouvement. N’en pouvant plus d’attendre et nerveusement à bout, elle rentra dans la maison, ouvrit un des tiroirs de la commode d’entrée, prit un paquet et en sortit une cigarette qu’elle porta à sa bouche. Le briquet ? Où Mulder avait-il encore planqué le briquet ? Il détestait la voir fumer bien que cela lui arrivait rarement. Elle commença à tout remuer. La cigarette à la bouche, de ses deux mains elle farfouilla le tiroir dans tous les sens. Exaspérée, ne trouvant rien, elle se rendit dans la cuisine. Plutôt que de prendre une allumette, elle se servit de la gazinière en guise de briquet. Appuyée sur le rebord du plan de travail, elle inspira une grande bouffée, puis expira violemment tout en fermant les yeux et en penchant la tête en arrière. Le crissement du gravier extérieur se fit entendre. Elle se rua immédiatement dehors, attendit que la voiture s’immobilise complètement puis, elle descendit les marches en inspirant de nouveau une bouffée de tabac, attendit qu’ils sortent et qu’ils arrivent à sa hauteur.

- Alors ? demanda-t-elle inquiète

Doggett fut quelque peu déconcentré par la cigarette qu’elle tenait dans sa main droite, ce qui amusa Mulder.

- Alors, je pense que nous n’avons pour le moment aucuns soucis à nous faire. Cette madame Van De Kamp ne semble avoir menti sur ses raisons de sa présence ici. Ils semblent être seulement en vacances chez une amie de longue date, lui dit Mulder.

Doggett prit la suite :

- Ils sont bien hébergés à l’adresse qu’elle a inscrite aux urgences et cette mystérieuse madame Stevenson ne semble pas vouloir du mal à … votre fils.

Mulder sentit que Scully n’attendait de savoir qu’une seule chose. Il ajouta :

- Et … il va bien … Comme toi, il boit un chocolat le matin.


Il esquissa un sourire rassurant. Elle lui sourit, inspira de nouveau une bouffée, expira longuement toute la fumée vers Doggett puis l’écrasa au sol.

Peu importe si William cherchait effectivement à retrouver son père biologique. Elle savait qu’il allait bien et surtout, elle savait que cette femme brune prenait soin de lui. Que cette femme lui offrait tout ce qu’elle-même n’avait jamais été en mesure de lui apporter. Elle le savait heureux. Le reste n’avait aucune importance.


Une semaine plus tard

- T’as les billets, les cartes d’identités, le passeport ?
- Oui, Scully, on a tout, rassure-toi.

Il replaça une de ces longues mèches rousses derrière son visage. Il déposa un long baiser sur ses lèvres.

- Le principal est que je t’ai TOI … !

Elle lui offrit ses yeux bleus remplis d’amour. Il ne la quittait pas des yeux non plus. L’espace semblait s’être figé autour. Malgré le bruit et le mouvement incessant de l’aéroport, il n’y avait qu’eux. Il lui prit la main, elle glissa ses doigts entre les siens. Ils se mirent à marcher.

- Mulder ? demanda anxieusement Scully.
- Oui ? répondit Mulder avec amusement.
- Dis … tu sens qu’on va bien atterrir ?
- …
- Mulder !

Il se tourna vers Scully … joua avec leurs doigts entremêlés.

- Chers passagers. Merci d’avoir voyager sur American Airlines. Ces huit heures et quarante-cinq minutes de vol furent un vrai plaisir. Je vous souhaite un agréable séjour à Paris.

Elle pouffa de rire. Il ajouta :

- Ah et … ! Tu sais que j’aime lire pendant l’avion alors … (il arbora une moue moqueuse) … j’ai pris plusieurs lampes de poche au cas où tu déciderais de faire un feu d’artifice avec l’éclairage. Et j’ai aussi demandé à ce qu’on ne soit pas assis à côté car, déjà que quand il y a des turbulences, (il fit une grimace) … t’es malade alors … … …

Mulder ne s’arrêtait plus. Le rire de Scully continuait d’accompagner les moqueries de son amant.


L’avion quitta enfin le sol américain. Ils avaient laissé les angoisses du futur derrière eux. Ils étaient bien décidés à profiter de ces sept jours de bonheur. Décembre 2012 approchait à grande vitesse … Peu importe, ils savaient qu’ils étaient programmés pour survivre.
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Message  PtiteCoccie88 Mer 15 Déc 2010 - 21:43

LES LIENS DU SANG

22 août 2012 15h14

Elle se décida. Non ! Pourquoi s’infliger une telle torture. Cette boîte seulement fermée causait déjà tant de douleur. Elle ouvrit la porte. Elle referma la porte. Elle rouvrit la porte. Finalement la referma encore. Leva les yeux au ciel, s’empara du coussin près d’elle et le jeta de toutes ses forces contre la porte du placard. C’est pas possible … c’est pas possible ! Cela n’en finira donc jamais ! Dans un mélange de sanglots, le long de son dos, elle se laissa glisser au sol. Assise le long des portes, ses bras autour de ses jambes repliées contre elle-même, elle ferma ses yeux dans l’espoir de contrôler cette boule de feu coincée et grandissante au plus profond du creux de sa gorge.


Il déposa ses clefs, mit les sacs dans la cuisine, enleva sa veste, l’abandonna sur la rampe de l’escalier puis grimpa les marches. Un désordre assez impressionnant semblait s’être invité. De nombreux livres jonchaient le sol, pas mal de revues médicales essayaient d’émerger des décombres. Dans une rage mêlée à une intense douleur, elle avait visiblement décidé de jeter le contenu entier de son bureau à même le sol. Il ramassa quelques livres. Il s’accroupit en face d’elle, lui retira des mains le coussin qu’elle tenait toujours aussi fermement contre elle. Il glissa une légère caresse sur sa joue. Elle leva les yeux vers lui. Ses yeux bleus étaient rongés par le brouillard rouge. Il lui prit ses deux mains, les enlaça dans les siennes et y déposa un long baiser. A son tour, il se sentit submerger par la même émotion qui la rongeait de l’intérieur mais, il ne laissa rien paraître. Sans lui demander son avis, il la souleva dans ses bras et l’allongea délicatement sur leur lit. Il ramassa encore quelques revues et les remit là où elles devaient reposer. Une petite Eiffel retrouva sa place sur le bureau de Scully. Il ouvrit l’armoire. Sur la dernière étagère, derrière plusieurs piles de vêtements était dissimulé un petit carton. Il le sortit. Un drap y reposait. Ce lange, au blanc étincelant semblait être le gardien d’un temps figé brutalement et douloureusement. On pouvait y lire une inscription brodée au fil rouge … William … Ceci était tout ce qu’il leur restait d’une vie… d’une âme qu’ils n’avaient pu garder à leur côté. Quelques cheveux fins et clairs parsemaient le vêtement. Il en retira plusieurs qu’il prit soin de garder. Mulder n’avait pas sorti le lange de sa boîte. Il referma les battants du carton et fit grincer l’armoire. Elle s’était endormie.


Trois semaines plus tard 20h12

Le bruit d’un jet d’encre sur le papier envahit l’espace. Il attendit quelques secondes avant de la saisir entre ses mains. Il plongea dans une contemplation. Toute son attention et son être semblaient être absorbés par ce papier glacé. Des pas derrière son dos le firent revenir à la réalité.

- Qu’est-ce-que tu fais ?
- Oh … rien, répondit-il malicieusement.

Il la regarda s’approcher. Elle remarqua ses mains. Il lui sourit, puis accrocha la photo au-dessus de son bureau. Une femme, assise sur le rebord d’un muret, son profil tourné sur la gauche, laissait flotter ses boucles d’or dans le vent. La grande dame de fer située derrière son dos semblait l’admirer de cette même manière aussi intense que Mulder contemplait Scully, qui venait de rentrer dans la pièce.

- Le Trocadéro, dit-elle dans un sourire.
- Tu devrais prendre des vacances plus souvent Scully, répondit Mulder. Evidemment, pour que ce soit possible, cela impliquerait que je travaille aussi de mon côté … (Il fit mine de réfléchir) Finalement, tout compte fait, on est mieux comme ça.

Elle sourit de nouveau. Il avait réussi à la détendre. Il savait qu’elle avait les résultats. La totalité des résultats. Elle était restée plusieurs soirs, plus longtemps que d’habitude sur son lieu de travail depuis quelques semaines. Le père Ybarra ne s’était pas étonné de la voir traîner dans les couloirs de l’hôpital à des heures aussi tardives, car elle avait toujours pris son travail à cœur. Il savait que ce dernier tenait une place importante dans sa vie. Le docteur Dana Scully donnait corps et âme à ses patients. Elle était dévouée, une qualité qu’il appréciait chez elle malgré son caractère bien trempé et son impertinence dont elle faisait parfois preuve. Les quelques semaines de vacances qu’elle avait prise au début du mois d’août lui avaient été bénéfiques. Elle resplendissait. Sa peau conservait toujours en elle ce teint halé de l’été.
Elle paraissait plus sereine et détendue, moins tracassée même si au fond, elle seule savait que l’image épanouie qu’elle reflétait, n’était qu’une simple apparence. Elle seule et lui, Mulder, sentaient que le monde en lui-même allait bientôt être soumis à un grand changement. Un cataclysme qu’ils ne pourraient empêcher qu’en s’emparant d’un élément. La Vérité.

Elle se mordit la lèvre inférieure. Il sentait qu’elle ne savait vraiment pas par où commencer. Il se leva, sortit du bureau en l’entraînant par la main. Les rayons du soleil couchant pénétrant par la fenêtre donnaient une ambiance tamisée de l’espace les entourant. Ils prirent place sur le canapé. Elle saisit le dossier posé sur la table basse. Il avait eu raison. Elle avait la réponse. Le dossier sur ses genoux, elle attendit quelques secondes tout en passant ses mains sur son visage. Elle inspira, regarda Mulder, tourna de nouveau ses yeux vers le dossier et dit :

- L’analyse …

Elle souffla pour retenir son émotion … Mulder posa une main sur sa hanche de manière à l’encourager … Elle reprit d’une voix encore plus tendue et crispée :

- L’analyse, comme tu t’en doutais a révélé quelque chose de tout à fait spectaculaire … du moins pour une sceptique.

Elle ouvrit le dossier et en retira plusieurs documents.

- T’imagine bien, que j’ai évidemment pris un grand soin de détruire toute trace de mon petit manège que j’ai effectué ces dernières semaines dans les laboratoires de l’hôpital. Et étant donné les résultats, c’était plus que vivement recommandé.

Nerveusement, elle souffla encore dans ses mains.

- C’est toi la scientifique, répondit Mulder. En vingt ans, toi et moi avons vu tant de choses alors, une de plus … (Il haussa légèrement ses épaules tout en lui donnant un petit sourire.) Je sais qu’on y arrivera.

Ils se regardèrent droit dans les yeux.

- On y arrivera Scully.

Elle fixa de nouveau, empilées les unes dans les autres, les trois feuilles qu’elle venait d’extraire du dossier. Elle hocha la tête en signe d’affirmation et prit son courage à deux mains :

- Okay … murmura-t-elle. J’y vais … Hum … Alors voilà, l’analyse ADN, de notre ADN à tous … à tous les … les trois … (elle déglutit doucement)… a comment dire … a effectivement mis en évidence quelque chose que tu soupçonnais dès le départ.

Elle se sourit à elle-même, les yeux fixés sur ses mains reposant toujours fermement sur la preuve qu’elle tenait sur ses genoux, elle semblait peu à peu retrouver ses moyens :

- Ton intuition, ton sens décuplé pour chercher là où tout le monde chercherait en dernier, pour comprendre et voir tout ce que personne ne veut voir ou se refuse à croire … c’est plus que jamais aujourd’hui qu’on va sérieusement en avoir besoin Mulder.

Elle humidifia ses lèvres. Il savait déjà ce qu’elle allait lui annoncer. Elle saisit enfin un des trois documents, le plaça en évidence, bien en face d’eux, sur la table basse.

- C’est le caryotype de William. Tu vois là … (Elle désigna à Mulder en posant ses doigts sur le document, l’élément voulu). Il en a un en plus. Ceci ne devrait pas exister, ceci est impossible, ça n’existe pas … ce n’est pas censé exister.

Elle posa sur la gauche du document déjà sur la table, un autre élément tout à fait semblable.

- Et celui-ci c’est le mien. Là aussi, il y a une anomalie.

Elle posa enfin le dernier document qu’il lui restait sur les genoux, sur la droite cette fois-ci.

- Et le tien … présente la même chose inexpliquée que pour moi.

Mulder saisit les trois caryotypes.

- Mulder, c’est nous. On lui a donné, tout donné.

Elle le regarda, lui, avait toujours les yeux rivés sur les pièces détenant une vérité que nul n’oserait imaginer.

- Mulder … on lui a transmit quelque chose qui … n’existe pas dans le génome humain.

Sur ses derniers mots, Mulder redressa la tête en sa direction. Les yeux dans les yeux, elle réussit à ne pas perdre le contrôle et enchaîna :

- L’espèce humaine, comme tu as dû l’apprendre toi aussi un jour sur les bancs d’un collège possède seulement quarante-six chromosomes c’est-à-dire vingt-trois paires de chromosomes. Le chimpanzé, quarante-quatre chromosomes, la drosophile, huit chromosomes … etcetera Mulder …

Scully s’arrêta quelques secondes. Mulder l’écoutait toujours aussi attentivement.

- Toi et moi possédons non pas quarante-six chromosomes mais quarante-sept … William en possède quarante-huit, autrement dit … il a en lui une paire de chromosome en plus par rapport au génome humain. Nous avons chacun transmis à William ce quarante-septième chromosome. C’est cinquante-cinquante pour nous. Cent pour cent en ce qui concerne William. La totalité pour lui.

Mulder venait de redéposer les pièces dans le dossier qu’il referma et prononça d’une voix triste et monotone :

- Ils ont réussi … même si la plupart ont déjà trouvé la mort … ils ont réussi. Le gouvernement, tous leurs tests, toute cette conspiration n’avait qu’un seul but. Celui de nous transformer, celui de modifier le génome humain afin que l’espèce humaine en elle-même puisse survivre à l’invasion. Ton enlèvement, ton cancer, tes ovules qu’on t’a arrachés, Emily … (Scully baissa le regard) … tout ça pour un seul et unique but. (Le rythme de sa voix s’était ralenti sur ces dernières paroles). La lutte contre la destruction, notre destruction, pour sauver l’humanité. Pendant de nombreuses années, ils n’ont pas réussi à canaliser les conséquences de leur tentative de cette modification du génome humain… à sauver leurs « cobayes » … En donnant vie à William … on a dépassé toutes leurs ambitions …

- Mulder … j’aurai dû mourir comme elles, comme toutes ces autres femmes … ma tumeur au cerveau aurait dû me tuer… tes troubles neurologiques aussi.

Elle ferma ses yeux. Des larmes trouvèrent le chemin pour se faufiler sur ses joues. Mulder l’amena contre elle et la serra fort dans ses bras.

- J’ai peur Mulder …

Il déposa un baiser entre ses boucles rousses. Malgré ses larmes, elle poursuivit :

- J’ignore ce que cela veut dire … quelles sont les fonctions de ce gène que l’on porte en nous … en quoi tout cela consiste réellement … si cela fait de nous encore des êtres humains … et pourquoi je suis tombée enceinte alors que cela n’aurait jamais dû m’arriver …

Il la serra encore plus fort. Elle glissa une de ses mains dans ses cheveux bruns, se desserra légèrement de cette étreinte et posa son front contre le sien. Les yeux fermés, front contre front, elle lui murmura :

- On a donné la vie à un vrai miracle Mulder.

Tout juste audible, il ajouta :

- Quant à nous, nous sommes seulement des demi-miracles.

Scully poussa un rire silencieux mêlé à un soubresaut nerveux. Elle chuchota :

- La seule explication scientifique et rationnelle que je vois à ce miracle … est sans doute celle des âmes-sœurs.

Il enlaça ses joues dans ses mains et approcha ses lèvres des siennes. Il l’embrassa tendrement, leurs lèvres s’effleuraient puis, elle accentua leur baiser. La peur et l’angoisse qu’ils venaient de ressentir à la suite de cette révélation « choc » fusionnèrent avec l’intensité de ce baiser. La crainte s’effaça, éradiquée par la passion. L’air les entourant devenait électrique. Ils ne pensaient plus à rien, seul l’autre comptait. Ils réussirent à reprendre le contrôle sur cette fougue qui ne demandait qu’à les emporter vers le royaume du désir. Ils reprirent leur souffle et restèrent quelques instants dans les bras l’un de l’autre, sans bouger, ni parler.

Le Lendemain matin – 13 septembre 2012 - 7h03

Elle descendit les escaliers à vive allure tout en dégageant ses longs cheveux coincés dans sa robe. Elle enfila un fin gilet laissé sur le rebord du canapé, saisit sa sacoche reposant derrière celui-ci, s’approcha de la table et s’empara d’une tasse. Elle la porta à ses lèvres. Au même moment, il sortit de la cuisine et s’exclama :

- Non ! Ya pas de …

Scully fit une grimace.

- … sucres, finit-il.
- Ah quelle horreur Mulder … je sais pas comment tu fais, répondit-elle d’une voix encore marquée par le dégoût.
- Bon, je te laisse, dit-elle aussi rapidement que la vitesse à laquelle la tasse avait retrouvé sa place initiale.

Elle l’embrassa furtivement. Il la regarda partir d’un air songeur. Le claquement de la porte résonna. Il resta un bref instant sans bouger, réagit enfin et se sépara de la boîte à sucres qu’il tenait entre ses mains. Le claquement de la porte se fit entendre une nouvelle fois.

- Scully ...

Elle se retourna.

- Attends, lui dit-il en lui offrant un de ses sourires les plus charmeurs.

Il l’attrapa par la main.

- Mais qu’est-ce-que tu fais Mulder, je vais être en retard à …

Il l’interrompit de son index posé sur ses lèvres.

- Non seulement tu n’es pas en retard et en plus tu fuis …

Il l’empêchait toujours de parler. Elle ne put soutenir son regard et détourna innocemment ses yeux des siens. Il relâcha la pression qu’il exerçait sur sa bouche.

- Mulder … Mulder … j’crois pas que ce soit une bonne idée …

Il l’entraîna avec lui de manière à l’éloigner de la voiture.

- Et ce soir, tu me diras que ce n’est pas le bon moment.
- Mulder, c’est de la folie, répondit-elle calmement.

Il la fixa en lui lançant un air de reproche.

- Par contre tu n’as aucun problème à accepter « ta » science même si l’exposer au grand jour ferait instantanément de « nous » … de nous deux, des rats de laboratoire !
- Mulder, je t’en prie … c’est pas que je ne veux pas …
- Tu as peur, lui répondit fermement Mulder. Et le meilleur moyen de dominer une peur est de s’y confronter.

Elle baissa ses yeux.

- Je t’en supplie Mulder …

Il lui releva le menton.

- Hey Scully … je ne veux pas te faire du mal … je veux juste qu’on essaye … que « tu » essayes.

Elle croisa son regard. Il reprit tout doucement :

- Tu ne veux pas, car tu culpabilises.
- Ton intuition à tout savoir commence à bien faire Mulder, souffla-t-elle. Ecoute … ce qui s’est passé en Juillet dernier, peut-être qu’on avait affaire à une énergie totalement inconnue ! Mulder, comme tu l’as dit, on a déjà vu tellement de choses ensembles depuis vingt temps toi et moi et puis encore une fois c’est de la folie ce que tu imagines ! et …
- Tout comme notre ADN … n’est-ce pas ? Et comme par hasard, cette énergie se déplaçait avec toi !
- Peu importe ! Mulder, ça n’a pas recommencé, on ne dispose d’aucunes preuves !
- SCULLY !

Elle se tut comme pétrifiée.

- C’était parce qu’il était là ! … A quelques kilomètres seulement de nous Scully. William était près d’ici en Juillet … ! Votre énergie se décuple lorsque vous êtes ensembles. L’hôpital Scully ! L’hôpital ! Souviens-toi ! Tu as calmé ses maux de têtes, simplement par ta présence à son chevet ! Et sa présence près de toi a déclenché les tiens ! Et tes feux d’artifices de lumières ! Bon sang Scully !! Tu étais là !! Ta colère avec Doggett … notre plafonnier n’y a même pas résisté (il continua plus bas) … quand je t’ai surprise et embrassée dans le couloir … les néons ont littéralement « explosés » ! Tes émotions Scully … tes émotions ! C’est toi qui fais ça … Pourquoi … ne veux-tu pas l’admettre ?!

Scully se sentit envahir par l’émotion. Fébrile, le regard planté au sol, elle réussit à prononcer ces quelques mots :

- Parce que … parce que je l’ai abandonné Mulder … je n’ai même pas cherché à comprendre d’où lui venait cette faculté et … (elle força sur sa voix) … s’il s’avère que tu as raison … qu’en réalité, c’est moi la responsable … alors … (elle cria dans un sanglot) JAMAIS j’aurai dû prendre le droit de l’abandonner !

Il la prit dans ses bras. Mulder n’aimait pas la pousser à bout. La bousculer. Mais il n’avait pas le choix. C’était la seule solution pour qu’elle avance. Au bout de quelques secondes de silence, il lui murmura, tenant toujours sa tête appuyée contre son torse :

- C’était pour le protéger … Tu as fait ça pour le protéger. Et tu as eu raison. Scully … je suis autant responsable que toi … c’est toi et moi. Je t’interdis de culpabiliser. C’est Toi et Moi Scully, ne l’oublie jamais.

Elle s’écarta de lui. De ses doigts, il lui sécha quelques larmes tombées sur le creux de son visage tout en lui disant dans un calme absolu de manière à ne pas la brusquer davantage :

- Comment crois-tu que cette Stevenson … cette femme chez qui il a passé son été a su qu’il fallait qu’elle se rende à Washington, devinant au passage mon patronyme … tout ça dans l’espoir de me trouver ? Comment cette amie de sa … famille adoptive …

En prononçant ces deux derniers mots, Mulder se sentit comme si on venait de lui arracher la gorge. Malgré cette douleur qui lui déchirait le cœur, il continua :

- … comment a-t-elle su qu’elle aurait peut-être une chance ?

Les yeux dans le vide, elle lui murmura :

- William … Je pense que cette Stevenson a eu un bon informateur, finit-elle par dire en souriant pendant qu’elle se servait des fines manches de son gilet pour finir de sécher ses larmes.

Il ajouta :

- Je suis sûr que William a sûrement manifesté … des signes les faisant remonter jusqu’à moi sans pour autant deviner le lien qui nous unit … Tout doit se faire inconsciemment … comme des rêves ou des cauchemars pendant lesquels il hurle mon prénom … Je ne sens et ne vois d’autres explications…

Elle le coupa doucement :

- Quand … quand tu avais disparu, quand j’étais enceinte, ces mêmes rêves revenaient sans cesse … (Elle eut un rire nerveux) … Je te voyais dans ce vaisseau … subissant ces tortures atroces … En réalité c’était lui … c’était William qui avait ces « visions » …

Mulder s’était mis à tortiller les boucles rousses de Scully. L’entendre parler de telles choses, même si elles rappelaient un passé douloureux, lui prouvait qu’elle commençait à dominer sa peur et surtout à accepter.

- … des visions qu’il puisait en toi. Toute la souffrance que tu ressentais, il la ressentait et je la ressentais … tout ça par son intermédiaire … Des cauchemars dans lesquels j’hurlais ton nom … Et je crois aussi me rappeler que dans une vie antérieure, j’étais sceptique !

Elle souffla pour calmer ses nerfs. Il sourit.

- La science est toute ta vie Scully. C’est le moment de nous montrer que tu crois en ce qu’elle te dit, en ce qu’elle te montre et te révèle … que tu as confiance en elle. On doit savoir Scully … tu dois sortir la vérité qui est en Toi … même si tu n’en as pas envie.

Elle plongea de nouveau son regard dans le sien. Ses yeux étaient encore marqués par l’humidité.

- Alors on essaye ? dit-il.

Elle hocha la tête puis chuchota :

- D’accord.



Il l’emmena vers l’arrière du jardin. Il s’écarta un peu, la dévisagea de haut en bas.

- Enlève ton gilet.
- Quoi ?
- Enlève-le j’te dis !

Il ne lui laissa même pas le temps de s’exécuter car, il l’enleva pour elle. Il s’écarta de nouveau, tenant son gilet bleu marine entre les mains. Elle le regarda curieusement.

- Alors ? Tu peux me dire comment comptes-tu t’y prendre maintenant que tu m’as convaincue d’essayer, dit-elle.
- Attends, je réfléchis …. Ça y est j’ai réfléchi. Comment te sens-tu ?
- Comment je me sens ?? … A ton avis … j’ai froid !

Il rigola.

- Mulder, qu’est-ce-que tu fais ? l’implora Scully.
- C’est en lien avec tes émotions Scully.

Elle gesticulait nerveusement. Il sentait qu’elle perdait déjà patience.

- Ecoute, pour cet été, je sais pas du tout comment j’ai fait alors si toi aussi en fin de compte t’as aucune idée …
- Patience Carrie…
- Mulder !!

Son petit manège commençait à faire effet.

- O.K. c’est bon ! J’men vais !

Mulder roula malicieusement des yeux et tâta les poches du gilet. Il en sortit des clefs et les agita devant lui. Elle tapa du pied.

- Mulder ! Rends-moi mes clefs !
- Ha ha ha … viens les chercher, dit-il moqueusement.

Le turquoise des yeux de Scully fulminait.

- Mulder, j’en ai assez ! Finalement tout ça ne rime à rien ! C’est n’importe quoi ! Rends-moi mes clefs de voiture !

Il continuait toujours à les agiter devant elle. Plus elle s’approchait, plus il reculait.

- MULDERRRR !!

C’est à ce moment là qu’eut lieu l’inenvisageable pour Scully. Les clefs quittèrent violemment les mains de Mulder, comme arrachées par une force invisible pour délicatement venir se déposer dans sa main droite.

- Scully … ta mère ne t’a jamais dit que garder la bouche ouverte était malpoli.
- Mulder … … dit-elle dans un souffle qui trahissait sa stupéfaction.

Scully avait ses yeux rivés sur sa main. Estomaquée, elle semblait avoir cessé de respirer. Puis d’un seul coup, elle s’exclama :

- Bon ben … à ce soir !

Elle se rua vers la voiture, reprit sa sacoche au passage, se jeta dans la voiture et démarra. Mulder eut tout juste le temps de lui crier :

- Et rappelle-toi ! Au travail, contrôle tes émotions ! Ce serait dommage de tuer un patient par inadvertance !

Il l’avait regardée filer avec amusement. Même si elle ne comprenait pas comment elle faisait, lui commençait à y voir un peu plus clair. Après tout, c’est lui qui était doté d’un instinct et d’une intuition qui dépassaient toute logique. En vingt ans il avait appris à la connaître mieux qu’elle-même se connaissait. Avant qu’elle ne lui ouvre pleinement son cœur jusqu’en cette fin d’après-midi de janvier deux-mille, Scully était plutôt de nature à tout garder pour elle. Elle n’était pas du genre à montrer ni à exhiber ses émotions. Cette attitude répétitive empêchait certainement l’épanouissement de cette faculté inscrite en elle. Enceinte de William, sa souffrance, sa tristesse profonde qu’elle avait ressentie en raison de son absence, en raison de son enlèvement … avait inhibé ce don qu’elle avait transmis sans le savoir à leur fils, et dont elle venait encore de faire preuve quelques minutes plus tôt dans leur jardin. Il en avait été de même lorsqu’il n’avait eu d’autre choix que de l’abandonner, quarante-huit heures après la naissance de leur petit miracle. Malgré toutes ces épreuves, il avait su lui offrir un des plus cadeaux. Le Bonheur. Il avait réussi, juste en l’aimant, à panser toutes ses plaies. Pour la première fois de sa vie, Scully se laissait vivre, se concentrant et se préoccupant tout comme lui, que du moment présent. Elle était heureuse, ce qui avait eu pour effet de réveiller et surtout de révéler tout doucement cette capacité incroyable enfouie au plus profond d’elle-même. La présence inattendue de William dans le secteur il y a quelques semaines avait tout simplement chamboulé et décuplé brutalement cette capacité incroyable. En tout cas, une chose était sûre, il valait mieux éviter de la mettre en colère si l’on ne souhaitait point se retrouver avec un couteau planté entre les deux yeux. Son angoisse et ses peurs avaient tendance à lui déclencher d’horribles maux de tête allant parfois jusqu’à la rendre malade. Mulder était bien décidé à lui apprendre à contrôler ce gène qui la rendait légèrement différente, tout comme lui, du reste du monde. A peine âgé de quelques heures, William avait su instantanément faire bouger son mobile fixé au-dessus de son berceau au gré de ses envies. Il allait tout faire pour qu’elle aussi, devienne incroyable dès qu’elle le souhaiterait. Il fallait qu’elle cesse de dépendre de ses émotions … au contraire, il fallait qu’elle les domine. Et pour qu’une telle chose soit possible, elle devait se sentir en confiance. Une émotion que seulement Mulder était capable de procurer à Scully.

Il quitta à son tour le jardin, regagna la maison et reposa le gilet sur le canapé du salon.

Etat du Kansas – 7h30

Il dévala les escaliers plus vite qu’une fusée.

- Tiens ton déjeuner pour ce midi chéri.

Il saisit le petit paquet et l’embrassa sur la joue.

- Merci maman.

Il cria un peu plus fort :

- Au-revoir papa !

Une voix en provenance du niveau supérieur résonna :

- Bonne journée fiston !

Sa mère reprit gentiment :

- Tu pourrais au-moins faire un effort pour arranger tes cheveux.
- Oui je sais ! Mais c’est pas en les ébouriffant avec ta main que tu arrangeras les choses !

Un bruit de klaxon retentit.

- Vite, tu vas être en retard !

Il déposa de nouveau un baiser sur sa joue, enfila son sac en bandoulière autour de ses épaules et fila vers la sortie. Postée devant la fenêtre de la cuisine, le sourire au coin des lèvres, elle le regarda courir dans l’allée, puis monter dans le bus. Elle débarrassa le petit déjeuner, sortit de la cuisine et se dirigea vers l’escalier. On pouvait voir l’inscription « William » gravée sur une petite plaque. Elle poussa la porte, remonta la couverture et tira les rideaux. Pour une matinée de septembre, le soleil était déjà très haut et brillait de toutes ses forces. L’été avait été très chaud et ce dernier ne semblait toujours pas donner de signes de faiblesse. La lumière entra à flot dans la chambre. Elle se retourna sur elle-même, poussa la chaise contre le meuble, fit rouler quelques fusains et contempla admirativement le portrait laissé sur le bureau. Elle n’en revenait toujours pas de la facilité qu’il disposait pour réaliser ses somptueux dessins. Celui-ci était vraiment le plus incroyable de tous. La beauté qu’il avait choisi de donner à cette femme y était pour beaucoup. Oui, son talent l’époustouflait. Elle était si fière de lui. William avait un don pour réussir tout ce qu’il décidait d’entreprendre. Elle s’empara de son œuvre, se demandant où pouvait-il puiser toute cette imagination qu’il renfermait en lui pour arriver à donner naissance à de telles merveilles. Sur le point de se séparer du dessin, elle fut d’un seul coup surprise par l’intensité du regard que William avait créé pour cette femme. Elle connaissait ces yeux, un regard qui n’était pas sans lui rappeler celui de son propre fils. Elle détailla sous toutes les coutures les traits de ce visage angélique. Elle l’avait déjà vu quelque part, le contraire était impossible. Peut-être avait-elle rêvé de cette femme ? Ou peut-être l’avait-elle déjà rencontrée ? … Quelques secondes se perdirent dans le temps … L’adrénaline lui parcourut soudainement le corps. Oui ! Elles s’étaient rencontrées. Il y a près de deux mois. Dans cet hôpital. En Caroline du Nord. Lorsqu’elle, son mari et William avaient passés quelques semaines chez Sandy Stevenson, son amie d’enfance. Le docteur Dana Scully avait soigné leur fils. Elizabeth Van De Kamp remit soigneusement le dessin à sa place. Elle se sentait à la fois triste et trahie, car ce portrait signifiait sans doute bien plus pour William qu’une simple esquisse. Son instinct maternel était en éveil. William n’avait jamais vu de ses propres yeux le docteur. Au moment des soins, il s’était toujours retrouvé endormi. Plusieurs flashes vinrent se bousculer dans la tête d’Elizabeth. D’abord, ce bleu azur qui émanait des yeux de cette femme … le même que celui de son fils. Non ! Ce n’était pas possible ! Une telle chose n’était tout simplement pas possible ! Elle était folle de penser une telle chose. Puis elle se souvint de cette hésitation que le docteur Dana Scully avait fait preuve lorsqu’il s’était agi de prononcer le prénom de son enfant … et surtout du trouble qu’avait dégagé cette femme si élégante au moment où Elizabeth, elle-même, avait souligné que son visage ne lui semblait pas inconnu. Elle devait se rendre à l’évidence. Cette femme possédait un lien avec William. Un lien qu’elle ne pouvait se permettre de négliger ou de refouler. Elle avait adopté William. Elle se remémora la venue de William dans leur foyer, il y a déjà onze ans. Elle revoyait ses bras saisissant William pour la première fois. L’assistante en charge de la procédure d’adoption lui avait souligné qu’il s’agissait du choix d’une mère célibataire. Un choix qui avait été d’une extrême douleur. Cette femme était docteur. Et si cette femme était bien ce que redoutait madame Van De Kamp, une chose restait incompréhensible. Le docteur Scully semblait être quelqu’un de bien, d’équilibré et surtout quelqu’un qui méritait le bonheur. Qu’est-ce-qui avait bien pu la pousser à exécuter un tel choix ? Pourquoi s’en était-elle séparée ? Le célibat n’était pas une excuse valable à ses yeux. Une autre raison était enfouie. Peut-être pour le protéger. Un point sur lequel madame Van De Kamp et son mari avaient toujours veillé et qu’ils n’étaient pas prêts de relâcher.

Mais leur amour pour William était-il en mesure de rivaliser contre l’appel des origines ? … assez fort pour lutter contre les liens du sang ?
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Intuition Electrique Empty Re: Intuition Electrique

Message  PtiteCoccie88 Jeu 16 Déc 2010 - 17:28

NEVER DIE

13 Septembre 2012 – 13h10

Scully poussa la porte des vestiaires. L’opération s’était montrée plutôt délicate. Le bloc lui avait pris toute sa matinée. Epuisée, ses mèches rousses complètement décoiffées, elle se laissa choir sur un banc. Scully resta plusieurs secondes, immobile, le regard absent, plongé sur le carrelage. Les longues heures en salle d’opération avaient occulté la scène matinale du jardin. Un tourbillon d’images assaillit soudainement sa mémoire. Les clefs dans sa main, Mulder s’emparant des caryotypes, puis des voix « Carrie » … « tes émotions » … « l’analyse » … « Scully c’est toi qui fais ça » … « ADN ».. « Stevenson » … « William » … ! Dans un gémissement, Scully enfouit sa tête dans ses mains. Elle ne voyait pas d’autres moyens pour empêcher l’explosion des ses nerfs. Elle laissa défiler les aiguilles avant de relever sa tête. Elle respira à plein poumons et prit soin de quitter doucement le banc sur lequel elle était assise. Elle abandonna ses vêtements bleus au profit de sa robe qu’elle enfilait déjà pour la deuxième fois de la journée. Zut ! Elle s’aperçut enfin qu’elle avait oublié son gilet fétiche. Dans sa précipitation effrénée en direction de la voiture, elle avait certainement oublié de le reprendre à Mulder qui lui avait tout simplement arraché pour alimenter son petit jeu. La porte métallique de son casier claqua. Elle se dirigeait en direction de la fontaine à eau près de la porte d’entrée quand elle décida d’arrêter ses pas. La façon dont elle s’était emparée des clefs des mains de Mulder lui donna envie d’essayer. Mais, cette fois-ci, toute seule, sans son aide. Elle ne put s’empêcher de verrouiller la porte. Elle se remit à sa place, puis fixa la fontaine et adopta une attitude très concentrée. Mais rien ne se produisit. Finalement, elle se servit de ses propres mains pour s’emparer du gobelet en plastique. L’eau coula, elle but quelques gorgées. Elle posa ses mains sur la poignée pour ouvrir la porte mais, une fois encore, rien ne se produisit. Ne se rappelant plus qu’elle avait bloqué la porte grâce au verrou intérieur, elle sentit l’agacement monter en elle, ce qui suffit à faire exploser cette maudite fermeture. Surprise, le verre d’eau qu’elle tenait dans ses mains échappa à son contrôle. Au bord de se laisser emporter une nouvelle fois par sa nervosité et sur le point de prononcer un nouveau juron, elle réussit à s’apaiser aussitôt, malgré le bas de sa robe trempée. Elle n’avait pas envie de faire subir aux autres éléments de cette pièce le même sort qu’elle avait choisi, ou plutôt que ses nerfs avaient choisi pour ce verrou. D’un geste déterminé, elle ouvrit enfin cette porte. Le Père Ybarra était posté au bout du couloir. Il discutait avec un couple. Ybarra observa Scully à sa sortie du vestiaire tout en prenant soin de ne pas interrompre sa discussion. Il ne put constater la mésaventure qu’elle venait d’avoir, car la température anormalement élevée s’était déjà chargée de sécher sa robe. On entendait résonner la télé placée au niveau de l’accueil, située non loin de l’escalier centrale :

« Nous sommes au mois de septembre mais on pourrait se croire encore en plein mois de juillet. Et d’après les météorologues, cette chaleur étouffante qui dure maintenant depuis plusieurs semaines n’est visiblement pas encore décidée à battre en retraite. »

Scully arrivait à leur hauteur quand elle s’arrêta brusquement, son esprit alertée par la voix féminine :

« Au sud de l’Europe, « l’essaim » a encore frappé. Selon la communauté scientifique, aucune explication logique ne peut être donnée concernant ces abeilles en furies. Plusieurs tentatives ont déjà été menées pour essayer de capturer cet essaim, mais toutes échouent les unes après les autres. En effet, ces abeilles semblent disparaître aussi vite qu’elles apparaissent. Cependant, ne nous alarmons pas, aucune victimes ou blessés n’est à constater pour le moment malgré la violence dont fait preuve cet essaim et … »

Le Père Ybarra se trouvait désormais seul. Il observait le docteur Scully. Il remarqua la brillance d’une étincelle de frayeur dans ses yeux :

- Docteur Scully, êtes-vous allergique à leurs piqûres ?
- …
- Docteur Dana Scully, m’entendez-vous ?

Elle décrocha enfin ses yeux de l’écran et comprit que quelqu’un essayait d’attirer son attention. Elle tourna la tête et constata la présence du Père Ybarra à ses côtés.

- Qu …quoi ? balbutia Scully.

Il reprit :

- Etes-vous allergique ? Les piqures d’abeilles ? insista-t-il en penchant la tête vers elle avec de grands yeux.

Le visage de Scully s’assombrit. Elle dirigea de nouveau son regard en direction de l’écran plat. Tout en
restant concentrée dessus, elle prononça sur un ton détaché :

- Non … je suis d’ailleurs très bien immunisée.
- Dieu soit loué ! N’affichez donc pas cette tête de martyr ! s’exclama-t-il.

Sur ces mots, Scully tourna de nouveau ses yeux vers lui et ne put s’empêcher d’hausser son sourcil droit. Il ajouta :

- Tenez. Un coursier a déposé ceci pour vous tout à l’heure à l’accueil.

Elle prit l’enveloppe marron qu’il lui tendait.

- Et n’oubliez-pas. Cinq minutes ! (Il tapotait de son index sa montre) La réunion commence dans cinq minutes ! Je vous veux à l’heure pour une fois docteur Scully !

Il s’éloigna d’elle. Scully s’avança en direction de l’escalier centrale tout en s’empressant de décacheter l’enveloppe. Elle était bien à son nom … «Our Lady Of Sorrows Hospital - Dana Scully M.D. … » Elle en sortit un petit papier blanc. Une écriture bleue, assez maladroite, semblable à celle qui reposait sur le dessus de l’enveloppe avait gravé ces quelques mots : « Ils t’observent, certains sont déjà là et savent où tu es. Je le sens … Fais attention. » Les doigts de Scully se mirent à trembler. Elle retourna l’enveloppe, pas d’expéditeur, elle la retourna dans l’autre sens et vit le tampon du Kansas. Elle plaqua de nouveau ses yeux sur l’écriture bleue, descendit son regard en bas à droite de la lettre. Elle n’y avait pas fait attention, mais cette fois-ci ses yeux accrochèrent ces deux petites initiales : « W.M. ». Scully resta un instant concentrée dessus. Puis, elle ferma ses yeux.

- Oh mon Dieu, prononça-t-elle dans un souffle.

Le Père Ybarra se retourna et constata qu’elle n’avait pas bougé d’un mètre depuis leur séparation.

- Docteur Scully, la réunion …

Il arrêta subitement ses propos. Il fut surpris par ses lèvres tremblantes, ses yeux fermés mais surtout par sa soudaine pâleur cadavérique. La lettre toujours dans ses mains, il la vit rouvrir ses yeux, son regard vide rencontra le sien. Le bruit environnant lui parut de plus en plus sourd et lent. Des ombres semblaient avoir pris la décision de danser autour d’elle. Elle discerna le mouvement des lèvres du Père Ybarra qui semblaient être animées d’une lenteur interminable sans pour autant entendre ce qu’elles lui disaient. L’éclat lumineux devint soudainement pesant et flou … nauséeux … NOIR. Elle s’effondra.

- Oh mon Dieu, lâcha-t-il à son tour.

Il courut vers elle.

- Infirmière, infirmière, hurla-t-il.

Deux jeunes femmes arrivèrent immédiatement à leur hauteur.

- Docteur Scully, Docteur Scully ! s’exclama une des deux.

Les yeux du Père Ybarra se posèrent sur l’élément, sans doute à l’origine de son malaise. Dans son évanouissement, la feuille lui avait glissé des mains. Il sentit un certain effroi s’emparer de lui lorsqu’il lut ces quelques mots. Son sentiment d’horreur et de peur fut stoppé par Scully, qui reprenait déjà conscience.

- Non, Docteur Scully ! Ne vous levez-pas ! s’écria une infirmière. Vous devez …
- Non ça va, coupa-t-elle dans un chuchotement.
- Non ! Vous ne devriez pas …

Scully réussit à se libérer des pressions exercées contre elle de manière à la maintenir allongée.

- Je vous dis que ça va, répéta-t-elle agacée.

Elle s’était relevée.

- Prenez votre après-midi, Docteur Scully. Laissez tomber la réunion, dit Ybarra.

Dans un mouvement lent, elle hocha la tête puis avança de quelques pas devant elle avant de brusquement faire demi-tour. Elle repassa devant le Père Ybarra. Précipitamment elle s’empara de l’enveloppe ainsi que de son contenu qu’elle avait entraîné au sol en même temps qu’elle. Elle se releva. Il ne lui fallut pas plus longtemps qu’un éclair pour disparaître de leur vue.

13h58

« Une décapotable bleue était lancée à pleine vitesse. Ces personnes semblaient fuir quelque chose ou peut-être que c’était elles qui désiraient rattraper … » Le frémissement de l’allée sous le poids de la voiture le réveilla. La porte s’ouvrit. Mulder releva la tête du canapé.

- Scully, qu’est-ce-que tu fais ? Tu rentres déjà ? articula difficilement Mulder, gêné par son envie irrésistible de bailler.

Pas de réponse. Elle vint s’asseoir près de lui.

- Quelque chose ne va pas ? s’inquiéta-t-il.

Scully ouvrit la bouche mais finalement aucun son n’en sortit. En empruntant un ton très sérieux, il ajouta :

- Le patient de la chambre treize ne t’a pas résisté, c’est ça ?

Scully s’apprêtait de nouveau à essayer de prononcer quelque chose, mais son élan fut arrêté par cette dernière réplique de Mulder. Il lui décrocha un petit sourire.

- Mulder, dit-elle en levant les yeux au ciel. Pour une fois, j’aurais peut-être préféré cette éventualité, continua-t-elle sur un ton grave.
- Scully …

Mulder comprit instantanément que ce retour improviste de Scully n’était pas à prendre avec insignifiance. Il décida pourtant de continuer à saupoudrer l’atmosphère par ses quelques touches d’humour. Elle en avait besoin, il le savait. Et d’une certaine manière, lui, tout comme elle, d’un commun accord muet avaient toujours voulu repousser cet instant. Ce moment à partir duquel ils se sentiraient de nouveau en danger. Il sentit que c’était maintenant. Elle se tourna vers lui et respira fortement. Mulder se rapprocha d’elle.

- En fait, non … je me suis juste il y exactement… (elle regarda sa montre) trente-six minutes et quatorze secondes … évanouie devant tout le monde, ajouta-t-elle d’un air dépité.

Mulder, encore les yeux marqués par le sommeil prononça un léger « oh oh ».

- Oui « oh oh » comme tu dis Mulder.

Il enlaça son poignet. Mulder ne put dissimuler sa crainte enlisée dans sa voix :

- Et t’as pris la route dans cet état ? T’aurais dû m’appeler Scully, je serais …

Elle attrapa son regard par le sien, haussant de nouveau son sourcil droit.

- On n’a qu’une seule voiture de toute façon, réfléchis un peu Mulder.

Mulder adopta un air outré.

- Mais je réfléchis ! Comment oses-tu m’accuser de la sorte ? Je ne fonce pas toujours tête baissée en ne me fiant qu’à mon instinct Scully…

Le sourire aux bouts des lèvres, elle le regardait avec amusement.

- … J’aurais pris un taxi ou tiens ! Mon bel ovni que je n’ai pas !

Scully ne put retenir davantage son sérieux. Mulder rigola avec elle. Toutefois, il retrouva rapidement son sérieux. Le jeu de l’ignorance volontaire ne pouvait pas perdurer éternellement.

- Alors… la grande Dana Scully a encore perdu la face devant ses émotions, lui murmura-t-il tout doucement.
- Mulder … …

Scully s’arrêta. Le timbre suave régnant dans sa voix ne suffit pas à lui donner la force de poursuivre. Elle baissa ses yeux. Elle n’arrivait pas à maintenir ses mains immobiles. Mulder l’amena contre lui. Maintenant blottis l’un contre l’autre, elle reprit tout bas dans le but de dissimuler sa voix brisée :

- Une lettre est arrivée ce matin pour moi à l’hôpital. Une lettre de William …

Enfouie dans les bras de Mulder, elle leva le regard vers lui.

- Je parie que t’étais au courant, enfin que tu l’avais pressenti, n’est-ce pas ?

Mulder la regarda, ne sachant pas trop quoi lui répondre. La manière dont elle avait prononcé ces derniers mots et surtout la façon dont elle le fixait lui fit ressentir qu’elle lui en voulait un peu qu’il ne lui ait rien dit. Cela lui aurait sans doute évité de défaillir et de s’illustrer malgré elle devant tout le monde comme elle venait de le faire il y a maintenant à peu près quarante minutes. Elle savait qu’il en avait soit déjà rêvé, soit qu’il avait pressenti ce geste de William. Toujours ces émotions. Scully perdait encore trop souvent la partie face à elles. Il parcourait de ses doigts le bras dénudé de Scully. Une nouvelle fois, ses yeux bleus se perdirent dans le vide.

- Ya pas de doute, il a bien hérité de ton intuition, dit-elle en empruntant un ton monotone.

Le cocktail explosif d’émotions qu’elle avait ressenti juste avant de s’écrouler semblait subitement l’avoir rendue complètement atone. Elle se leva, ramena son sac et en sortit l’enveloppe. Mulder saisit délicatement l’enveloppe qu’elle lui tendait. Il lut les quelques phrases ou plutôt il les relut … ces mots … il les avait déjà entrevus dans son sommeil. Elle se rassit en s’emmitouflant de nouveau dans ses bras.

- Il a la même façon que toi lorsqu’il s’agit de dessiner la lettre « M », reprit-elle.
- Tu ferais mieux de ne pas retourner à l’hôpital jusqu’à tant qu’on n’en sache pas plus Scully.

Mulder ne se sentait plus d’humeur à détendre l’espace environnant. Une gravité bien dessinée s’empara de ses traits.

- Le Père Ybarra m’a donné mon après-midi, pas un congé jusqu’à Noël, rétorqua-t-elle. Elle poursuivit dans son élan. Tu te rends compte Mulder ! Il lui aura juste été nécessaire de se retrouver une seule fois en ma présence pour qu’il sente en lui qui je suis … où je suis … Il a compris tout seul qui il était lui-même … son origine…

Sa voix commençait à se faire marteler par l’angoisse. Une touche d’agacement mimée par l’agitation de ses mains et mêlée à un sentiment de peur trouva également le chemin en elle.

- Manquerait plus que ce soit lui maintenant qui nous protège ! C’est …
- … qui te … protège, coupa Mulder.
- Quoi ? Qu’est-ce-que tu veux dire ? répliqua-t-elle en prenant bien soin de détacher chaque syllabe.

Le regard de Mulder se perdit à son tour dans le vide. Il ne répondait pas.

- Mulder ? implora Scully tout en cherchant à ramener le regard de son partenaire vers elle.

Il l’enlaça encore plus profondément dans ses bras. Il glissa une main dans ses cheveux. Ce soleil qui n’en finissait pas d’éblouir par ses rayons, aussi chaud et brûlant qu’en plein été avait accentué la rousseur de ses longues boucles.

- Mulder ? répéta-t-elle.
- Je …

Il la contempla en posant sur elle une intensité si profonde qu’il la mit presque mal à l’aise. Sa main glissait toujours entre ses boucles. Scully n’osait plus prononcer une seule parole.

- Je … enfin … je sais pas … il doit certainement ressentir la même chose que moi. William. Plus nous nous rapprochons de … plus notre instinct s’affine. Tout ce qui se trouve en rapport avec eux s’éclaire de plus en plus. Tout devient précis. Leur but, leur mode de fonctionnement, de pensée … tout s’illumine. Il en est de même pour toi. Plus le moment se fait sentir, plus nos … « dons » se développent.

Les yeux grands ouverts de Scully le déstabilisèrent un instant. Il ne fuit pas pour autant son regard bleu azur. Au contraire, il l’accrocha encore plus tout en veillant au moindre mouvement de cette femme qu’il enlaçait de tous ses bras. Il surveillait chacune de ses inspirations, écoutait les battements de son cœur les uns après les autres comme s’il essayait de décrypter sa pensée la plus profonde. Il voulait être sûr qu’elle était prête à entendre ce qui était maintenant indispensable qu’elle sache.

- Si tu n’apprends pas très vite à dominer tes angoisses, ta peur, ta colère … toutes ces émotions négatives que tu renfermes en toi … finiront par les intriguer de plus en plus. C’est pour ça qu’ils souhaiteront peut-être s’en prendre à toi en premier.

Scully voulut sortir un son mais il l’en empêcha en posant délicatement son index et son majeur sur ses lèvres.

- Laisse-moi terminer, arriva-t-il tout juste à prononcer.

Il s’en voulait terriblement. Elle était encore en danger par sa faute. Finalement, elle n’avait jamais été aussi fragile que depuis qu’elle se trouvait à ses côtés. Il aurait voulu ne jamais en arriver là. Il aurait préféré que toutes ces années ne soient qu’un cauchemar … qu’il allait enfin se réveiller. Que toute son existence n’était qu’une simple farce. Que tout soit faux … tout … sauf leur rencontre, même s’il souffrait du mal qu’il lui avait causé à travers sa quête de la vérité. C’est elle qui avait payé alors, que c’est lui qui l’avait entraînée dans cette folie. Mais pour rien au monde, il ne souhaiterait changer cette journée de mars 1992 où pour la première fois, elle avait franchi le seuil de son bureau. Elle avait prononcé un simple « Agent Mulder », elle lui avait tendu la main. Depuis cette seconde, il n’avait plus lâché la sienne. Il ne pouvait imaginer une vie sans cette rencontre. Elle, Scully, lui avait avoué qu’elle ne changerait rien, qu’elle ne changerait jamais rien même si on lui donnait la possibilité de revenir en arrière. Mais lui, Mulder, aimerait tant pouvoir changer ce qu’il était sur le point de lui révéler.

- Scully … moi, toi et William sommes les trois seules choses qui pourraient faire échouer leurs plans de conquistador. La modification réussie de notre génome humain leur font peur. D’un point de vue génétique, nous avons en nous une partie infime de leur ADN …

Mulder ferma ses yeux. Scully buvait ses paroles. Il les rouvrit. A sa plus grande surprise, il ne discerna pas une seule lueur d’effroi venant troubler le bleu océan des ses prunelles. Il décida donc de continuer :

- … à ceci près que … nous … l’espèce humaine est dominée par ce qu’on appelle le règne des émotions et … tu es d’ailleurs bien placé pour le savoir. (Il lui sourit tendrement.) D’autant plus que tu es très douée pour les retenir, les dissimuler et les contrôler, sauf quand une personne que tu aimes par dessus-tout se retrouve en danger … une personne comme William …
- … ou comme Toi, chuchota-t-elle.

Elle avait réussit à le troubler par ces quelques mots. Elle enlaça sa main en exerçant une force qui trahissait sa peur de le perdre. Pour une fois, les rôles donnaient l’impression de s’inverser. Elle semblait d’un calme absolu, du moins en apparence, comme elle savait si bien le faire autrefois. Lui, par contre se sentit réellement submerger par cet avenir proche et chaotique se profilant à l’horizon.

- … dans ce genre de situation … tu as tendance à tout exploser sur ton passage. Nous sommes dominés par le règne de nos émotions mais eux, par le règne de la conquête. Nos émotions humaines, l’amitié, les liens qui nous unissent, l’amour que nous ressentons et que nous partageons sont des valeurs qu’ils ne connaissent pas. Seule la lutte pour gagner coule dans leur veine. Ils ne vivent que pour gagner. Ces émotions qui font à la fois la force et la faiblesse de notre humanité, ils les ont découvertes en nous observant mais ils n’ont jamais compris leurs sens. Ce quarante-septième chromosome que tu as mis en évidence par notre analyse ADN à tous les trois, eux aussi, ils l’ont. Mais, leur incapacité à aimer juste pour aimer, ce besoin vital de triompher sur l’autre, cette volonté inépuisable et insatiable de dominer, fait de ce gène, un gène « mort », comme éteint bien avant qu’ils ne poussent leur premier souffle. Par contre, en ce qui nous concerne, le mélange de ce gène au génome humain te rend « électrique » … quant à moi, les gens pourraient m’appeler « madame Irma ».

Il lui arracha un sourire. Scully avait vécu tant de choses à ses côtés que plus rien ne semblait la surprendre ou la mettre hors d’elle lorsque Mulder s’écartait des bornes d’une réalité sceptique.

- L’invasion a déjà commencé Scully … certains sont déjà ici, d’autres depuis beaucoup plus longtemps que nous sommes capables de nous l’imaginer. Grâce aux abeilles dont ils se sont emparés, ils répandent progressivement leur virus à travers la population. Un virus qui se révélera dangereux uniquement en cas d’invasion réussie. Cette étape faisait parti du plan initial du gouvernement, répandre le virus mêlé au vaccin à travers la population au cours du dernier été. Un vaccin qui a sombré en même temps qu’eux. Un virus destiné à faire de nous leurs esclaves au moment de l’invasion finale. Des esclaves agissant comme des automates, tuant tous ceux qui auront été épargnés par l’essaim et par la bataille finale si ces derniers refusent de se soumettre à leur cause. Cela signifiera aussi qu’ils auront gagné et que nous… (Il n’osa aller jusqu’au bout… il n’osa encore moins croiser son regard.) Depuis le crash de Roswell, l’Etat en passant divers accords avec eux a toujours réussi à repousser la date finale, à gagner du temps, mais tout cela avait un prix. Ils ont dû leur donner des membres de leurs familles pour qu’ils puissent comprendre à quoi nous ressemblions de l’intérieur, nous disséquer comme nous avons fait pour les corps de leur espèce retrouvés à Roswell. Au bout de plusieurs années de recherche, le gouvernement a mis au point cet antidote pour lutter contre ce fléau. Un virus destiné à nous enlever toutes facultés de pouvoir penser et agir par nous-mêmes, comme si un autre être prenait possession de notre corps. Très vite, ils ont compris que cette seule stratégie serait perdue d’avance, en raison de l’adaptation du virus au vaccin, de ses mutations progressives, que ce serait loin d’être suffisant pour leur résister. Ils ont alors tenté l’impensable. Nous modifier, transformer l’espèce humaine en se servant d’une partie de leur ADN derrière leur dos. Malheureusement, ils ont découvert leurs manigances et ont décidé de faire disparaître tous les membres du gouvernement et scientifiques qui travaillaient sur ce projet. Nous avons tous les deux étaient exposés à ce virus, moi en Russie, toi … dans le couloir de mon appartement …

- … mais le vaccin a coulé dans nos veines, coupa Scully.

Elle le regardait avec une telle intensité qu’elle lui donna l’impression qu’il pourrait se noyer dans l’océan profond de ses yeux s’il se laissait distraire. Mais il ne relâcha pas sa concentration :

- En deux-mille-un, j’ai demandé à Jeffrey Spender, mon demi-frère, d’injecter à William sous forme liquide, cette roche responsable de l’anéantissement des super-soldats. Comme je te l’avais révélé peu de temps après notre fuite de Washington, pour lui, cela n’avait aucun danger. Au contraire, cela évite qu’ils le localisent. Moi-même, je suis incapable de ressentir l’endroit où il se trouve … cette roche n’aveugle pas seulement qu’eux … Quand ils ont compris, le peu de magnétite restant a complètement été détruit. Toi et moi avons assisté à la destruction de celle reposant au Nouveau Mexique. C’était bien avant que j’ose songer, comprendre et admettre qu’en réalité, les troubles ressentis par notre fils venaient tout simplement de nous. J’aurais alors pris soin de garder un peu de cette magnétite pour nous protéger à notre tour. Ce qui veut dire que … s’il était resté à nos côtés, il aurait tôt ou tard finit par se retrouver en danger. Nous ne pouvons faire confiance à personne Scully. On est observé. Ils attendent juste le bon moment. Un instant de faiblesse de notre part.

Elle se rehaussa légèrement dans les bras de Mulder. Pas l’ombre d’une crainte ne semblait se faufiler dans son regard. Mulder en fut impressionné. Elle le regardait comme si elle essayait de graver ses traits dans sa mémoire, par peur de ne plus jamais le revoir l’instant d’après.

- Mulder … en quoi … sommes-nous justement en mesure d’empêcher cette invasion ? dit-elle en ne cessant de fixer ses traits. Comment seulement trois personnes pourraient parvenir à arrêter…

- …parce qu’ils ne vivent que pour la réussite … que pour celui qui gagne ! annonça Mulder.

On sentait une touche d’écœurement s’emparer de Mulder. Sans eux, sans leur toute première venue, on ne lui aurait jamais enlevé sa sœur. Elle serait encore vivante. Elle n’aurait jamais eu besoin de servir pour les expériences et recherches gouvernementales destinées à leur résister. Ces mêmes hommes s’étaient servis de Scully, un jour, elle aussi.

- Donc … si on tue leur « chef » … on gagne c’est ça ? prononça-t-elle dans un rictus nerveux.

- Dans ce cas, ils nous laisseront tranquille. Ils repartiront comme s’ils n’étaient jamais venus, s’en allant vers d’autres conquêtes … ou alors les rescapés s’adapteront complètement à notre système, se fondant dans la masse et obéissant à la lettre aux règles régissant notre humanité, déclara Mulder.

- … Si on meurt … on emporte avec nous tout ce qui définit les lois de ce monde.

- Ils nous considèrent comme les chefs de l’humanité que nous formons car, nous sommes génétiquement différents des autres vivant sur cette Terre donc, supérieurs.

Scully commença enfin à montrer les signes d’une certaine difficulté à avaler tout ce qu’elle entendait. Il sentait sa respiration s’emballer nerveusement. A intervalle régulier, elle ne pouvait s’empêcher d’expirer fortement. S’il avait été amené à prononcer ces propos il y a vingt ans de cela, elle l’aurait certainement traité de fou et lui aurait tourné les talons tout en claquant la porte. Mais aujourd’hui c’était différent car, ils n’étaient plus de simples observateurs à la recherche d’une vérité, ils étaient la vérité elle-même.

- Ils s’en prendront à toi en premier, car c’est toi qu’ils considèrent la plus dangereuse en raison de ton extrême sensibilité. C’est ton énergie qu’ils souhaiteront canaliser le plus rapidement possible. Ton énergie est aussi celle qui les fascine le plus car, c’est la plus instable et la plus changeante. Après, ce sera moi et … s’ils trouvent William … cela voudra dire que nous n’aurons pas survécu… ils feront alors tout pour le rallier à leur cause … en faire un nouveau « chef » potentiel qui succédera au leur si ce dernier meurt … ce n’est qu’un enfant et … comme tout enfant … son esprit ne sera pas en mesure de leur résister. La destinée de William dépend de notre survie.

Le bleu de ses yeux était figé à un tel point qu’il donnait la sensation que son propre esprit avait quitté l’espace comme pour s’envoler le plus rapidement possible vers cette porte de sortie débouchant sur le monde réel. Mais elle savait que la fuite n’était pas la bonne solution. Accepter, lutter et croire étaient les seuls remèdes possible pour que l’océan ne cesse jamais sa danse, pour que les rires des enfants continuent de résonner sans une seule fausse note et pour ressentir le plaisir du souffle de l’autre sur soi pendant encore de nombreuses années.

- Nous ne devons pas mourir…
- … jamais, acheva-t-elle.

Quelques jours plus tard - Mardi 18 septembre 2012

06h03

Les rayons du soleil pénétrèrent dans la chambre. Le rideau fin, toute en fine dentelle blanche qu’ils avaient installé n’était vraiment pas en mesure de lutter contre cette intensité lumineuse, mais ils avaient aussi fait le choix de ne jamais fermer leurs volets. La lumière se faufila gracieusement sur ses joues et ses yeux. Il les entrouvrit difficilement. Lutta quelques instants pour ne pas les refermer. La lumière lui picotait les yeux. Tourné du côté de la fenêtre, il pivota silencieusement sur lui-même pour vérifier si elle dormait toujours. Elle reposait sur le dos et avait bien les yeux fermés. Il sourit. Il n’avait toujours pas remarqué qu’en réalité, Scully était loin de rêver. C’est là qu’il remarqua enfin. Son regard venait de se faire attirer par une petite tour Eiffel. Celle qu’ils avaient ramenée de Paris, et qui au lieu de reposer sur le petit bureau de Scully, disposé dans l’angle gauche de leur chambre près de la fenêtre, s’était invitée dans leur lit. Ou plutôt au-dessus, pour être davantage précis … dans les airs. La miniature flottait, immobile juste au-dessus d’elle. La surprise traversa l’esprit de Mulder un bref instant. Il ne réussit à retenir sa stupéfaction :

- Waouh !! lâcha Mulder, beaucoup plus fort qu’il ne l’aurait voulu.

Scully sursauta en ouvrant instantanément ses yeux. La statuette s’anima soudain et fonça tête baissée s’encastrer par sa pointe dans le mur situé en face d’eux. Elle soupira.

- Mulder ! Tu m’as fait peur ! lui reprocha-t-elle.
- Désolé.

Toujours allongé sur le dos, Scully tourna doucement sa tête vers lui. L’air penaud qu’il affichait suffit pour l’attendrir et lui pardonner.

- C’est que … c’est la première fois que je te vois aussi calmement toute seule faire … waouh !

Il souriait à s’en décrocher la mâchoire.

- Mulder ! Je te signale que tu as déjà assisté à des choses beaucoup plus étranges que cela.

Elle essayait d’être la plus convaincante possible mais, l’attitude à la fois enfantine et admirative de Mulder fit échouer cette volonté. Sa phrase se trouva secouée par son propre rire. Elle se tourna enfin totalement vers lui. Leurs yeux se rencontrèrent. Le temps s’arrêta autour d’eux.

- Arrête de me regarder comme ça, lui chuchota Mulder.
- … te regarder comme quoi Mulder ? osa-t-elle lui dire innocemment.

Elle accrocha encore plus fort ses yeux verts par son bleu intense tout en commençant à frôler dangereusement du bout de ses doigts son torse. De son timbre le plus velouté il lui dit :

- Tu sais très bien comme quoi…

Elle s’amusait toujours à le faire doucement frissonner par ses caresses, par cette simple danse de sa main sur sa peau, mais une danse si sensuelle. Mulder se laissa envahir par cette volupté qu’elle insérait doucement en lui. Il ferma ses yeux. Il la sentit se rapprocher à un tel point qu’il sentait son souffle aussi léger et calme que le vent sur sa peau. Il ne pouvait pas en dire autant du sien qui commençait à se faire plus saccadé. Ses doigts fins remontèrent tout doucement sur son cou, glissèrent derrière sa nuque. Elle sentait le pouls de son amant accélérer sa cadence au contact de ses doigts sur sa peau, puis ses mains redescendirent le long de son corps pour un parcours beaucoup plus dangereux. L’effleurement soudain de ses lèvres sur les siennes puis celui de sa langue les parcourant surprirent tous ses sens. Un envol de frissons s’empara de lui. Elle renforça progressivement cet effleurement par un long et profond baiser. Sa respiration, à elle aussi, s’agita enfin. Leurs lèvres s’entremêlant doucement puis de plus en plus vite, devinrent rapidement comme de la roche en fusion. Il faufila sa main gauche dans ses boucles soyeuses. De son autre main qu’il avait glissée derrière sa taille, il la plaqua contre son torse. Elle amena rapidement sa jambe droite par-dessus la sienne. Quelques gémissements vinrent troubler le silence. Elle l’emportait visiblement au royaume des plaisirs. Mais contre toutes les attentes de Mulder, Scully finit par éloigner légèrement ses lèvres des siennes mais suffisamment pour que celles-ci lui demeurent de nouveau inaccessibles. Les mains de sa partenaire cessèrent par la même occasion, elles-aussi leur rythme érotique. Elle recula son corps du sien. Elle ne lui avait donné qu’un avant-gout d’un voyage des sens qu’elle avait volontairement provoqué pour finalement annuler au dernier moment. Quelle atrocité ! Il rouvrit ses yeux. Son regard bleu intense qu’il avait quitté était désormais habité par une certaine espièglerie. Elle affichait un sourire presque narquois. Il comprit.

- Tu te venges c’est ça …

Entre-temps, elle avait trouvé contrairement à lui, la force de se hisser hors des draps. Elle lui tournait le dos. Elle saisit un chemisier posé sur le rebord d’une petite chaise. Elle commença à y glisser ses épaules à l’intérieur du tissu blanc.

- … maintenant que tu commences à dominer tes émotions si instables … tu as jugé que ce n’était pas suffisant … qu’il fallait aussi que tu t’empares des miennes, lui lança-t-il avec une sévérité qui, il le savait, n’impressionnerait en rien sa dulcinée.

Elle tourna en coin son visage vers lui tout en finissant de boutonner son chemisier. Elle affichait un sourire des plus malicieux.

- Absolument pas, répondit ironiquement Scully.

Il la laissa tranquillement finir de s’habiller. Il la contemplait comme s’il admirait une créature toute droite échappée d’un monde où seul le mot merveille était assez fort pour qualifier ce qui se mouvait sous ses yeux. Elle décrocha du mur la tour Eiffel et la remit sur l’étagère de son petit bureau.

Our Lady of Sorrows Hospital – 7h04

Dès qu’elle franchissait le seuil de la porte de son travail, depuis son évanouissement de l’autre jour, elle ne pouvait s’empêcher de regarder partout autour d’elle. Le Père Ybarra avait bien remarqué sa nervosité. Depuis qu’il avait malgré lui, découvert ce que renfermait l’enveloppe que lui-même, avait remis entre ses mains, il l’observait encore plus que d’habitude. Elle l’avait toujours intrigué, toujours fasciné par sa détermination. Il l’admirait presque. Mais, là, il avait peur pour elle. Il sentait qu’un renouveau du monde allait bientôt avoir lieu. Du moins, si l’on croyait aux prophéties. Il était toujours intéressant de prêter attention aux dates qu’elles mentionnaient. L’une d’elle était pour bientôt. Depuis des siècles, la communauté religieuse dont il faisait parti à un niveau assez élevé, prenait soin lorsque l’occasion s’en présentait de rester particulièrement vigilent concernant la période temporelle où la prophétie devait normalement s’appliquer. Pas une seule ne s’était réalisée. Jamais. Mais qu’en était-il de la prochaine ? Celle qui annonçait la venue de l’inconnu ayant pour unique but le chaos et la domination. Peut-être que cette jeune femme qu’il avait toujours considéré comme l’un de ses meilleurs médecins en savait un peu plus que le commun des mortels. Que d’une manière ou d’une autre, elle était liée avec cet inconnu. Qu’elle était l’une de ces trois clefs mentionnées par la prophétie.

Après avoir enfin traversé le hall, Scully gravit l’escalier central. Elle passa devant le Père Ybarra sans vraiment le remarquer. Elle prit la direction du couloir devant l’amener jusqu’à son bureau. Pour une fois, la matinée devait s’annoncer assez tranquille. Pas de journée « bloc » programmée pour elle. Pendant qu’elle marchait, elle entendait la voix rassurante de Mulder vibrer en elle … « Fais attention … Prends soin de toi … tu m’appelles si jamais … ne rentre pas tard … » Hélas, l’intuition dont il faisait souvent preuve ne marchait pas sur commande. Autant, il comprenait ce qui les motivait, autant il était incapable de visualiser quand et où ils décideraient de passer à l’attaque. Lui aussi n’était pas tellement rassuré de la voir déambuler au grand jour, sans qu’il puisse être à ses côtés. Ne rien changer à leurs habitudes, une solution qu’ils avaient évaluée tous les deux comme étant la meilleure et la plus stratégique. Ne rien chambouler, ne rien brusquer, ne pas fuir, pour éviter d’attirer le danger. Ne pas mettre en évidence un instant de faiblesse. Alors, ils n’avaient pas d’autres choix, lui et elle que de continuer à vivre dans cette angoisse du futur et de rester aux aguets de la moindre chose ou personne suspecte, le plus discrètement possible. Attendre … attendre avant d’agir. Elle se savait observée donc, elle devait observer elle aussi. Elle engouffra les clefs dans la porte et l’ouvrit. Elle rangea quelques dossiers éparpillés sur son bureau qu’elle avait laissés en cet état la veille au soir. La porte était restée entrouverte. Deux petits coups frappèrent. Une femme blonde, jeune, les cheveux ramenés en arrière, apparut dans l’angle de l’ouverture. Scully releva la tête un bref instant de ses dossiers.

- Entre Natasha, lui dit Scully.

- Bonjour Docteur Scully. Veuillez m’excuser de venir vous déranger jusqu’ici mais, hier soir, le docteur Morrison m’a demandé de vous remettre…

- …oui, ce n’est rien, l’interrompit Scully. Au contraire, je te remercie de passer jusqu’à mon bureau. C’est de ma faute. Le docteur Morrison a eu un contretemps de dernière minute et n’est plus dans la possibilité de s’occuper de Peter. Et j’aurai dû venir récupérer le bilan du dossier personnel de ce jeune Peter que Morrison a pris soin de rédiger en ma faveur mais je suis partie plus tôt, débita-t-elle assez rapidement, son regard, toujours occupé par le rangement de ses dossiers. Tu n’as qu’à me le déposer là, enfin non plutôt de ce côté.

La jeune interne déposa un dossier bleu ciel sur l’extrémité gauche du bureau, rebord situé près de la fenêtre.

- Et sinon, comment se passe cette troisième semaine d’internat en notre compagnie ? reprit Scully.

- Plutôt bien, souligna l’interne. Je m’en sors beaucoup mieux que ce que je n’osais espérer avant mon arrivée ici parmi vous, précisa-t-elle.

Scully sentit que la jeune interne souffrait d’une légère timidité et décida alors de laisser enfin tomber le rangement de son bureau qui de toute façon croulerait encore pour cette journée sous les dossiers, faute de place autour d’elle. Elle la regarda et dans un sourire lui dit :

- Tu as autre chose à me demander ?
- … euh … non … je vous laisse, balbutia Natasha.

L’interne referma doucement la porte derrière elle. Scully s’approcha à la fenêtre et laissa son esprit divaguer pendant plusieurs minutes. Elle s’extirpa avec difficulté de ses songes. Des patients l’attendaient, elle ne pouvait pas se permettre de rester toute une journée dans cet état second. Elle enfila sa blouse blanche, accrochée au dos de la porte, puis sortit.

20h12

Une autre voiture était déjà garée devant la maison quand Scully arriva. La porte d’entrée était ouverte. Avant même que Scully ne sorte du véhicule, deux personnes apparurent en haut des marches comme si elles l’avaient attendue toute la journée. L’une des deux s’exclama :

- Coupé – cabriolet … ça va !!! Yen a qui s’en font pas ! s’écria-t-elle.
- C’est un cadeau de Mulder, se défendit Scully.

Elle s’était enfin délivrée de la voiture. Mulder sortit à son tour sur le perron. Scully enlaça son frère.

- Je suis vraiment très heureuse que tu aies pu venir avec Georgia, Charles, dit Scully.

Scully ne put dissimuler son étonnement lorsque Georgia s’approcha à son tour. Elles se prirent dans les bras.

- Et ben … t’as grandi depuis la dernière fois !

Scully s’écarta un peu, une main posée sur une des épaules de la jeune fille tout en la disséquant de haut en bas. Le même bleu azur qui reposait dans les prunelles de Scully habitait celles de Georgia. Elle était un peu plus grande que Scully, et surtout d’une blondeur incandescente.

- Dix-huit ans ça me fait ! s’exclama fièrement Georgia. Elle continua plus bas. Alors la France c’était comment avec Mulder ? C’était romantique ? s’enquit-elle curieusement de lui demander, le sourire jusqu’aux oreilles.

Scully rougit discrètement.

- C’était parfait, répondit-elle de manière à ce que les deux hommes n’entendent pas.
- Ah la la !! reprit Georgia. Qu’est-ce-que j’aimerai moi aussi partir là-bas un jour, surtout Paris ! Avec un amoureux de préférence bien sûr !
- T’as encore le temps Georgia, tu es jeune, tu as encore toute la vie devant toi.
- C’est ce que mon père me dit aussi … ronchonna la jeune fille.

Mulder s’était rapproché et discutait avec Charles qui s’était écarté de sa fille pour la laisser retrouver sa tante qu’elle ne voyait que très rarement en raison de la distance qui les séparait. Scully était heureuse de retrouver son frère cadet ainsi que sa nièce. Elle aurait aimé que Bill soit là aussi mais … leurs rapports étaient souvent plus conflictuels. Il n’avait jamais réellement apprécié l’entrée de Mulder dans la vie de sa sœur. Il était le frère aîné, et se sentait responsable de protéger sa petite sœur, surtout depuis la mort subite de leur père. Tout comme ce dernier, Bill n’avait pas accepté qu’elle sacrifie sa vie de famille au profit de sa carrière et de cet homme, Mulder. Au contraire, Charles le trouvait presque trop bien pour elle.

Georgia rejoignit son père. Les dernières paroles qu’elle venait de prononcer avec Georgia lui martelèrent soudain l’esprit et éveillèrent douloureusement les sens de Scully … « toute la vie devant toi » Des mots qu’on avait tendance à dire par habitude, pour rassurer. Mais des paroles parfois bien mensongères. Scully n’était même pas sûre de pouvoir fêter le prochain Noël. Et si elle-même n’était pas là pour le célébrer … est-ce-que Georgia serait là, elle, pour le faire ? Est-ce-que le reste du monde pourrait, lui aussi, passer du temps entouré des gens qu’il aime pendant encore longtemps ? Ou alors, tous ces instants qu’ils vivaient en ce moment même ne servaient qu’à les rapprocher de plus en plus vers la fin … une fin inéluctable ?

Un mois plus tard - Mercredi 24 octobre 2012 – 08h34

Quatre coups bien distincts et forts résonnèrent. Elle traversa la pièce principale puis ouvrit. Trois personnes, une femme brune, assez grande, accompagnée de deux hommes dont l’un au crâne dégarni, se tenaient dans l’encadrement de la porte. A la vue de cette jeune fille blonde, peu vêtue, l’un des deux hommes, le plus mince, sortit un badge d’identité fédérale.

- Excusez-nous mademoiselle mais est-ce-que Fox Mulder habite toujours …

Georgia ne lui laissa même pas le temps de finir.

- Tante Lylyyyyy !! hurla-t-elle à pleine puissance. Elle reprit tout sourire. Vous, vous devez être Doggett.

Elle le reluqua de la tête au pied.

- Pas mal, prononça-t-elle sur un ton aguicheur. (On entendit les marches de l’escalier craquer.)Et vous sûrement Monica … quant à vous « crâne d’œuf »

- Skinner, articula fermement Scully qui venait de surgir derrière Georgia. C’est Skinner Georgia ! Et je vous présente ma nièce, dit-elle en lançant un regard rempli de sévérité en direction de la jeune fille. Allez ! File si tu veux pas être en retard !

- C’est nul ! Toi, t’as le droit à des jours de repos et moi non ! contesta dans une moue Georgia.

- Allez file ! sermonna de nouveau Scully.

Georgia exécuta un salut militaire avec amusement envers Scully. Cette dernière leva les yeux au ciel. La jeune fille s’éclipsa à l’intérieur pour ressortir aussitôt, un sac sur l’épaule droite, des clefs dans sa main, ce qui ne laissa même pas le temps aux invités de saluer leur hôte. Mais Scully qui se tenait toujours sur le perron de l’entrée l’arrêta par le bras malgré l’élan dont sa nièce faisait preuve et lui arracha aussitôt les clefs pour lui en remettre d’autres.

- Georgia, tu t’es trompée de clefs.

La jeune fille grimaça. Prise la main dans le sac.

- La décapotable, c’est pas encore pour tout de suite mademoiselle ! gronda gentiment Scully. Et encore moins dans mon dos.

Georgia rougit un peu, légèrement honteuse d’avoir raté son petit plan. Jamais, elle n’aurait pensé que sa tante percuterait aussi vite. Du moins, elle avait vraiment espérer qu’elle ne se rendrait pas compte de la subtilisation tant que le coupé n’aurait pas totalement disparu de son champ de vision. De plus, lorsque le FBI refaisait surface, son esprit n’avait subitement qu’eux comme seule et unique préoccupation. Mais ces derniers temps, sa tante avait comme un sixième sens ! Elle était d’une rapidité extraordinaire dans ses mouvements. Mulder et sa tante allant presque parfois à lui donner les jetons, voire la trouille ! Plus elle les observait, plus ils lui donnaient la sensation qu’ils n’avaient même plus besoin de se parler entre eux pour saisir ce que l’autre pensait ! Comme s’ils lisaient chacun dans les pensées respectives de l’autre. Souvent ils l’intriguaient mais, elle les admirait tant. Elle aussi rêvait de pouvoir un jour vivre une relation aussi fusionnelle. Et bien ! Le petit tour en cabriolet bleu métallisé sera pour une autre fois se dit Georgia. Elle se contenta d’une voiture un peu plus modeste. Scully attendit que sa nièce ait disparu de leur périmètre avant de reprendre un peu gênée :

- Hum … elle est en stage pour ses études dans la région depuis un mois alors tout naturellement, mon frère me l’a déposée ici et…
- …tout comme sa tante, Georgia s’illustre souvent par son tempérament de feu ! déclara une voix grave s’élevant de derrière la porte.

Monica Reyes sourit. Mulder apparut à son tour.

- Bonjour Mulder, lui dit Skinner. Scully, ajouta-t-il.
- Pouvons-nous entrer ? demanda Reyes.
- Oui … bien sûr, leur répondit Scully, un peu troublée.

Les frasques de sa nièce lui en avait fait presque oublier l’essentiel. Elle réalisait enfin quelles étaient les personnes qui se tenaient devant sa porte et que leur présence, ici, dans leur maison était à prendre au sérieux et avec prudence. Comme il en avait été pour John Doggett au cours du dernier été. John qui se trouvait de nouveau parmi eux. Elle s’écarta de l’entrée pour les laisser passer. Pendant que les trois intrus étaient occupés à pénétrer dans les lieux, Scully en profita pour glisser à l’oreille de Mulder, posté juste à ses côtés :

- Tu aurais dû me prévenir de leur venue, le sermonna-t-elle en veillant à ce que ces propos ne soient audibles que pour elle et Mulder.
- … c’est que … je n’ai rien senti du tout, tenta de lui expliquer son compagnon. Peut-être que c’est parce qu’ils n’ont justement rien de nouveau à nous apprendre…
- Ou parce que justement, c’est tout le contraire ! le coupa-t-elle en s’efforçant de toujours parler le plus bas possible. Que ce qu’ils amènent avec eux est peut être pire que l’effet d’une « bombe » Mulder ! Et que tu veux pas que je panique encore, voilà pourquoi tu mens ! lui chuchota une Scully en colère.

Il la regarda, la sentit inquiète et réticente. Il lui fit signe de lui faire confiance et de quitter les marches extérieures de l’entrée à son tour. Mulder les invita à s’asseoir sur le canapé. Il leur proposa à boire, ils refusèrent. Il s’assit alors sur une chaise qu’il avait ramenée pour l’occasion en face d’eux. Scully préféra rester debout. Skinner commença le premier :

- Tout d’abord, nous tenons à nous excuser de débarquer comme ça sans prévenir mais, j’ose avouer que tout s’est fait un peu précipitamment ces derniers jours.

Reyes enchaîna :

- Une certaine activité semblable à celle qui s’était manifesté dans l’Oregon et le Montana au moment de votre enlèvement Mulder refait surface. Aucune disparition pour le moment mais les gens commencent à se poser des questions. Plusieurs affirment avoir vu autre chose qu’une simple étoile filante depuis la fenêtre de leur chambre.

Doggett poursuivit :

- Reyes et moi-même nous nous sommes rendus sur place et avons trouvé dans des champs plusieurs débris métalliques et rocheux dont l’un est constitué de gravures. Un alphabet identique à celui que vous aviez déjà étudié en côte d’Ivoire Scully.

Doggett contempla une Scully au visage de marbre. Aucune réaction de sa part, ni de Mulder d’ailleurs. Reyes entreprit de poursuivre la conversation. Entre-temps, Doggett se leva et sortit.

- Savez-vous Dana si vous seriez encore capable de décrypter ces gravures ? questionna Reyes.

Une porte de voiture claqua bruyamment. Scully tourna vivement la tête en direction de l’entrée. John Doggett refit surface, tenant dans une de ses mains la pierre en question enveloppée dans un velours noir. Skinner et Reyes n’eurent même pas le temps de relever leur tête en direction de Doggett que la pierre vibra. Scully leva subitement sa main droite pour rattraper la roche qui s’élançait à pleine vitesse en sa direction. Elle la stoppa net sous le regard ahuri des trois autres. La pierre, immobile et calme reposait dorénavant dans sa paume. Mulder n’avait pas bougé d’un millimètre. Par contre, Doggett eut beaucoup plus de mal à se contenir, il se rassit le plus rapidement possible sur le canapé, au côté de Reyes, de peur de subir le même sort que cette pierre. Scully était comme hypnotisée par ce qu’elle tenait entre ses doigts fins. Elle semblait lire en silence la pierre. Ne voyant aucune réaction alarmante de la part de Mulder, Skinner et Doggett l’interrogèrent du regard. Reyes réfléchissait profondément, ses sourcils froncés. Mulder ignora leurs regards pesants en roulant des yeux vers le bas puis en fixant sa partenaire, ce qui obligea les autres à attendre, eux aussi, que Scully veuille bien perturber le silence. Sans prévenir, elle lança la pierre en direction de Mulder, qui s’était déjà préparé à la recevoir. Il l’inspecta comme elle sous toutes les coutures. Scully daigna enfin accorder un regard envers son assistance qui ne demandait qu’à être éclairée :

- Toujours cette prophétie. Rien de bien nouveau, toujours la même chose, formula Scully de façon assez insipide.
- Allez-vous enfin nous expliquer ce qu’il se passe ici ? déclara sèchement Doggett. Même les plus grands spécialistes mettraient plusieurs semaines avant de déchiffrer ne serait-ce qu’une phrase. Bien que vous y avez déjà travaillé dessus, vous auriez au-moins dû mettre plusieurs heures, voire plusieurs jours…
- …calmez-vous agent Doggett ! coupa Skinner. Je connais bien Mulder et Scully, ils ont sûrement une bonne explication…
- … peut-être ! Mais qu’on m’explique comment déjouer les lois de la gravité alors ! fulmina Doggett.

Mulder et Scully affichaient désormais une certaine gêne devant eux. Leur calme de tout à l’heure les avait apparemment quittés. Scully se rapprocha de Mulder. Reyes qui jusque là n’avait montré aucun nouveau signe de stupéfaction, car bien trop occupée avec ses pensées surprit tout le monde lorsqu’elle émit ces propos :

- Donc si j’ai bien compris… (Tous les visages présents se tournèrent vers elle.) C’est vous ! C’est de vous dont il s’agit. Ces gravures vous sont destinées ! s’exclama-t-elle avec une touche de fascination illuminant ses yeux. C’est pas croyable ! C’est vraiment la plus extraordinaire et incroyable des choses que je n’ai jamais étudiée jusqu’à ce jour ! Elle s’esclaffa joyeusement. Elle cessa de fixer ses mains pour dévisager Mulder et Scully. A leurs yeux, vous êtes comme des dieux. Lorsque j’étais encore étudiante en histoire des religions à l’université, la plupart des prophéties apocalyptiques que nos professeurs nous passaient sous les yeux avaient toujours un point commun. Elle attira l’attention de Doggett et Skinner pour paraître plus convaincante. Ce grand changement irréversible condamnant le monde à plonger dans le chaos et une débâcle inhumaine qu’elles mentionnent… toutes, sans exception ne peuvent se passer de leur contraire, c’est-à-dire d’une énergie allant à l’encontre de cet abîme annoncé. Elle releva la tête en direction de Mulder et Scully. Et cette énergie c’est vous… acheva-t-elle comme s’il s’agissait de son dernier souffle tellement elle était captivée par sa découverte.

Doggett se passa la main dans ses cheveux comme pour vérifier qu’il était bien éveillé. Skinner semblait perdu. Il donnait l’impression de ne pas tout avoir suivi. Scully croisa le regard de Doggett.

- Cet été … hésita Doggett tout en maintenant le regard de Scully. Vos maux de tête et … (Il leva ses sourcils et secoua sa tête de haut en bas) les vomissements … tout s’explique.

Scully confirma elle-aussi par un hochement de tête son hypothèse.

- Et bien … vous avez fait du chemin depuis ! ajouta-t-il.

Mulder sourit. Skinner était toujours aussi perplexe.

- Donc … admettons que cette é-ner-gie, détacha nerveusement Skinner, fixant tout d’abord Reyes puis tour à tour Mulder et Scully … c’est vous ! A quoi avons-nous affaire exactement ?
- A la vérité ! attesta Mulder. Il ricana.

Scully baissa la tête en croisant ses bras. Doggett ressentit son malaise.

- Mulder ! reprit Skinner. Il ne s’agit pas de plaisanter…
- Il a raison, trancha posément Scully, ses yeux scrutant toujours ses propres pieds.

Le sérieux dont elle venait de témoigner laissa de nouveau Skinner pantois.

- Que raconte exactement cette prophétie Dana ? N’y a-t-il vraiment aucun nouvel élément ? supplia Reyes. Qu’avez-vous lu ?

Scully regarda Mulder. Elle attendait qu’il réagisse. Il lui fit signe de la tête qu’elle pouvait leur révéler ce que lui aussi avait pu lire en seulement quelques secondes sur cette chose qu’il conservait toujours entre ses mains. Elle tergiversa silencieusement durant un court instant puis déballa d’un seul souffle :

- S’IL meurt, le fils combattra à leur côté …

Scully s’arrêta, humidifiant ses lèvres. Elle reprit :

- … et c’est tout. Rien de plus que ces mêmes révélations déjà retrouvées sur les échantillons similaires à celui-ci en deux-mille-un. La même chose se répète sur toute la roche mais avec des mots différents, souligna-t-elle avec certitude. Rien de nouveau, renforça-t-elle encore.
- Après tout, dit Reyes, les prophéties sont établies de manière à ce qu’elles ne changent pas. Nous sommes désolés de vous avoir déranger jusqu’ici pour rien. Si j’avais su analyser toute seule qu’aucune information nouvelle n’était contenue dans …
- C’est vraiment pas grave, interrompit doucement Scully qui en même temps ramena une chaise près de Mulder.

Elle s’assit. Mulder plaça la pierre au centre de la table basse. Celle-ci vibra faiblement. Mulder regarda Scully, ses yeux bleus accrochés à la petite table. Il posa sa main sur celle de Scully. La pierre s’immobilisa aussitôt. Mulder s’assura que la nervosité de Scully s’était dissipée avant d’entamer une nouvelle discussion. Il leur expliqua tout, répondant à toutes leurs interrogations. L’analyse ADN qu’elle avait effectuée, les signes étranges qu’avaient manifestés Scully, des signes similaires à ceux de leur fils. Il leur étala les différentes découvertes et stratégies du gouvernement suite à certains événements survenus il y a un certain temps mais censurés volontairement auprès du grand public et même du FBI. Leur but, la façon dont ils avaient procédés pour l’atteindre. Il éclaira les causes des enlèvements de toutes ces femmes, les ovules arrachés, les cancers, ses propres troubles neurologiques qu’il avait lui-même ressenti. Oui ! Il leur parla de leur tentative de la modification du génome humain. Un ADN rendu hybride. Et que cela avait fonctionné pour lui … et pour elle. Les effets que cette modification engendrait sur eux. Une capacité intuitive hors du commun le concernant pouvant se matérialiser à travers des rêves et des sensations. Une faculté à déjouer la force gravitationnelle pour elle, grâce à ses émotions et son esprit. Mulder tenait toujours emprisonné la main de Scully dans la sienne. La conversation entre Mulder et ces trois anciennes connaissances du passé, assises sur leur canapé s’était étalée sur plusieurs heures. Pas un seul instant, Scully ne leur adressa ses yeux bleus.

Il les raccompagna jusqu’à la sortie, attendit que leur voiture quitte complètement l’allée puis referma la porte derrière lui. Mulder s’adossa derrière elle, ferma ses yeux dans l’espérance d’y voir plus clair et de reposer son esprit. La journée touchait déjà pratiquement à sa fin. Après leur avoir dit au-revoir, elle s’était immédiatement éclipsée du salon. Il monta les marches. Elle se tenait devant la fenêtre de leur chambre, dévisageant un par un les infinis rayons du coucher du soleil. Ils n’avaient pas eu besoin de se le dire, ni de se regarder pour décider de leur mentir. Pour juger qu’une seule partie de cette petite tablette, qui reposait toujours en bas, chez eux, ne devait leur être révélée. Ils avaient menti sur le contenu en tronquant volontairement une partie du message. Ils avaient menti à des amis. Une partie qu’ils avaient préféré garder pour eux seuls. Une partie qui les maintenait dans une émotion si vive. Ce qu’elle avait lu lui avait écorché l’âme. Lui, son cœur. Mulder se sentait en mesure de résister à ce combat, de lutter contre la mort, sa propre mort et de protéger leur fils du danger. Mais s’il échouait ?

« … Par son ultime sacrifice, Elle les délivrera. »

Il ne devait pas mourir. Jamais.

Il s’approcha à pas feutrés. Elle ne l’entendait pas. La fenêtre était fermée et pourtant sa robe fine, longue et blanche semblait s’agiter sous les rafales d’un vent léger et silencieux. Elle ne sentait toujours pas sa présence. Elle tressaillit lorsqu’il passa avec douceur ses bras autour de sa taille, mince et gracieuse. Elle posa sa joue contre la sienne, chaude et apaisante, ne cessant de fixer au loin devant elle. Elle sentait résonner en elle les battements de cœur réguliers de son amant. Leurs mains se trouvèrent sur son ventre. Il lui murmurait à l’oreille des sons qu’elle seule était capable d’entendre. Il la ressentit. Elle n’avait envie que d’une seule chose.

Mulder griffonna quelques mots sur un petit papier qu’il laissa en évidence sur la porte du réfrigérateur. Ils sortirent.

L’aiguille du cadran des vitesses sur le point d’exploser, abandonnant tout sur son passage, une décapotable traçait. Ligne droite. Rien ne pouvait l’arrêter. Il conduisait. Elle, assise côté passager, la tête tournée vers la droite, reposant sur ses deux bras enlacés l’un dans l’autre et posés contre le rebord de la portière, fenêtre complètement baissée. Les yeux fermés pour mieux ressentir la violence du vent dans ses boucles rousses. La vitesse l’enivrait. Lui aussi. Le bruit de l’air déchaîné par la vitesse emplissait l’espace. Peu importe où ils allaient. Seul le danger que représentait la vitesse pour leur vie comptait. Car pour eux, en cet instant, être en danger voulait dire être en vie.

Georgia décrocha le mot :

Georgia,
Ne t’inquiète pas, ta tante et moi sommes sortis faire un tour. Ne nous attends pas pour dîner.
Mulder.



Ils avaient échangés leur place. Il glissa un disque dans le lecteur. Un rythme blues-rock s’éleva autour d’eux. Elle fixait l’horizon. Scully sourit à l’écoute des paroles s’élevant dans l’air:

Yeah, keep your eyes on the road, your hands upon the wheel
Keep your eyes on the road, your hands upon the wheel
Yeah, we're goin' to the Roadhouse
We're gonna have a real
Good time

Sa chevelure de feu se soulevant harmonieusement sous la force de la vitesse.

Georgia sortit la pizza du four, s’installa dans le canapé, attrapa la télécommande et alluma la télé.

Yeah, back at the Roadhouse they got some bungalows
Yeah, back at the Roadhouse they got some bungalows
And that's for the people
Who like to go down slow

Il commençait à la sentir vibrer de tout son être mais, pas assez à son goût.

Let it roll, baby, roll
Let it roll, baby, roll
Let it roll, baby, roll
Let it roll, all night long

En modifiant volontairement le prénom émit par le chanteur, Mulder dans un élan d’allégresse lança en même temps que lui :

- Do it, Scully, do it!!

Il lui redessina son sourire. Elle donna un violent coup d’accélérateur et ferma ses yeux quelques instants. Les deux mains sur le volant, tous ses sens se décuplèrent. L’air lui fouettait le visage. Une poussée d’adrénaline alimentée par la vitesse et le danger que celle-ci représentait lui parcourut tout le corps. Elle hurla à s’en déchirer la voix pendant environ trois secondes. Elle rouvrit ses yeux, fixant de nouveau l’horizon. A cet instant précis, Mulder sut pourquoi il était amoureux de cette fille. Pourquoi elle était toute sa vie.

You gotta roll, roll, roll
You gotta thrill my soul, all right
Roll, roll, roll, roll
Thrill my soul



Mulder attrapa sa main droite. Elle enlaça ses doigts entre les siens.

Ashen lady, Ashen lady
Give up your vows, give up your vows
Save our city, save our city
Right now

La route pour eux tout seul, ils rattrapaient la vie avant qu’elle ne s’écoule sous leurs yeux.

Well, I woke up this morning, I got myself a beer
Well, I woke up this morning, and I got myself a beer
The future's uncertain, and the end is always near …

Ils ressentaient jusqu’au plus profond de leurs veines ce future incertain … cette fin si proche. Rouler toute la nuit. Dépasser leur destin funeste. Se laisser aller en faisant frissonner leurs âmes – voilà ce dont elle avait envie. Ne jamais mourir face au danger. Quand certains ne vivent que pour dominer, d’autres ne vivent que pour survivre.
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Intuition Electrique Empty Re: Intuition Electrique

Message  PtiteCoccie88 Jeu 16 Déc 2010 - 17:54

NEVER DIE II

Elle prend le couteau, le fait danser sur son poignet– Une gare. Elle a peur, elle est nerveuse mais peu importe, ces émotions angoissantes la poussent comme jamais ! Le parc ! Tout est au ralenti. Un bruit sifflant retentit, la fermeture des portes résonne. Le train se remet en marche. Sur le quai, elle court, toujours et encore. Ses mèches rousses volant avec elle. Les reflets lumineux d’une lame zigzaguent. Ses yeux bleus se lèvent en sa direction. Une voix résonne sourde, effrayante ! La voix lui frappe ses oreilles : « Par son sacrifice Elle les délivrera Par son sacrifice » … La voix mute en un ricanement glauque qui lui martèle le corps. Elle résonne en lui. Les images s’accélèrent, tourbillonnent. Train. Parc. Balançoire. Une lame dansant. Rire des enfants. La lame lui fend la peau. Rouge. Ses yeux bleus. « SCULLY ! » hurle-t-il. Trop tard. Une force l’attrape, l’entraînant dans un abîme infini…

Mulder ouvrit les yeux, le cœur sur le point d’exploser sa poitrine. Le souffle court. Il resta les yeux dans le néant plusieurs secondes. Plus rien ne semblait l’habiter, plus d’air, plus de sensation. Plus rien autour de lui. Plus rien. Ce n’était qu’un rêve. Oui, un rêve. Non ! Un cauchemar ! La fin. Il sentit les larmes chaudes couler jusque sur sa bouche. Il était allongé sur le dos. Il souffla doucement. Il fallait reprendre sa respiration. Pour cela, il ferma ses yeux, inspira à fond et rouvrit ses yeux, toujours remplis d’humidité. Son cœur calma enfin sa valse haletante. Il se tourna légèrement. Elle était là. Paisible. Un ange dormait près de lui. Il dégagea une de ses mèches rousses qui lui barrait son visage, encore. Il faisait ce geste si souvent. Ses cheveux étaient vraiment très longs. Elle n’avait pas dû les couper depuis au-moins deux longues années. Il ne ferma plus l’œil de la nuit. Il n’en pouvait plus de ce cauchemar incessant, revenant de plus en plus ces dernières nuits. Mais cette fois-ci, il avait été d’une intensité supérieure. Il avait ressenti la douleur de Scully, sa peur, sa respiration effrénée. Tout. Même la mort. Il ne cessait de la fixer, de peur qu’elle disparaisse du lit - qu’on lui enlève.

Vendredi 2 novembre 2012 - 06h54

Le liquide lui brula les lèvres. Elle reposa la tasse sur la table. Elle le regardait. Pour la première fois depuis longtemps, c’est lui qui semblait préoccupé. D’habitude, ce rôle lui était toujours assigné d’office. Elle fit de nouveau couler le café dans sa gorge. La tasse dans ses deux mains, le regard plongé en sa direction, elle brisa le silence :

- Mulder.

Pas de réaction. Elle répéta un peu plus fort :

- Mulder ! Mulder, est-ce-que tu m’entends ?

Il décrocha enfin son regard, qui jusqu’à présent s’était noyé dans la bouilloire disposée entre elle et lui. Son regard s’anima, il leva les yeux, la regarda.

- Mulder, répéta-t-elle doucement en haussant ses sourcils.

Il lui envoya un sourire crispé et maladroit, presque triste.

- Excuse-moi, dit-il en secouant légèrement sa tête d’un mouvement nerveux. J’étais parti dans mes pensées.
- Mulder, prononça-t-elle encore. Elle se leva de la chaise, parcourut le peu de mètres qui les séparait. De ses deux mains il saisit délicatement sa taille et l’amena sur ses genoux. Elle s’empara de sa main gauche. Elle soupira. Ils se noyèrent un court instant dans le regard de l’autre.
- Ecoute, commença-t-elle doucement. Je sais que tu ne veux pas en parler … que tu ne veux pas m’en parler, continua-t-elle encore plus bas. Et je comprends mais … je refuse de te voir dans un tel état.

Tout en parlant, de ses doigts fins elle lui caressait l’intérieur de sa main et la fixait comme si elle essayait d’en lire les lignes.

- C’est que … je ne veux pas t’effrayer, hésita Mulder, fuyant ses prunelles bleues.
- Je n’ai pas peur, assura Scully. Enfin, cette prophétie ne me fait pas peur. Mais, ne pas savoir ce que toi tu vois …

Elle arrêta les cercles qu’elle dessinait dans la main de son partenaire sans pour autant la lâcher. Leurs doigts se mêlèrent. Elle le regarda de nouveau droit dans les yeux. Elle posa son autre main sur sa joue, approcha ses lèvres des siennes et l’embrassa. Il faufila délicatement mais fermement sa main libre dans sa chevelure ocre. Un baiser doux et simple, mais qui ne suffit pas à effacer cette crainte qui depuis quelques jours s’emparait de leurs univers. Elle laissa reposer son front contre le sien.

- On en reparle ce soir, murmura Scully. Et si jamais entre-temps…
- … je sais où te trouver, finit Mulder.

Elle lui donna de nouveau un baiser, tendre et fin. Puis, se leva, ramena sa tasse dans la cuisine, en ressortit, s’empara de son sac, le regarda une dernière fois et sortit. Il entendit un moteur gronder puis se perdre au loin. Un autre bruit derrière lui attira son attention. Il se retourna. Georgia s’étirait jusqu’au plafond.

- Elle est déjà partie ? articula difficilement Georgia encore toute endormie.
- Oui, répondit simplement Mulder.

Centre-ville – 13h10

- Ça vous fera cinq dollars et cinquante cents.

Georgia fouilla dans son porte-monnaie, en retira quelques pièces et les donna à la dame qui en échange lui remit un sandwich enveloppé dans une serviette et accompagné d’une bouteille d’eau.

- Merci beaucoup, répondit Georgia.

La jeune fille s’éloigna de la caravane ambulante. Les cris heureux d’enfants sur les balançoires résonnaient. La chaleur était toujours au rendez-vous malgré ce début de mois de novembre. Le parc rayonnait sous la puissance du soleil.

- Hé Georgia !

Elle se retourna et observa son amie qui arrivait à grande enjambée vers elle puis s’exclama étonnée :

- Et Steven ?
- Ben … finalement, il a pas pu se libérer, répondit la nouvelle arrivée apparemment déçue.

Les deux jeunes filles continuaient à discuter tout en se dirigeant vers un banc sur lequel elles décidèrent de s’asseoir. Lola, elle-aussi, sortit un en-cas de son sac. Elles parlaient toujours de tout et de rien quand une jeune femme débarquant de nulle part surgit devant elle. Elle se pencha vers Georgia et agrippa fermement ses poignets. Lola et Georgia retinrent un cri de frayeur. La femme fixait intensément le bleu profond des yeux de Georgia.

- Vous me faites mal, gémit Georgia.

La dame sortit un couteau. Lola cria. La nièce de Scully garda son sang froid. Quelques gens alertés au loin par le cri de Lola s’arrêtèrent. La dame au couteau fit comprendre à Lola qu’elle ferait mieux de se taire.

- Vous n’empêcherez pas l’événement. Certains disent que c’est trop tôt, mais moi je n’ai pas envie d’attendre, menaça-t-elle.

Elle pointa la lame tranchante sous la gorge de Georgia.

- Oh mon Dieu, souffla Georgia.

Lola se trouvait dans l’incapacité de bouger.

- Votre énergie…

D’un seul coup, cette femme aux cheveux d’or se pétrifia, regarda intensément les yeux azur de la jeune fille, puis exécuta un mouvement de recul. Elle semblait à son tour aussi effrayée et tétanisée que les deux jeunes filles. Elle s’écarta, et partit en courant dans une direction opposée. Elle disparut aussi vite qu’elle était apparue. Georgia se massa la gorge, reprit sa respiration. Quelques personnes arrivèrent près des deux jeunes filles.

- Oh mon Dieu !
- Vous n’avez rien ?
- Qu’on rattrape cette femme !

Impossible. Cette femme s’était volatilisée.

***

Quelques minutes plus tard

- Tiens.

Scully lui tendit un verre d’eau.

- Et elle ne t’a rien dit d’autre ?
- Non ! répondit Lola, à la place de Georgia qui faisait doucement glisser l’eau fraîche dans sa gorge. Elle s’est figée et a disparu.
- Comment ça « disparu » ? reprit Scully. Elle essayait par tous ses efforts de garder une apparence et un timbre de voix serein.
- Il y avait tellement de monde ! Elle s’est fondue dans la masse.
- Cette femme a dû faire une erreur, commenta enfin Georgia en fronçant les sourcils tout en animant sa main droite au rythme de sa voix. Elle a parlé d’énergie, qu’elle voulait pas attendre même si c’était pas encore le moment … j’ai rien compris !

Scully tressaillit légèrement mais, seulement elle s’en rendit compte.

- … et c’est là … sur le point de me trancher la gorge, regardant mes yeux comme si elle voulait en voir l’intérieur qu’elle a soudainement changé son attitude ! acheva Georgia, les yeux complètement exorbités, comme si ces derniers s’exerçaient à refaire défiler la scène du parc sur le carrelage du hall dans lequel, toutes trois se trouvaient.

L’aplomb avec lequel Georgia rapportait ses propos impressionna Scully. Décidément, elle n’avait pas froid aux yeux. Elle aussi avait hérité de ce gène qui rendait la branche Scully incassable. Aucun doute, elle avait ce don pour contrôler et retenir ses émotions.
- Enfin bon, je voulais pas venir jusqu’ici te déranger mais, Lola (Georgia lança un regard moqueur mêlé d’une touche de reproche en direction de son amie) sait que ma tante est le super médecin de toute la Caroline du Nord alors …
- Oui, j’ai insisté, répliqua Lola.
- Et tu as bien fait, lui sourit Scully.

Georgia se leva de la chaise, redonna le verre d’eau à sa tante qui se leva elle aussi. Tout en replaçant la lanière de son sac sur son épaule, sa nièce enchaîna :

- Tu devrais en parler à Mulder. Je sais que toi et lui avaient pas mal travaillé sur ce genre d’affaires où la « bizarrerie » (elle mima les guillemets avec ses doigts) figure en première page alors, tu devrais lui en parler. Cela devrait lui redonner du « punch », parce qu’il est vraiment morose en ce moment. Je sais pas si c’est toi qui lui as fait ça mais, franchement j’aime pas le voir comme ça !

Scully eut un rictus nerveux. Georgia prit sa tante dans ses bras puis les deux amies se dirigèrent vers la sortie. Elle attendit qu’elles sortent entièrement de leur champ de vision avant de se retourner précipitamment. Tout aussi vite, elle sortit son portable de sa blouse blanche, passa devant l’accueil.

- Plus de batterie m**d* !

Elle avait exprimé ses pensées à voix trop haute car, au même moment une main lui tendit un téléphone. Un regard plein de sévérité lui faisant signe de surveiller son langage accompagna cette main tendue.

- Merci ma Sœur, lui répondit Scully, un peu gênée, ressentant cette drôle d’impression d’un soudain retour au collège.

Elle composa un numéro, fit sonner quelques tonalités puis raccrocha.

- Mais vous n’avez même pas …

Interloquée par le comportement du Docteur Scully qui s’était déjà éloignée, Sœur Marie s’interrompit. Elle la regarda disparaître puis repositionna correctement le téléphone sur le comptoir de l’accueil derrière lequel elle se tenait.

Elle se jeta sur la poignée et brutalement referma la porte. Elle s’adossa contre celle-ci, souffla violemment tout en fermant ses yeux. « C’est pas possible ! », nerveusement se murmura-t-elle à plusieurs reprises. Ses membres se mirent à trembler tout son corps. Ses grandes inspirations ne servaient strictement à rien. Sa main droite était toujours coincée derrière son dos, agrippée à la poignée. Des larmes d’angoisses commencèrent à l’envahir. Le bruit contre la porte lui fit faire un bond. Quelqu’un avait frappé. Elle recula. On refrappa. La lampe posée sur le bureau vacilla. Scully expira une nouvelle fois, tout en serrant ses poings. L’éclat de la lampe se stabilisa. « On se calme » se dit-elle encore à soi-même à voix haute. Le bruit résonna encore une fois.

- Docteur Scully ? Docteur Scully ? Etes-vous là ?

Le Père Ybarra. C’était le Père Ybarra. Elle ouvrit d’une main ferme la porte. Le Père Ybarra se tenait bien devant elle. Scully jeta un œil discret aux alentours.

- Les parents du jeune Peter viennent d’arriver, il faudr…

Scully porta la main sur son front ce qui coupa l’élan des propos d’Ybarra.

- Ça m’était complètement sorti de la tête, lança-t-elle comme si elle se parlait à elle-même.

La réaction du Docteur Scully étonna le Père Ybarra. Elle n’était pas du genre à se laisser embarquer et envahir par ses émotions en temps normal. Mulder apparut au bout de couloir. Elle l’aperçut aussitôt. Il avait fait beaucoup plus vite qu’elle ne l’avait espéré. Peut-être qu’il avait anticipé la sonnerie. C’était un code entre eux. Faire résonner le téléphone, raccrocher aussitôt. Cela voulait dire que l’autre était en danger. Ses yeux se posèrent de nouveau sur le Père Ybarra.

- Je suis désolée mon Père mais je crains de ne pouvoir assurer cet entretien…
- Vous plaisantez j’espère, réprimanda le Père Ybarra.

Il aperçut ses yeux bleus flirtant furtivement derrière lui. Il se retourna et saisit l’origine de son manque d’attention. Grand, brun, élancé, aussi charismatique qu’elle. Il ne l’avait jamais vu d’aussi près. Sans même prêter attention à la présence du Père Ybarra, elle débita :

- Georgia ! C’est Georgia … je …
- Chut … calme-toi.

Il enlaça son visage entre ses deux mains.

- Je refuse que comme Mélissa, à cause de moi…

Elle ne parvint à terminer. Sa voix mourut dans un brisement de douleur. Mulder rattrapa sur son pouce une larme glissant sur sa joue. Le Père Ybarra ressentit la violente douleur qui s’agitait à l’intérieur de cette femme … de ce couple.

- Il n’arrivera rien à Georgia, lui assura Mulder. Parce que ce n’est pas elle qu’ils veulent.

Scully lui offrit un regard ravagé par la tristesse et l’angoisse. Elle craquait. Il eut la sensation de se retrouver projeter des années en arrière, devant la porte de son appartement. Ce jour là, elle ne savait plus qui croire, plus à qui faire confiance. Il lui avait murmuré que peu importe les dangers qui les guettaient, peu importe ce qu’il se passait autour d’eux, même si le monde venait à s’écrouler, une seule chose ne changerait jamais, celle qu’ils seraient toujours ensembles pour se guider et s’éclairer. Toujours ensembles l’un pour l’autre. Le Père Ybarra n’avait pas bougé, faisant presque oublier sa présence, ce qui semblait être le cas d’ailleurs. De plus, il réfléchissait, cherchant à assembler les pièces d’un puzzle. Mulder et Scully étaient comme dans une bulle fermée. Un bruit de pas les sortit de leur monde de torpeur. Ybarra se retourna. Mulder se crispa. Scully ressentit sa soudaine raideur. Il lâcha son visage et se retourna doucement sur lui-même. Elle comprit instantanément mais ne montra aucun signe de frayeur. Elle regarda la jeune fille s’approcher.

- Docteur Scully, je ne savais pas que vous étiez en entretien avec Père Ybarra. Les parents de Peter …

Natasha ne finit pas sa phrase. Ses yeux venaient de prendre conscience de la présence de cet homme, aux côtés de Scully. Mulder soutint le regard de la jeune interne. Scully fit de même. Le Père Ybarra recula d’un pas.

- Vous dégagez une telle intensité, trancha-t-elle glacialement.

Elle poussa soudainement un cri, se courbant de douleur, la main sur l’estomac. Ybarra, prit de stupeur, écarquilla les yeux, comprenant l’origine de la douleur de celle qu’il prenait, il y a encore quelques secondes pour une simple interne en chirurgie.

- Sainte-Marie, mère de Dieu, se murmura-t-il.

Il dévisagea Dana Katherine Scully et se signa.

Malgré sa souffrance, elle réussit à relever son regard et à croiser de nouveau celui de Scully.

- Vous… articula-t-elle péniblement. Vous … êtes si instable. Votre faiblesse humaine finira par vous anéantir.

Mulder observa Scully. Elle s’essoufflait. Son teint se fit blafard. Elle l’inquiéta, elle tituba sur elle-même, ne réussissant à garder ses yeux ouverts. Mulder la retint par la taille avant qu’elle ne s’écroule. Elle rouvrit ses yeux. Il lui saisit la main. Natasha se redressa avec difficulté. La douleur qu’elle affichait se dissipa. Elle ricana doucement.

- Faut pas rester là, souffla Mulder à Scully.

Au même moment, une porte de secours située sur leur gauche s’ouvrit brusquement. Une femme en surgit.

- Bonne pêche Kardie !
- Vola ! menaça Natasha.
- Je les ai trouvés en premier, et IL a dit d’observer, de ne rien faire avant…
- Attendre, attendre, toujours attendre ! Je me moque de ce qu’IL dit ! J’ai fait une erreur tout à l’heure, je ne compte pas recommencer.

Elle sortit un couteau de sa poche. Mulder frissonna. Le même couteau que pour Georgia dans le parc, le même qui le hantait dans ses nuits.

- De toute façon, d’après ce que je constate, tu t’es démasquée toi-même, adressa fièrement Vola à Kardie. Ils sont fascinants n’est-ce-pas ?

Vola s’approchait dangereusement, remuant de plaisir la lame aiguisée dans l’air. D’une violente poussée, le Père Ybarra jeta la jeune interne sur la femme. Elles plongèrent toutes les deux au sol.

- Courez ! ordonna Ybarra. Allez ! Ne restez pas pétrifiés !

Mulder entraîna de toutes se forces Scully par la main. Le couloir et le hall étaient désertiques. Une chance incroyable pour de telles circonstances !

L’air fouetta les joues de Scully. Il allait trop vite pour elle. Il la sentait épuisée. Ce qu’elle avait fait subir à cette disciple l’avait vidée. Enfin … pas complètement, car elle se retourna brutalement, s’extirpant par la même occasion de l’emprise de Mulder.

- Scully ! Qu’est-ce-que tu fais ? hurla Mulder.
- Le couteau, répondit-elle essoufflée.

Les deux femmes se relevaient avec difficulté, s’insultant l’une et l’autre. Le Père Ybarra avait disparu. La lame tranchante qui gisait à même le sol à plusieurs mètres d’eux, traversa les airs d’une façon vertigineuse, atterrissant dans la main droite de Scully.

- Allez viens, on y va, supplia Mulder.

Les deux femmes avaient disparues à leur tour.

Mulder la tira par le bras, l’emmenant vers la sortie.

***


Tard - dans la nuit du 2 au 3 novembre 2012

Elle l’avait disposé au centre de la table. Des inscriptions revêtant une allure des plus élégantes naissaient sur la lame dorée lorsque sa main s’invitait autour d’elle. Le manche du poignard était simple, de taille moyenne, marron foncé. Seule, une fine corde noire le parcourant sur toute sa longueur était brodée en diagonale. Scully était assise. Mulder descendit les escaliers. Elle était toujours assise devant la table. Vingt minutes. Cela faisait vingt minutes qu’il l’attendait. Elle observait encore et toujours ce poignard qu’il redoutait tant.

- Viens te coucher, il est tard, lui murmura-t-il dans le creux de l’oreille tout en s’agenouillant pour arriver à sa hauteur et mieux passer ses bras autour d’elle.

Elle ne bougeait toujours pas. Il essaya de la détendre avec ces quelques paroles :

- Une mutinerie au sein d’un même groupe n’est jamais de bon augure. Ces deux femmes, disciples, ne doivent pas être les seules à vouloir usurper le pouvoir.

Il continua en allégeant légèrement le ton de sa voix :

- Bien sûr … l’idéal serait que cette soif de s’emparer de la domination et ce besoin que certains ressentent de s’en prendre à nous avant la date finale les conduisent à s’entre-tuer, nous mettant ainsi au repos forcé.

Elle sourit. Mais un sourire si mélancolique.

- Mais viens te coucher ! Crois-moi … je peux t’assurer que personne ne viendra cette nuit te faire du mal, il ne se passera rien cette nuit, plus rien avant…

Il n’acheva pas sa phrase. Elle ressentit son trouble. Il avait failli en dire trop. C’était elle qui ce matin était venue vers lui dans l’espoir d’en savoir plus. Mais pour elle, la souffrance et l’angoisse étaient parfois plus supportables que la vérité elle-même.

- Tais-toi … de toute façon … je veux plus rien savoir ! lui chuchota Scully.

Ainsi, elle lui avait fait comprendre qu’elle ne lui en voulait plus qu’il garde certaines choses pour lui. Au contraire. C’était mieux de cette façon.

- Charles arrive demain soir, chuchota-t-elle encore. Georgia l’a appelé et tu connais Charles…

Mulder s’était déjà éloigné. Il fit le tour de la table et saisit délicatement l’objet, ne lâchant pas à un seul instant le bleu des yeux de Scully durant cette action. Le bruit de quelques tiroirs qu’on ouvrait se fraya un chemin jusqu’à elle. Mulder ressortit de son bureau, mais sans le poignard.

03h00

Son sommeil s’était souvent trouvé agité mais cette nuit, ses hurlements dépassaient la limite qu’elle s’était autorisée à se fixer. Elle ne supportait plus toute cette souffrance. Une décision s’imposait. Ce n’était pas la première fois qu’elle y songeait, mais elle n’avait jamais trouvé la force et le courage de passer de cette simple pensée à l’action. Ces cris transperçant la paroi du mur étaient indescriptibles. Elle pénétra doucement dans la chambre. Comment faisait-il pour rester endormi ? Si paisible en extérieur mais si chaviré à l’intérieur. Les gouttelettes de sueur perlant sur son front trahissaient ce calme serein que ses traits affichaient. En s’asseyant sur le rebord du lit, elle dégagea une mèche rebelle qui barrait son visage et remit de l’ordre dans sa couverture complètement retournée. Il respirait calmement, ce qui était loin d’être le cas il y a encore moins de dix minutes. Elle lui prit sa fine main qu’elle enfouie dans les siennes. Elle y déposa un baiser. Les larmes s’emparèrent d’elle. Elle reposa précautionneusement sa main le long de son corps afin de préserver son sommeil, même si celui-ci n’était pas souvent des plus calmes. Tout en passant avec une infime douceur une caresse sur son visage, elle murmura :

- Je t’aime, William.

***

03h45

Elle regardait le plafond. Lui, non plus n’arrivait pas à se laisser bercer et emporter par la profondeur de la nuit qui pourtant ne demandait qu’à s’offrir à eux deux. Il la sentait si tendue. Il remua doucement. Ses yeux fixaient toujours le plafond. Il était brillant pour éclaircir de nombreux phénomènes obscurs et saisir avant tout le monde ce futur incertain qui les guettait, mais il rencontrait encore trop souvent cette même difficulté – celle d’extirper ses pensées les plus profondes – les songes d’une femme, bien trop souvent figée dans la douleur et la souffrance. Une nouvelle étape les narguait et … il était inconcevable qu’elle échoue. Pendant pratiquement dix ans elle avait risqué sa vie à ses côtés. Un risque qui devait les porter à la vérité. Ils l’avaient si souvent effleurée. Elle s’évaporait dès qu’ils approchaient d’un peu trop près. Mais, aujourd’hui, plus les heures, les minutes, les secondes s’écoulaient, plus la vérité s’illuminait, prenant de surcroît de plus en plus racine en eux. Et cette intrusion involontaire et forcée lui faisait peur. Elle était effrayée. Surtout elle, qui avait pour habitude de tout contrôler. Son masque n’était plus que cendres, hors d’usage, poussière, absent, mort. Plus de masque mais, un visage marqué par cette angoisse de s’écrouler pour ne plus jamais parvenir à se relever. Scully avait peur d’elle-même. Ses émotions mises à nues, non-refoulées, qu’elle avait accepté d’écouter et d’apprivoiser lui faisaient l’effet d’une gifle en plein cœur de son âme. Avoir son cœur vibrant lorsqu’on est amoureuse, elle acceptait, mais se sentir vibrer parce qu’on se sent appelé et irrésistiblement attiré par une énergie dépassant toutes les lois physiques connues et mises en évidence depuis des années, non, elle n’acceptait pas.

Mulder se rapprocha, se blottissant contre elle. Il enlaça son ventre. Malgré le trouble intérieur qui la ravageait, par sa main posé sur son ventre, il trouvait sa respiration paisible, son ventre se soulevant et retombant doucement. C’était plutôt bon signe. Sa présence à ses côtés l’apaisait. Ils ne devaient plus se séparer. Il fallait qu’ils passent le temps restant jusqu’à la fin, ensembles. Du moins, ils allaient essayer. Il ne devait pas la quitter, surtout pas avant la fin. S’il échouait, il condamnait deux âmes.

- Le Lien brisé demeure, prononça-t-elle de sa voix la plus basse.

Mulder sursauta à l’intérieur de lui-même. La douce lumière de l’astre lunaire s’infiltrant par la fenêtre et s’invitant dans le creux de leur lit laissait deviner ses yeux bleus, toujours hypnotisés par le plafond de leur chambre.

- C’est le même alphabet que celui de la prophétie. La gravure de la lame, ajouta-t-elle toujours aussi faiblement, se tournant enfin vers lui.
- Ils ne savent pas le lire, répondit posément Mulder. Tu détiens enfin la preuve.
- Qu’est-ce-que tu veux dire ? répliqua rapidement Scully intriguée mais un peu agacée.

Mulder souleva le pendentif qui ornait le coup de Scully. La croix dorée qu’elle avait perdue plusieurs fois mais qu’il avait toujours su lui retrouver brilla quelques secondes sous les reflets de la lune glissant sur la dorure.

- Mulder …, sa voix grésillant sous l’effet de la fatigue.

Il ne voulait pas lui répondre. Il était nécessaire maintenant qu’elle apprenne à sentir les choses toute seule. Au cas-où il … Qu’elle comprenne pourquoi justement elle portait cette croix, qu’elle comprenne pourquoi elle était encore en vie, pourquoi d’autres femmes n’avaient survécues là où elle avait vaincu.

Elle s’était remise sur le dos.

- Ma Foi … finit-elle par décréter. Cette écriture est l’origine de tout. Ecrite par La Création elle-même.

Elle inspira profondément pour mieux encaisser cette révélation. Tout ceci était-il déjà prévu depuis le commencement, le début originel de tout ? Y avait-il vraiment quelqu’un qui il y a des millions d’années avait décidé qu’un jour, en cet instant précis, elle vivrait ce moment, dans ce lit, à ses côtés ? Une seule et unique personne était-elle responsable à elle toute seule, de tout ce qui les entourait et de ce qui vivait sur cette Terre et en dehors aussi ? Ou alors tout ceci, n’était-il qu’un simple enchaînement de cause à effet ? Tout n’était-il qu’une question de choix ? Fallait-il juste prendre la bonne décision au bon moment ? Ou tout n’était-il pas déjà écrit à l’avance ? Ecrit par une main transcendante ? Cette dernière possibilité en vue des derniers signes observés semblait l’emporter sur le reste.

Elle ferma ses yeux, se mordant la lèvre inférieure pour tenter de contenir son émotion.

- Et si jamais…
- Chuuut, souffla Mulder, la forçant à se tourner vers lui, pour qu’il puisse l’enlacer de nouveau.
- … si jamais… si jamais j’y arrive pas …

Tout en gardant ses yeux fermés, sa voix s’était perdue dans un brisement atroce, mêlée d’un sanglot soudain. Mulder, lui aussi à son tour, se sentit défaillir.

- Tu y arriveras ! Même s’il croulait sous le poids d’une douloureuse émotion, il arrivait à garder une voix solide et rassurante. Je le sais ! Tu ne renonceras pas ! Mais n’oublie pas ! Ne leur accorde jamais ne serait-ce qu’un seul instant de faiblesse !

Il enroula sa main sur le haut de ses magnifiques ondulations rousses. Elle se blottit contre lui. Scully finit par laisser échapper quelques sanglots. Il la serra encore plus fort, une main parcourant ses cheveux qui par l’effet des rayons lunaires revêtaient leur éclat le plus rouge. Il garda son autre main posée par-dessus sa taille fine qui à intervalle régulier se trouvait secouée par des soubresauts répétitifs de tristesse. A aucun moment Mulder ne desserra son étreinte. Ils restèrent le reste de la nuit enveloppés l’un dans l’autre.

Au même moment - Quelque part dans un entrepôt désaffecté

- Tu n’as pas respecté la règle !

Une foule immense, remplissant cet énorme espace, entourait de chaque côté la jeune femme recroquevillée sur ses genoux. Une voix forte et grave résonnait :

- Tu as désobéi. Tu as trahi. Et tu as égaré notre Graal !

Malgré le nombre impressionnant de personnes réunies dans le lieu, ces centaines, voire ces milliers d’hommes et de femmes demeuraient silencieux, n’ayant pour unique occupation, que l’observation de cette scène sous leurs yeux – une femme s’apprêtant à recevoir le blâme ultime.

- Je n’ai pas respecté la règle, j’ai désobéi, j’ai trahi et j’ai perdu le Graal. Vola doit être punie.

L’homme acquiesça, fier de l’autorité qu’il dégageait sur cette femme et le reste de l’assemblée.

- Une autre remarque ? annonça ce dernier non sans une certaine note de sarcasme au fond de lui.
- Je vous souhaite de réussir, Maître, articula Vola.
- Bien, déclara-t-il, content de lui. Vous pouvez y aller, dit-il d’un ton simple et banal, tout en faisant signe à deux individus de s’avancer.

Les deux hommes s’approchèrent, chacun tenant dans leurs mains un immense tronc en bois. Ils s’enflammèrent instantanément lorsqu’ils encerclèrent la jeune femme. Ils dirigèrent l’extrémité en feu vers elle, se tenant toujours prostrée à genoux et tête baissée vers le sol. Des hurlements s’échappant des entrailles de Vola s’élevèrent. Ses cheveux d’or se confondant avec la couleur du brasier. Les flammes du bûcher vivant s’embrasaient jusqu’au ciel. L’assemblée se tenait toujours muette, attentive au moindre crépitement des flammes. Vola n’existait plus.

- Bien ! reprit-il en enlevant doucement les cendres de son champ de vision.

Il contrôla les visages de ses sujets puis après un instant d’un silence absolu, il ajouta :

- Vous pouvez disposer !

Des murmures dévoilant un certain soulagement parmi les hommes, les femmes et les enfants présents s’échappèrent. Plus de la moitié était déjà sortie retrouver l’air libre quand il l’interpella dans un sourire au moment où elle passait près de lui :

- Kardie !

La jeune fille se retourna. Puis plus sévèrement il lui dit :

- Encore un seul faux pas…

Du doigt, il lui désigna les cendres. Kardie ne perdit pas ses moyens.

- Oui Maître ! Soyez sans crainte. On ne m’y reprendra plus. Je me chargerai moi-même de vous ramener le Graal afin de prouver ma loyauté, affirma-t-elle dans un aplomb sans faille.
- Parfait ! Tu as toujours été la plus ambitieuse, mais aussi la plus vive d’esprit. Ne me déçois pas.

Kardie hocha la tête, puis rejoignit les autres en direction de la sortie.

- Le grand moment de gloire approche mes amis … qu’on fasse sonner le glas, se murmura-t-il.

***

Samedi 3 novembre 2012 – 22h12

La voiture n’eut même pas le temps de couper le contact qu’elle s’était déjà jetée dehors pour l’accueillir. Une fois sorti du véhicule, Georgia serra son père de toutes ses forces.

- Tu m’as fait si peur au téléphone !

Il l’embrassa sur le front puis vérifia qu’elle n’avait rien de cassé, aucune égratignure. Il voulait s’assurer que sa fille allait aussi bien qu’elle le lui avait laissé entendre. Georgia lui rappelait tant sa propre sœur. Quand Dana disait que tout allait bien, en général, il fallait discerner qu’il y avait anguille sous roche.

- Crois-moi, j’crois bien que c’est pour Lyly que tu devrais t’inquiéter, dit tout bas Georgia à son père.
- Je sais, lui répondit Charles, un peu chamboulé à la vue de sa sœur apparaissant dans l’angle de la porte d’entrée.

Scully, les bras enlacés sur sa poitrine leur fit signe d’un léger mouvement de tête de rentrer à l’intérieur. Georgia claqua le coffre de la voiture et tendit le bagage à son père. Ils s’avancèrent en direction des marches du perron. Le bruit et le clignotement de la fermeture des portes troublèrent l’espace un court moment. Après avoir gravit les marches aux côtés de son père, Georgia s’engouffra la première dans la maison. Arrivé à hauteur de Scully, Charles posa son sac au sol puis étreignit sa sœur encore plus fort qu’il ne l’avait fait pour sa propre fille, il y a déjà quelques minutes. Trop souvent il avait été confronté à cette peur panique que l’on ressent au moment où ceux qu’on aime sont sur le point de rendre leur dernier souffle. Oui … la vie avait trop souvent utilisé sa sœur, comme pion, pour son jeu. Son autre sœur, Mélissa avait perdu avant même de savoir qu’elle était dans la partie. Et cette fois encore, Dana, par téléphone, lui avait laissé entendre qu’elle était de nouveau remise en jeu. Mais Charles n’était pas en mesure de se résoudre à cette idée – celle que la fin de la partie se profilait à l’horizon. Il n’était pas d’humeur à accepter un échec et mat pour sa sœur et pour Mulder. Et cette fois-ci, ce dernier ne pourrait pas sauver sa sœur. Ils leur avaient demandé d’être leur joker. Il avait accepté.

Charles relâcha son étreinte et déposa un baiser sur sa joue. Scully déjà mal à l’aise par cette étreinte se sentit encore plus troublée par ce baiser volé. Scully n’était jamais très douée pour les démonstrations d’affections. Lui et elle se voyaient rarement, ce qui n’arrangeait en rien sa froideur naturelle. Mais il savait qu’il existait une personne qui justement avait su franchir et détruire, une par une, les barrières de sa sœur. C’était pour cela que Charles appréciait tant Mulder.

- Oh non ! cria une Georgia désespérée du fond de la cuisine. Mulder a encore cramé la pizza !

Scully qui jusqu’ici était marquée par ses traits tendus, à l’annonce de Georgia, baissa la tête, pouffant de rire. Charles l’imita.

- Non, c’est Georgia qui devait surveiller ! répondit Mulder pour sa défense et assez fort pour que sa voix parvienne bien jusqu’à eux.
- Il ment ! répliqua la jeune fille.

On entendit Georgia tousser.

- Non, mais c’est malin ! Ya de la fumée partout maintenant ! réussit-elle à prononcer entre deux toussotements.

Scully leva les yeux au ciel. Elle pénétra à son tour dans la maison.

- Non, mais c’est pas possible ! Deux minutes sans moi avec vous et c’est la fin du monde ! leur reprocha Scully amusée. Décider de mettre le feu avec une chaleur pareille ! Non mais j’vous jure ! …
- Mais Tante Lyly ! C’est Mulder qui …
- Nan nan nan ! coupa encore Scully

Charles, un sourire sur ses lèvres, regarda disparaître sa sœur, écoutant son flot de réprimandes. Elle avait toujours le dernier mot sur les deux autres. Mulder savait toujours la faire rire, quitte à mettre le feu à la maison pour encore mieux y parvenir. Charles reprit son sac et ferma la porte.

Une semaine plus tard – 12 novembre 2012

Il regardait partout.

- Je t’en prie, monte !

C’était au-moins la troisième fois qu’elle lui répétait de monter. Il détaillait chaque visage qui se bousculait autour de lui. Une femme était assise sur un banc, un homme sur le point de monter, fit volte-face brutalement se mettant à courir vers la borne de compostage la plus proche avant de finalement revenir sur ses pas. Son esprit se trouva aussi alerté par une autre femme pleurant dans les bras de son compagnon, déchirée à l’idée de devoir se séparer. Un sifflement retentit. Les derniers retardataires coururent et bondir dans les wagons. D’autres, restés sur le quai répondaient aux signes que certains mimaient derrière les fenêtres. Elle lui avait dit qu’ils ne partaient que pour le weekend, qu’elle avait un rendez-vous très important dans la région pour laquelle ils étaient sur le point d’embarquer et que son père ne pouvait s’occuper de lui, le travail dans la grange lui prenant tout son temps. William lui avait répondu qu’il était assez grand pour se garder tout seul et que surtout, il aurait pu aider son père à couper et ranger tout le bois, mais elle avait insisté pour qu’il l’accompagne, et elle insistait encore pour qu’il se décide enfin à grimper dans ce train.

- Je t’en prie William, monte dans ce train ! Imagine la déception de Sandy si elle ne te voit pas avec moi à l’arrivé ? supplia Elizabeth Van De Kamp.

Un nouveau sifflement perça l’air. William monta enfin les trois marches qui le séparaient de sa mère. Les portes claquèrent juste derrière lui. Elle avait peur. William ressentait ce gouffre infini qui hantait sa mère. Un gouffre emprisonnant cette angoisse incontrôlée d’une mère ayant peur de perdre son fils. Il savait aussi la véritable nature de leur voyage. Sa mère avait pris la décision. Cette angoisse qu’elle avait de le perdre, l’ange aux boucles de feu chantant la nuit dans ses rêves était habité par cette même angoisse profonde. Mais il fallait que cela cesse. Il fallait qu’elles arrêtent d’avoir peur toutes les deux, car le train était sur le point de rapprocher deux mères pour un seul fils, mais une seule et même peur répartie dans deux cœurs différents … deux amours pour un seul et même être, qui en se rapprochant, permettront à d’autres d’établir Le Lien … de sentir le nœud de ce Lien. William.

Mais il sentait qu’on l’attendait. Son destin était de les rejoindre. Maintenant. De lutter avec eux. Il était le Miracle de deux âmes-sœurs. Son futur dépendait de leurs survies. Ils étaient Trois Destins liés par le sang. Et ignorer l’appel des origines était chose impossible.
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Message  PtiteCoccie88 Dim 19 Déc 2010 - 20:44

L’ECHANGE

12 novembre 2012 – 09h48

Le soleil martelait la vitre de ses rayons. Il positionna ses mains au-dessus de ses yeux pour tenter de lutter tant bien que mal contre cette puissance lumineuse. Il approcha ses yeux au plus près de la fenêtre. Les volets n’étaient pas fermés. Il regarda ainsi quelques secondes le carreau. Il tentait de distinguer un quelconque mouvement provenant de l’autre côté. Mais rien. Tout semblait calme. Aucun signe de vie. Il redressa son torse et cessa ainsi de jouer les voyeurs. Il se retourna.

- Pas la peine de continuer à tambouriner contre la porte. Je crois qu’il n’y a personne Monica.

L’élégante et grande femme brune s’éloigna à contrecœur de la porte. Doggett et Reyes descendirent les escaliers. Trois voitures étaient garées dans l’allée. La leur qui les avait amenés jusqu’ici et deux autres. Doggett se rappelait avoir déjà vu la plus petite. Elle appartenait à Georgia. Pour la deuxième, il n’en avait aucun souvenir. Mais, une chose était sure, le coupé bleu manquait à l’appel.

- La voiture de Scully n’est pas là, constata Monica. Mais Skinner a peut-être tord de s’inquiéter…
- Depuis dix ans, Mulder l’appelle chaque semaine, coupa Doggett.
- Et bien, Mulder a aussi le droit d’oublier…
- Pas à un mois de …

Il n’acheva pas. Il soupira.

- Je sais pas Monica … Depuis notre dernière visite, je me fais vraiment du souci les concernant…

Monica Reyes s’était rapprochée de John Doggett.

- On n’échappe pas à son destin John, dit Reyes dans un calme et une sérénité absolu.

Doggett hocha la tête mécaniquement. Reyes ajouta :

- Et puis, ils ont peut-être tout simplement voulu changer d’air pendant quelques jours …

Reyes sentit l’anxiété qui rongeait les yeux et les traits de son partenaire. Elle lui saisit la main. Elle lui offrit son regard le plus tendre. Il crispa ses lèvres tout en croisant et soutenant les yeux remplis d’amour, de tendresse et de douceur que lui offrait Monica.

Un bruit similaire à celui que venait de faire leur propre voiture maintenant stationnée devant la maison les troubla. Une petite voiture, dans les tons clairs et qui visiblement avait déjà fait son temps s’avançait à faible allure en leur direction. Ils se lâchèrent la main. La voiture s’arrêta. Doggett et Reyes ne bougeaient pas, ils attendaient. Un homme grand, vêtu d’un pull-over beige et complètement dépareillé sortit du véhicule. Doggett arrêta un court instant son regard sur les oreilles disproportionnées de cet homme par rapport au reste de son visage. L’homme paraissait sur ses gardes mais à la fois surpris. Doggett discerna même une touche de frayeur dans les yeux de cet étrange individu. Reyes s’écarta, descendit les escaliers du devant de la maison et sortit un badge.

- FBI ! Agent spécial Monica Reyes. Veuillez décliner votre identité, déclara-t-elle sur un ton très formel.

Elle remit dans sa veste sa plaque d’identification. Doggett avait rejoint Reyes, il sortit furtivement son badge lui aussi pour aussitôt le faire disparaitre.

L’homme sembla légèrement décontenancé.

- FBI … murmura-t-il.

Il semblait s’être pétrifié. Les deux agents ne le quittaient pas des yeux. L’homme daigna enfin leur accorder son attention.

- Si le FBI est ici, est-ce-que cela veut dire qu’il est arrivé malheur à Dana Scully, leur demanda-t-il.

Doggett et Reyes se regardèrent. Le visage brisé de cet homme leur fit comprendre qu’il ne représentait aucun danger. Doggett planta ses yeux dans ceux de l’inconnu.

- Encore une fois, qui êtes-vous ? insista Doggett.

Cette fois-ci, il ne se fit pas prier pour répondre.

- Père Ybarra. Je suis le Père Ybarra.
- Our Lady of Sorrows Hospital, poursuivit Doggett.
- Oui, affirma Ybarra.
- Et que faites-vous ici? déclara Reyes, toujours aussi formellement.

Les grands yeux du Père Ybarra s’agitèrent.

- Je suis inquiet. Cela fait une semaine. Je leur ai dit de fuir. L’attaque…
- Qui ? Mulder et Scully ? Quelle attaque ? coupa Reyes.

Doggett intercala son bras gauche devant Reyes pour lui faire comprendre qu’il ne fallait pas perturber l’homme dans son élan. Reyes avait effrayé Ybarra. Il recula comme paniqué.

- Je … suis navré. Je crains de ne pourvoir vous aider. Tout ceci nous dépasse. Mais qui a ordonné au FBI de débarquer ici ? finit-il par questionner.
- Personne, avoua Reyes.
- Nous sommes inquiets nous aussi. Depuis une semaine, nous sommes nous aussi sans nouvelles, annonça Doggett à Ybarra.

Ybarra étira encore ses orbites. Doggett ressentit l’étonnement s’emparant un par un des membres du Père Ybarra. Il se racla la gorge afin de dégager sa voix enrouée avant de reprendre.

- Mulder et Scully ont travaillé plus de dix ans en tant qu’agents spéciaux au sein du FBI.

Il surveillait de près le moindre fait et geste du Père Ybarra. Entre temps, Reyes se dirigeait de nouveau vers le haut de la maison. Ybarra observa la femme brune, puis Doggett accrocha de nouveau son attention par ces paroles :

- Et certains phénomènes et événements survenus ces dernières semaines nous laissent penser qu’ils sont loin d’être en parfaite sécurité.

Doggett s’était exprimé assez calmement. Il s’était voulu rassurant malgré le contenu plutôt alarmant de ces derniers propos. Mais ses traits tendus trahissaient sa voix sereine. Pour Ybarra, cette révélation sur le passé du Docteur Dana Scully expliquait certaines choses. Il comprit d’où Dana Scully puisait cette énergie lui donnant la force de tout contrôler. De nature déterminée et glaciale, ses longues années passées au FBI , au cœur du gouvernement et du secret d’Etat, lui avaient sans aucun doute permis de développer , d’exercer et d’enrichir son caractère de marbre mais, doté d’un très grand professionnalisme. Ybarra respectait et admirait Dana Scully. Et, depuis qu’il savait qu’elle était La Clef … il s’était décidé de la protéger comme il le pouvait. L’équilibre des lois de la nature tel qu’il était connu de tous, bien sûr si l’on croyait aux prophéties … reposait sur Dana Scully.

Un léger cliquetis surprit le Père Ybarra.

- Mais que faites-vous ? Vous n’avez pas le droit ? lança Ybarra à l’attention de Monica Reyes.

Doggett réussit facilement à rassurer le Père Ybarra. Reyes venait de forcer la porte d’entrée. Elle avait déjà disparu à l’intérieur.

- Ybarra. Ce n’est en aucun cas une violation de propriété. On doit s’assurer que tout est en ordre, expliqua Doggett.

Doggett invita Ybarra à pénétrer lui aussi à l’intérieur de la maison.

Reyes se tenait devant la table du salon. Seule une bouteille vide de jus de fruit ornait la table. Elle s’approcha, saisit le bouchon orange figé en équilibre sur lui-même et referma la bouteille qu’elle repositionna au centre de la table. Ybarra reconnut la sacoche marron que Dana Scully avait toujours à la main dès qu’elle franchissait les portes de son hôpital. Il n’avait pas souvenir de l’avoir vu revenir récupérer ses affaires depuis le jour où il leur avait ordonné de fuir le couloir dans lequel ils se tenaient. Mais après tout, s’avoir s’infiltrer sans se faire remarquer, était un domaine qu’elle maitrisait du bout des doigts. Elle avait probablement souvent dû s’y exercer durant ses années dévouées envers ces hommes de l’ombre et du mensonge. Reyes avait pénétré dans la cuisine. Doggett l’entendit ouvrir le réfrigérateur. Un sachet de graines de tournesols tomba sur le sol. Elle le remit à côté des autres dans la portière. Doggett, toujours suivi par Ybarra était entré dans le bureau de Mulder. Ybarra remarqua tout de suite la photo accrochée au-dessus du bureau. Il reconnut cette chevelure rousse, s’échappant dans le vent. Dana Scully était assise sur le rebord d’un muret, assez haut. Malgré les lunettes de soleil qu’elle portait et son visage tourné sur le coté, on sentait qu’elle était heureuse. Doggett ouvrait mécaniquement plusieurs tiroirs pour les refermer aussitôt. Reyes les avait rejoints. Sur son passage, elle avait légèrement fermé la porte. Elle contempla plusieurs secondes les documents accrochés au dos de la porte puis ses yeux s’arrêtèrent sur le centre. Une jeune fille brune reposait sur la photo. Reyes frôla de ses doigts le papier glacé.

- Samantha… murmura-t-elle.

Ybarra et Doggett, surpris par ce murmure se retournèrent brutalement. Elle leur sourit. Ybarra remarqua à son tour cette photo qu’elle contemplait il y a encore quelques instants.

- Rien d’alarmant dans le séjour et sauf un frigo horriblement mal rangé, nada, dit Reyes.

Reyes arpentait de nouveau une par une le reste des pièces du rez-de chaussé. C’est elle qui maintenant se trouvait suivie par Ybarra.

Le bois des escaliers craqua sous le poids de Doggett. Il poussa la porte. Les draps étaient défaits. Le couvre lit mauve était à moitié échoué sur le sol. Une paire de chaussure, ouverte et fine, d’un noir brillant et à talons jonchait le sol en plein milieu du passage. Il heurta à nouveau quelque chose. Il ramassa la revue médicale et la déposa sur le bureau situé près de la fenêtre aux volets ouverts. Une petite table qui se trouvait déjà bien encombrée par tout un autre tas de revues du même style. Hormis ces quelques détails, le reste de la chambre était plutôt en ordre. Il ouvrit les portes du placard. Un grincement se fit entendre en même temps que son geste. Un certain nombre de vêtements manquaient pour remplir correctement la tringle de la penderie. Il reconnut cet élégant et fin tailleur noir qu’elle avait si souvent porté. C’était il y a longtemps. Les étagères étaient à moitié vides, elles aussi. Seulement quelques cravates habitaient encore ces planches. Il referma soigneusement les deux portes. Il pénétra dans la salle de bain. Il enleva un long cheveu roux resté accroché sur le rebord du lavabo. Il reconnut la nuisette parme accrochée derrière la porte de la salle de bain. La même qu’elle avait portée lorsqu’il avait brutalement surgi chez eux au cours de l’été dernier. Il attrapa le flacon de mousse à raser posé sur une étagère, appuya dessus et constatant que plus rien n’en sortait, le jeta dans la poubelle située à côté du lavabo. Il se sentit attiré par son reflet que lui offrait le miroir en face de lui. Il pouvait y lire l’inquiétude qui régnait dans ses yeux. Il réalisa aussi à quel point son visage était fatigué et tendu par la peur. Il avait toujours douté du travail de Mulder au sein des affaires non-classées et n’avait jamais compris comment une scientifique aussi douée que Dana Scully avait fini par croire à toutes ces théories. Sauf qu’aujourd’hui, il n’était plus question de chercher et d’établir des théories, il s’agissait de protéger et de savoir où étaient passées les conséquences de toutes ces théories. Il fallait retrouver Mulder et Scully, pour s’assurer que tout allait bien, qu’ils allaient bien. Mulder avait eu raison depuis le début, depuis l’ouverture des affaires non-classées. Et Scully l’avait suivi sans hésiter dans cette folie. Elle avait compris que cette folie était vraie. Lui, Doggett, n’avait pas eu l’esprit assez vif pour comprendre aussi vite qu’elle ce qui était juste ou faux. Aucun doute, Dana Scully était brillante.

Ses réflexions se firent interrompre par des voix s’élevant du dehors. Il sortit de la salle de bain et s’approcha à la fenêtre. Il distingua Reyes et Ybarra. Reyes parlait mais, son interlocuteur était loin d’être Ybarra qui pourtant se trouvait à ses côtés. Une vieille dame, aux longs cheveux blancs articulait. Doggett dévala les escaliers et se retrouva dehors en un temps record.

La vieille femme aux longs cheveux décolorés par la vieillesse et à la peau brunâtre ricana doucement mais, son rire ne se voulait pas méchant. Elle leur fit comprendre qu’ils perdaient leur temps, qu’ils ne cherchaient pas là où ils devaient chercher.

- Vous cherchez les Mulder ? prononça-t-elle malicieusement. Vous les avez ratés de peu et croyez-moi, ils ne m’ont pas donné l’impression de vouloir revenir.
- Vous savez où ils sont partis ? s’empressa de demander Doggett.
- Là où ils sont toujours en mouvement, répondit-elle.
- Quoi ? s’énerva Doggett. On a pas le temps pour les charades. Et puis qui êtes-vous ?
- Je suis l’une des dernières survivantes de mon peuple. Ceux qui ont senti en premier leurs venus parmi nous, continuait sur un ton toujours aussi mystérieux et énigmatique la vieille femme.
- Depuis combien de temps sont-ils partis, osa demander Ybarra.

La femme soutint leur regard plusieurs secondes comme si elle se nourrissait du suspens qu’elle développait.

- Une heure.
- Une heure ? répéta Reyes. Vraiment ?
- Là où l’énergie est toujours en mouvement mais …

La vieille femme s’était interrompue. Ses pupilles noires s’étaient dilatées comme si elle était soudainement sous l’emprise d’un rêve éveillé. Elle semblait voir autre chose que deux hommes et une femme se tenant sur une allée pleine de graviers. Puis dans un souffle de panique, elle formula rapidement :

- Noir ! Tout est noir ! Trouble. Sifflant, vitesse. Demi-tour. Elle court… Monde, beaucoup de monde… Peur, violence… trois ne font qu’un… aaaah ! sifflement !

La femme venait de porter ses mains contre ses oreilles comme pour atténuer un son qu’elle seule entendait.

- On perd notre temps Monica. Cette femme est juste folle, s’impatienta Doggett.
- Non John, essaya de convaincre Monica tout en levant son bras vers lui pour interrompre ses critiques envers la vieille Maya.
- Où est Dana ? questionna prudemment Reyes.

Les yeux sombres de l’indienne retrouvèrent peu à peu leur calme, cessant de s’agiter dans toutes les directions possibles et inimaginables. Elle croisa le regard de Reyes.

- Je … risqua Ybarra.

Reyes et Doggett se tournèrent intrigués vers l’homme de foi.

- Je crois savoir de quel endroit parle cette femme.

La vieille femme avait déjà disparu.

10h25

Charles était au volant. Le bleu métallisé brillait de mille feux.

- Georgia ! Arrête avec la radio ! Décide-toi enfin pour une fréquence, lui ordonna gentiment son père.

Georgia finalement préféra arrêter la radio et tourna sa tête vers le paysage.

Charles jeta un regard au rétroviseur. Il y distinguait un Mulder très pensif. Sa sœur avait les yeux fermés. Mulder la tenait contre elle. Cela faisait un petit moment qu’ils roulaient.

- Dis ! Tu crois que tu pourrais m’avoir un billet d’avion gratuit pour le Japon ?
- Georgia … parle un peu moins fort, lui reprocha son père.

Il regarda de nouveau le rétroviseur lui permettant de voir la banquette arrière. Dana bougea légèrement. Charles posa ses yeux sur sa fille puis lui dit à voix basse tout en gardant un œil vigilent sur la route :

- Ta tante essaye de dormir Georgia.
- Désolée, répondit la jeune fille.

Georgia s’enfonça dans son siège, mimant de sa main droite une fermeture éclair sur ses lèvres. Zip ! Mais, apparemment, cela ne servit à rien car, elle reprit aussitôt :

- Mais quand même… le Japon ? risqua-t-elle de nouveau mais en faisant attention cette fois à ne pas parler trop fort.

Charles connaissait ce regard. Sa fille avait toujours été très douée pour obtenir tout ce qu’elle voulait. Il soupira.

- Seulement si tu es reçue à tes examens de fin d’année ! argumenta son père.
- Ce n’est qu’une formalité, renchérit tout sourire Georgia. Merci pilote, ajouta-t-elle.

Charles vit sa sœur sourire. Elle ne dormait pas. De toute façon, elle n’avait jamais réussi à dormir en voiture. Mulder regardait toujours filer le paysage sous ses yeux. Ce dernier avait convaincu sa propre sœur que Charles devait absolument être à leurs côtés. Il était le seul en mesure de rassurer et de veiller sur Dana après Mulder. Et, en raison de son travail, il était incollable en géographie. Il connaissait tous les recoins de cette terre, de cette planète. Même ceux ne figurant sur aucune carte. Il avait ainsi les ressources nécessaires pour cacher le bandit le plus recherché au monde même s’il n’avait pour le moment aucune raison de le faire. Il s’agissait juste de protéger Mulder et Scully pendant quelques temps. Mais les protéger contre quoi ? Lui-même n’avait pas très bien saisi. Mais sa sœur avait au cours de ces vingt dernières années survécu à tant de choses incroyables et inimaginables qu’il ne s’étonnait plus de rien. Mulder lui avait dit : « Veille sur elle. » Alors il allait veiller sur elle.

Georgia n’avait pas voulu retourner chez sa mère bien que son stage avait touché à sa fin. Mais Georgia et Dana étaient très complices. Georgia, elle aussi, connaissait sa tante sur le bout des doigts. Et puis partir en croisade à plusieurs était toujours plus rassurant qu’une envolée solitaire. Ainsi réunis, il y avait toujours quelqu’un pour veiller sur l’autre.

- Demi-tour …

Charles regarda pour la énième fois le rétroviseur.

- J’ai dit demi-tour, insista Mulder.
- Quoi ? prononça Scully, ouvrant ses yeux.

Georgia s’était retournée, interpellée par l’étrange voix de Mulder, à la fois calme et dure. Scully cligna plusieurs fois des yeux. Le soleil était beaucoup trop violent.

- Dana ? demanda Charles.

Scully, enfin acclimatée à la luminosité discerna le visage de Mulder. Elle se redressa. Les secondes semblaient s’être étirées pour Charles et Georgia. Mulder croisa et soutint le regard de Scully.

- La magnétite ne peut rien contre la peur, finit-il par articuler.

Scully baissa les yeux. Elle se sentit en manque d’air soudainement.

- Tu le vois ? chuchota Scully.

Scully n’osait pas relever la tête. Le silence de Mulder lui fit comprendre la réponse.

Georgia se retourna, ne perdant pas une miette de leurs faits et gestes. Charles avait légèrement ralenti mais conservait une allure assez soutenue tout en continuant à jeter un coup d’œil toutes les deux secondes au rétroviseur intérieur.

- Si je sens cette peur… eux aussi, articula-t-il encore en insistant bien sur « eux aussi ».

Scully sentit sa vue se brouiller sous la force des larmes chaudes envahissant ses prunelles.

Scully releva enfin sa tête. Sa lèvre inférieure trembla.

Mulder regardait sur la gauche. Il semblait attendre. Scully suivit la direction qu’indiquaient les yeux de Mulder. Puis à contre-sens, il arriva. Les wagons défilèrent à toute vitesse. Le bleu des yeux de Scully s’agita aussi vite que la vitesse à laquelle filait le train. Ses yeux azur suivant les wagons, un par un comme pour essayer de deviner dans lequel il se trouvait.

- Il a dit demi-tour, ordonna Scully.

Charles ne se fit pas prier. Personne devant, personne derrière, il exécuta un demi-tour en un temps au lieu de trois habituellement, ce qui dégagea un nuage de poussière des plus impressionnants.

11h54

- En êtes-vous bien sûr ?
- C’est le seul endroit grouillant de monde et toujours en mouvement que je connaisse dans le coin, répliqua Ybarra.
- Mais elle a dit que cela faisait plus d’une heure qu’ils étaient partis, ajouta encore plus sceptiquement Reyes.

Doggett arrêta la voiture en double file devant l’entrée principale. Effectivement, un va et vient assez important de personnes montant, descendant des voitures, sortant des bagages des coffres remplissait l’espace. Un bus de route vint se garer juste derrière eux. Une ruée de passager en descendit. Doggett, Reyes et Ybarra sortirent de la voiture.

- Et maintenant, qu’est-ce-qu’on fait ? demanda Doggett, frappant ses mains sur ses hanches et se tournant vers Reyes et Ybarra.

Reyes eut l’air aussi perdu que lui. Mais, elle n’eut pas besoin de répondre. Une décapotable bleue s’arrêta en trombe devant eux. Ils la virent sauter par-dessus la portière.

- Scully, attends ! hurla Mulder.
- Lyly, cria à son tour Georgia, s’apprêtant elle aussi à bondir hors du bolide.
- Non Georgia ! la retint Mulder. Toi, tu restes ici avec ton père.

Georgia obéit et se rassit.

Mulder regarda l’entrée de la gare. Sa chevelure rousse avait déjà disparu. Il sortit à son tour aussi vite qu’il put de la voiture. Il sentit enfin leurs regards posés sur lui. Il tourna vivement sa tête vers la droite. Tous les trois étaient déjà arrivés à sa hauteur.

- Mais comment … ?

Mulder s’interrompit, abasourdit par la présence d’Ybarra.

- Une longue histoire, dit Doggett, sentant le trouble de Mulder à la vue d’Ybarra.

Mulder reprit aussitôt ses esprits.

- Scully ! enchaîna Mulder.

Il s’était déjà engouffré à l’intérieur. Doggett, Reyes et Ybarra le suivirent.

Un sifflement se fit entendre. Mulder avait rattrapé Scully. Elle se tenait figée devant le panneau d’affichage central. Ses yeux ne cessaient de parcourir les écritures orange qui n’arrêtaient pas de changer de place.

- Kansas, j’vois pas le Kansas, paniqua Scully au bord des larmes.
- Voie quatre, lui dit Mulder un peu essoufflé par sa course.

Mulder la tira par la main. Ils s’engouffrèrent tous les deux dans les escaliers. Doggett dit à Reyes de rester dans le hall avec Ybarra.

Il y avait trop de gens. Ils ne voyaient pas à deux mètres devant eux. Doggett finissait par les rattraper. Les reproches des personnes qu’ils bousculaient sur leur passage n’arrêtaient pas de s’élever dans l’air. Ils couraient tout droit. De toutes leurs forces. Un nouveau sifflement strident retentit.

- Non … murmura Scully complètement brisée par la course effrénée et la peur d’arriver trop tard.

Mulder resserra sa main autour de celle de Scully. Ils prirent un virage serré sur leur droite puis remontèrent quatre à quatre de nouveaux escaliers.

Ils déboulèrent enfin sur un quai. Le train se mit doucement en marche. Elle lâcha sa main. Doggett surgit à son tour des escaliers. Mulder regardait partout autour de lui.

- Mais bon sang qu’est-ce-qui se passe ici ? demanda Doggett essayant de reprendre sa respiration.
- Mulder ! supplia Scully droit dans les yeux.
- Ils sont pas descendus, lui répondit Mulder. Cours !

Elle n’avait pas attendu qu’il lui ordonne pour s’exécuter.

- Restez ici Doggett, hurla Mulder.

Les dernières voitures du train étaient encore derrière elle. Elle était poussée par la peur et l’adrénaline. Elle sentait l’air qu’elle agitait sur son passage. Ses cheveux volaient avec elle. Elle s’approcha au maximum du rebord de la voie, attrapa la poignée d’une portière tout en continuant sa course. Le train commençait à prendre une certaine vitesse. Dans un effort surhumain, elle réussit à se hisser, la main toujours sur la poignée, sur le marche pied. Ses cheveux lui fouettaient le visage. Elle tourna la poignée, s’écarta légèrement pour laisser assez d’espace à l’ouverture de la porte. Celle-ci s’ouvrit. Scully disparut derrière celle-ci. Doggett courait sur le quai. Mulder attendait. En réalité, il surveillait tout ce qui entourait chaque mètre carré de cette gare.

Sa main tira la manette rouge. Quelques cris de panique venant de tous les côtés se firent entendre. Un bruit strident et aigu en provenance des rails résonna dans toutes les entrailles du train. Scully crut que ses tympans n’allaient pas résister. Elle relâcha la manette sur laquelle sa main se trouvait toujours accrochée. Aussitôt elle perdit l’équilibre et bascula sur le côté droit contre le mur lorsque le train s’immobilisa enfin complètement. Ses longs cheveux étaient tombés sur le devant de son visage durant sa perte d’équilibre. Elle passa sa main dans ses cheveux de façon à les repousser en arrière. Doggett apparut dans l’encadrement de la porte. Il grimpa les deux marches qui séparaient le train immobilisé de la surface du sol.

Scully toujours appuyée contre le mur suivit du regard la montée de Doggett dans le train. Elle se redressa, s’écartant du mur et sortit le poignard dorée de l’une de ses poches de pantalon.

Doggett écarquilla ses yeux à la vue de cette lame dans sa main. Toutes sortes de pensées traversèrent l’esprit de Doggett. Qu’avait-elle en tête ? Mais il n’eut même pas le temps de prononcer un mot qu’elle avait déjà ouvert la première double porte transparente. Elle ouvrit la deuxième double porte qui suivait. Elle s’avança doucement à l’intérieur du wagon. Le bruit des talons qu’elle portait résonnait sur le sol. Elle avançait doucement. La plupart des passagers étaient descendus. Il ne restait plus qu’une gare à desservir. Trois passagers sur sa droite et trois autres au fond. Ceux sur la droite préférèrent changer de wagon à la vue de cette femme revêtant une allure menaçante et habité par un regard glacé comme la mort. Dès qu’ils virent la lame dorée dans sa main, ils se levèrent sans hésiter, se dirigèrent vers le fond, passèrent devant les trois autres personnes et rejoignirent d’autres passagers dans la voiture suivante qui ne comprenaient pas pourquoi le train s’était subitement arrêté.

Ses talons faisaient toujours un bruit fracassant sur le sol. Elle appuyait chacun de ses pas. Le bruit automatique d’une porte coulissante se fit entendre une nouvelle fois. Doggett arriva derrière Scully. Arrivée à la moitié du parcours, elle s’immobilisa. Doggett dirigea son regard vers le fond. Un frisson s’empara de lui. Il comprit. La dureté de la voix de Scully le frappa en pleine face :

- Vous n’auriez pas dû venir Kardie.
- Oui mais moi, je savais que vous alliez venir. Je n’aurai voulu manquer cela pour rien au monde.
- Laisse-les descendre, menaça Scully.

Kardie, qui bloquait le passage à la femme brune assise près de la fenêtre se rapprocha d’elle et sortit un petit canif qu’elle serra sous la gorge de la femme. Elle railla de nouveau :

- C’est simple, tu me donnes ce que je veux et je la laisse en vie. Sinon je la tue et je pars avec l’enfant.

Doggett remarqua à quel point le garçon était tétanisé. Scully pressentit le geste de Doggett. Scully fit décoller immédiatement le poignard dans les airs. Il atterrit aussitôt dans les mains de Kardie qui s’éclipsa avec une vitesse et une agilité hors du commun.

- Plus la peine de sortir votre arme Doggett. Vous avez failli faire tuer Elizabeth Van De Kamp avec vos réflexes idiots d’agents du FBI, grinça Scully tournant son regard bleu acier vers lui.

Doggett baissa les yeux, ne sachant plus trop où se mettre.

- Rendez-vous utile. Faites les sortir, ajouta-t-elle toujours aussi durement tout en faisant volte-face.

Scully posa le pied sur le quai. Son souffle était saccadé. Tout en commençant à marcher elle porta la main à son estomac, ferma ses yeux et tenta de respirer par grande inspiration pour tenter de dissiper la nausée qui s’emparait d’elle.

Dès qu’il l’aperçut, il courut vers elle. Elle rouvrit ses yeux. Le-haut-le cœur s’était calmé.

- Va à la voiture, lui chuchota Mulder au creux de l’oreille tout en enlaçant d’une main sa taille.

Il vit par-dessus l’épaule de Scully le garçon descendre à son tour du train suivit d’une femme puis de Doggett. Il desserra la pression qu’il exerçait autour de sa taille afin de la laisser partir. A aucun moment Scully ne se retourna.

23h21

Georgia frappa à la porte.

- Entrez, répondit une voix douce.

Georgia ouvrit la porte en bois. Elle remarqua immédiatement William qui dormait profondément dans l’un des deux lits. Elle chuchota une fois entièrement entrée dans la chambre :

- Les nuits sont fraiches par ici et étant donné que je suis toute seule dans ma chambre, je n’ai pas besoin d’autant de couvertures.

Elizabeth saisit les couvertures que la jeune fille aux cheveux blonds comme le miel lui tendait.

- Merci, répondit Elizabeth.
- Si vous avez besoin d’autres choses, n’hésitez pas. Vous n’avez qu’à frapper à travers la cloison et j’arriverai. Nos chambres sont juste à côté, acheva Georgia laissant apparaître son sourire le plus chaleureux sur ses lèvres.
- Merci beaucoup, répondit de nouveau Elizabeth baissant ses yeux sur les couvertures marron qu’elle tenait à présent dans ses mains. Où sommes-nous ?
- Un endroit même pas répertorié sur nos cartes, sourit Georgia. La mer est pourtant juste à quelques mètres. Un vrai coin de paradis ici. Mon grand-père paternel a construit cette maison de vacances de ses propres mains il y a des années. Tante Lyly ... je veux dire Dana … aime beaucoup cet endroit. Et surtout, ils sont en sécurité et même en cas de danger, mon père est capable de nous emmener loin d’ici en moins de deux, quitte à nous évacuer en avion. Elle s’esclaffa lorsqu’elle s’entendit prononcer le mot « avion ». Mais pour le moment tout le monde reste ici.

Georgia risqua un nouveau coup d’œil vers le lit dans lequel reposait William. Elle s’était sentie un peu plus nerveuse en prononçant ses dernières paroles. Elle était maintenant persuadée que cette femme avait la sensation d’avoir atterri dans une autre dimension depuis qu’elle était sortie de la gare.

- Pourquoi avoir pris ce train jusqu’en Caroline du Nord ? osa demander la jeune fille.

Elizabeth regarda à son tour William.

- Pour demander des réponses, avoua Elizabeth en baissant ses yeux de nouveau. Mais, je me rends compte que c’était une erreur car, j’ai mis tout le monde en danger même si je suis loin d’avoir tout compris. Comment avez-vous su qu’on venait …

La porte de la chambre était restée entrouverte. Georgia se retourna. Monica Reyes fit son apparition.

- Est-ce-que tout va bien ? demanda Reyes.
- Oui, affirma Elizabeth.
- Je n’ai pas pu m’empêcher d’entendre la conversation et … croyez-moi, ne vous reprochez rien, tenta de rassurer Reyes. (Elle regarda à son tour l’enfant dormant dans le lit.) Ces trois là devaient de toute façon un jour ou l’autre se rejoindre.
- Monica! chuchota Georgia. Arrête avec tes sentences prophétiques ! ça devient carrément flippant et angoissant, lui reprocha la jeune fille. A ta place, je lui dirai plutôt qu’on a deux agents du FBI sous notre toits pour veiller sur nous, plus deux à la retraite !

Monica ne put s’empêcher de sourire.

- C’est vrai. Elle a raison, reprit Reyes. Vous ne risquez rien ici.

02h14

Elle était allongée sur le banc. Elle l’avait amené en plein milieu du terrain défiguré par les mauvaises herbes. Ou plutôt, elle l’avait trainé jusqu’ici à en juger par les longues marques qu’avaient laissés les pieds du banc dans l’herbe. On entendait le bruit des vagues s’écrasant contre la falaise. Ses cheveux tombaient dans le vide. Son dos reposait contre la pierre froide, ses jambes légèrement repliées vers elle. Elle regardait le ciel. Les étoiles savaient parsemer élégamment et harmonieusement cette toile bleue marine qui s’offrait à ses yeux.

Ses pas dans l’herbe créèrent un bruit de froissement autour de lui. Il la vit allongée pratiquement de tout son long sur ce banc de pierre. Elle fixait la voûte céleste comme si elle voulait l’imprimer dans son esprit. Ses yeux se firent attirer par la braise de la cigarette qu’elle tenait dans sa main droite, relâchée dans le vide et la fumée qui s’en échappait. Il était arrivé à sa hauteur.

- Vous n’arrivez pas à dormir ?
- Si au contraire, je dors comme un loir…

Elle porta la cigarette à ses lèvres. La fumée ressortant de ses poumons s’éleva au dessus d’elle. Quelques secondes passèrent. Il l’observait. Elle semblait s’être enterrée dans une tombe de verre comme pour fuir la douleur. Et tous ceux qui essayaient de s’approcher de sa forteresse étaient reçus d’une manière fracassante. Elle n’avait même pas daigné lui adresser un regard. Un autre bruit similaire à celui qu’avait produit Doggett en se démenant à travers les hautes herbes troubla de nouveau l’étendue du jardin.

- Bonne nuit Doggett.

Doggett se retourna, un peu surpris et mal à l’aise.

- Bonne nuit Mulder, lui répondit poliment John.

Doggett comprit qu’il était de trop. Il rebroussa chemin sans qu’on est besoin de le lui dire clairement.

Scully se redressa de manière à laisser la place à Mulder de s’asseoir.

- Eteins-moi cette cigarette, lui ordonna gentiment Mulder.
- Une fois qu’elle sera finie.
- Scully…
- Okay, okay … soupira cette dernière tout en prenant bien soin de faire glisser une dernière longue et profonde bouffée à l’intérieur de ses poumons. Elle l’écrasa de toutes ses forces dans l’herbe jusqu’à tant que plus une seule étincelle de feu ne brille.

Il l’observait écraser de toutes ses forces cette cigarette comme si elle essayait d’effacer et de digérer certains événements récents. La fumée sortant de ses poumons empêcha quelques instants Mulder de discerner le visage de Scully dans la pénombre. Il en profita pour lui dire :

- Reyes et Georgia se sont occupés de …
- Oui, je sais, coupa Scully.

Scully avait enfin cessé de s’acharner sur sa cigarette. Il l’enlaça de tous ses bras contre lui. Ils écoutaient les vagues se briser puis repartir vers le large. Elle avait fermé ses yeux. Elle se laissait bercer par la poitrine de son partenaire qu’elle sentait se soulever et se baisser sous elle.

02h48

Il la souleva lentement du banc, la saisissant et la portant le plus doucement possible dans ses bras. Il traversa tout l’extérieur qui les séparait de la maison. Sur son passage, il éteignit la dernière lumière restée allumée dans l’entrée. Bien que perdu au milieu de nulle part, la maison était grande. Elle possédait même un étage. Il passa devant les escaliers et continua tout droit, jusqu’au fond du couloir.

Il l’allongea sur le lit. Il n’avait pas allumé la lumière. Les volets n’ayant pas été ouverts, un noir d’encre envahissait la chambre. Il commença à défaire les boucles qui fermaient ses chaussures. Il lui enleva le plus délicatement possible. Il posa sans bruit les chaussures au sol. Malgré toutes ses précautions pour ne pas la réveiller, elle remua et finit par ouvrir les yeux. Mulder soupira.

- J’y étais presque … chuchota Mulder.

Elle sourit puis se redressa un peu trop vite sur le lit. Le sang lui monta à la tête. Elle attendit quelques secondes avant que le voile noir devant ses yeux veuille bien se dissiper. Mulder s’assit sur le lit et lui murmura :

- On n’a jamais prouvé qu’un baiser pouvait rendormir la princesse.

Il ne lui laissa même pas le temps de réagir. Il avait déjà pris possession de ses lèvres. Elle se laissa envouter par cette douce chaleur que lui procurait le contact de ses lèvres sur les siennes. Il s’écarta. Il ouvrit ses yeux et esquissa un léger sourire lorsqu’il observa qu’elle gardait les siens toujours clos comme si elle tenait à savourer le plus longtemps possible cet instant de sérénité, de douceur et de plaisir qu’il venait de lui faire goûter. Elle sourit à son tour puis ouvrit ses yeux et rapprocha ses lèvres vers lui et murmura :

- Je crois que cette hypothèse est fausse. Elle effleura ses lèvres. Un simple baiser semble loin d’être suffisant…

Tout en lui chuchotant ses derniers mots, elle avait passé une jambe par-dessus les siennes, se retrouvant ainsi assise à califourchon sur ses cuisses. De ses deux mains, Mulder enlaça chaque côté de son visage. Ses mains finirent par lentement glisser sous ses boucles rousses. Son visage maintenu entre ses deux mains, il l’obligea à relever sa tête, croisant ainsi son regard et dans un souffle avivé par le désir, il prononça :

- Une princesse qui aime la science …

De sa main gauche, il replaça en arrière l’une de ses longues boucles rousses … Il croisa de nouveau son regard pour s’assurer qu’elle en avait vraiment le souhait et l’envie… et malgré l’obscurité, il discerna cette lueur au fond de ses yeux clairs qui lui faisait comprendre qu’elle avait besoin de s’évader … d’oublier son esprit pour n’écouter que ses sens… Il murmura de nouveau :

- on ne peut que lui obéir …

Il effleura de nouveau ses lèvres. Il fit glisser et remonter le plus lentement possible ses mains sous son chemisier. Elle passa ses bras autour de son coup tout en renforçant le frôlement de leurs lèvres qui commençaient à s’affoler sous l’emprise du désir qui les dominait de plus en plus. Il commença à déboutonner le haut de son chemisier, laissant apparaitre le haut de sa poitrine. Elle agrippa sa nuque de ses deux mains et rapprocha son bassin contre lui. Il la bascula sur le lit. Elle s’empressa de lui enlever sa chemise risquant au passage de lui arracher quelques boutons. Elle se redressa légèrement pour attraper de nouveau ses lèvres. Leur souffle troublait de manière crescendo le silence. Même si tout le reste de la maison dormait à l’étage, ils essayaient de contenir au maximum leur respiration effrénée. Elle remonta ses jambes contre lui et se laissa guider par son corps. Il la débarrassa cette fois-ci entièrement de son chemisier. Elle resserra encore plus ses jambes contre lui, contractant au passage son bassin sous l’emprise du désir qui devenait difficile à contrôler. Elle sentit la main de son amant glisser sous son dos afin de dégrafer son soutien-gorge. Lui aussi avait de plus en plus de mal à rester discret face à la violence de leur passion guidant et rythmant leurs mouvements. Leur souffle saccadé se transformait en ardents soupirs. La sentir si près d’elle, sentir sa peau brulante contre la sienne, ses cuisses désormais nues et remontées contre lui, contre sa chair, alimentaient et accéléraient ce feu grandissant en lui. Ils se sentaient habités par cette même envie, celle de faire plaisir à l’autre. La peur et l’angoisse ressenties au cours de ces dernières semaines avivaient leur danse comme jamais. Une danse à la fois gracieuse, sensuelle et sauvage dont ils dévoraient chaque sensation que le corps de l’autre insufflait en eux. Ils avaient même l’impression que ce qu’ils étaient en train de faire leur était interdit … de peur d’être surpris ou entendus … allant jusqu’à ressentir que c’était peut-être la dernière fois qu’ils se mouvaient l’un dans l’autre d’une telle façon ... et ce en raison des jours sombres qui se profilaient à grande vitesse devant eux. Les événements de cette journée déjà écoulée n’avait été qu’une ébauche de ce qui les attendait. Toute cette angoisse pétrifiante et glaçante, presque morbide face à l’avenir renforçait et augmentait cette fièvre de vouloir fondre dans la chair de l’être aimé.

La main fourrée dans sa tignasse brune, tête plongée dans le creux de son épaule, elle le laissa reprendre son souffle. Les yeux fermés, elle déposa fébrilement un baiser dans ses cheveux, tellement elle se sentait encore en proie au plaisir parcourant son corps tout entier. Elle ne pouvait s’empêcher de trembler encore irrégulièrement mais discrètement par à coups. De son autre main elle enlaçait son dos brulant. Elle tenta à son tour de reprendre son souffle. Il releva son visage enfoui contre elle et lui donna un dernier baiser, long, tendre et voluptueux. Il s’écarta délicatement d’elle, s’allongea sur le dos et l’amena près de lui. Au bout de quelques minutes, il sentit son rythme cardiaque s’apaiser progressivement. La princesse s’était endormie.


Dernière édition par PtiteCoccie88 le Lun 20 Déc 2010 - 20:13, édité 1 fois
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Message  PtiteCoccie88 Dim 19 Déc 2010 - 21:03

En Quête de Vérité


13 novembre 2012 – Le lendemain matin

Il ouvrit les volets. La lumière, de toute sa puissance, envahit la chambre. Elle referma ses yeux. Le dernier jour écoulé avait été très particulier, à la fois intense et douloureux. Et ces rayons brûlant ses yeux bleus lui rappelèrent que la souffrance était loin d’être un simple cauchemar se dissipant en ouvrant les yeux. Au contraire, elle était bien réelle et tenace. Pendant une seconde, elle avait oublié. Elle eut ce moment d’égarement, d’absence qui s’empare de nous au réveil et qui nous vide la mémoire. On se sent l’esprit aveugle et flottant au dessus de rien. Avec ce geste, si simple, celui d’ouvrir les volets libérant du noir, il lui avait donné une gifle, silencieuse mais violente… Enfin ! Elle reconnut… Ses yeux se promenèrent tout autour. Les lieux lui étaient familiers, mais l’espace défilant sous son regard n’était pas celui qu’elle avait pour habitude de voir et de sentir au quotidien.

Elle se redressa dans le lit et se passa la main dans les cheveux, son regard absorbé par les draps. Mulder referma la fenêtre et vint s’asseoir près d’elle.

- Il est quelle heure ? l’entendit-il murmurer.
- Dix heures.

Scully ouvrit de grands yeux.

- Quoi ? s’exclama-t-elle.

Scully était ahuri.

- Et pourquoi tu ne m’as pas réveillée ? lui reprocha-t-elle, constatant par la même occasion qu’il était déjà tout habillé, rasé et prêt à sortir.
- C’est ce que je viens de faire, répondit Mulder un peu narquois.

Elle ouvrit la bouche comme pour s’offusquer de nouveau, mais le contact de sa main remontant doucement sous les draps le long de sa cuisse dénudée l’empêcha d’aller plus loin, se sentant bloquée dans son élan. Il avait réussi à la surprendre et à la troubler comme il savait si bien y faire lorsqu’il sentait qu’elle risquait de sortir de ses gonds. Mulder sourit, enlevant sa main de la hanche de Scully.

- Tu avais besoins de dormir, lui assura-t-il sur un ton qui se voulait protecteur.

Elle lui lança un étrange regard, à la fois amusé en surface mais si triste à l’intérieur. Elle ne chercha plus à lui répondre. Il se leva du lit. Elle le regarda passer sa veste par-dessus ses épaules.

- Charles nous emmène moi et Doggett repérer un peu les environs étant donné que je ne suis jamais venu par ici. Je serai de retour dans quelques minutes.

Elle ne disait toujours rien. Elle le regardait. C’est tout.

Il s’approcha de nouveau près d’elle et dit :

- Reyes et Georgia sont ici.

Il essayait de la rassurer comme il pouvait. Elle était si tendue. Même s’ils s’étaient offerts au court de la nuit passée un instant d’évasion, un instant qui n’appartenait qu’à eux … tout restait si étouffant dans cet air les enveloppant.

- Et … ils sont dans le jardin.

Scully savait très bien ce que Mulder voulait faire entendre par ce « Ils »…

Il déposa un baiser sur son front, prenant son visage dans ses deux mains. Elle le regarda sortir de la chambre, attendit d’entendre la porte de la maison claquer et le bruit de la voiture se perdre au loin avant de se lever.

Quelques minutes plus tard

Scully se tenait devant la fenêtre encastrée au-dessus de l’évier. Tout en buvant quelques gorgées du liquide brûlant reposant dans la tasse qu’elle tenait dans l’une de ses mains, elle ne perdait pas une seule seconde du tableau qui s’offrait à elle, de l’autre côté de cette fenêtre, à une centaine de mètres. Monica Reyes, Georgia Scully, Elizabeth Van de Kamp et William se tenaient tous les quatre dans le jardin, à perte de vue, ne semblant pas s’arrêter. Un jardin d’une profondeur infinie. De quoi pouvaient-ils parler ? Les traits de Reyes et de Georgia étaient bien trop détendus pour qu’ils puissent discuter de ce qu’elle redoutait tant. A savoir, pourquoi elle l’avait abandonné.

Elle vit sa nièce échanger quelques mots avec William. Scully crut que son cœur venait de la lâcher quand elle le vit lui répondre. La mer. Georgia lui avait sans doute proposé de lui faire découvrir la crique située à moins d’un kilomètre derrière la maison. Il avait apparemment accepté car elle les vit s’éloigner tous les deux, en direction justement de cette crique. Elle porta une nouvelle fois la tasse à ses lèvres. Devant ses yeux, il ne restait plus que Reyes et cette mère fracassée par l’incompréhension et la peur… Scully quitta quelques instants l’écran de la fenêtre afin de poser sa tasse dans l’évier. Elle releva la tête. Son cœur qui il y a peu de secondes semblait l’avoir lâchée n’était rien en comparaison de ce qu’elle ressentit en cet instant précis. L’eau s’ouvrit…toute seule…personne n’ayant touché au robinet…il était d’ailleurs toujours en position fermé. Elle regardait désespérément et affolée par la fenêtre. Elle ne voyait plus les deux femmes, plus de Reyes et plus… elle. Scully était pourtant persuadée de n’avoir cessé d’observer que durant… La porte s’ouvrit. Une de ses mains se tenait toujours accrochée à l’anse de la tasse reposant dans le fond de l’évier. L’eau tiède glissant sur sa main cramponnée à la tasse attira son attention. Scully regarda l’évier, puis le robinet…l’eau s’arrêta de couler progressivement. Figée, cristallisée, plus de cœur battant dans sa poitrine, plus de jambes pour la soutenir non plus. On referma doucement la porte. Quand Scully se retourna, elles étaient déjà dans la cuisine, se tenant toutes deux devant elle. Seule la longueur de la table les séparait. Scully croisa d’abord le regard de Reyes qui lui sourit comme pour l’encourager…puis vint cette fraction de seconde où elle réussit à poser ses yeux sur cette femme… Elizabeth. Elles s’étaient déjà vues, mais dans une atmosphère bien différente de celle-ci. Elle ne s’était jamais réellement sentie très à l’aise devant cette Elizabeth, mais, là…elle aurait donné tout ce qu’elle avait pour se faire enlever sur le champ, se téléporter, ou bien disparaître au fond d’un gouffre sans fin. Cette confrontation devait arriver à un moment où un autre depuis hier…une confrontation qu’elle redoutait, mais cette femme brune devait probablement, tout comme elle, être pétrifiée et peut-être même bien se sentir menacée… Deux mères pour un fils, une équation sans solution et insoutenable.

Reyes encouragea de nouveau Scully à l’aide d’un regard amical puis sortit de la pièce, laissant Scully face à ses propres démons, comme au bord d’un précipice.

- Bonjour, prononça tout simplement Elizabeth. Mais un « bonjour » mal assuré, un peu bancal et maladroit, comme si elle s’était trompée de mots.

Bon sang ! Même cela elle n’y arrivait pas. Elle ne parvenait plus à rien depuis qu’elle était sortie de cette gare. Un simple « bonjour » restait bloqué dans sa gorge. Finalement presque sans s’en rendre compte, comme sorti tout seul, ses lèvres articulèrent :

- Il reste du café, voulez-vous du café ?
- Non, ça ira, je vous remercie.
- …

Et retour à la case départ ! Un pas en avant. Un pas en arrière. Cette confrontation semblait prendre l’allure d’un vrai boomerang.

Scully se resservit du café et concentrée sur le liquide noir tombant dans une tasse différente de celle reposant dans le creux de l’évier, elle réussit à murmurer :

- Allons dans le salon.

***

Pendant qu’Elizabeth prenait place sur un petit canapé gris, Scully s’avançait à son tour dans le salon, tenant sa tasse dans ses mains. Mais elle ne s’assit pas, préférant rester debout.

Elizabeth ne put s’empêcher de remarquer à quel point elle semblait épuisée. Ses longues boucles rousses qu’elle avait admirées et trouvées si jolies à l’hôpital s’étaient volatilisées, ses cheveux étant désormais aussi raides que des baguettes. Tout était tendu en elle…son visage, ses mains crispées agrippant cette tasse de café, son regard… Ce bleu ancré dans ses yeux l’avait troublé lors de cette toute première rencontre qui remontait pratiquement à déjà plus de six mois. Maintenant, elle savait pourquoi ce bleu azur l’avait tant déstabilisée…William possédait en tout point ce regard. Tout comme cette autre personne. Charles. Le père de cette adorable jeune fille, Georgia qui elle aussi possédait ce bleu intense. Elle avait dit « Tante Lyly ». Au fond d’elle-même, Elizabeth avait souri de ce surnom mais, cela montrait aussi toute cette complicité et cet attachement que Georgia portait à sa tante. Elle avait aussi remarqué que quelqu’un d’autre s’amusait à appeler Dana en passant uniquement par son nom… « Scully ». Elle ne l’avait pas très bien vu encore, n’avait jamais vraiment eu l’occasion de distinguer attentivement ses traits. Elle se souvenait aussi de l’homme ayant dérangé le docteur Dana Scully en plein service au cours du mois de juillet, au moment même où elle lui annonçait qu’elle et William pouvaient rentrer à la maison. Il avait dit qu’elle n’était pas censée travailler, que c’était son jour de repos et le docteur Scully avait comme mis à la porte cet homme, si vite d’ailleurs, qu’elle n’avait pu là aussi très bien visualiser et mémoriser le visage de cet homme, encore une fois. Mais lui et Dana lui avaient paru proches. Dans cette chambre d’hôpital, le docteur Scully s’était si troublée lorsqu’il avait fait irruption sous leurs yeux qu’ils ne pouvaient être qu’intimes. Etait-ce Mulder ? Ce nom si souvent hurlé par William durant ses nuits. William allait parfois jusqu’à noircir des feuilles blanches avec ce nom … « Mulder » … Elle avait même envoyé sa meilleure amie, Sandy, jusqu’à la capitale pour essayer d’en apprendre un peu plus sur ce patronyme, mais sans succès. Mais une chose était sûre… cet homme qu’elle avait entraperçu dans cet hôpital et cette gare ne faisaient qu’une seule et même personne.

Scully qui s’était enfin décidée à s’asseoir sur une chaise présente dans la pièce et devant le canapé, prononça calmement :

- Vous êtes sûre que vous ne voulez toujours pas de café ?

Scully en prononçant ces quelques mots sentit sa voix enrouée, comme si ses cordes vocales venaient de dérailler. Elle but quelques gorgées dans l’espoir que la caféine parviendrait à calmer l’angoisse dans laquelle elle s’était renfermée depuis la veille. Elizabeth avait encore refusé. Contrairement à Scully, elle ne souhaitait pas se doper avec ce liquide noir. Scully se débarrassa de sa tasse en la posant sur une petite table basse en bois, pas très large et qui visiblement avait souffert sous le poids des années. Dans son mouvement pour se séparer de cette tasse, Elizabeth crut apercevoir les mains de cette femme trembler… Elle l’entendit prendre une grande inspiration et la vit enfin détacher ses yeux bleus accrochés à cette tasse.

Scully releva enfin sa tête vers elle.

- Elizabeth…

Mais celle-ci ne lui donna pas les moyens de poursuivre au risque de refermer de nouveau Dana comme une huître mais elle avait besoin de savoir.

- Juste… excusez-moi de vous interrompre si vite mais,... j’aimerai juste savoir une chose avant de commencer… … A l’hôpital, en juillet, saviez-vous…
- Non, coupa à son tour Scully, baissant les yeux, n’arrivant plus à soutenir davantage le regard de cette autre mère. Non, je ne savais pas qu’il s’agissait de William...

Scully s’arrêta quelques secondes et profita de ce court laps de temps pour recroiser les yeux de cette femme brune qui paraissait aussi perdue et mal à l’aise qu’elle l’était elle-même.

- …mais je l’ai compris après.

Sa voix n’était plus qu’un souffle, brisée par les larmes qu’elle retenait de toutes ses forces et qui ne demandaient qu’à exploser !

Scully avait mené beaucoup d’interrogatoires aux côtés de Mulder ou encore de Doggett du temps du FBI, mais face à cette femme, cette mère qui avait pu voir William grandir et s’épanouir au fil des ces dix dernières années… elle ressentit cette drôle d’impression – non plus de mener encore un de ces longs et interminables interrogatoires, mais au contraire, il s’agissait de cette sensation d’être de l’autre côté, c’est-à-dire de subir l’interrogatoire.

- Qui était cette femme ? s’empressa de demander Elizabeth. Kardie ? Vous l’avez appelé Kardie.

Scully baissa encore les yeux. Décidément, elle crut qu’elle n’y arriverait jamais. Que ce moment allait durer pour l’éternité.

- Cette femme a senti votre peur. Elle a surtout compris l’origine de votre peur, répondit toujours aussi fragilement Scully.

Ce fut au tour d’Elizabeth de baisser les yeux. Elle chuchota :

- William.

Scully troublée par le contenu de ce murmure détacha subitement ses yeux de ses mains légèrement tremblantes, observa Elizabeth et fut touchée par la profonde douleur de cette femme qui se sentait rongée par la culpabilité d’avoir manqué à son devoir – celui de protéger William.

- J’ai toujours su que William était un enfant particulier, très intelligent et surtout beaucoup plus vif d’esprit que les autres enfants de son âge...

Elizabeth releva son visage et constata que le trouble régnant dans le bleu azur de Dana se dissipait peu à peu.

- …et quand j’ai compris le lien qui vous unissait, vous et William…

Elizabeth Van de Kamp plongea une main sous sa veste et en sortit une feuille de papier pliée en quatre qu’elle tendit à Scully.

- …ce devoir de protéger William s’est renforcé… ne pouvant m’empêcher de me sentir… trahie et de ressentir cette terrible peur de le perdre… même si je m’étais préparée à ce que un jour… William souhaite de lui-même retrouver ses parents biologiques…

Scully s’empara de la feuille. Elle la déplia. Ce n’était pas une simple feuille de papier. C’était un dessin. Un magnifique portrait … son portrait … à elle … Dana ! Si ressemblant. On aurait pu croire à une photo. Elle glissa ses yeux vers le bas de la feuille, dans l’angle droit et y reconnut ces deux petites initiales, écrites de la même façon que celles inscrites sur ce surprenant courrier que le Père Ybarra lui avait remis … W.M. … Ce jour là, elle s’était évanouie. Il y a encore quelques semaines, tout comme cette femme, elle ne comprenait pas grand-chose.

- … Mais je ne supporte plus tous ces cauchemars que William fait chaque nuit depuis maintenant plusieurs mois. Ces cauchemars ne sont pas normaux. J’ai cru bien faire en voulant venir en Caroline…

Scully avait toujours les yeux rivés sur l’esquisse, mais elle écoutait cette femme même si elle n’en donnait pas vraiment l’impression étant absorbée par les coups de fusains. Elizabeth savait qu’elle l’entendait alors elle s’accrocha pour continuer.

- … Je voulais bien faire…

L’émotion commençait à s’emparer d’Elizabeth.

- … mais cette femme a surgi d’un seul coup dans ce train. En la voyant venir vers nous, William m’a suppliée de ne rien faire, de ne pas bouger, de ne faire aucun geste brusque, et ce bien avant que cette femme blonde prenne brutalement place près de nous. Je le sentais pétrifié face à cette femme, mais étrangement je l’ai entendu me murmurer : « Elle va venir. L’Ange va venir et nous libérera. » Cette Kardie, si c’est bien comme cela qu’elle se nomme…

Scully avait replié le dessin, accordant ainsi toute son attention à Elizabeth.

- …continuait à nous bloquer de force le passage à l’arrivée du train en gare, tant et si bien que nous n’avons pu descendre mais … l’Ange est venu … je crois bien qu’il parlait de vous … j’ignore comment il a fait pour savoir et comment surtout vous avez fait pour savoir aussi …

Scully se crispa mais ne dit rien. Elle essaya de desserrer ses lèvres dans l’espoir d’offrir un léger sourire, mais sans succès. Elizabeth sentit la tension s’emparer encore une nouvelle fois de Dana. Elle décida quand même de poursuivre puisqu’elle ne disait rien.

- … Je l’ai regardé dormir cette nuit. William n’avait plus affiché durant son sommeil un visage si serein et si apaisé depuis des semaines…

Scully tenait toujours le dessin replié dans ses mains, essayant de ne pas l’abimer tellement ses mains étaient tendues.

- … Vous apaisez William, prononça doucement mais sûrement Elizabeth. J’ai même parfois l’impression qu’un lien plus que biologique vous unit tous les deux … cela peut paraître invraisemblable ou difficile à croire mais … c’est ce que je ressens, insista-t-elle. J’ai pris ce train avec William pour vous voir et demander des réponses, car je sais que vous les avez.

Les deux femmes se regardaient. L’une espérait des réponses, l’autre n’avait qu’une envie – celle de se réveiller au plus vite de ce cauchemar éveillé. Scully sentait son cœur sur le point de lâcher pour la troisième fois de la matinée.

Heureusement, un grondement de voiture résonna au plus grand soulagement de Scully. La porte d’entrée donnant directement dans l’entrée s’ouvrit amenant un peu d’air frais dans la pièce, faisant du bien à ces deux femmes épuisées par leurs nerfs rudement éprouvés en peu de temps.

Scully se leva. Mulder s’approcha de Scully qui se rassit aussitôt à l’approche de Mulder. Il fut heureux de la voir en présence d’Elizabeth. Même si cela restait difficile et extrêmement douloureux pour elle, Scully en acceptant les questions de cette autre femme lui prouvait qu’elle avait essayé de dépasser ses émotions entretenant sa froideur naturelle et son humeur cassante. Doggett était toujours celui qui en subissait le plus les conséquences, sa simple présence non loin d’elle suffisant à réveiller dans sa mémoire des événements atroces et insupportables – l’enlèvement de Mulder … l’abandon forcé de William.

- Où est Charles ? demanda Scully inquiète.
- Parti rejoindre Georgia, Reyes et … à la crique, rassura Mulder.

Il n’avait pas osé prononcer ce prénom …

Doggett s’était assis sur un petit tabouret en bois situé complètement à droite de Scully qui elle était à l’extrémité gauche du salon, mais l’espace n’étant pas si large sans être trop petit non plus, ils se trouvaient tous finalement plutôt proches les uns des autres. Mulder, lui, s’était assis sur une chaise qu’il venait de ramener de la cuisine et qu’il plaça le plus près possible de Scully tout en veillant à se situer bien en face d’Elizabeth Van de Kamp.

Pour la première fois, Elizabeth pouvait dévisager cet homme. Elle parcourut un à un ses traits. Mulder. Ce ne pouvait être que Mulder. William avait le même regard que cette femme, mais pour ce qui était du reste, il suffisait de regarder cet homme pour comprendre quel lien il partageait avec William.

Mulder planta ses yeux dans ceux d’Elizabeth et dit :

- Madame Van de Kamp, nous savons que vous êtes venus jusqu’à nous pour une raison bien précise, mais… en prenant ce train vous avez mis William en danger…
- … en danger de quoi ? risqua prudemment Madame Van de Kamp.

Scully, Mulder et Doggett échangèrent un regard. Aucuns des trois ne savaient par où commencer. Scully s’était rendu compte de la difficulté de cette tâche quelques instants auparavant lorsqu’elle se trouvait encore seule avec elle. Scully avait mis plus de dix ans à accepter cette vérité. Non ! … Plus ! En cherchant bien au fond d’elle… cela ne faisait que depuis quelques mois qu’elle acceptait pleinement cette vérité … vérité à laquelle elle appartenait, tout comme Mulder et William. Une vérité qu’elle ne pouvait plus se permettre de repousser… car cette vérité faisait désormais partie d’elle… Rectification !… La Vérité avait toujours fait partie d’elle.

- Vous savez…

Elizabeth s’était décidée à briser le silence avant qu’il ne s’installe, s’adressant plus particulièrement à Mulder.

- …William a deviné très tôt que moi et mon mari n’étions pas ses parents biologiques. C’est comme s’il l’avait toujours su… et depuis un an environ, pratiquement jour pour jour, il a commencé à avoir un sommeil de plus en plus agité. Ses cris durant ses nuits devenant insupportables et atroces à entendre au fil des mois… même s’il nous assure qu’il ne souffre pas…

Un an. Scully songea que les mystérieux dérèglements lumineux survenant autour d’elle avaient débutés plus ou moins à la même période. Il en était de même pour l’intuition infaillible de Mulder, bien qu’il ait toujours été très doué dans ce domaine.

- …et depuis le début, j’ai cette intime conviction qu’on nous a confié William, pas seulement parce que nous ne pouvions pas avoir d’enfant… mais pour le protéger.

La voix d’Elizabeth s’était éteinte dans un souffle. Elle avait du mal à contenir son émotion, surtout face au regard du vrai père de William. Une autre aussi se sentait à bout. Scully. Cette dernière se leva sans prévenir, faisant tomber le dessin au passage. Mulder le ramassa et c’est tout juste s’il l’entendit prononcer :

- Excusez-moi.

La porte d’entrée claqua.

Elizabeth l’avait regardée sortir presqu’en courant. Mulder, du regard fit signe à Doggett. La porte claqua de nouveau mais … moins fort que pour Scully.

Mulder et madame Van de Kamp étaient désormais seuls.

Il y a vingt ans, il s’était amusé à poser cette question à Scully : « Croyez-vous en l’existence des extraterrestres ? » Pour son plus grand plaisir, cette provocation volontaire n’avait en rien déstabilisé sa partenaire. Elle lui avait répondu avec humour, sans hésiter, du « tac » au « tac ». Un instant qui avait gravé le début d’une longue relation, bien plus compliquée et intense qu’une simple collaboration professionnelle.

Mulder inspira, dégageant ainsi son corps de toute tension, mais sans ce sourire un peu provocateur qu’il avait lancé à Scully avant de poser sa question il y a à peu près vingt de cela, au contraire son visage était plein de gravité. Il dit :

- Croyez-vous en l’existence des Dieux ?

***

Elle se tenait debout. Au milieu du jardin. Près du banc où il l’avait trouvée en plein milieu de la nuit dernière. Il décida de s’approcher doucement. Lui aussi remarqua à quel point ses cheveux étaient raides, tombant pratiquement jusqu’en bas du dos. Il devina qu’elle tenait ses bras croisés. Il l’avait déjà vue mal en point, triste, à fleur de peau, énervée même mais… jamais dans cet état … de renoncement.

Il distingua enfin son visage. Ses yeux étaient fermés. Des larmes glissaient sur ses joues. Elle l’avait senti s’approcher, tout comme cette nuit lorsqu’il l’avait dérangée dans sa contemplation des âmes célestes, mortes depuis des millions d’années pour certaines, mais, elle n’était plus d’humeur à l’envoyer balader encore une fois ! Elle n’en avait plus la force. La présence de William à quelques mètres d’elle la rendait malade ! Elle s’était séparée de lui dans le but de le protéger, mais voilà ! … Il avait fallu que cette femme débarque ! … chamboulant au passage toutes les certitudes que Scully s’était forgée. Scully se sentait croulée sous ce terrible poids du doute et… plus horrible encore, celui de la culpabilité. Avait-elle eu raison de l’abandonner ? Se privant ainsi de le voir grandir et vivre sous ses yeux. Les questions l’assaillaient. Mais, une, toujours la même revenait sans arrêt, lui martelant la tête : Avait-elle eu raison ? … si cette Elizabeth avait ramené leur fils sous leur toit … c’est qu’elle avait eu tord, non ? Le destin lui faisait cruellement comprendre que depuis le début, elle avait probablement eu faux … depuis le début … sur toute la ligne.

Une main se posant sur son épaule l’extirpa progressivement de ses songes loin d’être idylliques. Elle ouvrit ses yeux, si rougis par les larmes qu’elle mit quelques instants à dissiper le flou devant elle.

- Ça va aller ? demanda Doggett, sa main toujours posée sur le haut de l’épaule gauche de Scully.
- … Oui, souffla-t-elle, le regard loin devant elle.

Au même moment, un rire éclatant et presque communicatif s’éleva dans les airs. Georgia fit son apparition.

Scully osa tourner ses yeux vers l’endroit où ce rire si chaleureux venait de retentir. Elle aperçut sa nièce qui la regarda à son tour. On pouvait lire sur son visage l’agréable surprise de voir sa tante dans le jardin. Charles souriait lui aussi, mais se crispa légèrement à la vue de sa sœur. Comment pouvait-il se permettre de sourire devant elle qui devait certainement se sentir six pieds sous terre ?! Reyes apparut. Il arriva en dernier.

Tout le monde retint son souffle au moment où leurs regards se croisèrent. Tout le monde ici savait qu’elle l’avait toujours soigneusement évité depuis le début. Elizabeth et William ayant fait le trajet de la gare jusqu’ici en compagnie de Doggett et Reyes, William et Dana ne s’étaient jamais retrouvés l’un en face de l’autre. Le train ne comptait pas. L’hôpital encore moins.

La porte d’entrée s’ouvrit. Mulder, accompagné d’une Van de Kamp au visage plus que décomposé passa également le pas de la porte.

Scully et William se dévisageaient toujours. Madame Van de Kamp prit en plein cœur cette intensité qui se dégageait devant elle. Elle ressentit cette connexion émanant de ces deux corps. Un lien biologique, face auquel elle n’était en aucun cas armée pour rivaliser. Elle sentit sa peur de le perdre doubler de volume au plus profond d’elle. Il lui avait dit que c’était justement cette peur qui avait été la source de la venue de cette femme au prénom plus qu’étrange. Mulder lui avait également révélé que lui aussi ressentait cette peur en elle, ce qui expliquait pourquoi eux aussi s’étaient précipités dans cette gare. Que William était protégé par une quoi ? Une magnétite. De la magnétite, une roche ? Mais ! Attention ! … tenez-vous bien ! … que sa peur, c’est-à-dire sa « trouille » de perdre William avait tout simplement inhibé temporairement l’effet protecteur de cette roche, permettant ainsi à cette « Kardie » de localiser William, rien qu’en sentant donc sa peur qui visiblement était comme un hurlement strident, résonnant sur des milliers de kilomètres à la ronde. Une peur, je répète ! Que lui, avait pour encore répéter … ressenti, mais il y avait pire ! Car il avait utilisé le mot « vision » ! Il avait « vu » cette attaque préméditée dont elle et son fils avaient été victimes dans ce satané train ! Et puis pour couronner le tout, William ! Il lui avait expliqué que lui aussi, sans très bien savoir pourquoi et comment avait ressenti ce danger. Voilà donc pourquoi il avait été si réticent rien qu’à l’idée de monter dans ce train avec elle. Mulder lui avait dit que tous ses cauchemars étaient d’une certaine manière liés au mot « vision ». Il y avait aussi autre chose … Une question qu’il lui avait posée l’intriguait : « Est-ce-que William a montré d’autres signes étranges ou surprenants ? » Elle n’avait pas très bien compris où il avait voulu en venir. Hormis ses cauchemars terribles rythmant chacune des ses nuits depuis des mois, et quelques maux de têtes parfois inquiétants comme celui qui l’avait poussée à l’emmener aux urgences en juillet mais qu’elle attribuait à son sommeil perturbé et à la chaleur… il n’y avait rien eu d’autre. Elle n’avait pas trouvé la force d’insister sur le « pourquoi » il avait posé cette question. Elle avait voulu des réponses … et bien elle les avait eues. Cet homme n’avait pas menti … cela se lisait dans son regard … et encore plus dans celui de sa compagne... Et puis …cette explication tenait tout simplement la route concernant les cauchemars de son fils … Aussi invraisemblable que tout cela pouvait paraître… ça collait … tout collait. … Et oui, elle avait dit oui. Elle croyait en Dieu. Pour elle, William lui avait été envoyé par Dieu… comme un cadeau du ciel. Mais il avait dit « des » Dieux. Un pluriel qu’elle avait eu peur d’éclaircir. Et ce danger ? « Un danger venu d’ailleurs » lui avait-il répondu. Que cette femme qui avait bien failli lui trancher la gorge appartenait aussi à cet « ailleurs ».

William et Scully baissèrent leurs yeux en même temps.

C’était l’Ange de ses rêves. Sa chevelure de feu était comme une lumière, une étoile, un guide pour trouver la porte de sortie afin de l’aider à s’extirper des griffes de ses cauchemars.

Et … William ressemblait tant à son père.

Scully regarda Mulder. William avait rejoint sa mère. Elizabeth. Charles et Georgia s’étaient retirés dans la maison se sentant de trop dans cet espace bien chargé en lourdes émotions. Scully, avec Doggett et Reyes derrière elle, s’approcha à son tour d’Elizabeth.

Scully, sur un ton très calme mais un ton décidé qui ne pouvait que convaincre d’obéir, fixant droit dans les yeux Elizabeth, dit :

- Elizabeth, les agents Doggett et Reyes repartent ce soir, vous ramenant chez vous par la même occasion…

Scully s’interrompit … baissant à la dérobée ses yeux vers William. Mulder crut qu’elle n’allait pas réussir à aller jusqu’au bout, s’apprêtant à prendre le relais au plus vite, évitant ainsi à Elizabeth d’interrompre, mais elle avait déjà détaché ses yeux de William, ancrant de nouveau son bleu azur dans les yeux de cette mère, seulement en quête de vérité.

- …mais William reste. Votre peur l’expose à tous les dangers.

Scully s’en voulait. Elle venait d’arracher le cœur de cette femme. Elle qui avait vécu cela savait à quel point ça faisait mal ! Arracher l’enfant à une mère est comme un pieu en plein cœur.

William n’avait pas vacillé, montré aucune réaction. Il avait su qu’il n’aurait le droit que à un aller simple à partir du moment où il s’était décidé à bondir dans ce train. Le retour était uniquement valable pour sa mère. Et en regardant en profondeur … ce n’était pas vraiment un aller simple qu’il avait effectué mais … plutôt un retour.

- Mais … protesta cette mère à qui l’on venait de broyer le cœur.
- Elizabeth ! coupa Scully. Voulez-vivre d’autres moments comme celui du train ?! Non ! En tout cas, moi pas. En nous trouvant au plus vite, vous avez répondu à votre devoir, à savoir protéger William. Il sera avec vous pour Noël et ses cauchemars ne seront plus qu’un mauvais souvenir.

Elizabeth avait soudainement reconnu la détermination sans faille de son fils dans l’attitude de cette femme debout devant elle …

Protéger William… ce qu’elles voulaient toutes les deux.

Elizabeth regarda son fils … elle lut dans ses yeux qu’il devait rester … rester avec eux … Mulder et Scully … la seule solution pour ne pas briser son devoir.

Le Soir – 20h04

Les portes de la voiture claquèrent avec à son bord une femme qui ne se doutait pas qu’en élevant son fils dans l’amour, la sérénité et le respect, mettant tout en œuvre pour lui offrir la vie la plus normale qui soit sans avoir peur du danger, avait durant toutes ces années, non seulement protéger William d’un danger inimaginable mais aussi protéger l’humanité toute entière.


Dernière édition par PtiteCoccie88 le Lun 20 Déc 2010 - 20:32, édité 2 fois
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Intuition Electrique Empty Re: Intuition Electrique

Message  PtiteCoccie88 Dim 19 Déc 2010 - 21:22

Quand La Reine de Glace joue avec Le Feu

22h04 – 13 novembre 2012

- Tu la sens ?

Il posa sa main.

- Ça vibre, répondit William.

Il enleva sa main posée contre la paroi rocheuse et se tourna vers Mulder.

- Je croyais que tout avait disparu, expliqua Mulder … que tout avait été détruit.

Au même moment – 22h04

- Où est Mulder ?

Il était occupé à lire, le dos appuyé contre le plan de travail.

- Et moi qui te croyais endormie… répondit-il.

Elle le dévisagea.

- Qu’est-ce-que tu fais ? demanda-t-elle étonnée.

Il leva les yeux de son carnet.

- J’étais absorbé dans la lecture de mon planning à la colonne « long-courrier » jusqu’à tant que tu me fasses sursauter en déboulant comme une fusée dans la cuisine.
- Je croyais que tu avais pris pas mal de vacances…
- Oui mais les vacances ont toujours une fin… je reprends sur un vol pour le Japon le vingt décembre avec une escale de deux jours.

Ils se regardèrent, droit dans les yeux, mettant l’autre presque mal à l’aise.

- Tu comptes prendre Georgia avec toi ? questionna Scully.
- Sûrement, je lui ai promis.
- T’avais dit pas avant ses exams.

Il feuilletait de nouveau en long et en large son carnet.

- Pourquoi attendre ? On ne sait pas de quoi demain sera fait.

Il l’aperçut rapidement du coin de l’œil crisper ses lèvres mais sa sœur ne répondit rien.

Elle enchaîna en ouvrant les portes du placard.

- Où est Mulder, Charles ?

Il la vit prendre le sachet dans le placard. Les yeux de Charles sortirent de leurs orbites.

- Non mais c’est pas croyable ! Tu vas encore te faire du café ? s’exclama abasourdi son frère. J’comprends mieux maintenant pourquoi tu dors jamais ! Caféine…

Il insista :

- … « tabac » …

Il avait enfin attiré son attention. Elle s’était arrêtée dans ses gestes précipités, mais elle ne le regardait pas pour autant.

- Je sais que t’as trouvé la nouvelle « planque » de Maman, lui dit malicieusement Charles. Ayant déjà fini les tiennes et pour échapper aux kilomètres qui nous séparent du reste du monde, tu t’es ruée dans la cuisine sachant que comme toujours elle en laisse un dans les parages…
- J’vois pas de quoi tu parles, interrompit Dana de nouveau affairée à verser le contenu du sachet dans la cafetière.
- Tu t’es plantée ! continua Charles.

Scully appuya sur le bouton. La machine à café gronda. Elle posa ses mains contre le rebord du plan de travail, ses yeux observant le café couler devant elle. Charles distingua un sourire amusé commençant à se dessiner sur les lèvres de sa sœur.

- Le placard ! Sous l’évier ! Maman le planque au fond sur la « gauche », toi tu l’as remis à droite. D’ailleurs ? … tu sais pourquoi Maman les planque toujours ? demanda-t-il soudainement étonné. Etant donné que Papa est … enfin tu sais … elle n’a plus rien à craindre …

Dana regarda enfin son frère. Il avait le regard aussi amusé qu’elle, puis Scully fronça les sourcils, légèrement déstabilisée quand elle réalisa elle aussi que les cacher ne servait plus à grand-chose depuis la mort de leur père.

- L’habitude Charles, l’habitude, répondit-elle tentant de se convaincre par sa propre explication. Et puis… continuer à cacher ses paquets lui donne sûrement l’impression qu’il est tout simplement encore parmi nous, expliqua pensivement Dana à son frère. (Elle regardait de nouveau le café couler) … Tu sais très bien que Papa l’aurait « pilée » sur place si jamais il l’avait vue… quand à moi … (Une certaine nostalgie semblait s’emparer de Scully) … je n’ose même pas y songer ...

- Peut-être … dit doucement Charles.

Lui aussi semblait crouler sous le poids de la nostalgie subitement. Il se ressaisit cependant assez vite car plus vif il dit :

- Oui ! enfin, je trouve que pour quelqu’un qui a travaillé au FBI ! … Vous laissez bien trop de traces derrière vous … « Mademoiselle » ! ..., s’enquit de réprimander Charles moqueur.
- Mademoiselle … bougonna Scully un peu vexée tout en libérant la cafetière de la machine. Tu sais, je fume pas vraiment…
- Ah oui c’est vrai ! Tu ne fumes pas, tu « fun » ! … raillait toujours Charles.

Scully, une petite tasse de café dans ses mains contourna la table dans le seul but d’éviter d’avoir à repasser juste devant son frère comme à son entrée dans la cuisine.

- … là est toute la différence ! Et puis j’allais oublier ! Toi et Mulder n’êtes « que » des amis ! haussa-t-il un peu plus fort vers la fin étant donné qu’elle était déjà sortie de la cuisine. Je connais la chanson Dana !

Il l’entendit gronder entre ses dents. Il sourit. Il attendait qu’elle repose la question car elle allait la reposer. Il connaissait parfaitement sa sœur. Et en effet, entre deux gorgées de caféine, elle força sur sa voix :

- Et où est…
- A la crique ! Mulder est à la crique ! cria à son tour Charles ne lui laissant même pas le temps de finir.
- Oui, ben pas la peine de crier ! vociféra Scully en guise de réponse.
- Ouais, mais c’est grâce à moi que t’as pu retrouver la route pour venir jusqu’ici ! renchérit Charles.
- J’étais pas venu depuis vingt ans !
- M’ouais ! Dis plutôt que t’as pas le sens de l’orientation ! se moqua Charles.
- Quoi ? Qu’est-ce-que tu dis ? Je t’entends plus ! J’passe sous un tunnel ! J’crois qu’on va être coupé, finit-elle par dire d’une voix de plus en plus étranglée en raison du rire qui commençait à s’emparer d’elle.

La porte claqua. Il explosa de rire, puis il se marmonna à lui-même :

- C’est pas possible…

Il leva les yeux au ciel, referma son carnet et sortit de la cuisine.

Dana l’époustouflait parfois. Elle était capable de changer d’humeur en un rien de temps comme on passe du coq à l’âne. Il préférait de loin son côté insouciant à son côté sérieux, froid et si solitaire. Une insouciance qu’elle n’exploitait pas assez au goût de Charles. Et surtout … depuis quelques jours son visage était si émacié, la cigarette n’arrangeant en rien les choses. Elle ne fumait pas pour « crâner » comme elle le disait … A treize ans, si ! … Charles sourit lorsqu’il fit défiler dans sa mémoire les images de sa petite sœur s’échappant le soir par la fenêtre de sa chambre avec une cigarette à la main qu’elle avait au préalable piquée dans le sac de leur mère. Il avait si souvent fait le guet pour elle, sans qu’elle-même le sache. Elle se serait faite incendiée par leur père si ce dernier avait été amené à la surprendre, à treize ans, au fond du jardin, une cigarette à la main. Dana, adolescente, fumait en cachette tout comme leur mère parce qu’elle trouvait ça « cool » et excitant… mais aujourd’hui, il savait tout comme Mulder qu’elle fumait tout simplement parce qu’elle n’avait rien trouvé d’autre pour calmer ses nerfs…

Il était nécessaire que toute cette histoire finisse au plus vite, pour son bien à elle. Il ne supportait plus de voir sa sœur se décomposer jour après jour sous le poids de l’angoisse et de la fatigue. Mulder, lui aussi, arborait des traits plus que tirés. Il était vraiment grand temps que tout cela finisse.

***

- Essaye encore, concentre-toi …

Mulder posa à côté du premier coquillage, un second.

William plissa de nouveau les yeux, mais comme toujours, depuis le début de la soirée, rien ne se produisit.

- Vous devez vous tromper … à part mes cauchemars …
- Tu te trompes ! affirma une voix très austère.

Ils ne l’avaient pas entendue arriver, sursautant tous les deux au moment où elle coupa froidement la parole à William.

Elle s’avança. Pour Mulder, c’était une véritable surprise, car pas à un seul instant il aurait pensé qu’elle serait venue jusqu’à la crique. Surtout qu’elle lui avait dit qu’elle partait se coucher. C’était étrange… Scully avait cette pénible faculté à être trop souvent imperméable face à son intuition. Elle lui échappait parfois … pourtant il la connaissait mieux que personne. William la regardait s’avancer. Seule sa silhouette arrivait à ressortir dans cette nuit noire. Elle s’assit près du feu que Mulder et William avaient allumé tous les deux. Ils la distinguèrent enfin grâce aux flammes dansant sur son visage. Scully sortit une cigarette et la passa au-dessus des flammes puis la porta à sa bouche.

- Et vous, vous fumez parce que vous avez peur… lui dit William le plus naturellement du monde.

Ce fut radical. Scully s’arrêta de fumer, déstabilisée, réellement surprise, voire choquée et presque outrée. La preuve en était … son sourcil droit se haussa. Elle n’avait en rien vu venir cette remarque. Mulder étouffa un rire mais pas suffisamment, car Scully lui donna un léger coup de coude dans les côtes.

- Aïeeeeuuu ! poussa Mulder, surpris et amusé. C’est que … la vérité sort de la bouche des enfants, entreprit-il de poursuivre s’exposant au plus grand des dangers mais tout en la surveillant du coin de l’œil.

Il avait peur que des braises se mettent en lévitation vers lui. Il vit le regard noir qu’elle lui lançait, mais un noir pétillant, ravageur et terriblement sensuel. Cependant … la petite remarque avait produit l’effet escompté car, soupirant elle s’exclama, les regardant tous les deux :

- D’accord ! C’est bon vous avez gagné ! …

Elle jeta aussitôt la cigarette dans le feu. Elle se décomposa sur le champ. Elle posa, au même endroit que William, sa main sur la paroi rocheuse, une falaise qui les dominait par sa hauteur à vous en donner le vertige. Elle eut un rictus nerveux en sentant cette étrange mais si fascinante vibration sous sa paume. Elle dit :

- Je peux t’assurer Mulder que si cette roche avait toujours été là et ce depuis le début, je m’en serai rendue compte… …

Un silence passa.

Elle retira sa main. Ses yeux fixant toujours la paroi, elle reprit :

- … même si je ne suis pas venue ici … depuis vingt ans…
- Pas si elle est cachée à l’intérieur… dit Mulder

Elle tourna ses yeux vers lui, intriguée.

- …elle a été ensevelie sous la roche de cette falaise il y a des millions d’années…

William et Scully accordaient une attention décuplée envers Mulder.

- …quand j’ai demandé à Charles s’il connaissait un endroit égaré au fin fond des Etats-Unis et qu’il m’a parlé de cette maison construite par ton père, j’ai tout de suite senti qu’on serait en sécurité … mais j’étais loin de me douter qu’on trouverait de la magnétite dans le coin. Maintenant je comprends mieux d’où me vient ce profond sentiment de confiance envers cet endroit.

Il s’adressa à Scully. Même s’il se doutait déjà de la réponse, il posa la question… en douceur. Il voulait l’entendre dire :

- Pourquoi ? … Pourquoi n’avoir jamais parlé de cette maison ?

Elle baissa les yeux. Il savait combien c’était douloureux. Elle dit, à peine audible :

- A cause de Mélissa…

La perte d’une sœur … il connaissait.

Scully inspira à pleins poumons.

- … la dernière fois que je suis venue ici, à Noël 91 … elle était là … avec moi … et mon père aussi … (un sourire timide s’empara de ses lèvres quand la voix de son frère résonna en elle ) … et puis Charles a raison, jamais je n’aurai réussi à retrouver la route toute seule…

Mulder sourit en entendant ses derniers mots. William, lui, pour la première fois, découvrait ses parents … ses vrais parents.

- Georgia et Charles n’ont rien senti lorsque je leur ai demandé de poser leurs mains, ajouta Mulder. Reyes non plus. Elle agit que sur nous trois.

Trois. Ils étaient trois à présent. Mulder et Scully avaient du mal à s’habituer à cette idée… surtout elle.

- « Agit » ? dit Scully.
- La magnétite détruit ces « super-soldats » … mais pour « nous », elle nous protège d’eux, empêchant qu’ils nous trouvent … (Il planta ses yeux dans ceux de Scully, puis de William) … elle décuple nos dons … elle est comme un catalyseur pour nous. Mais … William ne semble pas encore très convaincu.

Scully comprit immédiatement ce que Mulder attendait d’elle. Elle vit les deux petits coquillages reposant près de William. Sans prévenir, ils se détachèrent du sol et traversèrent durant leur vive envolée les flammes pour venir se heurter contre la paume levée de Scully. Elle referma lentement sa main, enserrant ainsi les deux coquillages blancs.

William n’avait pas perdu un seul instant de ce qui venait de se produire même si cela n’avait duré qu’une petite seconde. William voulut dire quelque chose, mais Mulder l’en dissuada, lui chuchotant … « Chuuuut », l’index posé sur ses lèvres.

Après avoir rouvert sa main et laisser sombrer les deux coquillages dans les flammes, elle posa de nouveau sa main contre la falaise. Elle ferma les yeux comme pour mieux se concentrer sur cette douce vibration et surtout comme pour mieux s’enivrer de cette énergie que seulement eux trois pouvaient ressentir. En la voyant ainsi faire, Mulder se sentit frissonner comme fiévreux … Elle rouvrit ses yeux et avec un sourire aux lèvres, elle plongea de toutes ses forces ses yeux dans ceux de son fils et d’une voix ferme et assurée, elle dit :

- Regarde !

Elle posa sa main droite au-dessus des flammes. L’une d’entre elles s’éleva plus haute que les autres. Cette flamme suivait le parcours de la main de Scully qui s’élevait dans les airs. Scully enleva sa main. Mais … la flamme ne se calma pas pour autant. Dorénavant, son esprit, seul, s’amusait à faire danser ce feu. La flamme tourna sur elle-même, puis se courba dessinant ce qui ressemblait à un… « S » flamboyant.

Mulder sourit.

William murmura un « Whoua… » d’émerveillement.

La flamme, majestueuse, redescendit gracieusement sur elle-même, retrouvant sa place parmi les autres.

- C’est pas magique William. C’est génétique et transcendant, dit Mulder, rompant la fascination de William face aux flammes. Ce qu’elle vient de faire, tu l’as en toi. Tu as mon intuition et tu as son … (il se tourna vers elle en souriant) … électricité … (puis se retournant vers William et plus sérieusement) … ce don de contrôler les éléments…
- Donne-moi ta main, dit fébrilement Scully.

William obéit à sa mère. Pendant que leurs mains se trouvèrent, Mulder détacha la fine croix ornant le cou de Scully. Elle murmura, ses yeux perdus dans le feu :

- Crois-moi … il y a douze ans … toi aussi tu avais cette électricité…

Il déposa le pendentif sur le sol, devant William.

- Maintenant, réessaye ! insista Mulder.

William chercha le regard de sa mère mais ses yeux fixaient la petite croix dorée. William posa donc ses yeux, à son tour sur la chaîne en or.

- J’ai déjà essayé, dit William.

Scully resserra sa main autour de celle de William.

- Je t’ai abandonné William, dit-elle sévèrement.
- Non, dit William.
- Je t’ai abandonné, répéta-t-elle encore plus sévèrement les dents serrées.

Mulder se sentit étouffé en entendant pour la deuxième fois consécutive en ce laps de temps si court, cette phrase rendue si douloureuse et effrayante, tant par son contenu que par l’intonation qu’elle employait.

Scully, elle, sentit la main de William broyer la sienne.

- Je t’ai abandonné !! insista-t-elle encore, cette fois-ci les larmes s’emparant d’elle … Sa voix remplie de sévérité et de rage avait mué en un cri de détresse.
- Non ! Tu n’avais pas le choix ! hurla presque William … comme dans un cri sorti du plus profond de ses entrailles.

La croix, comme si elle avait perçu la détresse de cet enfant, trembla, se soulevant légèrement du sol et retomba aussitôt, s’immobilisant si vite qu’elle donna l’impression qu’elle n’avait jamais bougé.

William regardait la croix. Son expression révélait sa difficulté à comprendre que lui seul était à l’origine de ce qu’il venait de se produire.

Scully lâcha sa main, non sans quelques difficultés. William avait fini par la serrer si fortement. Il se sentait toujours sous le poids de la douleur mêlée à une intense détresse. Il se concentra enfin … comme on lui avait supplié depuis la nuit tombée.

La croix vibra de nouveau, décollant doucement et un peu tremblotante. Il tendit sa main ouverte qu’il referma sur la chaîne dorée.

Ils échangèrent tous les trois un regard espiègle et complice.

- Tout comme Scully, tu apprécieras de plus en plus tes émotions, lança Mulder. Elle va t’apprendre à les extérioriser … au lieu de les refouler depuis le jour où elle t’a abandonné dans l’unique but de te protéger…

Mulder vit les yeux de Scully se perdre dans le vide.

- … où « on » t’a abandonné … corrigea-t-il en prenant sa main.

Elle lui renvoya un faible sourire lorsqu’elle sentit le frôlement de sa main sur la sienne.

William reçut le déchirement de sa mère en pleine face.

- Hum…

Mulder et Scully relevèrent la tête vers lui.

- …on a plus qu’à s’entraîner, c’est ça ? dit William d’une petite voix.
- Oui, c’est ça, lui répondit Mulder fourrant sa main dans la tignasse de son fils.

Deux semaines plus tard – 27 novembre 2012

La cuillère à café argentée virevoltait au-dessus de la table. Georgia qui venait de rentrer dans la cuisine traînant ses pieds n’avait rien vu. Du moins, elle n’avait vu que William, assis à table, occupé à boire un chocolat. Elle lui tournait le dos, ouvrant ce placard dans lequel sa tante rangeait le café.

- Bonjour William, dit-elle s’arrachant la mâchoire.
- Bonjour Georgia, répondit William le sourire aux lèvres, riant déjà à l’intérieur de lui-même de la réaction explosive que sa cousine était sur le point d’avoir…

Maintenant ! Elle se retourna, écarquillant ses yeux encore gonflés par le sommeil.

- Oh mon Dieu !! dit-elle complètement émerveillée.

La cuillère argentée tournoyait toujours sur elle-même, dans les airs, au-dessus du bol posé devant William et qui à en juger par les traces restantes dans le fond avait dû contenir un chocolat brûlant.

- Hé ! Venez-voir ! hurla-t-elle, toute excitée.

William sourit. Explosive. Il ne s’était pas trompé. Georgia avait encore été explosive. Il l’aimait bien. Chaleureuse et entière. Elle était naturellement extraordinaire pour savoir comment faire pour détendre l’ambiance pesante qui s’infiltrait régulièrement entre ces quatre murs … surtout entre lui et … l’Ange. Georgia avait ce don … qu’elle avait hérité de son père, Charles. Un don magnifique et qui faisait du bien à Mulder et Scully … à lui aussi.

Elle tira une chaise reposant contre la table et s’assit en face de lui, regardant toujours aussi émerveillée qu’à l’instant le petit manège de William.

- Dis-donc … tu y arrives tout seul maintenant, le complimenta-t-elle.

L’excitation encore imprégnée dans la voix de Georgia s’était dissipée, laissant la place à une admiration calme et posée.

- Georgia Scully! Les portes de placard, ça se referme ! tonna Charles qui à son tour faisait son entrée dans la cuisine.
- Oui je sais P’pa ! Mais c’est parce que … regarde ! s’exclama pour sa défense Georgia.

Mulder, lui aussi alerté par la voix perçante de Georgia pénétra dans la cuisine.

- Waouh ! Miraculeux ! En effet, très impressionnant mon cher William, dit Charles d’une manière qui se voulait encourageante et qui montrait qu’il était vraiment fier de lui.

Puis sur un ton plus las, et en soupirant, Charles ajouta :

- Si seulement je pouvais faire ça moi aussi …
- Yep ! enchaîna Georgia, sur un ton qui trahissait les mêmes envies que Charles. Pas besoin de se lever du canapé pour ranger la vaisselle et les portes de placard se refermeraient toutes seules … Elle soupira à son tour.
- Oui mais, supporteriez-vous sur vos épaules ce poids du monde que vous devez préserver coûte que coûte, d’un seul coup d’avoir le FBI cherchant à vous protéger alors que tout au long de votre carrière, il n’a cherché qu’à vous descendre, de ne pratiquement plus dormir et que … (Mulder regarda par la fenêtre de la cuisine devant lui, Charles, William et Georgia suivirent son regard) … comme cette … magnifique rousse … seriez-vous capable de soudainement vous enfiler un à deux paquets par semaine alors qu’habituellement vous ne craquez et ne fumez que deux à trois fois par an … (Mulder quitta sa contemplation de la fenêtre et regarda amusé Charles et Georgia) … je parle en coût financier bien sûr … (Georgia haussa les sourcils, elle ne semblait plus très bien comprendre où Mulder souhaitait finalement en venir) … pour les cigarettes Georgia ! Supporterais-tu que ton argent s’envole en fumée ?

La jeune fille baissa les yeux.

- Non, bien sûr, dit-elle, un peu honteuse. Elle ajouta : Ne jamais être jaloux…
- Ne jamais vouloir ce que l’autre a, murmura Charles.
- Ne jamais vivre que pour le pouvoir, lâcha Mulder moralisateur. Ou vous ferez de vous pour eux une parfaite cible, si jamais…
- Si jamais quoi Mulder ?

Tous les quatre sursautèrent. Même la cuillère à café que William jusqu’ici s’amusait à faire tournoyer dans les airs ne résista pas, s’écroulant brusquement, s’écrasant et retentissant dans un grand fracas dans le fond du bol vide.

Elle jeta un coup d’œil vers la table.

- Ta peur te joue encore trop souvent des tours, reprocha Scully à William.

Mulder crut que le plus dur venait de passer.

- « Si jamais quoi » Mulder ? répéta Scully, se tenant toujours derrière lui, près de la porte de la cuisine.

Mulder s’était trompé. Il tressaillit. Charles sentit sa détresse.

- Euh… fit Charles venant à la rescousse de Mulder. Si jamais Bill ne peut pas se libérer pour le nouvel an, il ne pourra pas être avec nous, avança-t-il, s’efforçant d’être le plus naturel et le plus convaincant possible.
- Ouais ! entreprit Georgia, assez joyeuse. Ça serait vraiment dommage, car j’voudrais surtout pour rien au monde rater la tête que fera Bill quand Mul…

Charles donna un léger coup de coude discret mais assez fort dans le dos de sa fille debout près de lui tandis que Mulder ouvrit de gros yeux de panique à destination de Georgia. La jeune fille se ressaisit aussitôt :

- … mu mi minuit « minuit ! » sonnera et que tout le monde devra se faire la bise. Elle crispa ses lèvres, réalisant qu’elle avait été à deux doigts de commettre la plus grosse « gaffe » de toute son existence ! Car tu sais très bien que Bill déteste ça !
- Ah oui, il en a « horreur » ! accentua Charles.

Charles et Georgia se tenaient face à Scully. Ils la virent plisser des yeux, leur faisant ainsi comprendre qu’elle était moyennement convaincue.

- M’ouais … dit-elle, assez suspicieuse.

Réponse qui confirma les doutes de son frère. Scully passa devant Mulder, lui faisant désormais face. Elle fixa Mulder de toutes ses forces.

- Si jamais nous « échouons » … ! corrigea-t-elle.

Sans même laisser le temps à Mulder de réagir, elle s’adressa dans la foulée à son frère.

- Et « Bill » assis à la même table que Mulder ? dit-elle abasourdi. Non, mais ça va pas là haut, t’es malade ! Bill n’a jamais pu le voir en peinture ! Si jamais tu veux mon avis, c’est là que Mulder risquera le plus sa vie !
- Oui, enfin… je sais me défendre, dit Mulder, souriant, espérant vraiment que la conversation prenne un nouveau tournant.

Heureusement pour lui, Georgia, prenant garde cette fois-ci à ce qu’elle allait dire, reprit la parole :

- Et sinon, tu traficotais quoi dehors, étant donné que tu n’avais pas l’air pour une fois de t’ « encrasser » les poumons ?
- Un « truc » pour moi, dit une toute petite voix. Et … depuis quatorze jours, elle n’a pas touché une seule cigarette.

Tous se tournèrent vers William.

- Tu as raison …très bien observé William, complimenta Mulder … mais tâche de dominer ta peur avant la nuit tombée, car j’ai pas envie de te retrouver en brochette pour le barbecue ! Parce que « elle » … (il montra Scully du doigt mais ne quittant par le regard bleu-azur de son fils, un bleu qu’il connaissait si bien…) … elle s’y connaît !

Scully et William échangèrent un profond et long regard. Ainsi il faisait attention à elle, pensa Scully.

Charles se dirigea vers l’évier.

- Et mais c’est vrai ça ! s’exclama Charles, surprenant tout le monde, un paquet de cigarette ouvert dans ses mains. La dernière fois que j’ai vérifié il en restait deux et … (il regarda le paquet qu’il venait d’ouvrir) … il en reste toujours deux !

Scully dévisagea son frère, estomaquée. Mulder sourit. Georgia pouffa de rire, comme à son habitude. Il suffisait d’un rien et son rire éclatant et très communicatif partait au quart de tour. William se sentit heureux.

Le soir même – 22h13

- Raa… bon sang ! Qu’est-ce qu’il fait froid ! frissonna Georgia. C’est votre « kryptonite j’sais pas trop quoi », c’est ça ? dit-elle encore, mais claquant des dents cette fois-ci.
- Oui, la « magnétite », répondit Mulder s’asseyant près d’elle. Bien qu’elle soit emprisonnée sous la falaise, la magnétite développe un champ protecteur tout autour de cette maison, lui expliqua-t-il, mettant cet endroit à l’abri de cette vague de chaleur qui n’en finit plus depuis six mois partout dans le monde…

Georgia buvait ses paroles.

- Donc ! S’il fait seulement 4°Celsius ce soir, c’est normal, car il fait toujours froid, ici, en novembre, acheva-t-il, d’une voix plus vive, comme pour décongeler la nièce de Scully.

Georgia hocha la tête, puis dans un ultime grelottement, elle articula :

- D’accord.
- Mais William et Scully vont mettre le feu ce soir ! ajouta Mulder triomphal. Te voilà sauvé !

Georgia sourit. Mulder l’aida à repositionner correctement le plaid glissant et recouvrant ses épaules qu’elle tenait fébrilement du bout de ses doigts tout violacés et tremblotants.

- C’est donc ça qu’elle manigançait ce matin dans le jardin, annonça Charles, refermant la porte d’entrée derrière lui, s’asseyant à son tour près de Georgia, sur sa droite, Mulder occupant déjà le côté gauche.
- La réponse vient à celui qui sait attendre, dit Mulder.
- Oh, arrête avec ta voix de sage, protesta, moqueuse, Georgia. T’es pire que Reyes parfois ! accentua-t-elle en riant.
- Je prends cette remarque comme un compliment, répondit Mulder, sans s’offusquer à un seul instant de la critique de la jeune fille.

Il prenait le temps, souvent ces dernières semaines de savourer le moindre « pic » d’humour qui se présentait à lui. Et tout le monde le savait, la fille de Charles était naturellement douée pour exploiter et gérer au mieux son « stock » de plaisanterie dans le seul et unique but d’amuser la galerie.

- T’es vraiment pas susceptible toi ! dit Georgia admirative. Puis elle concentra son attention sur la partie centrale du terrain, juste en face d’eux. Pas comme elle en tout cas, dit-elle encore, désignant Scully d’un léger mouvement de tête vers l’avant, ses deux mains toujours bien agrippées et cachées sous la couverture recouvrant ses épaules et son dos.

Mulder concentra lui aussi son regard vers le milieu du jardin.

- Qui s’oppose s’assemble, dit rêveusement Mulder.
- Joli le Poète, commenta Georgia.
- Poète, Sage, dit Charles. Arrête un peu avec tous tes compliments car … « Monsieur, le monde n’est qu’une conspiration » risque de prendre la grosse tête !

Mulder regardait toujours le centre du terrain. Il n’avait visiblement pas prêté attention à cette dernière remarque.

- Elle a donc passé toute la matinée à transporter tout le bois de la crique jusqu’ici ? dit Georgia, qui avait besoin d’être éclairée. Pourquoi William et Lyly n’ont-ils pas voulu tenter l’expérience directement là-bas, à la crique ?
- A cause de l’eau, répondit Mulder, apparemment sorti de ses songes.

Georgia et Charles le dévisagèrent, leurs yeux exorbités.

- Tu veux dire que l’eau est aussi sur leur liste ? dit Charles, se demandant s’il avait bien entendu. Déjà qu’en plus, elle saute dans des trains lancés à pleine vitesse !
- C’est clair ! Elle ferait une parfaite James Bond Girl ! s’emballa Georgia.


Mulder sourit.

- Rentre au FBI Georgia et tu verras tout ce que tu seras capable de faire après dix ans d’exercice sur le terrain ! L’eau ! Le feu ! … ne sont plus que de simples objets pour eux … expliqua Mulder posément. Et encore… vous êtes loin d’avoir tout vu … acheva-t-il mystérieusement.

Georgia était bouche bée.

- Je ne voudrais pas qu’ils prennent le risque de déclencher un raz-de-marée à la crique, avança encore Mulder. Le jardin est un endroit beaucoup plus sûr pour nous trois, dit-il tout en leur faisant un clin d’œil, de manière à les rassurer sans trop pour autant leur en révéler davantage.

Mulder se leva, laissant les deux autres assis à même le sol sur le rebord de la terrasse, donnant sur l’entrée principale de la maison, et dit :

- Bon, je vais les aider.
- Et nous on regarde, dit Charles.
- A moins que l’entrée ne soit payante ! lança Georgia, les yeux pétillant d’impatience.

Mulder leva les yeux au ciel comme l’aurait fait Scully. Charles soupira. Décidément, même le froid ne pouvait venir à bout de cette jeune demoiselle aux cheveux aussi ensoleillés que son humeur. Lumineuse, un point c’est tout.

Charles et Georgia le regardèrent s’éloigner, rejoindre William et Scully. Georgia se rapprocha de son père dans l’espérance d’avoir un peu plus chaud.

William était occupé à disposer un amas de petites bûches de bois au centre du jardin, avec l’aide de Scully. Ils ne parlaient pas. William appréhendait, Mulder le sentait. Arrivé à leur hauteur, comme eux, il les aida lui aussi à séparer les grandes bûches des petites, bûches toutes fines et légères. Lors de ces quelques allers-retours de la crique au jardin, Scully avait jeté tout le bois en vrac, préférant attendre ce soir pour y mettre un peu d’ordre, offrant ainsi à elle et à William un moment à eux deux, espérant briser le silence et le froid aussi dur que la glace qui s’immisçait pratiquement en continu entre lui et elle. Mais ce moment à eux deux était déjà terminé … Mulder ayant fait irruption, et encore une fois, le silence et le malaise avaient régné en maître sur eux. Même le rire éclatant de Georgia vibrant partout dans cet espace n’avait eu aucun effet. La mère et le fils n’avaient échangé aucun regards durant ces très brèves minutes. Mais ce qui était sur le point de suivre allait peut-être tourner en leur faveur, décoinçant les choses bloquées qu’une séparation longue et forcée avait soigneusement construites, comme un mur entre deux êtres qui ne cherchaient qu’à s’apprivoiser et à se découvrir mutuellement.

Tout en fourrant la main dans la poche avant de son jean, Scully s’agenouilla près de l’amas de bûches, pas plus longues qu’un triple décimètre. Un briquet de couleur argentée illumina quelques instants de ses reflets avec la lune la pénombre. D’un mouvement sec et précis, elle fit jaillir l’étincelle de son briquet et la pencha devant elle. Le bûcher s’enflamma en quelques secondes, donnant une allure flamboyante à l’espace les entourant.

- Tu es prêt ? murmura doucement Mulder agenouillé près de William.
- Oui, répondit celui-ci.

Mulder se leva, William aussi. Scully, placé de l’autre côté du bûcher, le contourna et s’avança près d’eux. Elle détacha le foulard noir qu’elle avait attaché à la manière d’un élastique, nouant ensemble ses longues mèches rousses. Elle s’approcha de William.

- Afin que tu te concentres uniquement sur ton esprit, dit-elle d’une voix qui se voulait douce et rassurante.

Elle noua délicatement le fin tissu en satin autour de ses yeux.

- Tout est opaque William ? lui dit Mulder d’une voix forte afin de lui donner du courage.
- Je ne distingue absolument rien, répondit-il calmement.

Scully sentit ses doigts fins encore fébriles. Elle n’avait jamais approché de si près William en quinze jours … sauf à l’hôpital évidemment, mais cette fois encore, cela ne comptait pas.

- Et n’oublie pas William, …

Même s’il avait les yeux bandés, elle percevait son âme et se sentait toujours hésitante quand il s’agissait d’adresser la parole à son fils. Tout en parlant, elle se dirigeait de l’autre côté du bûcher, reprenant sa place initiale.

- …même si tu ne distingues rien, tu perçois mes gestes futurs au moment où je les pense … ma seule arme contre toi est la vitesse !… mais ton esprit sera-t-il aussi rapide que le mien… William ? provoqua-t-elle avec dureté.

Mulder crut apercevoir un sourire sur les lèvres de Scully. Et pour la première fois, William eut peur de l’avenir. Mais il sentait ce feu de vaincre en elle, de résister jusqu’au bout, un feu qu’il sentait en lui-même aussi, un feu qui donnait envie de se battre pour ne jamais mourir.

Il la vit, dans son esprit, saisir une longue, grande et très fine bûche posée sur le côté. William sentait tous ses sens décuplés en lui. Il entendit le frôlement de l’herbe. Il devina qu’elle s’emparait de l’objet en question. D’une main, Scully pencha le bois vers les flammes. Dans la nuit noire, on aurait cru que la main de Scully venait de s’enflammer. A la manière d’une majorette, elle fit tournoyer entre ses doigts la baguette embrasée en son extrémité. N’importe qui la voyant faire… aurait été persuadé qu’elle s’y était exercée toute sa vie, or c’était la première fois. En vérité, pour elle, c’était instinctif et naturel.

Tout semblait s’être mis à tourner au ralenti pour William. Il sentait, dans tous ses membres, l’air se faire fouetter par les tournoiements de feu qu’elle faisait, le tout s’assombrissant dans un son sourd lourd et profond, comme le ferait les ailes d’une hélice en perte de souffle…

Soudainement le bruit muta en un souffle plus vif et plus léger. Il s’y était préparé. La flamme traversa les airs. Il leva les deux bras. La bûche qu’elle tenait encore dans ses doigts il y a quelques secondes atterrit violemment dans ses mains. Elle n’avait pas usé de son « don » pour ce premier lancer de flammes dans les airs, lui non plus pour les rattraper. Juste une concentration à couper au couteau et la force des bras. Seul le tourbillonnement des flammes dans les airs auquel elle s’était amusée pendant quelques minutes avait été soumis à la force de l’esprit, en plus d’une agilité extrême.

Georgia, tout comme Charles, admirait la scène. Mulder, observant comme un arbitre, surveillait tout particulièrement William. Même si depuis son arrivée, il y a déjà deux semaines, il avait incroyablement progressé, elle restait de loin la plus entraînée et la plus redoutable, étant la plus forte.

William baissa les bras, fit tournoyer à son tour, un coup dans sa main droite, un coup dans sa main gauche, parfois les deux en même temps, cette fine bûche d’à peine quelques kilos, comparable à une lance, mais beaucoup plus doucement et hésitant qu’elle venait de le faire.

Une chose était sûre… les flammes dansaient en cette nuit de novembre, plutôt fraîche.

Mulder, tout comme William sentit le prochain round se mettre en place. Il s’empressa de libérer William de cette lance enflammée, deux fois trop grande pour lui.

Cette fois, seul l’esprit monta sur scène. Une bûchette enflammée s’éleva du brasier, se projetant à pleine vitesse en direction de William. Coup qu’il avait appréhendé avec toute l’avance qu’il avait pu y mettre, mais l’air violemment agité sous le passage de ce missile en feu le déstabilisa. Il réussit cependant à bloquer l’objet dans les airs, flottant tout seul, mais cette énergie puisée jusqu’au fin fond de ses entrailles et nécessaire pour maintenir cette bûche en furie, lui donna la nausée, lui faisant perdre l’équilibre. Comme s’il avait reçu un violent coup, il s’écroula en arrière sur le dos, projeté à même le sol. La bûche enflammée vacilla à son tour, prête à s’effondrer elle aussi, mais une force invisible sembla s’emparer de nouveau d’elle. La furie fit le chemin inverse, encore plus rapidement qu’à l’aller, dépassant le bûcher, s’arrêtant brusquement devant Scully, puis elle repartit doucement retrouver sa place dans le brasier.

Mulder aida William à se relever. Georgia et Charles ne disaient mots, muets comme des carpes, condition obligatoire pour pouvoir assister à la séance.

- Pas mal… lui lança Scully, les flammes se reflétant dans le bleu de ses yeux, et faisant comprendre à William qu’elle était fier de lui.

Il s’en était sorti beaucoup mieux de ce qu’elle avait à peine osé imaginer. Pas de doute à avoir, c’était bien un « Mulder ».

Il avait été prévenu, la rapidité, la promptitude de son esprit seraient sa force face à lui et surtout face à « eux ». Et lui aussi devait apprendre à maîtriser son esprit … s’il voulait leur résister.

Pendant qu’il finissait de se relever, sa vision toujours occultée par ce si soyeux foulard envahi d’un parfum, qui n’était autre que son parfum à elle, doux et délicat… une flamme s’agita nerveusement et dangereusement au milieu des autres flammes. Il pressentit encore une fois ce déséquilibre dans l’air faisant souffrir l’espace les entourant. Mulder s’était déjà écarté de lui. William, le plus rapidement possible soumit ses autres sens à une concentration absolue, à une tension d’esprit hors norme. La flamme rebelle se regroupa en sphère. Soudain, une véritable boule de feu décida de foncer droit sur lui, ou plutôt « elle » décida de lui projeter à plusieurs dizaines de kilomètres à l’heure, un objet des plus incandescent.

Il n’avait pas tremblé, pas chanceler, ni failli tomber. Il stoppa net les flammes. Il sourit, un peu nerveusement, car il avait du mal à réaliser qu’il avait réussit. Une légère béatitude s’empara de lui, ce qui lui donna la force de continuer. Le vent en poupe, il replaça doucement la sphère incandescente qu’il déroula sur elle-même, lui faisant retrouver l’allure d’une longue et gracieuse flamme parmi les autres restées à leur place dans le creux du bûcher.

Mulder dénoua le foulard des yeux de William. Il ouvrit ses yeux. Quelques secondes lui furent nécessaires pour se réhabituer à l’obscurité malgré la lumière enflammée. Il eut du mal à savoir s’il rêvait ou pas, car elle se tenait devant lui, cachant la flambée. Elle s’agenouilla, mettant leurs visages à la même hauteur. Elle lui sourit. Elle souriait rien que pour lui. Mais ce n’était pas ce sourire brisé, crispé et maladroit, le tout ravagé par une immense tristesse qu’elle avait seulement été capable de lui offrir en quinze jours. Non… La douceur et l’amour d’une mère avaient dessiné ce nouveau sourire, le même qu’il voyait dans ses rêves depuis toujours, apportant un peu d’apaisement et de tendresse entre ses cauchemars. Elle lui prit sa main droite et l’enveloppa dans le creux de ses deux paumes. En prenant cette main sous les siennes… Scully se sentit heureuse… les barrières commençant enfin à tomber. Ils s’étaient sentis si proches durant cet échange flamboyant, échange qui avait seulement duré un petit quart d’heure. Comme s’ils avaient fait communion, ne faisant qu’un. Leurs veines avaient vibré au même rythme, leur faisant comprendre qu’ils partageaient le même sang. Elle lui murmura :

- Ne laisse pas le destin nous séparer encore une fois William.

Elle l’attira contre lui, l’enlaça de toutes ses forces, croisa le regard rempli de bonheur de Mulder se trouvant dans le dos de William puis… elle ferma les yeux, sentant pour la première fois depuis longtemps ce petit cœur battre contre elle. Un cœur né dans l’amour l’unissant à Mulder. Gardant ses yeux fermés, elle fit le vœu de savourer cet instant jusqu’à la fin des temps.


Dernière édition par PtiteCoccie88 le Lun 20 Déc 2010 - 20:31, édité 2 fois
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Intuition Electrique Empty Re: Intuition Electrique

Message  PtiteCoccie88 Lun 20 Déc 2010 - 9:15

(Never Give Up on a) Miracle...

1ère Partie

Dix jours plus tard – 7 décembre 2012

Le téléphone sonna. Un bruit de talon fin et léger envahit la pièce.

Une main saisit le combiné.

- Dana ?
- Oui.
- C’est toi ? C’est bien toi ?
- Oui Maman.

La voix de Scully était triste et sans vie… monotone… lasse.

- Oh Dana ! Tu ne peux pas savoir à quel point je suis heureuse de t’entendre !
- Ce n’est pas de ma faute s’il n’y a aucun réseau là-bas.
- Vous êtes donc rentrés ?
- Oui, hier soir. Tout le monde est là. Georgia s’occupe à merveille de…

Scully s’arrêta. Elle commençait enfin à digérer. Elle s’habituait de plus en plus à cette douce présence près d’elle mais, Scully reçut comme une décharge électrique en plein ventre lorsqu’elle réalisa qu’elle avait tout simplement « oublié » (volontairement) d’informer sa mère de ce « petit » changement. Scully sentit qu’elle ne pouvait plus continuer à se dérober. Mais… comment allait-elle lui faire comprendre qu’il s’agissait de William, que « Georgia s’occupait à merveille de William ! ».

- Dana ? Chérie ? Tu es toujours là ?

Les doigts de Dana se crispèrent autour du téléphone, comme prêts à le broyer.

- Oui… oui Maman, je… je suis là, balbutia Scully.
- Dana… dit sa mère à l’autre bout, remplie d’inquiétude mais ayant utilisé un ton chaleureux afin d’inciter sa fille à parler.

Dana se refermait trop souvent sur elle-même, pour ne pas dire tout le temps. Elle ne se confiait jamais.

- Dana, … ! Je t’en prie, que se passe-t-il ?

Scully debout, sa main droite prenant appui sur le bord de la table à manger, table sur laquelle gisait son téléphone portable avant qu’elle ne s’en empare, sa main gauche crispée tenant le téléphone près de son oreille, se tourna sur le côté, sa main droite toujours en appui sur la table. Elle se tenait en déséquilibre, tout le poids de son corps reposant sur sa jambe gauche. Elle leva ses yeux vers la fenêtre située en face d’elle. Le ciel était orageux, jaune-gris, rendant l’intérieur du salon sombre et lourd en cette fin d’après-midi.

- C’est… se lança enfin Scully, d’une voix aussi tremblante et mal assurée que son regard. C’est…
répéta-t-elle… William !… laissa-t-elle, d’un seul coup tomber dans un souffle.

***

- Non, mais j’te jure, cette marque de céréales est vraiment « berk » ! s’époumona Georgia.
- Pourtant j’t’assure que dans le Kansas, cette boîte est numéro « un » là-bas ! affirma-t-il.
- Dans ce cas, j’irai jamais vivre dans ce coin ! rétorqua-t-elle, un peu essoufflée par le poids des sacs qui commençait à se faire sentir ainsi que par les marches qu’elle venait de gravir, et gênée par la porte d’entrée qu’elle essayait d’ouvrir comme elle pouvait, n’utilisant que la force de son corps, ses deux mains étant déjà bien accaparées par les sacs de courses. William ! Aide-moi à ouvrir cette « foutu » porte ! supplia Georgia.
- Raah ! mais qu’est-ce-que tu crois ! moi aussi j’ai les mains encombrées ! lui répondit William, utilisant ce même ton plaintif que sa cousine.
- Laissez passer s’il vous plaît ! résonna une voix plus grave, couvrant aisément les querelles légères, orchestrées avec amusement par William et Georgia.

Mulder, qui faisait bien deux têtes de plus qu’eux, passa sans trop de difficultés son bras au-dessus de leurs têtes à eux, posant sa main sur la porte déjà entrouverte, l’ouvrant entièrement d’un mouvement rapide et déterminé. Dans sa trajectoire, la porte se cogna contre le mur droit de l’entrée, donnant directement vue sur le salon. William et Georgia se faufilèrent dans le passage ouvert, baissant légèrement leurs têtes afin de ne pas rencontrer le bras puissant de Mulder maintenant toujours la porte, évitant ainsi qu’elle ne se referme sur eux. Scully avait sursauté au moment où la porte d’entrée était venue se heurter contre le mur.

- Whoo… s’exclama doucement Georgia, un léger grain de panique vibrant dans sa voix, voyant sa tante, debout, devant la table, son téléphone portable à la main. T’es livide ! ça va ? C’était qui au téléphone ?

Mulder releva la tête, concentrant ses yeux vers le milieu de la pièce, tout comme William, alertés tous les deux par l’inquiétude de Georgia. Entre temps, tous les sacs de courses avaient été déposés devant la commode, placée juste à côté de la porte. (On entendit un coffre de voiture claquer.)

- Oui… hum, oui, bafouilla Scully, relevant et baissant nerveusement les yeux deux ou trois fois pendant qu’elle essayait de faire sortir ces quelques mots. C’est… reprit-elle, essayant de donner une certaine contenance à sa voix, cherchant à dissimuler son trouble. Elle baissa encore ses yeux. Enfin, c’était… Elle releva ses yeux, croisant d’abord celui de Georgia, puis celui de William. C’était votre grand-mère.

Scully sourit, soupirant nerveusement.

- Elle … continua Scully… elle a tout de suite voulu débarquer quand…
- Qui ça ? coupa Charles, faisant enfin son apparition, amenant avec lui un dernier sac qui finit sa course près des autres.
- Maman ! lui répondit sa sœur. Mais j’ai réussi à la convaincre de rester à Washington jusqu’à nouvel ordre, mais…

Elle axa son regard sur celui de Mulder.

- …j’ai juste passé un sacré quart d’heure quand elle m’a reprochée de ne pas plus tôt l’avoir informée de…

Elle s’arrêta.

- Je suis désolé, dit William.
- Non ! réagit aussitôt Scully, extrêmement touchée par cette réaction inattendue de William, quittant les yeux de Mulder pour ceux de leur fils. Ne le sois pas… dit-elle de sa voix la plus douce.

Elle s’approcha, lui tendant le téléphone.

- Tiens. N’attends pas comme moi qu’elle t’appelle, dit-elle, ancrant profondément ses yeux bleus dans les siens.

William s’empara du portable. Il sortit dehors, veillant à bien refermer la porte derrière lui. Il composa le numéro et s’assit sur les marches.

La tonalité sonna trois fois.

- Allô maman ?
- William? Oh mon Dieu, William!
- Tout va bien Maman, s’empressa-t-il de la rassurer.

***

Trois jours plus tard – 10 décembre 2012

- On reprend ! Un triangle isocèle ? hurla Georgia.
- Deux ! répondit une voix aussi forte, venant du dessous.
- Muy bien ! félicita Georgia. Mais on est plus ensemble ! se plaignit-t-elle.
- C’est pas ma faute ! cria cette même voix, mais venant du dessus cette fois-ci.
- Je te soupçonne mon Cher William de « volontairement » exercer une force invisible, empêchant la synchronisation !
- Faux ! certifia William. Toute façon, je vais toujours plus haut que toi, donc ! … Dans tous les cas, cela ne changerait rien ! finit-il en chantant sur un ton moqueur.
- Peut-être ! dit Georgia, frottant brutalement de ses deux pieds l’herbe jauni par la canicule de ces derniers mois, arrêtant presque instantanément le mouvement de la balançoire.

William, deux, trois secondes plus tard l’imita. Il affichait un sourire des plus radieux. Georgia le voyant, détendit ses traits, commençant à sourire, puis à rire, accompagné de William. Leurs rires se transformèrent en fou rire.

Mulder s’avança près de la fenêtre. Il n’en croyait pas ses oreilles, ni ses yeux d’ailleurs. William et Georgia, chacun assis sur une balançoire, riant aux éclats, risquant au passage de se tordre le ventre. Mulder les observait du haut de la fenêtre de la chambre. Il plissa son front d’étonnement, stupeur nourrie par cette agréable surprise de cette contemplation pour le moins extraordinaire, s’offrant à lui, juste sous ses yeux.

Ils reprirent enfin leur souffle.

- Et un triangle équilatéral ? Combien de côtés égaux, jeune homme ?
- Trois ! répondit fièrement William.

Georgia soupira, feignant la déception.

- Je constate avec désarroi que je n’ai hélas plus rien à vous apprendre. Je réalise avec stupéfaction que vous savez déjà tout !
- Je dispose d’un don inné pour ça Mademoiselle !
- Crâneur ! répliqua aussi sec celle-ci.

Sur-le-champ, William saisit les deux cordes de la balançoire de sa cousine, les entortillant sur elles-mêmes. Georgia hurla frénétiquement, amusée par le comportement de William qui ensoleilla son cœur. Mission accomplie ! Elle avait réussi haut la main à ce que William se sente comme chez lui,… le plus rapidement possible… comme s’il n’était jamais parti.

Mulder sourit, apaisé. Il se détourna de la fenêtre et à pas feutrés s’approcha d’elle. Il remonta son fin gilet bleu marine sur ses épaules. La joie du dehors n’avait en rien troublé son sommeil. Il l’observa quelques secondes, puis sortit de la chambre tout aussi silencieusement qu’il s’y était faufilé, plusieurs minutes auparavant. La porte se referma… Elle ouvrit ses yeux, passant une main derrière sa nuque.

Scully regardait droit devant elle. Couchée sur le flanc, elle distinguait la fenêtre devant laquelle Mulder s’était tenu, observant Georgia et William. Elle s’était bien endormie, elle était montée s’allonger peu après dix-sept heures. Elle avait dû s’assoupir une dizaine de minutes, pas plus. Elle avait cru percevoir un léger bruit de pas flottant autour d’elle à un moment donné, une douce chaleur sur ses épaules,… jusqu’à une certaine insouciance émanant du dehors, s’infiltrant dans chaque orifice de cette maison, mais toutes ces perceptions n’étaient que des suppositions, se brouillant de plus en plus à mesure qu’elle reprenait conscience, s’extirpant des bras de Morphée qui pourtant ne demandaient qu’à la reprendre. En revanche, la douleur présente derrière son crâne, dans le bas de son cou, au niveau de sa nuque était bien réelle et extrêmement douloureuse. Ce n’était pas cette porte que Mulder avait pris grand soin de refermer le plus doucement possible derrière lui, ni les rires regorgeant d’insouciance provenant du jardin qui l’avaient violemment réveillée… non, finalement ce n’était rien de tout ça,… mais cette douleur ! Comme un couteau, une lame s’enfonçant… tout en prenant un malin plaisir à glisser lentement, transformant cette douleur en véritable torture… Au moment où elle avait soudainement ouvert ses yeux, son souffle s’était coupé sous la souffrance, survenue sans prévenir. Ses lèvres n’avaient pas bougées, ne montrant aucun indice d’une quelconque sensation désagréable que le corps chercherait à supporter puis à exorciser. Aucune image de crispation ne transparaissait sur son visage au premier abord. Elle était remarquablement douée pour contenir et vivre la douleur de l’intérieur. Mais si on prenait garde, si on scrutait soigneusement ses traits, lorsqu’on s’attardait sur son âme, on pouvait y lire l’effroi, baignant dans le bleu cristallin de ses yeux, océan déchaîné comme jamais. Mais ce n’était pas un effroi dû à cette peur panique de le perdre… comme cette autre mère, Elizabeth. Pour Mulder et Scully… William avait été perdu il y a des années… le temps avait fait son travail, il leur avait appris à vivre avec cette peur… à la cicatriser… Et même les cris de bonheur qui continuaient à s’élever de l’extérieur ne dissipaient en rien l’horreur ancrée dans ses prunelles… Le calvaire toucha peu à peu à sa fin. Cela n’avait duré qu’une minute et pourtant, cela lui avait semblé durer une éternité… interminable. Elle connaissait cette douleur, l’ayant déjà ressentie des années en arrière, peu après sa rémission. Cet implant encastré derrière sa nuque était d’ailleurs semble-t-il, l’unique raison pour laquelle son cœur ne s’était pas arrêté de battre. Et, elle ne pouvait se sentir autrement qu’effrayée, car cela signifiait qu’une seule chose – qu’ils approchaient … « vienen ! ».

Six jours plus tard – 16 décembre 2012 – 19h15

- Starbuck ! hurla Charles, depuis le bas des escaliers. Dépêche-toi ! Georgia t’a piqué la place à l’avant !

Pas de réponse.

- Laisse, je vais voir, dit Mulder…

Charles sursauta, il ne l’avait absolument pas entendu arriver derrière son dos.

- …va rejoindre les autres dans la voiture…

Un coup de klaxon retentit.

- …et veille à ce que ta fille ne parte pas sans nous ! insista-t-il.
- D’accord, répondit Charles, à moitié rassuré, inquiet par sa sœur qu’ils attendaient tous depuis pratiquement dix minutes.

Charles sortit, rejoignant William et Georgia. Mulder monta les escaliers.

- Georgia ! Ta place est à l’arrière, pas au poste conducteur ! réprimanda Charles.
- Mais Mulder a dit que Lyly ne se sentait pas très bien, alors j’me suis dit que j’pourrai la remplacer… essaya de défendre la jeune fille.
- Non, non et Non ! Il soupira, regardant sa fille. On dirait Dana au même âge, en mode encore plus « têtue » ! Il aperçut William. Et toi William, repasse aussi à l’arrière ! Sinon, j’annule cette sortie ciné !
- Ça ! ça s’appelle du chantage ! répliqua Georgia.
- « Derrière » j’ai dit ! gronda Charles … amusé.

William et Georgia repassèrent donc à l’arrière, le plus grand des sourires aux lèvres.

Mulder poussa complètement la porte de la salle de bain, laissée entrouverte. Il la vit debout face au miroir, les mains appuyées sur le bord du lavabo, la tête penchée légèrement en avant et les yeux fermés.

Mulder s’approcha, passant un bras autour de sa taille, enroulant son torse au plus près d’elle. Il lui murmura :

- Ça ne va toujours pas mieux ?

Mulder souleva ses boucles rousses, glissant sa main en dessous… l’arrêtant derrière son cou.

Scully gardait ses yeux fermés, s’agrippant toujours de ses deux mains au rebord du lavabo, comme pour ne pas tomber malgré le poids du corps de Mulder, la soutenant par son étreinte.

- Non… souffla-t-elle. Elle fit un lent mouvement de tête, vers la gauche, puis vers la droite, comme si elle avait cherché à se débloquer un muscle, ses lèvres soudainement crispées par la douleur. Ça fait si mal, dit-elle d’une voix beaucoup plus audible qu’à l’instant. De la colère semblait habiter sa voix.

Mulder décrocha l’une de ses mains du rebord du lavabo et l’enlaça dans la sienne. Sa main était si froide… comme si toute l’email blanche, dure et glacée du lavabo s’était infiltrée dans sa main. Mulder avait même éprouvé une certaine difficulté à desserrer ses doigts fins qu’elle avait solidement et aussi sec refermés dans sa paume dès qu’il les lui avait décrochés du meuble.

- La douleur part aussi vite qu’elle arrive… mais j’en peux plus… ! acheva-t-elle, les dents serrées, la voix grimaçant de douleur.

En lui saisissant sa main droite, Mulder l’avait obligée à ce qu’elle se redresse complètement contre lui, appuyant pleinement son dos à elle, contre son torse à lui.

- C’est bientôt fini ma puce… plus que quelques jours et tout sera fini, je te le promets, lui assura Mulder ayant désormais passé ses deux mains autour de sa taille. Scully releva complètement sa tête, et posa sa joue glacée contre la sienne enveloppée d’une douce chaleur.
- Je sais, lança-t-elle dans un dernier effort comme si elle venait de rendre son dernier souffle.

Scully ouvrit ses yeux. Le miroir leur renvoya l’image de deux âmes fatiguées, rongées par l’envie d’une seule chose – que la fin vienne au plus vite, car ils le savaient… plus cela serait rapide, moins cela serait douloureux… surtout pour elle. Ils contemplèrent quelques secondes ainsi, en silence, leurs deux reflets dans le miroir. Scully avait passé ses deux mains sur celles de Mulder, reposant sur son ventre à elle.

« Bip, biiiip ! » … Mulder fut le premier à réagir.

- Certains commencent à s’impatienter en bas je crois, lui dit Mulder.

Le miroir dessina un fragile sourire sur les lèvres de Scully.

- Allez viens ! lui ordonna-t-il doucement, tout en la secouant d’un léger mouvement par la taille à l’aide de ses bras serrés autour d’elle dans le seul but de l’inciter à décoller de la pièce dans laquelle tous deux se trouvaient.

19h55

- Plus que quatre jours et tu pars pour le Japon…
- Oui, mais t’en fait pas Will, je serai déjà de retour pour Noël ! lui répondit Georgia … (William serait-il encore avec sa tante et Mulder à Noël ? se demanda-t-elle … au fond, elle savait la réponse … elle n’avait jamais compris pourquoi on avait arraché si vite le bonheur à sa tante et à Mulder… pourquoi William était apparu pour aussi vite disparaître … et cela risquait de recommencer…) … mais avant mon père et moi, la veille, repassons par L.A. pour prendre quelques affaires en plus, et puis de toute façon, on décolle de L.A. ! Faudra vraiment qu’un jour tu viennes me voir à L.A. William !
- Qu’est-ce qu’on va voir déjà ? leur demanda Scully, marchant derrière tout le monde.
- I.E. !
- Quoi ? demanda encore Scully.
- I.E. ! C’est le titre ! répéta son frère.
- I.E. ? c’est pas un titre ça ! … … … lui dit sa sœur, pas très enthousiaste.
- Mais c’est le final d’une super série ! Tu vas voir ça va te plaire ! argumenta Charles, très emballé et se retournant sur lui-même pour faire face à sa sœur.

Scully plongea son nez dans le paquet de pop corn qu’elle tenait dans les mains. D’un seul coup elle le tendit vers William.

- Tiens ! Débarrasse-moi de cette horreur ! lui ordonna-t-elle. Huit dollars cinquante ! Vous avez intérêt à tout manger !
- C’est parce que t’as pris le format « XXL », sœurette !

William s’était emparé du carton en forme de cône. Mulder rit, Georgia aussi.

- Oui et bien vous aviez qu’à pas tous me laisser toute seule au stand et puis c’est pas ma faute si j’suis plus calée à la machine à café qu’en « pop corn » !

Charles regarda Mulder, et lui lançant son plus grand regard de reproche lui dit :

- Dis-donc toi ! C’est quand la dernière fois que t’as sorti ma sœur ?
- On est allé en France cet été, répondit Scully à la place de Mulder.
- Non, mais ça, ça compte pas ! Je parle de sorties au « quotidien », banales, non programmées, insouciantes, juste pour se vider la tête ! accentua Charles.

Mulder et Scully échangèrent un regard penaud, puis se tournèrent vers Charles. Ce dernier soupira, affichant sur lui un air plus que désespéré et dit :

- Et bien ya du boulot !

Posté devant eux, il les transperça du regard jusqu’à tant que Mulder et Scully n’en pouvant plus de ce regard rempli de désespoir et de reproche pesant sur eux, baissèrent le leur, obtenant ainsi tous les deux une vue plongeante sur le sol.

Scully fut la première à craquer, entraînant tous les autres par son rire. Mulder, Charles et Georgia ne l’avaient pas vue autant rire depuis… depuis tellement longtemps qu’ils n’arrivaient plus à se souvenir « quand » ils l’avaient vue rire pour la dernière fois. Une chose était sûre… cela faisait du bien. Elle fut la première à reprendre son sérieux, (cela n’étonna personne) et demanda :

- Et au fait cette série… est-ce qu’on la connaît ?

Ils étaient enfin arrivés devant la porte de la salle.

- Hum,… fit Charles, faisant mine de réfléchir, positionnant son index sur l’extrémité de son menton. Malheureusement, j’en doute fort étant donné que ça passait dans les années quatre-vingt-dix, époque où tous les deux étiez beaucoup trop occupés à passer votre temps dans les avions, la voiture et des motels sans aucune réception hertzienne !

Ils avaient pénétrés dans la salle. Scully se dirigea en direction des rangées du milieu. Elle s’assit en plein centre de l’une d’entre elle, la dernière encore libre sur toute sa longueur. Mulder s’assit sur sa droite, William sur sa gauche. William s’asseyant spontanément à ses côtés et non trois places plus loin comme elle l’avait pensé… fut une belle surprise. Georgia s’assit à côté de William, évidemment ! Le contraire aurait été étonnant. Tous les deux étaient devenus inséparables, se sentant comme le petit frère ou la grande sœur que l’autre n’avait jamais eu et qu’il avait toujours désiré. Charles s’assit à gauche de sa fille.

Soudain, un « plash ! » surprit tout le monde.

- Oops…
- William! T’en as mis partout! s’écria Georgia. Pourquoi tu t’es pas servi de ton « tu sais quoi » ! dit-elle beaucoup plus bas.
- J’ai dit « Oops ! », insista William. Et je ne me sers jamais de « tu sais quoi » dans un lieu public.
- Ouais ben tu diras à ta …

Mais elle hésita… elle eut cette hésitation qu’ils avaient tous déjà eue … surtout Charles et elle … mais personne osait en parler et aborder le sujet… fallait-il dire « ta mère » ? Elle avait bien failli le dire ce mot… « mère » … un mot si naturel … les liens s’étaient détendus entre ces deux là… William et Dana … mais ils restaient… distants… comme s’ils ne voulaient pas s’apprivoiser s’en tenant au strict nécessaire : « bonjour, au-revoir, bonne nuit, si tu as besoin de quelque chose, surtout n’hésite pas etc.… » … ne surtout pas s’attacher pour ne pas souffrir … car… tout le monde le savait … tout le monde savait ce qu’il se passerait une fois toute cette histoire abracadabrante terminée… finalement … elle choisit autre chose :

- … tu diras à Mulder…

Entre William et Mulder ce n’était pas aussi compliqué qu’avec Scully… tout avait glissé sans problème entre les deux, aucun malaise, rien. Complicité et joie rythmaient leur relation. Scully … en souffrait. Mulder le savait. Elle leur en voulait (un peu) … elle aussi aurait voulu « défoncer » ses barrières ! Mulder lui avait pourtant dit qu’il ne l’avait jamais vue autant justement surmonter ses « barrières » … Mais il lui fallait du temps pour toutes les briser … ses barrières … et elle savait que c’était peine perdue de toute façon car… le ciel ne lui accorderait tout simplement pas ce temps nécessaire pour se sentir mère… car William n’était plus vraiment à elle … mais à cette « autre » mère. Elizabeth.

- …que c’est une erreur ! Une belle erreur ! Et en plus t’en a mis partout dans le sac de Lyly ! gronda la jeune fille.
- C’était pour finir plus vite les pop-corn ?! dit William, hésitant, un ton qui fit sourire et rire toute l’assemblée autour de lui … même Scully.
- Tu sais… dit Mulder d’un air malicieux, à l’adresse de William. … une fois, dans l’avion, Scully, en janvier 2000 si mes souvenirs sont bons…
- Mulder ! s’insurgea Scully, devinant quelle anecdote il allait dévoiler. Elle comprit en croisant son regard que rien ne serait en mesure de l’arrêter, même pas sa mine décomposée par la honte qu’elle affichait. Oh, non ! dit-elle s’enfonçant dans son siège, les mains plaquées sur ses yeux.
- …a même pas eu le temps d’attraper le sachet pour vous savez quoi, que je lui ai tendu son sac à main…

Charles explosa de rire, Georgia aussi, William sourit tout en s’empressant d’enlever tous les popcorns éparpillés dans le sac de Scully.

- Ah la honte ! s’exclama Georgia.
- Et puis l’odeur surtout ! suivit Charles.

Scully lança un regard noir vers son frère. Il se ressaisit aussitôt dès qu’il s’aperçut qu’elle s’était déjà redressée normalement sur son siège et… qu’elle le foudroyait.

- Oui, enfin c’est pas vraiment ta faute, t’as toujours été malade en avion, se rattrapa-t-il…

Mais l’hilarité s’empara de nouveau de lui, il explosa de toutes ses forces (entraînant encore dans une nouvelle tournée de rire tous les autres sauf sa sœur évidemment … William qui avait résisté jusque là … eut du mal cette fois-ci à ne pas rire … il ne voulait pas qu’elle croit qu’il se moquait d’elle… ), quand ce qu’il allait ensuite se risquer à dire lui traversa l’esprit et entre deux gloussements, regardant le sac noir de sa sœur posé à ses pieds, il articula:

- Oui, enfin,… j’espère que c’était pas le même sac !
- Aaaaaaah ! crièrent de dégoût et à l’unisson William et Georgia recrachant tous les deux de leurs bouches un pop-corn.

Mulder explosa à son tour. Il n’avait fait que rire doucement comme William jusqu’ici. Scully, vexée, leur donna l’impression qu’elle allait bouder durant tout le film à venir.

- En parlant de « sac » justement, menaça-t-elle pour leur faire peur, je vous informe que si vous continuez, je m’en vais de suite avec !
- Han ! s’inquiéta William. Ya les lunettes 3D dans son sac !
- Ah… oui dans ce cas là, faut arrêter ! ça devient plus qu’urgent ! lança Mulder, réalisant à son tour le danger grondant.
- Ya aussi les clefs de voiture dans son sac ! dit Charles.
- J’voudrais surtout pas prendre le risque de rentrer à pied ! commenta aussi Georgia.

Scully sourit… constatant que son petit numéro de bluff avait produit l’effet recherché. Ils s’enfoncèrent tous immédiatement et en même temps (sauf Scully) correctement dans leurs sièges, faisant retentirent un silence d’or autour d’eux, regardant très (trop) sérieusement l’écran gris devant eux, encore inanimé, seulement une légère musique et un bruit de fond constitué des voix d’autres spectateurs en attente du même film alimentaient ce silence d’or sur-joué par Charles, Georgia, William et Mulder. Scully les observa un par un, et leva les yeux au ciel.

- Ah, j’vous jure ! … dit-elle

William sourit encore une fois lorsqu’il l’entendit fouiller dans son sac et en sortir ce que tous ils attendaient. Elle leur tendit les fameuses lunettes tant désirées, tout en prenant soin d’en garder une pour elle.

Un homme, le visage à moitié dissimulé par un chapeau enfoncé jusqu’aux yeux, une écharpe et le col du manteau remontés jusqu’au nez et placé une rangée en arrière et juste derrière Scully se signa puis leva sa main devant lui. Il la laissa ainsi quelques secondes, avant de refaire encore une fois le signe de croix, puis il se leva de son siège en direction de la sortie. Scully, occupée à refermer son sac, penchée en avant, lâcha comme dans un réflexe incontrôlé la fermeture éclaire argentée de son sac noir et agrippa son pendentif, étouffant sa croix dorée dans sa main, tout en gardant sa tête basculée vers le bas des sièges, ses longs cheveux retombant sur son visage, le voilant, tant et si bien que Charles et Georgia ne se rendirent pas compte de son comportement pour le moins déstabilisant. Mais ce ne fut pas le cas de Mulder, ni de William d’ailleurs, placés de part et d’autre de Scully. Elle semblait comme avoir perdu connaissance, ses yeux fermés, figée, comme si son esprit avait quitté son corps.

- Scully… murmura prudemment Mulder, posant sa main sur son dos comme pour la réveiller le plus doucement possible.

L’homme se dirigeait vers le fond. Elle rouvrit ses yeux, le souffle saccadé. Mulder sentant qu’elle reprenait connaissance l’aida à se redresser. L’homme était sorti. Vivement elle se retourna derrière elle, jetant un coup d’œil affolé, puis instinctivement, partout autour d’elle, scrutant une à une chaque rangée, s’arrêtant sur la fin, sur la double-porte, en haut sur la droite, les portes basculant encore un peu, signe que quelqu’un venait juste de les franchir. La porte basculante se stabilisa peu à peu. Scully recentra son regard sur Mulder. Sa main tenait encore fermement sa croix, elle ne semblait pas s’être rendu compte de ce détail. Mulder lui saisit sa main, desserrant un par un ses doigts entremêlées autour de sa chaîne en or.

- Encore l’implant ? chuchota Mulder, sachant pertinemment qu’il ne s’agissait pas de cela… qu’il ne s’agissait pas de la douleur l’ayant crispée devant le miroir de la salle de bain il y a une heure.

Cela avait été trop bref pour que ce soit l’implant… trois secondes à peine. Quelques secondes pendant lesquelles l’âme de Scully avait semblé quitter momentanément son corps. Pourtant, Scully, le regard troublé… hocha la tête de haut en bas. Mais… William et Mulder n’étaient pas dupes… durant ces quelques secondes, eux avaient senti du noir sous leurs yeux… un « blackout » sans précédent.

- Tu es sûre ? insista Mulder. Tu semblais chercher quelqu’un.
- Chuuut… ! les prévint Georgia. Le film va bientôt commencer. Mettez vos lunettes !

William, Mulder et Scully qui n’avait pas répondu, Georgia lui ayant indirectement permis de se dérober… se regardèrent une dernière fois… La salle plongea dans l’obscurité.

***


Dernière édition par PtiteCoccie88 le Lun 20 Déc 2010 - 20:39, édité 1 fois
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Intuition Electrique Empty Re: Intuition Electrique

Message  PtiteCoccie88 Lun 20 Déc 2010 - 9:30

(Never Give Up on a) Miracle...

2ème Partie

Trois jours plus tard – 19 décembre 2012 – 7h04

- Tu m’enverras une carte postale ? lui demanda William.
- Une carte ? vraiment ? dit-elle, se baissant vers lui et en lui ébouriffant les cheveux. Mais je serai déjà rentrée que tu ne l’auras toujours pas reçue ! se tordit de rire Georgia.
- Sauf si tu la ramènes directement avec toi dans ta valise !

William et Georgia s’esclaffèrent.

Ils se tenaient tous réunis dans le salon, debouts du côté de l’entrée. Georgia et Charles avaient avec eux très peu de bagages, en comparaison du temps qu’ils étaient restés en compagnie de Mulder, Scully et… William.

- Et pour vos voitures ? demanda Scully.
- Oh non t’inquiète pas, elles appartiennent au service de location de l’aéroport. Georgia a en plus déjà trois semaines de retard, il est plus que temps qu’on les rende ! lui répondit Charles. On arrivera en début d’après-midi à L.A. …
- Et demain, nouveau décollage pour le Japon avec Papa aux commandes ! enchaîna fièrement et toute excitée sa fille.

Georgia prit dans ses bras sa tante, tandis que Charles prit en aparté William, si vite et si discrètement que Mulder et Scully ne s’en rendirent pas compte.

- Veille bien sur eux William et j’espère qu’on se reverra un jour toi et moi, lui confia-t-il tout bas.

William hocha la tête. Charles le reprit dans ses bras.


- Et surtout, n’oubliez pas d’appeler quand vous… hurla Scully depuis le pas de la porte.
- Ouais ! hurla à son tour son frère, coupant la parole à sa sœur. Georgia t’enverra un « texto » dès qu’on aura atterri à Los Angeles !

Georgia était déjà dans sa voiture, n’attendant plus que son père veuille bien s’engouffrer dans la sienne. Charles adressa un dernier regard à sa sœur, triste de la quitter de nouveau et terriblement angoissé comme si c’était la dernière fois qu’il la voyait. Il ne voulait pas y penser, il aurait voulu faire sauter cette date du calendrier, pas de « 22 décembre »… mais tout comme Mulder et Scully, Charles savait que c’était impossible. Le mieux était de continuer la vie comme elle avait toujours été. Dès demain, il reprenait donc son travail.

23h21

Scully, les yeux fermés, était allongée sur le canapé. Elle entendit plusieurs portes de placard s’ouvrirent et se refermer.

William et Mulder revinrent tous les deux en même temps de la cuisine, un verre à la main. Scully ouvrit un œil et afficha une mine de dégoût.

- Une menthe à l’eau à cette heure là ? je vois vraiment pas comment vous faites, leur dit-elle.
- Il fait plutôt chaud pour un vingt décembre en Caroline du Nord, on se croirait en Californie ! Donc une menthe à l’eau est amplement justifiée, argumenta Mulder, échangeant un regard complice avec William.

William s’était assis sur un des deux accoudoirs du canapé, celui tourné du côté de l’entrée. Mulder s’assit sur une chaise, juste sur la droite de William. Il constata, observant Scully allongée sur le canapé de tout son long sur le dos, qu’elle avait déjà refermé ses yeux. Il remarqua aussi qu’elle portait sa veste noire, très élégante. Une veste qu’il aimait beaucoup mais qu’elle mettait si rarement qu’il avait découvert cette magnifique veste en déballant un carton à elle lors de leur emménagement, ici, en Caroline, il y a déjà dix ans. Une fine broderie blanche, semblable à de la dentelle remontait verticalement le long de la fermeture de sa veste, sur laquelle de fin boutons noirs étaient cousus. Cette même dentelle blanche ornait le tour de ses manches, juste au niveau des poignets. Le reste de ses vêtements étaient tous aussi noirs. Ses longues boucles rousses retombant sur le devant de sa veste produisaient un contraste très lumineux.

- Tu devrais monter te coucher, lui conseilla Mulder.
- Non, dit-elle remuant la tête de gauche à droite, les yeux fermés, ses mains croisées et ramenées sur son ventre.
- Je veillerai jusqu’à leur arrivée… ajouta Mulder.

Mulder distingua le portable sur la table basse, juste près d’elle, comprenant ainsi sa réticence à quitter ce canapé pour monter se coucher à l’étage.

- Toujours pas de nouvelles, c’est ça ? devina Mulder.
- Début d’après-midi pour eux signifie fin d’après-midi pour nous, répondit Scully d’une voix encore plus endormie que précédemment. Mais malgré le léger décalage horaire d’ici à L.A., Georgia aurait déjà dû appeler…

Sa voix se fondait de plus en plus, Scully ayant pratiquement épuisée toutes ses forces pour ne pas sombrer dans la profondeur de la nuit.

- Connaissant Georgia, elle a sûrement dû oublier, tenta de rassurer William.

Scully ouvrit les yeux, relevant légèrement sa tête, surprise d’entendre cette petite voix… une petite voix souvent muette en sa présence. Au lieu de cela, elle s’était attendue à la voix chaleureuse et rassurante de Mulder. Elle vit William, assit en rebord, remuant en rond une longue et fine cuillère dans son verre, s’amusant à la faire tinter contre la paroi transparente, au fond duquel ne restait plus qu’une légère trace de sirop de couleur verte. Elle réussit à lui répondre :

- Oui… tu as probablement raison mais… Charles n’aurait pas oublié…
- Mais de toute façon, moi et Mulder… on l’aurait senti si jamais… il leur était arrivé…

De nouveau, cette douce petite voix qu’elle aimait tant avait essayé de la rassurer. Elle releva une nouvelle fois sa tête, se redressant complètement cette fois-ci. Elle regarda Mulder et tout comme William, il n’avait pas l’air inquiet, et lui aussi n’avait donné le temps à cette menthe à l’eau la chance de pouvoir se retourner dans son verre. Elle posa ses yeux sur William.

- Ils ont dû oublier, lui dit-elle.

Il suffit simplement à William d’effleurer son regard pour comprendre qu’elle était loin d’être rassurée. Et il savait qu’elle avait peut-être raison d’être inquiète. Il distinguait au fond de lui comme une zone d’ombre, un voile noir obscurcissant ses yeux. Un flou revêtant l’apparence du néant. Il en était de même pour Mulder. Depuis quelques jours, ils le savaient, Scully pressentait des choses qu’eux… n’arrivaient à percevoir et à sentir… seul le noir dans ces cas là, s’offrait à leurs yeux et leurs esprits. Et elle aussi en avait conscience mais… l’exemple du cinéma leur avait prouvé qu’elle ne souhaitait pas en parler… qu’elle préférait basculer tout ceci sur le compte de la fatigue… qu’elle refusait d’y croire… bien qu’elle croyait en Dieu.

Cinq coups rapides et brefs frappèrent contre la porte.

- Super ! Et maintenant, v’là les trois mousquetaires ! lança Scully, très loin d’être enchantée et surtout très lasse.

Les rires de William et Mulder traversèrent la cloison de la porte. Scully qui depuis tout à l’heure s’était encore rallongée, se leva du canapé et nonchalante se dirigea donc vers la porte. Mulder avait voulu ouvrir mais, malgré le manque d’enthousiasme dû à la fatigue qu’elle leur offrait, elle s’était déjà levée dans le but de le faire.

- Je vous en prie, faites comme chez vous, dit Scully, encore moins enjouée que précédemment, la porte ouverte et s’écartant, se retournant aussitôt vers Mulder et William, qui en voyant l’accueil refroidissant de Scully envers leurs hôtes n’avaient plus du tout envie de rire de sa mauvaise humeur… de peur de déclencher l’ouragan Dana.

Reyes, Doggett et Skinner s’engagèrent dans le passage laissé vide.

- Scully… dit Mulder, essayant de calmer la mauvaise humeur de Dana.
- Non ! répliqua-t-elle, énervée, ne laissant même pas l’opportunité à Mulder d’aller plus loin.

Trop tard… l’ouragan se levait.

Mulder et William se mirent debout. Scully se retourna vers les trois intrus responsables de son humeur à glacer le sang.

- Dana… entreprit à son tour Skinner de contenir l’accueil fracassant de Scully.

Elle porta ses mains à ses tempes, et fermant ses yeux, et à bout de nerfs… épuisée, dit :

- Non, c’est juste que je trouve ça complètement stupide que…

Elle rouvrit ses yeux et enleva le bout de ses doigts posés sur ses tempes.

- … … vous décidiez de passer les prochaines quarante-huit heures, « ici », à surveiller la maison, bref à nous protéger.
- C’est vrai, peut-être que c’est « stupide » Dana comme vous dites mais… avança précautionneusement Reyes, dans ce cas-là, c’est à votre frère qu’il faut s’en prendre, ainsi qu’à votre nièce.
- Je sais… soupira Dana, excusez-moi. Que vous veniez ici était la seule condition pour qu’ils acceptent de nous quitter. Que vous soyez près de nous les rassure pendant qu’ils retournent à la vie « normale » si on peut dire.

Reyes sourit à Scully.

Le bruit du portable vibrant contre la table basse surprit tout le monde. Elle se rua aussitôt dessus.

- C’est Janis, murmura-t-elle, lisant le nom s’affichant sur l’écran.
- Qui ? demanda Skinner.
- La femme de Charles, répondit Mulder.
- Janis ? dit Scully en décrochant fébrilement… non t’inquiète pas il est même pas minuit encore… … …

Scully ferma ses yeux,… de soulagement.

- Je te remercie Janis d’avoir appelé.

Elle échangea encore quelques mots puis raccrocha et se tourna vers William. Elle lui sourit.

- Tu avais raison. Georgia avait oublié. Et Charles a traîné avec ses collègues à l’aéroport de Los Angeles.

Les traits de Scully semblèrent enfin s’apaiser. Depuis le jour où Georgia s’était faite agressée dans le parc à sa place, elle ne pouvait plus s’empêcher d’être terrifiée qu’il arrive quoi que ce soit à sa famille par sa faute. Mulder proposa à boire à Doggett, Reyes et Skinner. Ils acceptèrent, s’asseyant autour de la table ronde. William demeurait toujours sur l’accoudoir du canapé. Scully s’approcha à la fenêtre. Mulder revint avec quelques boissons et des verres qu’il posa sur la table, devant leurs hôtes. Il remarqua Scully à la fenêtre, faisant dos aux invités. Soudainement, il la vit fermer ses yeux. Reyes suivit le regard de Mulder et elle aussi remarqua l’étrange comportement de Scully. Elle l’observait tout comme Mulder, tandis que Skinner et Doggett discutaient ensembles. Puis, tous les deux remarquèrent la préoccupation de Reyes ainsi que de Mulder.

- Qu’est-ce qu’elle fabrique ? chuchota John à Monica.
- Je sais pas … …, lui répondit-elle tout aussi bas, de peur de déconcentrer Dana.

Tout sembla tourner, se perdre subitement au ralenti autour de Scully. Tout son corps sembla lui aussi pétrifié par cette concentration dont elle faisait preuve… Elle rouvrit ses yeux comme réveillée en sursaut !

Scully se sentit perturbée et angoissée quand elle constata que tous les regards étaient braqués sur elle, pareils à des projecteurs.

Mulder écarquilla les yeux, et ouvrit la bouche, stupéfié, comme s’il venait de faire la découverte du siècle. Tous se tournèrent vers lui, alertés par son souffle d’étonnement. Il comprenait enfin pourquoi lui et William se sentaient troublés, perdus par intermittence dans le noir depuis la soirée du cinéma. Il en était maintenant persuadé, elle aussi, voyait bien des choses mais… pas les mêmes choses qu’eux.

- Scully ! s’exclama Mulder le souffle coupé. Tes visions reprennent du service !

Scully saisissant parfaitement où Mulder voulait en venir, sentit le bleu de ses yeux paniquer, mais elle devait se rendre à l’évidence… surtout depuis le cinéma et… surtout depuis cet instant. Ce n’était pas la première fois qu’elle sentait une force envahir son esprit… Il y avait eu cet homme, Donny Faster… une hallucination… elle avait préféré penser qu’il ne s’agissait que d’une hallucination alimentée par la peur, qu’elle délirait, que c’était elle et personne d’autre qui avait voulu faire de son agresseur le Diable en personne… mais il y avait eu aussi ce jour, dans Chinatown… elle s’était sentie attirée… une vision lui donnant la sensation de voir défiler toute sa vie sous ses yeux comme avant de mourir, avait accompagné cette visite au cœur de ce temple bouddhiste… d’ailleurs, cette journée, toute entière s’était montrée étrange, car une femme blonde avait accompagné aussi cette journée, apparaissant soudainement comme pour la guider ou attirer son attention, mais qui s’était réellement caché derrière cette femme ? Une simple hallucination là encore ? C’est cette femme qui l’avait conduise à pénétrer dans ce temple… Et, il y avait eu autre chose encore, ce jour où elle avait vu ce crucifié prendre vie sous ses yeux… et surtout… il y avait eu Emily. Les expériences mystiques l’habitaient… Il faisait parti d’elle… Dieu.

- Waw waw waw… ! répéta trois fois de suite Reyes, réalisant ce que signifiaient les paroles de Mulder.
- Quoi ? répliqua Doggett ne comprenant absolument rien.
- John… c’est le moment de croire en Dieu… du-moins pendant quarante-huit heures ! s’exclama Reyes émerveillée. (Elle s’esclaffa de son rire éclatant) Dommage que je ne sois plus étudiante, car j’aurai assurément et sans aucune hésitation fait ma thèse sur vous Dana !

Skinner écoutait, tout en essayant de faire des connexions, d’établir des liens entre ce que venait de dire Mulder à propos de Scully et toutes les affaires non classées sur lesquelles eux deux avaient travaillées.

Elle scruta un à un les yeux autour d’elle, la fixant de toute leur puissance. Mulder s’éclaircit la voix, ce qui attira de nouveau l’attention vers lui. Il prononça lentement, veillant à ce que tout le monde soient attentifs.

- Je t’écoute Scully. Qu’est-ce que tu as vu ?

Doggett, Reyes et Skinner dévisagèrent attentivement Scully.

Un nouveau silence s’installa. Un silence religieux.

Scully regardait ses mains, comme si elle ne savait pas quoi en faire.

- Cela ne peut qu’aider Scully ! Parle s’il te plaît ! força Mulder.
- Je … je sais pas trop Mulder. C’était si rapide et mélangé…
- Scully !

La dureté de Mulder fit tressaillir tout le monde. Doggett, Reyes et Skinner se sentir envahis par la détresse de Scully face à Mulder, se sentant mal pour elle.

- Essayez Dana, l’encouragea Monica d’une voix plus douce.

Scully hocha la tête avec hésitation, regardant Reyes, puis Mulder. Elle ferma ses yeux.

Elle s’efforça à repasser en boucle les images du cinéma, non pas celles du film (excellent !), mais celles de son esprit… ainsi que celles survenues il y a quelques instants bien qu’il s’agissait exactement des mêmes que celles vues au cinéma. C’était comme si tant qu’elle n’en parlerait pas… ces images continueraient à la hanter. Elle s’efforça surtout d’en décrypter le sens :

L’intérieur puis l’extérieur d’une église en ruine… des paroles… des millions de voix répétant comme une prière ces mots… « La Prophétie est parole du Seigneur ! La mort du père, la trahison du fils, apporteront la délivrance !

Et elle avait eu cet autre flash, superposé en fondu au premier flash de l’église :

Un homme. (Elle n’arrivait pas à discerner son visage… juste ses yeux… elle connaissait pourtant ces yeux mais la vitesse des images l’empêcha de réussir à replacer un visage allant avec ce regard) Cet homme était assis dans une salle de théâtre ! Non de cinéma ! La même salle que celle où Mulder, William, Charles et Georgia se trouvaient… cet homme les observant tous, puis fixant profondément son regard… sur elle…

Un autre flash se mêlant aux deux autres, le plus énigmatique et le plus rapide de tous :

Marchant d’un pas déterminé, des prêtres dans un halo enflammé… …

Puis la main de Mulder posée derrière son dos l’avait violemment tirée de sa transe divine… elle avait préféré lui mentir ce soir là… refouler.

Dans un dernier effort, elle replongea au plus profond d’elle, refaisant encore une fois défiler les images… portant une attention un peu plus particulière à cette église, luttant pour la garder sous ses yeux…

Elle rouvrit ses yeux et essoufflée, révéla :

- Du feu… des prêtres… et beaucoup de feu… oui des prêtres s’avançant dans du feu et… une église. Oui c’est ça une église…
- Tu sais quelle église ? demanda Mulder.
- Non.

Scully semblait mal à l’aise, ne regardant même pas Mulder. Elle fixait le vide et rien d’autre.

- Et c’est tout ?
- Oui, c’est tout.
- Je sais que tu mens.

Doggett, Reyes et Skinner furent une nouvelle fois surpris par la réplique de Mulder. Une intuition hors du commun n’était d’aucune aide pour savoir qu’elle mentait, il fallait avant tout connaître Scully et… il fallait s’appeler Mulder pour réussir un tel exploit.

Elle leva enfin son visage vers lui.

- Je… oh nan… dit-elle à reculons, rebaissant son visage, enfouissant sa tête entre ses mains. Vous allez tous me prendre pour une folle.
- Scully ! Tu dois « tout » nous dire, je dois savoir « tout » ce que tu as vu !
- C’est que… il n’y a pas que des images… il y aussi …

Elle enleva sa tête de ses mains, soutenant fragilement le regard de Mulder.

- … des voix, il y a des voix… des voix terribles.

Elle ferma ses yeux. Et tout en les gardant fermer, elle prononça :

- « La Prophétie est parole du Seigneur ! La mort du père, la trahison du fils, apporteront la délivrance !» (Elle rouvrit ses yeux) Je crois que ce sont des prêtres Mulder… qui clament ces paroles comme une prière… les prêtres marchant dans le feu.

Mulder réalisa la conscience de la gravité de ces paroles… du danger qu’elles annonçaient. Scully aussi. En la forçant à parler et à exposer sa « vision »… Mulder l’avait aidée à analyser et à comprendre le message. A former le puzzle. William baissa les yeux. Doggett, Skinner et Reyes comprenant eux aussi le sens glissé derrière ces paroles n’osèrent prononcer quoi que ce soit.

- « S’il meurt, le fils combattra à leurs côtés », rappela Reyes réfléchissant.
- « Et par son ultime sacrifice elle les délivrera »… ! poursuivit Scully, pratiquement sans s’en rendre compte.
- Vous nous avez… balbutia Reyes.
- Dissimulé cette dernière partie, coupa Mulder, grimaçant des lèvres.
- Pourquoi ? demanda-t-elle, estomaquée, regardant Mulder et Scully.

Scully s’assit autour de la table. Mulder était toujours debout regardant Scully s’asseoir tandis que William occupait encore l’accoudoir du canapé. Scully plongea encore sa tête dans ses mains. On entendit Doggett répéter tout doucement la prophétie dans son intégralité, la murmurant en vain, dans l’unique espoir d’en dévoiler le sens caché.

- Parce que ça ne regarde que mon père et ma mère.

Skinner dévisagea attentivement William. Il fut frappé par la ressemblance de ses traits avec ceux de Mulder.

William avait dit juste. Mulder et Scully se sentir défaillir. C’était la première fois qu’ils l’entendaient utiliser de tels mots pour les désigner… « père » … « mère ». Mais Scully et Mulder ne s’accordèrent pas davantage de temps pour continuer à se laisser envouter par ce moment hors du temps, remplissant soudainement comme un raz de marée, le vide creusé en eux par « l’absence » depuis douze ans. Un silence de plomb s’installa, plus personne n’osant se regarder.

- On ne vous a rien dit car, cela n’aurait rien changé, concernant ce qui nous attend, expliqua Scully, brisant le silence.

Scully se releva, s’avançant de nouveau à la fenêtre. Elle avait soulevé le rideau épais. Mulder ne la quittait pas des yeux.

Un Ange passa…

Reyes osa enfin :

- Des hommes au service de Dieu… des prêtres, tiennent donc à réaliser cette prophétie et… dans l’ordre. Ils veulent vous tuer Mulder !

Mulder confirma.

- L’église catholique pense donc qu’en tuant Mulder, cela conduira William à rejoindre les extraterrestres et à apporter la délivrance qu’ils souhaitent tant, afin de sauver l’humanité, expliqua d’un calme assez étrange Scully en comparaison du contenu plutôt angoissant de ses paroles, toujours postée à la fenêtre et ne prenant même pas la peine de se retourner vers ses invités.

Après quelques secondes d’un nouveau silence habitant l’assemblée, dû au malaise provoqué par ce qu’elle venait de dire, elle haussa enfin la voix, mais en se retournant vers eux cette fois :

- Ce ne sont que des « Illuminés », croyant dur comme fer à ces écritures, que tout est écrit et fixé à l’avance, que rien ne peut jamais changer dès lors que c’est « écrit » !

Il lui était impossible de contenir sa rage, sa peur de perdre encore une fois Mulder la rendait furieuse ! On laissa le silence s’emparer encore du cœur de la pièce, le temps de donner à Scully les secondes nécessaires pour redescendre d’un cran.

- Mais ces écritures sont vraies, n’est-ce-pas ? Je sais que vous y croyez… avança prudemment Reyes. Sinon, vous ne seriez pas si inquiets.
- Comme toutes prophéties, elles sont ambiguës, un sens, une solution même devant l’échec demeure toujours caché… et même quand elles annoncent une mort certaine… elles ne se réalisent que si on se rend dans la gueule du loup… répondit lentement mais sûre d’elle Scully.
- J’ai compris que ces personnes voulant ma mort appartenaient seulement au commun des mortels quand j’ai réalisé que les extraterrestres étaient incapables de déchiffrer ces écritures tombées du ciel avec eux, avoua Mulder.

Nouveau silence…

Reyes donna encore l’impression de s’extirper de ses songes.

- Le gouvernement est-il lié à tout ça… à ce qu’il se passe en vous ? questionna Reyes.
- En quelque sorte oui, comme nous vous l’avons déjà expliqué à l’automne dernier mais… cette énergie était déjà en nous. Le gouvernement, leurs tests pratiqués sur des milliers de personne dans le but de trouver un moyen de résister, notamment au virus et ainsi empêcher l’asservissement de l’espèce humaine et de tomber sous le contrôle des extraterrestres… ont comme amplifié cette énergie, révéla Mulder. Cette énergie que nous prenions pour une conséquence de cette modification du génome humain a en réalité toujours fait partie de nous.
- … … Ils n’ont rien modifié du tout, comprit Reyes. Vous êtes nés comme ça… C’est tout simplement extraordinaire...
- Voilà l’unique raison pour laquelle ces mêmes tests entrepris à l’aveuglette sur des milliers de personnes… ne nous ont pas tués, moi et Scully, ajouta Mulder en réponse à Reyes.
- Ce qui est parfaitement logique étant donné que vous correspondez aux Elus de cette Prophétie, aux Elus de Dieu, possédant comme lui cette capacité à sauver des vies, ce que Dana fait déjà tous les jours en tant que médecin. Vous contrôlez les éléments, vous anticipez l’avenir, vous pouvez modifier le cours des événements et sauver le monde du chaos, débita-t-elle d’un seul coup sans une seule fois avoir pris la peine de faire une pause pour reprendre sa respiration. Vous êtes nés pour vous rencontrer… de véritables âmes-sœurs…

Dans une vie antérieure, Scully et lui-même s’étaient déjà rencontrés… uniquement de « véritables âmes-sœurs » sont capables de se rencontrer de nouveau dans les vies qui suivent, pensa Mulder… et elles se trouvent unies pour l’éternité.

Pendant que Reyes continuait son discours plus qu’élogieux, Mulder sortant de ses songes, fut parcouru par de désagréables frissons lorsqu’il se rendit compte que la voix de Scully s’était évaporée…

Le rideau soulevé, elle observait encore à cette fenêtre… l’étoile… haute et brillante. Cette étoile semblait d’ailleurs être la seule dans toute cette toile bleue-marine.

- Scully ? interpella le plus doucement possible Mulder, comme pour éviter qu’elle réagisse violemment au son de sa voix.

Pas de réaction.

William s’était approché de Scully, saisissant la main de sa mère. Reyes s’avança à son tour à la fenêtre. William et Scully semblaient hypnotisés. Mulder s’approcha lui aussi. Il suivit leurs regards… l’étoile…. éclatante… au cœur du ciel d’un noir d’encre. William et Scully étaient figés. Reyes passa une main devant les yeux bleus de Dana puis de William mais… rien n’y fit. Rien.

Mulder quitta des yeux l’astre lumineux, son regard attiré au devant, un horizon brûlant… comme si plusieurs centaines de personnes s’avançaient avec des flammes. Mulder ferma ses yeux. Le feu était encore plutôt loin qu’il paniquait déjà. Scully et William, ayant leurs esprits embarqués de force vers un ailleurs, dans une énergie que seulement la mère et le fils pouvaient partager, qu’il se sentait comme seul, abandonné, livré à lui-même face à ces flammes s’avançant à grand pas et… venant pour le tuer. Il n’avait jamais aimé le feu, bien qu’il ait appris à dominer cette peur, cet horizon enflammé glaçait le sang… Il était impossible de rester insensible face à cette vision d’enfer… L’effroi enveloppait ces flammes. Il respira profondément. Il rouvrit ses yeux et glissa sa main sous les cheveux de Scully, enlaçant l’arrière de son cou de sa main chaude. Doggett et Skinner se levèrent à leur tour. Ils aperçurent Scully cligner des yeux, comme si le soleil l’avait éblouie. William fut victime de la même réaction. Scully respira fort, comme à quelqu’un à qui on venait de rendre sa respiration, essayant de récupérer son souffle. William regarda sa main. Il la vit enlacée dans celle de sa mère. Il ne se rappelait pas d’avoir fait ce geste, ni comment il était passé du canapé à la fenêtre. Mulder vit la panique traverser le bleu azur de William et de Scully.

- Vous avez bien failli m’abandonner à mon funeste sort, leur avoua-t-il.
- Il faut partir d’ici, conseilla Monica regardant l’halo enflammé.

Scully voulu encore regarder par la fenêtre.

Mulder s’empara de sa main, l’entraînant vers la sortie.

Le rideau se rabaissa.

***


Dernière édition par PtiteCoccie88 le Lun 20 Déc 2010 - 20:47, édité 1 fois
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Message  PtiteCoccie88 Lun 20 Déc 2010 - 9:38

(Never Give Up on a) Miracle...

3ème Partie

Quinze minutes plus tard – 00h15

- Et où est-ce qu’elle fonce comme ça ? demanda avidement et pas très rassurée Monica Reyes.
- Elle suit l’étoile, répondit Mulder, essayant de glisser l’information sans que personne ne s’en rende compte.
- Quoi ? Mais c’est de la pure folie ! s’inquiéta Reyes, assise à l’arrière avec Mulder, William étant à l’avant, côté passager.
- Pas si on reste tous les trois ensembles ! dit Scully à son tour, d’une voix assez sereine, jetant de temps en temps quelques coups d’œil au rétroviseur intérieur, s’assurant que la voiture de derrière suivait toujours.
- Mais appuyez sur le champignon John ! s’exclama Skinner.
- Je fais ce que je peux Walter ! Le FBI n’a qu’à changer ses voitures !

00h30

Scully arrêta le coupé dans un tourbillon de poussière. Doggett et Skinner arrivèrent largement soixante secondes plus tard. Et c’est seulement quand John Doggett sortit de la voiture, voyant Mulder, Scully et William côte à côte qu’il remarqua à quel point la veste noire de Scully tranchait par rapport aux vêtements clairs et simples de William et Mulder. Jamais il ne l’avait vue aussi élégante, vêtue comme si elle s’apprêtait à vivre son ultime danse et qu’elle avait tenu à être la plus belle pour la recevoir.

- Bon ! Et bien cette fois je crois qu’on a bel et bien semé ces prêtres ! dit Doggett, n’ayant toujours pas réalisé devant quel genre de bâtiment, Scully les avait propulsés. Je doute fort que ces hommes soient capables de faire des pointes à plus de 200 km/h !

Scully n’avait pas prêté attention à la réflexion de Doggett. D’un pas plus que déterminé, elle se dirigea vers les marches, les gravit quatre à quatre et enfonça la double porte par la seule force de son esprit. Pour la première fois, Doggett, Skinner et Reyes se sentirent effrayés par Dana.

Scully parcourut l’allée centrale en moins de deux, puis s’arrêta, regardant partout autour d’elle.

- Mulder ? Vous êtes toujours avec nous ? demanda Skinner à celui-ci, tous les deux encore situés à l’extérieur de l’église qui ne demandait qu’à s’écrouler.

Mulder regardait avec inquiétude la lugubre architecture.

William avait déjà rejoint sa mère à l’intérieur de l’église.

- Qu’est-ce que tu sens William ? lui demanda-t-elle.

William observa à son tour partout autour de lui. Son regard se posa devant lui, au fond, sur l’estrade.

- L’autel ! lui dit-il, le montrant du doigt.

Il grimpa aussitôt sur l’estrade.

Mulder, Doggett, Reyes et Skinner passèrent enfin les portes de l’église.

Scully observait l’autel. Mulder se rua tout comme son fils sur l’estrade. Elle vit William coucher son oreille sur le marbre… comme s’il entendait quelque chose en provenance des profondeurs. Doggett, Skinner et Reyes arrivèrent derrière Scully. Elle se retourna vers eux, s’apprêtant à leur dire quelque chose mais, d’un seul coup un grand fracas fit trembler toute l’église ainsi que tous ses occupants, fragilisant encore un peu plus l’édifice tombant en ruine. Les responsables de ce tremblement de terre n’étaient autres que Mulder et William. Tous deux avaient pris l’initiative d’écraser au sol le haut de l’autel, ressemblant étrangement au couvercle d’une sépulture mortuaire.

Mulder, tout en s’époussetant les mains en raison de la poussière dégagée par l’ouverture de l’autel, s’apparentant à une tombe aussi grande qu’un caveau, s’exclama :

- Je savais que j’aurai dû me rendre plus souvent à la messe !

Scully se retourna vers Doggett, Reyes et Skinner et leur dit :

- Partez maintenant.

Scully s’avançait déjà en direction de l’estrade.

- Quoi ? rétorqua Reyes. C’est trop dangereux Dana…
- Ah oui ? menaça-t-elle malgré elle, se retournant encore vers eux, arrêtant sa marche. Et vous allez faire quoi ? Sortir vos armes ? (William observa sa mère, il sentait l’orage monter en elle) Les balles ne peuvent rien contre eux ! J’ai dit « Partez ! »

Elle se retourna en direction de l’autel.

- Dana… tenta Doggett.
- Dehors !!! cria-t-elle, sans même se retourner vers eux.

Au même moment, tous les vitraux encore en vie … explosèrent, volant en éclat.

Doggett, Skinner et Reyes sursautèrent, puis bouche bée, ils regardèrent Dana, qui leur tournait encore le dos.

- Elle a dit « dehors », les prévint Mulder. Souhaitez-vous qu’elle fasse exploser toute l’église ?
- On a compris le message… dit Reyes. Allez, venez, dit-elle en reculant, elle a raison, on a plus rien à faire ici. On ne peut plus rien pour eux de toute façon, mais… eux peuvent pour nous.

Scully était désormais arrivée à la même hauteur que William et Mulder.

Les trois perturbateurs étaient enfin partis.

- Scully…, dit Mulder… Tu sens cette énergie ?

Elle regarda le couvercle de pierre gisant au sol. Aucune inscription gravée dessus, indiquant qui avait pu être enterré ici… de toute façon ce n’était pas une tombe étant donné ce qu’on y voyait au fond. Mais il y avait tout de même bien quelque chose représenté dessus… une gravure profonde, laissant assez de place pour qu’un objet disposant des mêmes contours puisse y reposer… mais l’espace creusé dans lequel aurait dû se trouver le poignard était vide.

Scully se pencha au-dessus de l’autel, laissé à l’air libre. On y distinguait un escalier, conduisant à un passage souterrain. Scully en se penchant pour observer l’ouverture, le fond intérieur de l’autel, sentit un souffle des plus chaleureux envahir tout son corps, elle se sentit baigner dans une béatitude, ses cheveux lui donnant l’impression de se soulever et de s’oxygéner sous l’effet d’un vent invisible. Elle redressa sa tête qu’elle avait penchée sur cette ouverture devant elle, comme pour entendre des voix.

- Oui, dit-elle essoufflée, regardant Mulder.
- Cette énergie, c’est nous trois, il est là, dit Mulder.

Scully comprenait parfaitement, William aussi.

- Tu dois récupérer ce qui nous appartient, ajouta Mulder.

Scully hocha la tête, angoissée à l’idée d’échouer. Tout s’était bousculé si vite soudainement… On était que le vingt, ils avaient deux jours d’avance… mais après tout, Mulder et elle, tout le monde le savait, aimaient désobéir au protocole ! Elle devait récupérer ce qui leur appartenait. Elle devait reprendre Le Graal.

La nuit était déjà bien entamée. Une nuit sans retour… résultant d’une confrontation entre Ailleurs et Ici.

Mulder s’aventura le premier dans l’espace restreint du caveau. Scully disparut la dernière à l’intérieur de l’autel.

- On voit strictement rien ! paniqua Mulder.

Il n’en fallut pas plus pour que Scully réagisse.

- Et la lumière fut, sourit-elle, sortant tout simplement son téléphone portable de sa poche et actionnant la fonction « lampe de poche ».

Scully illumina une longue galerie souterraine.

- Si Le Graal est ici, cela veut dire que « eux » aussi sont ici, vous m’avez bien compris, dit Mulder à Scully et William.
- Oui, répondirent ensemble la mère et le fils, comme deux élèves bien disciplinés, ne perdant pas une miette du long couloir qui semblait de plus en plus interminable à mesure qu’ils s’enfonçaient.
- Quoi ? T’as vu quelque chose ? demanda Scully inquiète à Mulder, le voyant lever les yeux un peu partout sur la gauche.
- Approche ta lampe par ici Scully ! ordonna Mulder.

Scully s’approcha de la paroi du mur, sur la gauche, celle où se tenait Mulder.

- Oh mon dieu… ! souffla de stupeur Scully.

Une multitude d’inscriptions gravées sur la paroi se révéla au passage de la fine lueur que Scully faisait glisser sur le mur.

- Toujours cette même écriture… indiqua-t-elle, le souffle court. Elle se tut, tremblante, réalisant ce que formait toutes ces lettres enchaînées les unes aux autres.
- La Prophétie recouvre l’intégralité de ce mur, murmura Mulder.
- Pas que ce mur, rectifia Scully, dirigeant la lumière vers le haut.

Mulder, William et Scully écarquillèrent leurs yeux. Le plafond, ainsi que le pan entier du mur droit étaient recouverts de ces mêmes inscriptions, en plus du mur gauche. Scully laissa courir le cercle lumineux loin devant eux… la galerie toute entière croulait sous cette écriture que, elle, avait apprise à déchiffrer il y a des années, mais depuis maintenant plusieurs mois, cette écriture avait revêtu en elle, une nature originelle, comme si ces symboles semblant venir d’un autre monde étaient la matérialisation de sa langue maternelle, tellement la compréhension de ces signes était limpide et fluide. Pour Mulder et William, ils avaient toujours instinctivement déchiffré ces caractères, leur lucidité hors norme, leur perspicacité et leur vue claire et pénétrante des choses avaient largement contribué à rattraper l’avance que Scully avait prise sur eux.

- Pas de doute à avoir, je commence à comprendre pourquoi cette église tient encore debout… commenta Mulder.

Tous les trois s’enfonçaient de plus en plus, ne cessant de suivre ce long couloir sinueux et comme sans fin.

- Regardez ! Les écritures s’arrêtent ! s’exclama surprise Scully.
- C’est parce que nous ne sommes plus très loin, expliqua Mulder. William ?

Il ne répondait pas. Mulder s’inquiéta, il avait senti juste. Il se tourna vers lui. William tenait fermement la main de sa mère depuis le moment où tous les trois s’étaient engagés dans ce long, étroit et obscur tunnel. Il la tenait comme s’il avait peur de perdre sa mère, comme pour empêcher qu’on l’arrache à elle. Scully sentit cette petite main défaillir, perdre de la force.

- J’ai… j’ai chaud et la tête qui tourne, prononça-t-il comme si la fièvre le faisait souffrir.

Scully s’abaissa à hauteur de son fils.

- C’est l’énergie du poignard… lui confia-t-elle. C’est elle qui t’a conduis à t’approcher de l’autel. Plus on approche, et plus tout ton être te donne l’impression que tout vibre en toi, comme si tu te sentais appelé, irrésistiblement attiré par cette lame… j’ai ressenti exactement la même chose la première fois que je me suis retrouvée en sa présence. Comme si cette énergie s’infiltrait en toi, ce qui est normal étant donné que…
- …cette lame regroupe nos trois énergies… je sais, finit William à la place de Scully.
- Tu dois habituer ton esprit à ce souffle d’énergie qui s’empare de toi William, ne pas te laisser hypnotiser et dominer par le poignard tant… qu’elle … (il avait hésité avec « mère »…) ne l’aura pas récupéré entre ses mains, William, c’est très important, insista Mulder.

William hocha la tête, conscient qu’il devait maîtriser son esprit plus que jamais dans les prochaines minutes. L’entraînement, l’exercice du feu…, sa mère et son père l’avaient entraîné uniquement dans ce but – dominer son esprit, analyser et comprendre ses émotions pour mieux s’en servir, les maîtriser et non se laisser détruire par elle… Etre capable de tout ça à la fois tant que l’ennemi détenait encore leurs énergies entre ses mains, tant que Le Graal demeurait perdu.

Mulder s’agenouilla à son tour devant William, comme Scully, mais cette dernière se releva. Cette fois il n’hésita pas sur les mots :

- Ta mère… aura plus que jamais besoin de toi au moment…
- Du sacrifice, acheva William.
- Ça c’est sûr… car je vois mal Mulder jouer les veuves éplorées, marmonna Scully qui s’était remise à marcher en avant.

Mulder se releva, s’adressant de nouveau à William.

- Elle a dit quoi ? feignit Mulder de n’avoir saisi, qui en réalité avait parfaitement entendu.
- Qu’elle aussi préfère croire au miracle… car elle ne t’imagine pas du tout en veuve éplorée, informa William, répétant à peu de choses près les paroles de sa mère.
- Mais pour ça, il faudrait qu’on soit… marié ! lança Mulder à Scully qui se trouvait un peu plus loin devant lui.

Scully soupira d’agacement.

- Vraiment très drôle Mulder ! répondit Scully qui lui tournait le dos. Depuis quand exactement t’amuses-tu à jouer sur les mots et surtout dans des moments aussi angoissants que celui-ci ?! Mulder ? … Mulder !

Elle se retourna, énervée du silence de son compagnon, croyant encore une fois qu’il cherchait à travers ce silence à lui faire oublier ou à passer aux oubliettes ce qu’il venait de lui dire, laissant tout en suspens, comme d’habitude ! Un silence lui rappelant toutes les fois où il l’avait réveillée en pleine nuit, à trois heures du matin, lui sommant de s’habiller en exactement trois secondes, et lui donnant à chaque fois pour unique explication : « Je t’expliquerai en voiture ! ». Cela avait le don de l’horripiler.

Elle se retourna donc sur elle-même. Elle vit Mulder et William, figés, pareils à des statues. Mulder n’était plus vraiment d’humeur à plaisanter. Elle le comprit tout de suite. Ils semblaient écouter. Elle se concentra derechef. La remarque de Mulder l’avait complètement déstabilisée. Ils échangèrent tous les trois un regard. Mais un court regard, subitement troublé par une vision d’horreur qui sembla l’espace de deux secondes ravager en même temps les yeux de Mulder et William.

- Je vous en supplie, qu’est-ce que vous avez senti ? s’affola Scully.

Mulder posa un doigt sur les lèvres de Scully, lui faisant comprendre de ne pas faire de bruit et de se préparer.

Soudain, un bruit sourd, comme quelqu’un rôdant autour se faufila jusqu’à leurs oreilles. Puis le noir total.

- J’ai plus de batterie, je suis désolée, ne put s’empêcher de chuchoter Scully sous l’emprise de la peur.

Mulder était concentré plus que jamais. William se mit à respirer comme s’il suffoquait, manquant d’air.

La lumière s’alluma brusquement. On se crut comme propulsé, dehors, en plein jour. Les yeux clairs de Scully et William souffrirent quelques instants.

- Vous m’avez manqué ! railla une voix placée juste derrière eux. (Mulder, William et Scully se retournèrent) Vous en avez mis du temps pour venir. Les vibrations de ce lieu ont toujours été très intenses depuis la dernière décennie et, au sommet de leur forme depuis exactement… « maintenant » !
- Kardie… tenta Scully.
- Oh non, pitié, appelez-moi Natasha ! leur dit-elle de sa voix la plus sifflante et mauvaise. On m’a donné ce nom quand je les ai rejoints, mais j’ai toujours préféré celui que mes parents m’avaient donné à ma naissance.
- C’est un super-soldat, murmura Mulder.
- J’avais deviné, merci ! répliqua Scully.
- Ya pas de magnétite par ici ! s’inquiéta William.

Mulder crut voir Kardie frissonner de peur à l’entente des paroles de William.

Les yeux verts électrique de Kardie se portèrent sur William :

- Je suis contente de te revoir William. Mais tu n’as pas l’air très en forme…
- Vous lui faites peur, menaça Scully, resserrant sa main autour de celle de son fils.

Elle pria pour que sa colère diminue au plus vite, se forçant de retrouver une sérénité absolue afin de la communiquer à son fils. William se sentit soudainement moins effrayé, la tranquillité qu’affichait sa mère au plus profond de son être l’envahit à son tour.

Kardie se pencha vers William :

- La dernière fois qu’on s’est vu toi et moi, tu n’étais pas non plus au meilleur de ta forme ! Je suis déçue ! Le Maître nous a tellement parlé de toi… je m’attendais à ce que tu sois extraordinaire ! Je ne vois donc plus de raison pour te garder en vie… menaça-t-elle, sifflante.

Scully recula d’un pas, entraînant avec elle William. Mulder réfléchissait.

- Scully ! dit Mulder. Tu te rappelles ce que la colère t’avais permis de lui faire à l’hôpital ?
- Hum oui… c’était très douloureux et vraiment pas gentil du tout, précisa méchamment Natasha.
- …et tu te rappelles la crique ? lorsque tu as senti vibrer la magnétite en toi ? continua Mulder. William ! Tu te trompes ! Il y a de la magnétite ici !

Natasha commençant à comprendre, fit un pas en arrière.

- Je suis navrée Natasha, avança Scully d’une voix calme, puis un peu plus dur,… car tu aurais sans doute fait un excellent chirurgien.

Natasha recula encore un peu plus, comprenant le sort qui l’attendait. Mais soudainement, elle s’immobilisa sur place, ne pouvant plus bouger, ayant comme le souffle coupé. Tout son corps se mit à trembler, sa peau devenant grise, métallique. Scully et William, dans un ultime effort, main dans la main fermèrent leurs yeux, concentrant à l’unisson leurs esprits, dirigeant toute leur énergie vers un seul et même but. Mulder les enveloppa tous les deux, dans ses bras, les protégeant de… la volée en éclat de Kardie. La torche flambante éclairant comme en plein jour fut la seule rescapée, s’écrasant au sol tel le bruit assourdissant du métal rebondissant sur le carrelage. L’énergie dégagée autour de Kardie souffla instantanément les flammes, les replongeant tous les trois dans le noir.

- Ça va ? vérifia Mulder, les libérant de son étreinte.
- Oui, répondit William.
- Je crois, rassura Scully.
- Vous l’avez faite littéralement « exploser » ! les félicita Mulder.
- Oui, enfin j’espère qu’il n’y en a pas cinquante comme elle, s’inquiéta Scully, car c’est un peu…
- Crevant ! coupa William essoufflé.
- J’espère aussi, dit Mulder.
- La magnétite coule dans le sang de William, puisqu’elle le protège, bien sûr ! C’était évident Mulder ! Et dans le mien aussi depuis que je m’en suis imprégnée à la crique…
- N’oubliez pas que vous êtes capables tous les deux de vous communiquer votre énergie émotionnelle et d’influer sur l’esprit de l’autre, leur rappela Mulder, comme un dernier conseil avant le grand saut.

Tous les trois se regardèrent dans les yeux.

- On doit aller au bout de ce tunnel… leur dit Mulder.

Cinq minutes plus tard

Ils se retrouvèrent à l’air libre. Il faisait chaud et humide, malgré un ciel dégagé et clair. Mais… l’espace autour d’eux était vide.

- On n’est pas au Paradis, commenta prudemment Mulder.

Scully plongea ses yeux dans le ciel. L’étoile qui avait bien failli la séparer, elle et William de Mulder brillait de toutes ses forces, placée juste au dessus d’eux. Ils se trouvaient tous les trois comme parfaitement alignés avec l’astre céleste. D’un seul coup, l’étoile se fit encore plus intense. Mulder saisit la main libre de William, comme pour retenir ce dernier au sol, de peur qu’il s’envole, un vent du diable s’étant soudainement déchaîné. Leurs cheveux à tous les trois se déchaînèrent également sous la force du vent, ainsi que l’herbe, les arbres formant l’espace tout autour.

- Reculez ! ordonna Mulder. Il faut sortir du champ nécessaire pour leur espace d’invisibilité, au-risque d’être attiré. Loin de moi l’envie d’un deuxième voyage dans l’espace !

La lumière de l’étoile se fit de plus en plus intense, se rapprochant d’eux, les aveuglant.

- Scully ! T’as pris ton appareil photo cette fois j’espère ! Ne me refais pas le coup de l’Antarctique… lui dit Mulder, fasciné par ce qu’il se passait sous ses yeux.

Scully comme hypnotisée, ne quittait pas des yeux non plus ce qu’il se passait. Elle ne semblait pas avoir entendu la remarque de Mulder tellement elle semblait absorbée par ce qu’elle observait. L’étoile lumineuse, transformée en quelques secondes, sous leurs yeux, en objet volant, se posa doucement. L’atterrissage délicat du vaisseau contrastant par rapport aux rafales qui se soulevaient. Des cristaux scintillaient d’une fine lumière bleutée, enveloppant le vaisseau, puis tout disparut. La lumière aveuglante s’estompa aussitôt. Le vent tomba. Le clair de lune envoyait assez de clarté pour distinguer l’étendue environnante. Et… les uns après les autres, ils firent leur apparition, les encerclant. Des grands, des petits et tous… gris… Un dernier apparut. Tous se tournèrent vers lui. Il était beaucoup plus grand que les autres et… humain… du-moins, il revêtait une apparence humaine. Sa carrure était imposante, tant par sa grandeur que par ses traits froids et durs. Il frappa dans ses mains. Immédiatement, toutes les formes grises enfilèrent forme humaine. Un véritable morphing. Des hommes, mais aussi des femmes et des enfants encerclaient désormais Mulder, William et Scully.

- Ecartez-vous ! ordonna dans un grondement bestial l’homme sorti le dernier du vaisseau.

Ils lui obéirent instantanément, laissant à Mulder, Scully et William un peu plus d’espace. Ils ne se trouvaient plus encerclés, mais au centre de deux rangées, une sur leur droite, l’autre sur leur gauche. Tous les yeux étaient braqués sur eux.

Une lueur suinta près de l’homme situé à quelques mètres devant Mulder, William et Scully. Le poignard. L’homme planta enfin son regard devant lui :

- Que le spectacle commence ! gronda l’homme, lentement et savoureusement.

Mulder passa William et Scully derrière lui, se retrouvant au centre, plaçant ses bras sur eux, comme pour les protéger.

L’homme agita le poignard qu’il tenait dans ses deux mains, le regardant comme l’objet le plus précieux qu’on lui ait donné à contempler. William sentit son cœur s’emballer, le sang lui montait à la tête. Scully était de nouveau sur le point d’enlacer sa main, mais arrêta son geste quand elle le vit parvenir à retrouver son calme. William croisa le regard de sa mère. Il ne devait pas l’abandonner.

- Scully! William ! Enchanté d’enfin faire votre connaissance ! Mulder ! Ravi de vous revoir. Comme d’autres de son espèce, Kardie m’a beaucoup parlé de vous trois.

Il regarda aux alentours, cherchant du regard, un peu partout, et feignant le regret, dit :

- Malheureusement, je constate qu’elle n’est plus parmi nous… c’est bien dommage. Elle nous aura été d’un grand service pour vous retrouver… je l’avais pourtant prévenue de ne pas vous mettre en colère… tant pis ! C’était la dernière de son rang, j’ai fait brûler tous les autres, certains ayant acquis un goût un peu trop prononcé pour s’emparer du pouvoir.

Il porta ses yeux sur le poignard, et tout en l’observant dit :

- Tout ceci est si fascinant… tant d’émotions régissent votre peuple, le sol, les airs… cette planète toute entière vibre… Ce soir, cet objet est plus que sensible et enivrant… Il releva sa tête… et je sais que vous y êtes pour quelque chose. Votre présence déchaîne l’énergie emmagasinée à l’intérieur… comme s’il vous avez reconnu. C’est fascinant... Sans votre Graal entre mes mains, vous n’auriez jamais su comment nous trouver. Je vous attends depuis des siècles ! Il sourit. Mulder ? William ? Scully ? (Une pause) Que diriez-vous de nous rejoindre ? De combattre à nos côtés ? Votre force m’est précieuse.

Mulder, William et Scully échangèrent un regard. C’était le moment. Scully se concentra.

- Bien sûr ! Prenez votre temps pour vous décider, mais pas plus de cinq minutes ! J’ai une colonisation à terminer… évidemment sans vous à mes côtés, ce sera plus… délicat et sanglant !

Il sourit encore, les bravant avec insolence.

- J’y arrive pas, chuchota Scully à Mulder. La dernière fois il gisait au sol, rappelle-toi !
- William, aide ta mère ! dit tout bas Mulder.

William reprit la main de Scully. Ils essayèrent tous les deux, leur concentration et esprit vibrant au même rythme, mais rien n’y fit.

- Le temps de la réflexion est presque terminé ! prévint l’homme à la voix rauque.

Mulder repassait en boucle les images dans sa tête :

Kardie, Vola, Ybarra, la course effrénée dans l’hôpital, Ybarra ordonnant de fuir, le poignard au sol, Scully se retournant, faisant tournoyer l’arme tranchante dans les airs, Scully assise dans le salon, la lame s’illuminant près d’elle… révélant les caractères gravés… « Votre présence déchaîne l’énergie… comme s’il vous avez reconnu …

- Scully ! Cet homme détient ce poignard depuis si longtemps qu’il sait justement comment faire pour le garder prisonnier entre ses mains… expliqua rapidement Mulder.
- Chers amis ! C’est terminé ! Il me faut une réponse ! Oui ou Non !
- …mais pas si tu l’appelles ! termina d’expliquer Mulder à Scully, ne cessant de scruter partout autour de lui, la situation étant sur le point de devenir incertaine.
- D’accord… murmura Scully, un peu perdue, la peur commençant à lui crisper les organes, n’osant croiser le regard de l’homme à l’allure menaçante, ses cheveux longs et foncés occultant une partie de son visage.
- Il me faut une réponse, maintenant ! tonna la voix.
- Scully ! s’impatienta Mulder, la terreur l’envahissant à son tour.
- Pas de réponse !… j’en conclue…

William resserra la main de sa mère. Des larmes de panique envahirent le visage de Scully. Elle ferma ses yeux, souffla nerveusement. William resserra encore sa main tant et si bien qu’il crut qu’il allait broyer la main de sa mère jusqu’au sang.

- La foi coule dans ton sang Scully ! encouragea fermement Mulder dans le but de la débloquer.
- … que c’est NON ! laissa tomber la voix sinistre, donnant un caractère des plus macabres à l’air ambiant.
- Mais si jamais ça marche pas ! gémit Scully, terrassée par le doute et les larmes.
- Scully ! Tout n’est qu’une question de croyance ! Depuis le début ! Tout réside dans la foi ! Il faut croire pour accéder à la vérité !
- Très bien ! Qu’on m’amène le fils !

Cinq personnes sur la droite, cinq autres sur la gauche arrachèrent William de la main de Scully. William se débattit, criant « Mulder ! », comme si ce nom était la dernière chose sur laquelle il pouvait s’accrocher pour leur résister.

Elle ouvrit ses yeux, brutalement, comme fuyant un cauchemar.

- « Le Lien brisé demeure », souffla-t-elle, regardant droit devant.

Mulder se tourna vers son fils. Les gravures de la lame se révélèrent, s’illuminant, dégageant autour d’elles, un halo doré.

- William ! hurla Mulder. Lâchez-le !

Il le savait, s’époumoner ne servait à rien, mais lui aussi s’accrochait au prénom de son fils. Peu importe combien William ou Scully en mettraient à terre grâce à leur force mentale, il en viendrait toujours d’autres pour remplacer les déchus et ainsi de suite…

Leur chef se déstabilisa, intrigué par la luminescence vibrant dans le creux de ses mains, et fut apeuré lorsque le poignard s’en échappa, traversant les airs aussi vite qu’une flèche, se réfugiant dans la main droite de Scully.

- C’est presque fini, se murmura-t-elle, à elle-même, comme pour se rassurer et se donner le courage de continuer.

Elle était désormais toute seule au centre de la scène. La dizaine de personne qui tentait d’immobiliser William, se retrouva soudainement projetée à son tour dans les airs, aussi vite que la vitesse à laquelle le poignard avait atterri dans les mains de Scully.

- J’ai réussi ! s’exclama William, étonné et surpris mais aussi très satisfait de lui-même. J’ai réussi ! répéta-t-il encore.
- Stop ! ordonna le chef.

Aussitôt, une dizaine d’autres personnes se dirigèrent vers William. Hommes, femmes, enfants.

- J’ai dit « STOP »! gronda l’homme de toutes ses forces, faisant presque trembler le sol.

Ils s’immobilisèrent dans leur effort de traîner William jusqu’au chef, laissant à William assez d’espace pour respirer à son aise. Mulder le rejoignit enfin sur l’extrême droite. Scully était restée au centre.

- William! William, William… calme-toi. Tu viens de me faire une belle démonstration de ce dont tu es capable, mais sois gentil, à l’avenir, garde ton énergie pour la bataille finale ! Fais voltiger nos ennemis, plutôt que mon peuple ! conseilla le chef d’une voix un peu plus posée que précédemment, mais tout en ne cessant d’afficher son sourire le plus perfide. A la place…

Il lança un regard à Mulder qui avait les mains posées sur les épaules de son fils, se tenant ainsi derrière lui, puis il posa ses yeux noirs sur Scully.

Toujours au centre de la scène, Scully semblait avoir retrouvé sa sérénité, contrôlant de nouveau ses émotions. Elle fixait de son regard le plus glacial, l’homme, placé devant, à quelques mètres d’elle, attendant la parole de trop qui lui donnerait la force nécessaire pour aller jusqu’au bout.

- …tente de résonner et de convaincre tes parents de se joindre à moi, sinon ! … Ils « mourront » sous tes yeux, et… que tu le veuilles ou non, tu viens avec nous !
- Jamais ! défia Scully, soudainement emprise d’un violent sentiment de colère inhibant la douleur à venir, relevant la manche de sa veste, appuyant la lame sur sa peau, l’y enfonçant fermement du poignet jusqu’au coude.

Le sang glissa sur sa peau… des gouttes tombèrent rapidement sur le sol…

- Qu’est-ce que cela signifie ? s’écria l’homme, ne comprenant pas le geste de cette femme devant lui et… encore moins le comportement des centaines de personnes placées de part et d’autres de Scully.

Scully, regardant tout autour d’elle de ses yeux bleus fragiles, fut elle aussi, ébranlée par ce qu’il se produisait. Elle avait mentalement répété ce geste plusieurs fois depuis qu’ils avaient décrypté le véritable sens de la prophétie et du Graal… mais elle n’avait jamais voulu penser, imaginer ce qu’engendrerait son geste… ce qu’engendrerait le sang… son sang versé… Elle s’était juste contentée comme Mulder lui avait demandé, de croire… d’avoir confiance … en La Vie… car la foi, sa foi était peut-être le secret de leur délivrance… permettant de repousser le mal. Et… tous les deux, avaient, en cet instant même, chacun leurs preuves… de l’existence d’un ailleurs.

Après plusieurs minutes de silence, il reprit :

- Amenez-moi l’enfant ! Emparez-vous d’eux ! rugit-t-il.

Les femmes, les enfants, les hommes, tous, un par un, continuaient de s’agenouiller, de se prosterner autour de Scully.

Le sol, à l’endroit même où se tenait Scully, rougissait … de plus en plus.

- Cela signifie que Le Lien brisé demeure… (le poignard s’illumina de nouveau), … que même séparés, ceux qui partagent les liens du sang demeurent toujours ensembles, … …

Scully commença à s’essouffler, l’hémorragie prenant une certaine ampleur… mais c’était encore trop tôt… Mulder, Scully et William le savaient… il fallait attendre que tous soient agenouillés. Le sang devait continuer de couler. Elle respira difficilement, ferma ses yeux et reprit à bout de souffle :

- … Que par son ultime sacrifice Elle les délivrera… que la foi mêlée au sacrifice apporte la délivrance, que rien n’est plus fort que Les Liens du Sang… et que si vous aviez appris à déchiffrer la langue des Dieux… vous n’en seriez pas là aujourd’hui … (Elle grimaça de douleur) … car vous auriez compris que … … … les Dieux ne meurent jamais.

L’ultime rangée s’agenouilla enfin. Le chef était perdu.

Scully s’effondra, perdant connaissance.

- William ! supplia Mulder.

Il ne se fit pas prier. De toutes ses forces, aussi vite qu’il put, il accourut vers sa mère. S’il avait le don de contrôler son esprit, ses émotions, les objets, le feu… les éléments… il pouvait aussi contrôler le fluide coulant dans les veines.

Le chef s’avança. Les centaines de tête se tournèrent vers lui, surveillant son avancée menaçante dans l’allée centrale.

William s’agenouilla près d’elle, plaçant ses deux mains au-dessus de l’avant-bras ensanglanté de sa mère, et ferma ses yeux.

Mulder, tout en rejoignant William près de Scully, les observa tous se diriger vers leur maître.

L’hémorragie s’était arrêtée dès qu’il avait fermé ses yeux, forçant le sang à reprendre son circuit habituel, au lieu de vouloir à tout prix plonger par-dessus bord.

William resta ainsi près d’une minute.

- Très bien ! Je me chargerai donc moi-même de vous tuer les uns après les autres…

Il sortit une arme métallique qui siffla, lorsqu’une longue et fine lame argentée sortit du tronc métallique de l’objet.

- …jusqu’à ce que vous vous décidiez de les embarquer à bord !

L’homme, au visage qui ne semblait pas si inconnu à Mulder, reconnaissant en ses traits grossiers et exagérés, l’extraterrestre qui l’avait enlevé en compagnie de Billy et Theresa, s’arrêta subitement, immobilisé par l’avancée vers lui, telle une mutinerie de tout son peuple.

Mulder ne quittait pas la scène des yeux, tout en déchirant un pan de son t-shirt.

William s’occupait toujours de sa mère.

Ils lui arrachèrent l’arme argentée des mains. Leur chef se débattit, les réprimandant, leur ordonnant de retourner à leur place… Ils se jetèrent sur lui, le faisant disparaître sous eux, l’entraînant de force vers l’endroit même d’où tous avaient surgi…

Mulder reporta son attention sur Scully et William. Elle était toujours inconsciente.

- Elle a besoin de ton énergie William, lui dit Mulder. Insuffle-la en elle.

William n’eut pas besoin de se concentrer autant qu’il l’avait fait pour repousser dix hommes d’un seul coup et contrôler le sang de sa mère, pour comprendre ce dont elle avait besoin… quelle émotion lui était vitale pour qu’elle se réveille…

… William insuffla en elle… tout l’amour qui lie un fils à sa mère…

Un hurlement de douleur déchira les airs. Mulder tourna sa tête en provenance du son. L’envahisseur n’était plus. Tout comme ils étaient apparus, les uns après les autres, reprenant leur forme originelle, ils s’enfoncèrent, disparaissant à travers le champ d’invisibilité.

Il sentit son bras bouger, réflexe nerveux. William rouvrit ses yeux.

Comme tout à l’heure, les airs, en proie à une force invisible, s’affolèrent. Le vaisseau décollait, enveloppant comme à son arrivée l’espace de son aura bleutée.

William s’empara du morceau de tissu que Mulder avait déchiré. Il l’enroula, le serrant autour du bras balafré de sa mère. Mulder passa sa main sur le front de Scully, dégageant son front de quelques mèches rousses déchaînées par le vent. Elle ouvrit doucement ses yeux, la lumière éblouissante juste au-dessus d’elle rendant la tâche douloureuse.

- Tu nous as tous sauvés… lui murmura Mulder, lui caressant dans une extrême douceur le front désormais dégagé de toutes mèches rebelles.

Scully ne disait rien. Mulder la souleva délicatement du sol, la portant dans ses bras. Scully, dans un ultime effort, aidé de Mulder, passa son bras droit autour du cou de l’homme qui n’avait jamais douté de leur survie. Les rafales soufflaient toujours autant sur eux, la lumière aveuglante les éblouit une dernière fois.

William ramassa le poignard, marqué par le sang.

De fines gouttes de pluie commencèrent à s’abattre.

Tous les trois contemplaient l’astre lumineux revenu dans le ciel… le vent s’adoucissait progressivement… l’étoile scintilla… puis se fondit dans l’immensité céleste. L’étoile avait disparu… complètement.

Mulder dit :

- Ils sont partis… c’est fini… pour toujours.

Trente minutes plus tard

Ybarra les vit débarquer dans le hall, tous les trois trempés jusqu’aux os par la pluie torrentielle qui s’était soudainement abattue et qui continuait de faire rage au dehors, le tonnerre s’étant décidé de l’accompagner. Mulder la tenait toujours dans ses bras, inconsciente. Le trajet en voiture, pourtant exécuté aussi vite qu’il avait pu, n’avait pas aidé.

Ybarra se signa et héla deux sœurs près de lui, leur donnant l’ordre de libérer sur le champ une place aux urgences. Mulder aperçut à son tour Ybarra. Une jeune femme, blonde, en blouse blanche, que Mulder reconnut, s’agissant du médecin avec lequel Scully partageait son bureau, traversant le hall, s’arrêta, alarmée, reconnaissant sa confrère qu’elle croyait en vacances, loin de cet hôpital, dans un état critique. Ybarra et la jeune femme se ruèrent vers eux.

- Elle a perdu beaucoup de sang, l’hémorragie s’est arrêtée mais elle est très faible, leur débita Mulder, sans même prendre le temps de respirer.
- Quel est son groupe sanguin ? leur demanda la jeune femme pendant qu’Ybarra les dirigeait vers la salle des urgences.
- On est du même groupe, répondit William, tandis que Mulder allongeait le plus délicatement possible Scully sur un lit.
- Qui es-tu ? demanda-t-elle intriguée, car s’ils étaient du même groupe, cela signifiait…
- C’est ma mère ! répondit aussitôt William, et lui c’est mon père, désignant Mulder.

Tout le monde, ici, à l’hôpital, avait toujours été persuadé que le Docteur Dana Scully vivait seule, et… qu’elle n’avait jamais eu d’enfant.

- Oui, confirma Ybarra.

Tout le monde, enfin… plutôt tout le monde sauf Ybarra.

- Alors tu vas venir avec moi, on va commencer le prélèvement, dit-elle, tout en commençant à défaire le tissu qui servait de bandage de fortune, écarquillant les yeux, constatant l’ampleur des dégâts. La longue coupure, s’étalant en diagonale du poignet jusqu’au coude, suivant soigneusement le chemin de l’artère. Et bien… reprit-elle, on ne peut pas dire qu’elle se soit ratée… Que l’hémorragie se soit arrêtée d’elle-même est incroyable, mais qu’elle soit encore en vie relève du Miracle… ! Elle est très affaiblie, la tension est basse, mais le rythme cardiaque s’est stabilisé, ses fonctions vitales ne sont plus en danger… (Elle releva la tête vers Mulder) … Qu’est-ce qui s’est passé ?
- C’était un accident… justifia Mulder.
- En rangeant précipitamment les ustensiles du barbecue restés dehors à cause de la pluie ! aida rapidement William.

Heureusement pour eux elle n’insista pas plus, trop occupée à désinfecter la plaie, et à y apposer un bandage plus adéquat. Elle fit de nouveau signe à William de le suivre, même si elle paraissait moyennement convaincue par cette explication que Mulder et William avaient donnée en essayant d’y enlever tout caractère improvisé.

William regarda sa mère. Ses boucles rousses rendues foncées et frisottantes à cause de la pluie, contrastaient fortement avec la blancheur de sa peau, rendue livide par la perte de sang… puis il suivit le médecin dans une autre salle pour y subir les prélèvements sanguins.

Mulder s’assit devant le lit sur une chaise, saisissant la main froide de Scully.

- Elle n’est pas de nature à se laisser abattre, le Docteur Scully est coriace.

Mulder releva la tête vers Ybarra.

- Je sais…

L’inquiétude transparaissait sur le visage de Mulder. Il remarqua l’affichage digital sur un moniteur positionné juste derrière le Père Ybarra : 02 :04 a.m. 12.22.12

Ce n’était pas neuf minutes qu’ils avaient perdues cette fois… Mulder resta quelques secondes à dévisager le moniteur, puis il regarda de nouveau Scully, oubliant complètement la présence d’Ybarra. Scully se réveilla au contact de la main chaude de Mulder sur sa main froide. Mulder se sentit soulager en la voyant doucement reprendre conscience. En ouvrant les yeux, ce n’est pas le regard de Mulder qu’elle croisa en premier… mais celui du Père Ybarra. Un des flashs de sa vision lui revint en mémoire… un flash réactivé par les yeux du Père Ybarra.

- … Vous… s’arracha-t-elle.
- Scully, chut, lui intima doucement Mulder, il faut que tu économises tes forces.
- Vous… continua-t-elle. C’était vous.

Mulder comprit. Ybarra était l’homme que Scully avait cherché des yeux partout dans la salle du cinéma.

- Cette volonté que les hommes de foi avaient de vous séparer était une erreur…

Mulder écoutait mais ne lâchait toujours pas des yeux Scully qui scrutait Ybarra.

- …le pouvoir des écrits dépend du sens qu’on leur donne… Le sacrifice n’était pas adressé à délivrer l’humanité, mais à délivrer le père et le fils… C’est le lien vous unissant tous les trois qui a apporté le salut…

Mulder releva enfin la tête vers Ybarra. Scully referma ses yeux. Mulder l’entendit murmurer, angoissée :

- Où est William ?
- Il va revenir, ne t’inquiète pas, lui répondit Mulder, reposant aussitôt ses yeux sur elle tout en déposant un baiser sur sa main.

De nouveau, elle sombra dans le sommeil, emportée par l’épuisement.

- Ma mission était de vous guider, reprit Ybarra. (Il regarda Scully) … cheveux roux comme le feu, les yeux comme l’océan, caractère dur comme la terre et maîtrisant les airs par l’esprit… j’ai reconnu en elle L’Elue.

Mulder, lui, l’avait toujours su… car elle était l’Elue de son cœur.

Au même moment – Washington D.C.

Seulement la lune éclairait la chambre. Monica Reyes était postée à la fenêtre, regardant la pluie d’orage taper contre la vitre. John Doggett s’approcha d’elle, l’enlaçant par la taille. Monica, heureuse de contempler la pluie que plus personne n’avait vue tomber depuis des mois, dit :

- Ils ont réussi.


Dernière édition par PtiteCoccie88 le Lun 20 Déc 2010 - 20:58, édité 1 fois
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Intuition Electrique Empty Re: Intuition Electrique

Message  PtiteCoccie88 Lun 20 Déc 2010 - 9:47

« La vie est semée de ces miracles que peuvent toujours espérer les personnes qui aiment […] D’ailleurs, pour tous les événements qui dans la vie et ses situations contrastées, se rapportent à l’amour, le mieux est de ne pas essayer de comprendre, puisque, dans ce qu’ils ont d’inexorable, comme d’inespéré, ils semblent régis par des lois plutôt magiques que rationnelles. »

Marcel Proust – A La Recherche du Temps Perdu – A L’Ombre des Jeunes Fille en Fleurs


A SONG FOR YOU

1ère Partie

23 décembre 2012 – 9h14

Elle l’observait rassembler toutes ses affaires… avec une lenteur effroyable. Elle quitta enfin l’encadrement de la porte et pénétra dans la chambre. William pliait soigneusement ses vêtements. Il releva la tête vers elle. Un mois et demi… il était pratiquement resté un mois et demi à leurs côtés. Un moteur gronda depuis l’extérieur. Un bruit de pas précipité descendit les escaliers. Scully l’aida à fermer sa valise.

Mulder s’était jeté dans l’entrée, dégringolant les escaliers dès qu’il avait entendu leur arrivée. William et Scully l’entendirent ouvrir la porte. Tous les deux se résolurent donc à quitter eux aussi cette chambre et à descendre les escaliers. Ils n’avaient plus le choix. Une promesse est une promesse… elle leur avait dit pour Noël… qu’il leur serait rendu pour Noël. En partant, il contribuait à réinstaller le vide dans cette maison, dans les pièces, dans cette chambre située jute à côté de la leur… cette maison pour eux deux était trois fois trop grande… mais elle était à leur image… vide…

William et Scully firent leur apparition sur le pas de la porte. Mulder avait déjà descendu les escaliers du perron. Ils sortirent en même temps de la voiture. William et Scully descendaient les marches… lentement. William tenait sa valise dans sa main droite, l’autre étant déjà occupée par celle de Scully. Monsieur et madame Van de Kamp s’avancèrent vers Mulder. Ils lui serrèrent la main. Elizabeth observait Scully et William se diriger progressivement vers eux mais… ils s’arrêtèrent… en bas des marches.

Scully s’agenouilla devant son fils. William la vit détacher sa chaîne en or.

- Je n’en ai plus besoin, lui dit-elle.

William la laissa faire. Il toucha la croix qui ornait maintenant son cou. Il dit :

- Tu vas me manquer.

Elle se demanda si elle avait bien entendu. Le barrage retenant ses larmes céda. Elle le prit dans ses bras. William répondit à son appel, la serrant de toutes ses forces.

- On savait que ça devait arriver, réussit-elle à lui murmurer.

Le feu ne cessait de s’accroître au plus profond de la gorge de Scully, un feu alimenté par ses larmes qui ne cessaient de ruisseler en silence sur son visage. Tout en continuant de le serrer, elle lui murmura encore :

- Ta vie est près d’eux William… ils ont une vie normale « eux »… tu comprends…

Elle desserra leur étreinte pour le regarder. Elle lui déplaça quelques mèches claires cachant son front.

William acquiesça.

- Qui sait… toi et Mulder allaient peut-être demain décider encore sur un coup de tête de partir loin d’ici…
- Oui ! répondit Scully, nerveusement et… souriante… Voilà, tu as tout compris. Elle lui sourit encore… entre deux larmes … Et à ton âge, c’est très important d’avoir des repères… stables. Et… ils t’aiment… plus que tout au monde.

William passa sa main sur la joue de sa mère… effaçant ses larmes. Puis précipitamment, il l’enleva pour effacer ses propres larmes. Mais William, lui aussi, aimait Mulder et Scully… plus que tout au monde.

- Pas de cigarette !

Elle sourit encore.

- Non, pas de cigarette, je te le promets ! Et je veillerai aussi à ne pas trop forcer sur le café, répondit-elle.
- Et pas d’insomnies non plus !

Scully grimaça :

- Ça c’est plus difficile.

Elle le vit contempler ses cheveux, ses longues boucles rousses. Il lui demanda :

- Est-ce que…

Scully réalisa ce qu’il voulait. Elle s’empressa de défaire le satin noir reliant ses boucles en demi-queue.

- Oui, bien sûr … coupa-t-elle.

William ne put s’empêcher de détailler attentivement l’avant-bras de sa mère pendant qu’elle enroulait délicatement le ruban noir autour de son poignet. Elle remarqua son regard.

- Je n’ai pas mal, cela tire un peu, mais crois-moi j’ai connu bien pire comme douleur, rassura-t-elle.

De toute façon…rien ne pouvait arriver à la hauteur de l’émotion que l’on ressent lorsqu’on nous arrache notre enfant.

Scully aperçut, par-dessus l’épaule de William, les Van de Kamp venir vers eux. Elle s’empressa de tirer sur les manches de son gilet, de manière à recouvrir ses bras jusqu’aux poignets.

- C’est l’heure William, dit Scully, se redressant aussitôt.

Mulder s’avançait aussi avec eux.

- Il n’y aura plus de cauchemars ?
- Non, plus de cauchemars, répondit Mulder. Tout ceci est terminé… bien terminé.
- Et donc plus de maux de tête ? demanda encore Monsieur Van de Kamp.
- Non, plus rien. William va très bien ! les rassura de nouveau Mulder.

Elizabeth dévisagea Scully et … William qui se tenait si près d’elle, comme s’il ne voulait pas la quitter.

- Les nuits de William seront bien différentes maintenant, accentua Mulder.

Madame Van de Kamp le croyait. Il n’y avait pas de doutes à avoir. Il suffisait juste de regarder William près de Dana pour comprendre que tout serait à présent différent… un lien sacré semblait unir ces deux-là. Tout reposait entre les mains de William… dans son cœur. Personne ne pouvait prendre la décision à sa place… personne. Si un jour il décidait de partir, elle le laisserait faire… car elle ne voulait que son bonheur. Mais… elle n’était pas encore prête pour cela… pas maintenant.

William et Mulder s’observaient pendant que monsieur Van de Kamp s’emparait de la valise de son fils. Elizabeth adressa un nouveau regard à Scully. Cette dernière la fuit, baissant les yeux. La valise disparut dans le coffre de la voiture. Elle lui avait dit que c’était l’heure, il devait donc y aller. Il décrocha ses yeux de Mulder pour chercher ceux de Scully… mais… il ne les trouva pas. Elizabeth saisit sa main. C’était l’heure. Lui et sa mère n’étaient même pas encore montés dans la voiture… qu’elle avait déjà disparu à l’intérieur de la maison. Mulder, lui, avait trouvé la force de rester dehors … de le regarder partir.

10h00

- Je… vais faire un tour à l’hôpital.
- Ybarra a dit qu’il ne voulait pas te revoir avant un mois, Scully !
- Oui, je sais mais je voudrai ranger quelques dossiers laissés en plan sur mon bureau depuis…
- Je préférerai plutôt que tu ranges ton bureau dans la chambre…

Mulder se leva du canapé sur lequel il s’était assis depuis qu’il avait vu disparaitre la voiture. Scully, elle, s’était réfugiée à l’étage. Il s’approcha de la rampe de l’escalier. Il lui restait encore une dernière marche à descendre. Ses clefs de voiture étaient déjà dans ses mains. Elle avait baissé la tête. Un geste qu’elle faisait beaucoup trop souvent ces derniers temps. Elle fuyait. Il lui releva.

- Je sais que tu n’as jamais trouvé d’autres solutions que le travail pour te noyer et oublier mais … ce n’est pas cela qui le ramènera…

Tout ce qu’elle put lui répondre… fut un sanglot… puis un autre… et encore un autre…

- Viens par là…

Il l’attira contre lui, la forçant à descendre cette dernière marche. Elle lâchait tout. Ce n’était plus des larmes de silence comme tout à l’heure face à William mais… un déferlement incontrôlé et chaotique venant du plus profond de ses entrailles. Un déchirement. Mulder la serrait… aussi fort qu’il le pouvait. Il tenta aussi de résister, de ne pas se laisser envahir, car s’ils lâchaient tous les deux en même temps… cela risquait d’être encore pire. Il n’y aurait tout simplement plus personne pour les aider à se relever. Il devait rester debout… pour elle.

Les soubresauts de douleurs s’espaçaient… sa respiration saccadée reprenait un rythme moins violent. Il s’écarta d’elle, saisissant doucement son visage entre ses mains. Elle vit à quel point ses yeux avaient viré au rouge… Il s’en était fallu de peu pour qu’il craque lui aussi.

- William n’est pas perdu tu m’entends !

Elle fuit une nouvelle fois, levant ses yeux au ciel, les égarant dans le vide.

- Je … je sais pas Mulder…
- Une vie normale, c’est ce qu’on a toujours voulu lui offrir. Et… on n’est pas encore prêt pour ça… mais crois-moi, ce jour viendra.

Elle hocha la tête… comme un robot… retrouvant les yeux de Mulder.

- Et… comment on fait Mulder…
- Comment on fait quoi ?
- Comment on fait pour avoir une vie normale ?

Mulder prit en plein visage sa question… comme un fouet. Il se sentait démuni… comme quand votre enfant vous demande de lui expliquer ce qu’est la mort. Deux choix s’offrent alors à vous : mentir ou bien dire la vérité. Il avait toujours lutté pour la vérité. Alors il répondit :

- Je sais pas.

***

Trois jours plus tard – 26 décembre 2012

Il était assis sur le rebord de son lit. Il regardait par la fenêtre. Il repensait à la journée d’hier. A Noël. Il se demandait si elle avait souri… si Mulder lui avait offert un cadeau… ou bien si elle avait passé la journée, allongée sur le lit, les yeux rivés au plafond… William penchait plus pour cette dernière hypothèse. La porte de la chambre grinça. William ne se retourna pas. Il ne quittait pas des yeux la fenêtre.

- William… on t’attend pour manger en bas. On t’a appelé plusieurs fois.
- Je n’ai pas entendu.
- Mais il faut que tu manges William.
- Ne t’inquiète pas, dis à maman que j’arrive.

Son père obéit et referma doucement la porte derrière lui.

- Alors ?
- Il arrive Beth. Mais… je crois que tu devrais de nouveau réfléchir à ce que je t’ai proposé.

Elizabeth Van de Kamp regarda son mari.

- J’ai déjà réfléchi et c’est « non » Richard !
- Beth… ne sois pas aussi catégorique ! Il ne mange presque plus rien depuis son retour…
- Mais hier je l’ai trouvé très heureux et il a mangé !
- C’est parce que c’était le jour de Noël et qu’il ne voulait en rien gâcher cette fête. Tu le connais. Jamais, il n’oserait anéantir un moment pareil. Il a toujours aimé Noël, les anniversaires, tout ce qui respire le bonheur, tout comme il nous aime aussi. Tu n’as pas à avoir de doute concernant ceci. William nous aime.

Elizabeth, tout en écoutant son mari, finissait d’essuyer un dernier verre qu’elle rangea dans un placard. Ils avaient en réalité déjà fini de manger. Cela faisait plus d’une heure qu’il aurait dû descendre. Il n’avait pas répondu à leurs appels. Elle se retourna, observant son mari, puis… derrière lui :

- Je crois que c’est plutôt à William qu’il faut poser la question.

Richard se retourna.

- William… moi et ta mère voudrions te proposer quelque chose.


***


Caroline du Nord - 22h02

Son rire envahit toute la pièce.

- Tu crois vraiment qu’il s’en est douté à partir de ce jour là ?
- Je ne suis pas sûr qu’il se soit douté pour « toi et moi » à partir de ce jour là mais … je suis certain qu’il a compris que je n’étais pas tout seul…

Mulder lui sourit. Il n’en revenait pas d’avoir entendu résonner son rire. En cet instant précis… elle avait l’air heureuse… Son regard pétillait… comme au début de l’été. Ils étaient allongés sur le lit et n’avaient pas quitté leurs vêtements.

- Mais… je suis médecin je te rappelle… on aurait pu tout simplement dire à Skinner que… j’étais juste venue voir si ton bras allait mieux. D’ailleurs, c’est ce que j’étais venue faire…

Elle sentit le rouge monter en elle.

- Oui, mais… Skinner n’aurait absolument pas compris pourquoi tu ne serais pas partie avec lui, quand, lui, il serait reparti…
- Même si j’étais partie… j’avais garé ma voiture au sous-sol, la sienne était à l’extérieure… j’aurai très bien pu remonter après…

Il la dévisagea.

- Toi ! Remonter ! Non, tu l’aurais pas fait…

Elle réfléchit un instant.

- Oui… c’est vrai, tu as raison… donc… voilà pourquoi tu as préféré me cacher dans ta chambre…
- Mais… tu avais le choix… après que lui soit reparti… tu aurais très bien pu repartir à ton tour…
- … … mais je l’ai pas fait.

Elle lui sourit.

Il la contemplait.

Son sourire s’effaça bien trop vite pour lui.

- Skinner a été la première personne à qui j’ai dit que j’étais enceinte et… à en juger par l’expression qui s’est emparée de son visage… je crois qu’il ne se doutait absolument de rien jusqu’au moment où j’ai laissé tombé la nouvelle…

Il glissa sa main dans ses boucles.

- Tu l’avais dit à qui d’autre ?
- A ma mère… et c’est tout. Je lui ai dit seulement au bout de deux mois… mon dieu quand j’y repense… je sais pas comment j’ai fait pour garder la nouvelle aussi longtemps !
- Et elle a dit quoi ?
- Elle s’est mise à pleurer… je pensais qu’elle allait être en colère, justement parce que je ne lui avais pas annoncé plus tôt mais… qu’est-ce qu’elle était heureuse ! Je n’ai même pas eu besoin de lui dire qui était le père… …

Un silence passa.

- Et les autres ?
- Qui les autres ?
- Doggett…

Scully s’assombrit.

- … … … je ne lui ai jamais rien dit… … il l’a lu sur mon visage… C’était un matin… je venais d’arriver. Je ne me rappelle même plus si j’avais eu le temps d’enlever mon manteau… enfin, je sais même plus si j’en avais un. Il avait fouillé dans tous les dossiers, et puis c’était au moment où il y avait eu cet homme qui avait cherché à m’approcher… racontant pour cela une « fausse » histoire ressemblant étrangement à la mienne… Et là Doggett me dit, sur ses grands chevaux, comme d’habitude : « C’est votre histoire agent Scully !… » J’entends encore sa voix. « Votre enlèvement ! Votre cancer ! Votre rémission ! » … Et voyant que je ne réagissais toujours pas, il a enchaîné avec : « bien sûr excepté pour la grossesse ! » … … ce fut juste horrible… J’ai pas réussi à soutenir davantage son regard. Et… il a réalisé.

Mulder avait quitté ses boucles rousses pour caresser son bras. Elle avait enlevé son bandage. Une chose était sûre… elle allait avoir une belle cicatrice.

- Et à toi… je n’ai pas eu besoin de te le dire. Mais j’ai cru mourir quand tu m’as dit que tu avais besoin de temps…

Il ne répondit pas. Trop troublé par ses derniers mots. A la place, il la rapprocha contre lui.

***

22h54

Ils étaient sur le point de s’endormir, quand le portable de Scully vibra du côté de Mulder. Sans même ouvrir un œil, il saisit le portable.

- Oui, allô… prononça-t-il d’une voix à moitié endormie.

Elle bougea, ouvrit ses yeux à son tour et… constata qu’elle n’avait pas enlevé ses vêtements. Elle entendait Mulder au téléphone. Il s’était retiré dans le couloir. Elle ne discernait pas grand-chose. Elle n’avait pas non plus réalisé que Mulder était occupé avec « son » portable et que cet appel pouvait donc la concerner. Elle enleva ses vêtements et se glissa sous les couvertures.

Dix minutes plus tard

Il revint dans la chambre. Elle dormait toujours mais, elle avait dû se réveiller pour se rendormir aussitôt, car elle avait entre-temps enlevé tous ses vêtements et avait disparu sous les draps. Fallait-il attendre demain ? Ne pas la réveiller ? Qu’est-ce qu’elle aurait fait si c’était elle qui avait décroché et lui qui était occupé à dormir ? … Elle l’aurait réveillé.

- Chérie… réveille-toi…

Il la caressa de manière à la réveiller en douceur tout en continuant à lui murmurer dans le creux de l’oreille :

- Ma Chérie… j’ai quelque chose à te dire…

Elle finit enfin par réagir.

- Hum…
- J’ai quelque chose à te dire…
- Laisse-moi dormir… ça peut pas attendre demain ? …

Il n’insista pas plus. Il enleva à son tour ses vêtements et se faufila sous les couvertures bien chaudes.

- Tant pis ! Je pensais que tu aurais été heureuse de savoir que William passera le nouvel an avec nous.

Elle ouvrit ses yeux aussitôt.

- Quoi ?

En un éclair elle se retourna vers lui.

- C’était Elizabeth Van de Kamp. Ils acceptent de nous laisser William jusqu’à la fin de ses vacances scolaires.
- Qu’est-ce… … comment… …
- Ils ne veulent que son bien.

Scully ne réalisait pas trop. Etait-elle en train de rêver ? … Le souffle de Mulder contre son visage lui fit comprendre qu’elle était très bien réveillée. Elle se rapprocha le plus près possible de lui et… l’embrassa… puis elle posa son front contre le sien et dit :

- J’arrive pas à y croire…
- Je t’assure pourtant que c’est vrai…

***

Le lendemain matin - 27 décembre 2012 – 06h14

Elle sentit qu’il ne dormait plus. Sans même ouvrir les yeux, elle marmonna :

- Bonjour…
- Bonjour… lui répondit Mulder.

Elle ouvrit ses yeux et croisa les siens.

- J’en reviens pas que tu sois réveillé avant moi… c’est rare…
- Ça doit faire à peine cinq minutes tu sais… et toi c’est rare que tu aies l’air aussi paisible lorsque tu dors…
- Pas d’insomnies !… il m’a dit que je n’avais pas le droit d’en avoir… …
- … si tu pouvais écouter mes conseils autant que les siens…
- Parce que tu crois que t’as des conseils à me donner toi !

Elle rit, les yeux à moitié fermés. Il la rapprocha de lui pendant qu’elle continuait de rire doucement, tout simplement heureuse de savourer un simple matin de décembre. Mais pas n’importe lequel car… ils allaient le retrouver. Tout en la serrant contre lui, il dit :

- Le seul conseil que je te donnerai est celui de rire… comme tu viens de le faire…

Elle releva la tête vers lui. L’air enfantin qu’elle affichait malgré elle le fit sourire.

- Je t’aime…

L’air enfantin s’éclipsa aussitôt pour laisser place à un trouble impossible à dissimuler.

- Je t’aime quand tu ris … ce qui ne veut pas dire que c’est seulement quand tu ris…

Il sourit… elle sourit aussi…

- … mais… tu es radieuse dans ces moments-là…

Elle ne cessait de le regarder… Ces mots entre eux étaient rares… pour ne pas dire inexistants… L’insouciance qui accompagne un réveil, le calme du matin apaisant envahissant la chambre, cette douce sensation apportée par l’autre présent dans nos bras… rire… et entendre que l’on nous aime… étaient des moments simples et sublimes… mais des moments qu’eux deux n’arrivaient pas à saisir… du-moins ces instants hors du temps étaient beaucoup trop absents.

Scully se recroquevilla dans les bras de Mulder. Elle ne lui avait rien répondu. Elle s’était juste contentée de se laisser bercer par son regard et ses mots…

Peut-être que rire était un bon début pour se laisser envahir par la « vie normale » pensa-t-elle. Après tout… il n’y avait plus aucune raison d’avoir peur… plus de 22 décembre… et … il avait raison… William n’était pas perdu.

Au début de l’été, elle s’était sentie flotter au dessus des nuages. Depuis le début de l’année, elle et Mulder avaient commencé à attraper de plus en plus ces secondes parfaites où le monde semble nous appartenir, où plus rien existe à part Lui et Elle et puis violemment… tout avait « foutu le camp » ! Six mois durant lesquels elle s’était sentie partir, rongée par l’angoisse, comme si elle se consumait sans que personne ne puisse rien y faire… une chute sans fin, un mauvais rêve revenant toutes les nuits, mais elle n’avait pas lâché, même si plus d’une fois elle en avait eu envie. Elle avait lutté pour ne pas renoncer, ni sombrer… et pour y arriver, elle avait contrôlé ses émotions, se forçant à ne plus rien ressentir, construisant une bulle autour d’elle de manière à ce que plus personne ne la touche. Ne plus rien ressentir au-cas où elle n’aurait pas réussi car… si on tombe et qu’on ne ressent plus rien alors… on est protégé. On n’a pas mal. Voilà le rôle de la carapace – celui de recevoir les coups à notre place. Et en riant ce matin, Scully avait dessiné une petite ouverture dans cette carapace, tout comme l’autre jour où … elle avait pleuré dans ses bras, en bas des escaliers… pleurer, pleurer et pleurer. Scully décidait enfin de détruire petit à petit ses barrières car, elle comprenait tout simplement qu’elle n’en avait plus besoin. Mulder était là pour la retenir de tomber. Et elle aussi voulait être capable de le protéger des chutes. Il fallait donc qu’elle continue à s’ouvrir… car les obstacles empêchent de voir le cœur de celui qui porte une armure et… l’on préfère tous se faire rattraper par le cœur de l’autre… plutôt que par sa carapace.

***

Il regarda l’horloge de la cuisine – 11h42 et dit :

- J’vais chercher le courrier !

Elle n’eut même pas le temps de se retourner qu’il était déjà dehors. Il parcourait la longue allée qui séparait la maison de leur boîte aux lettres. Depuis qu’il était rentré, il ne cessait de penser dès qu’il se réveillait : « c’est peut-être aujourd’hui ! »

Il était enfin arrivé au bout de l’allée. Il enfonça les clefs dans la boîte, respira un grand coup et tout en fermant les yeux, l’ouvrit. Toutes indiquaient le même intitulé : Madame et Monsieur Van de Kamp, Madame et Monsieur Van de Kamp, encore Madame et Monsieur Van de Kamp, tiens, non, là, c’était juste Madame Van de Kamp… Il retint son souffle. Il restait une dernière lettre… ou plutôt il y avait une carte postale. Il la saisit : William Van de Kamp. Il reconnut son écriture, c’était bien son écriture à elle…

Cher William !
Tu n’imagines pas à quel point il est difficile de trouver une simple carte postale ici ! Surtout dans le quartier où se trouve l’hôtel ! On ne peut pas dire que cela court dans les rues de Tokyo. Mais j’ai fini par en trouver une pas trop mal dans un office de tourisme ! J’aurai dû demander à Mulder d’en ramener pleins de France la dernière fois ! Là-bas, les gens en envoient pour tout et rien ! Evidemment, je suis sûre que tu liras cette carte bien après mon retour, mais j’espère qu’elle te fera plaisir et que surtout tu la recevras bien ! Les deux jours sont passés très vite ! Le décalage horaire, c’est mortel !!! Mais j’ai eu le temps de visiter « Shibuya », un quartier jeune, et super branché! (c’est d’ailleurs dans ce quartier que j’ai trouvé cette carte) C’est là qu’il y a la « tour 109 » ! Tu peux aussi l’admirer sur la carte ! On y trouve que des vêtements ! Enfin, t’inquiète ! Je vais pas te citer tout ce que j’ai dévalisé ! C’est nul, j’ai déjà presque plus de place ! J’espère que tu réussiras à me lire, car j’ai dû écrire tout petit ! Je t’embrasse fort fort fort ! +++ Georgia.


William parcourut de nouveau l’allée, mais en courant cette fois-ci, comme porté par une joie intérieure.

- Tu as l’air bien enjoué William ! lui fit remarquer sa mère.

Il déposa les enveloppes sur la table de la cuisine. Elle vit qu’il en gardait une pour lui.

- Tu as enfin reçu ce que tu attendais ?

Il regarda sa mère.

- Oui. Une carte de Georgia.
- Qui est Georgia ?
- Ma cousine.

Elizabeth sourit. Si William était heureux alors… elle était heureuse.

***

- Charles ?
- Dana ?
- Ecoute… euh… Mulder et moi, on arrivera un peu plus tard que prévu…
- Oh non ! J’vais finir par croire que vous le faites exprès ! Déjà que vous n’êtes pas venus pour Noël ! Bill ! Maman ! Matthew ! Tout le monde est là déjà !
- Charles ! C’est parce qu’on a une correspondance au Kansas.
- Peu importe ! Je m’en « fous » ! Je… … attends t’as dit quoi là ?

Scully sourit. Mulder était derrière elle. Il écoutait la conversation.

- J’ai dit… que Mulder et moi, on arrivera un peu plus tard… car notre avion passera par le Kansas.

Mulder enlaça Scully et commença à tenter de la déconcentrer pendant qu’elle était occupée à parler au téléphone avec son frère… l’embrassant dans le cou.

- J’arrive pas à le croire… c’est Georgia qui va faire une attaque quand elle va apprendre la nouvelle !
- On est pardonné alors ?
- Oui ! Complètement ! ça va être un sacré nouvel an, tu peux me faire confiance !
- … …
- Dana ?
- Hum… Quoi ?
- Mulder ! arrête de déconcentrer ma sœur !

Mulder sourit quand il entendit la réplique de Charles qui avait pris soin de parler assez fort de manière à ce qu’il entende juste ce qu’il fallait.

- Aïe ! Tu viens d’achever mon tympan Charles !
- T’as qu’à être concentrée quand on te parle ! (Il rit) Et… il reste jusqu’à quand ?
- On l’a jusqu’à la fin des vacances !
- Et bien… si c’est pas magique tout ça… Vous le méritez…
- Merci.

***

28 décembre 2012 – 12h00

- Tourne à gauche ! ou … à droite !

Mulder retourna pour la énième fois la carte et ajouta :

- Le GPS de cette magnifique voiture de location ne nous sert absolument à rien !… comme cette carte d’ailleurs ! … … J’en reviens pas, c’est même pas marqué dessus.

Scully tapotait le volant des doigts, observant à gauche, à droite… puis encore à gauche. Mulder continuait de scruter la carte.

- Je dirai à gauche Mulder.

Il releva la tête. Elle avait les yeux fermés.

- Je sens du bonheur sur la gauche Mulder !

Elle rouvrit ses yeux et tourna sa tête vers lui. Elle avait son regard brillant. Il sourit… ils n’arrêtaient pas de se sourire depuis hier soir… depuis qu’ils savaient qu’il serait avec eux.

- Et bien va pour la gauche, répondit Mulder, lui faisant entièrement confiance.

***

Elizabeth souleva le rideau. Elle observa la voiture se garer devant la maison. Au même moment, elle l’entendit dévaler derrière elle. Mulder et Scully sortirent de leur voiture.

- C’est grand… et espacé… dit Scully. Los Angeles va lui faire un choc…
- C’est le fin fond du Kansas Scully ! lui rappela Mulder.

Scully recula lorsqu’elle vit un chien s’approcher d’eux en courant. La porte de la maison s’ouvrit.

- Nina !...

Mulder et Scully regardèrent devant eux.

- Nina ! répéta William. Laisse-les tranquille !

Aussitôt, la chienne s’écarta de Scully et se dirigea vers William. Elizabeth apparut derrière lui. Scully se sentit mal à l’aise lorsqu’elle ne put faire autrement que de croiser son regard. Mais, à sa plus grande surprise, la femme lui fit un clin d’œil agrémenté d’un sourire qui voulait tout dire. Scully comprit qu’elle était la bienvenue - qu’elles étaient liées et non ennemies. On entendit quelqu’un siffler. La chienne accourut, disparaissant derrière la maison.

William s’empara de la main de Scully qui ne s’était pas rendu compte à quel point il se trouvait déjà si proche d’elle, ayant été plus que perturbée par l’accueil qu’Elizabeth lui avait réservé.

- Viens ! Il faut que tu voies ma chambre !

Et… il l’embarqua vers la maison, l’obligeant presque à courir. Et c’est tout juste si elle put adresser un regard à Elizabeth, lorsqu’elle passa devant elle.

Elizabeth se dirigea vers Mulder, présent encore près de la voiture.

***

- Et ça ! C’est le dernier tournoi de base-ball que j’ai fait gagner à mon équipe !
- Et bien… dit-elle impressionnée.

Scully se pencha vers la photo et contempla aussi la coupe dorée posée juste au-dessus.

- Mulder adore le base-ball aussi.
- Mais toi aussi !

Elle le regarda et répondit.

- Je préfère assister à un match plutôt que d’y jouer mais… depuis que Mulder m’a appris à jouer… c’est vrai que j’aime… bien.

William sourit.

- Et… tu connais Vincent Edward Scully ?

Voyant son air sceptique, il continua :

- Vin Scully ! Commentateur sportif des Los Angeles Dodgers !
- Une franchise de base-ball…
- Oui !!! Ils remportent six fois le titre de série mondiale ! 1955 ! 59 ! 63 ! 65 !
- 81 ! et 88 !

William se retourna, surprit d’avoir été coupé dans son dos. Scully échangea un regard complice avec Mulder qui venait de faire irruption dans la chambre.

- Ce que William essaye de te dire Scully… c’est que le base-ball fera toujours parti de ta vie ! Et… certains surnomme même Vin Scully… « La Voix de Dieu » !
- C’est vrai ? demanda-t-elle à William.
- Oui. Mais, c’est juste un surnom !

Après un court silence, William reprit, regardant à la fois Mulder et Scully, un peu gêné :

- Ma mère a certainement dû rejoindre mon père dans le champ derrière la maison. Il s’occupe du troupeau et …
- On t’attend à la voiture, répondit Mulder, lui souriant. Notre avion ne décolle que dans trois heures, tu peux prendre tout le temps dont tu as besoin pour leur dire au-revoir.

Il hocha la tête en guise de réponse, puis sortit de la chambre. Scully s’était tournée vers la fenêtre. Mulder sentit sa préoccupation. Sans même se retourner, elle lui murmura :

- J’ai l’impression qu’on leur enlève Mulder. C’est… plus fort que moi.

Il s’approcha d’elle.

- Arrête… ! S’il y a bien une chose que je t’interdis de faire c’est… de culpabiliser Scully.

Elle se retourna vers lui.

- William est « notre fils » !... … « Notre fils » ! répéta-t-il comme pour tenter de dissiper les yeux rougissants de Scully. Le rôle d’une mère est de veiller sur son enfant et de prendre les bonnes décisions pour lui… ce que tu as toujours fait.

Ses yeux semblaient retrouver ce bleu si serein et apaisant qu’il aimait tant mais… il y avait encore du travail. Il posa sa main sur sa joue.

- Ne culpabilise pas, je t’en prie.

Elle sourit… tristement.

***

Dix minutes plus tard

Scully appuyée contre le rebord de la voiture, Mulder à ses côtés, scrutait l’arrière de la maison. Un silence de plomb les entourait. Et s’ils avaient changé d’avis… Ils surgirent enfin. Scully se redressa.

- Il est à vous.

Scully fut ébranlée et incroyablement bouleversée par ce que cette autre mère venait de dire. Elizabeth ne s’arrêta pas là :

- William pourra passer du temps avec vous autant qu’il le voudra et autant qu’il en aura besoin. C’est votre fils.

Scully ne savait quoi répondre. Mulder le fit pour elle.

- Merci.
- Non… corrigea Richard. C’est nous qui vous remercions. Sans vous, nous n’aurions jamais connu William.

***


Dernière édition par PtiteCoccie88 le Lun 20 Déc 2010 - 21:10, édité 2 fois
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Message  PtiteCoccie88 Lun 20 Déc 2010 - 9:59

A SONG FOR YOU

2ème Partie

Los Angeles – 19h58 – Résidence de Charles Scully

- Non ! C’est pas possible !

Elle se retourna vers son frère. Elle n’avait même pas lâché sa valise.

- Mais pourquoi tu m’as pas dit que t’avais fait faire une piscine ?!!
- Ben… pour te faire la surprise, lui répondit Charles tout sourire.

Scully se retourna de nouveau vers la baie vitrée.

- Mais de toute façon, elle doit être un peu froide Dana.

Soudain, un cri retentit dans toute la maison.

- Charles… ne me dis pas que tu n’as rien dit à ta fille ?
- Disons que je voulais « aussi » lui faire la surprise.
- Mais maman, Bill…
- Je leur ai dit, ne t’en fait pas.

Elle sourit. Charles la sentait heureuse… comme il ne l’avait jamais vue depuis très longtemps.

Charles et Dana quittèrent le salon, refaisant le parcours inverse de leur arrivée, se dirigeant de nouveau vers l’entrée. Une femme, mince, les cheveux châtains et très longs apparut. Elle était vêtue d’un long poncho… rose fuchsia.

- Attends Dana. Donne-moi ta valise, tu vas pas te trimballer partout avec !
- Non. Scully s’esclaffa légèrement. Tu as raison. Merci Janis.

Scully regardait sa nièce qui n’en revenait pas que William soit de nouveau parmi eux.

- Au fait t’as reçu ma carte ?
- Oui, hier !
- J’en reviens pas que tu sois là ! J’suis désolée. J’ai pas pu m’empêcher de crier…
- C’est pas grave, je commence à te connaître maintenant.

Margaret apparut dans l’entrée et le dévisagea. Elle s’était préparée à ce qu’il ne ressemble plus à ce petit être fragile qu’elle avait vu pour la dernière fois… il y a plus de dix ans. Un chamboulement d’émotions l’envahit lorsqu’elle croisa son regard.

- Maman… je te présente William.
- Enchanté Madame, lui dit celui-ci, s’approchant d’elle, lui tendant sa main.

Tout le monde rit face à l’aplomb et l’assurance qu’il affichait devant Margaret. Sa grand-mère… dont il n’avait probablement aucuns souvenirs.

- Oh non... appelle-moi Margaret. Juste Margaret, lui répondit-elle, tout en acceptant de rencontrer sa main.

Bill se montra enfin. Après quelques secondes d’hésitations, à chercher comment saluer sa sœur, il se décida enfin à la prendre dans ses bras. Il gratifia Mulder d’un simple « bonjour », sans même lui serrer la main et échangea un bref regard avec William.

- Bon ! surprit tout le monde Janis, revenant dans l’entrée. On est enfin au complet !
- Où sont Matthew et Tara ? demanda Scully.
- Ils sont partis faire une course ! Ils ne devraient pas tarder ! rassura Janis, toujours très enjouée.

22h44

Elle donna un léger coup sur la porte laissée grande ouverte, annonçant ainsi sa présence. Elle ne voulait pas le surprendre.

- Tu n’as pas sommeil ? lui demanda-t-elle.
- Non.
- Alors on est deux.

Il était assis à même le sol. Elle se mit à sa hauteur, s’asseyant elle aussi par terre.

- J’aime bien la chambre que tu as choisie, dit-elle, regardant un peu partout autour. Ils en ont au-moins quatre de libre en permanence… … mais pas parce qu’elle est vide.

William regarda sa mère qui continuait à décortiquer les murs et les objets présents autour d’eux. Il avait très bien comprit ce qu’elle avait voulu dire. La maison de Charles était très grande, mais pas vide… pas comme celle de Mulder et … elle. Un vide qui, il le savait, remplissait par sa présence.

Il reprit son dessin.

Son esprit alerté par le léger glissement du crayon sur le papier recentra son attention sur lui.

- Je n’ai jamais su dessiner…
- Je t’apprendrai.

Scully savait qu’il était capable de lui en apprendre beaucoup… de lui faire découvrir des horizons inimaginables et… de lui en faire redécouvrir d’autres… trop vite oubliés… comme celui… de se sentir mère.

Elle écarquilla les yeux lorsqu’elle réalisa le sujet de son esquisse… … c’était eux… c’est-à-dire eux trois. Elle en eut le souffle coupé.

Elle remarqua aussi son ruban de satin noir qui ornait toujours son si fin poignet. Ainsi que la chaîne en or qui se balançait au rythme des coups de fusain.

Trois jours plus tard – 31 décembre 2012 – 9h02

Elle était seule dans la cuisine, savourant tranquillement… un chocolat bien chaud. La lumière pénétrant par la baie vitrée illuminait la pièce. A des années lumières de tout, Scully perdue dans ses songes, semblait apaisée. Cela devait faire plus d’une heure qu’elle était assise sur une des chaises hautes, celles servant à manger sur la table-bar. Elle se laissait bercer par les rayons du soleil enveloppant son visage d’une douce chaleur. Ils dormaient tous encore malgré l’heure déjà bien avancée. Enfin… presque tous.

- Tante Lyly… t’es encore tombée du lit…

Georgia sortit un paquet du placard et commença à verser les céréales dans un bol.

- Attention à ce que tu fais ! la prévint Scully.
- Mince !

Les céréales dégringolèrent, fonçant tête la première au sol, prêts à se fracasser quand… soudain, ils s’arrêtèrent dans leur chute. Georgia leva la tête vers sa tante. Cette dernière était concentrée sur les pétales de blés.

- Georgia ! Dépêche-toi !

A peine ces dernières paroles prononcées, une présence se fit entendre dans le couloir menant à la cuisine. Aussitôt, Georgia réagit, plaçant la boîte sous les céréales flottant dans l’air, tournoyant sur eux-mêmes, comme soumis à une apesanteur. Tara surgit. Sur le champ, les pétales reprirent leur chute effrénée, mais retournant tous sans exception dans leur boîte.

- Joli réflexe Georgia, complimenta Tara.
- … merci, répondit la jeune fille, légèrement troublée.

Elle regarda de nouveau sa tante… qui lui fit un clin d’œil complice. Georgia lui répondit par un sourire.

- Bonjour Dana.
- Bonjour Tara.

Elle remarqua le fin gilet bleu-marine qu’elle portait… qu’elle n’avait pas quitté depuis son arrivée.

- Tu n’as pas trop chaud avec ton gilet ?
- Non.
- Pourtant en Caroline, il fait plus froid qu’ici.

Sa nièce vint à son secours.

- Tu sais… ça doit être la clim’ ! Papa a toujours tendance à la pousser un peu trop même en hiver ! et… quand on n’est pas habitué… on peut avoir froid.
- Oui. C’est à cause je crois de la climatisation, confirma Scully.

Tara sourit.

- C’est juste que… je refuse de te voir avec ton gilet ce soir ! Tu as l’obligation de te mettre sur ton « 31 » Dana !
- T’inquiète Tara ! Moi et William sommes déjà commis d’office à ce qu’elle soit la plus magnifique ce soir !
- Vous avez intérêt ! fit bien comprendre Tara.

Bill fit son apparition. Scully l’aperçut glisser sa main sur la taille de Tara. Elle ne put s’empêcher d’observer son geste avec une certaine insistance. Elle et Mulder avaient toujours eu quelques réticences à déployer leurs sentiments en public, alors devant la famille… ce n’était même pas la peine d’y penser. En vingt ans, Mulder et elle, avaient si souvent chuté, comme partant en « vrille », que cacher leur relation, se comporter devant les autres comme si de rien n’était, comme s’ils n’étaient « que » des amis (bien que certains comme Charles avaient dès la toute première seconde détecté le changement… le niveau supérieur qu’avait soudainement pris leur relation) était, inconsciemment, peut-être leur façon à eux… de contrôler les choses. Si personne ne savait, alors la vie ne pourrait le savoir et ainsi ne pas s’acharner sur eux. Ne pas leur faire du mal. C’est bien simple, dès qu’elle avait révélé sa grossesse… tout, était reparti en « vrille ». Une chute libre incontrôlée. Car… les autres étaient au courant, donc ils savaient pour elle et Mulder – La Vie avait comprit. L’enlèvement de Mulder, son enterrement, puis la perte de William. Scully n’avait pas été « ratée » par La Vie. Mais… depuis quelques jours, depuis ce 22 décembre 2012, le mauvais sort semblait se dissiper, reconnaissant enfin avoir épuisé son stock de coups bas. Après tout, peut-être que souffrir était le lot de tous les héros, comme pour ne pas se laisser distraire et enjoliver par les plaisirs simples et quotidiens, et ainsi ne pas se détourner de leur mission. Mulder, William et elle, avaient remplis leur devoir. Donc… pensa encore Scully… s’ils avaient remplis avec succès leur devoir… logiquement, la rançon devait arriver et… tout ce qu’il s’était produit depuis ce soir où lui et elle avaient bien failli s’endormir tout habillés, semblait lui indiquer que cette rançon était … Le Bonheur.

- Dana ?

Elle sortit de son esprit. Les contours de la cuisine se redessinèrent progressivement sous ses yeux.

Non seulement Bill n’enlaçait plus Tara, mais Charles, Janis, Matthew, Mulder, William et Margaret étaient maintenant présents.

- Quoi ?
- Je te demandais si tu préférais doré ou argenté ? lui dit sa mère.

Scully fronça les sourcils.

- Euh… j’en sais rien. Quoi ?
- Dana et la princesse des songes ! déclara Charles. J’espère que tu seras plus réveillée ce soir !

Charles adressa un regard à Mulder. Ce dernier sentit l’angoisse s’emparer de lui. William la ressentit. Il observa son père. Il venait de comprendre que, certes cette soirée du nouvel an se promettait d’être belle, parce qu’ils étaient réunis mais, que cette nuit serait féerique… car Mulder s’apprêtait à faire le saut… dans la vie normale.

- Janis et Charles n’arrivent pas à se décider concernant la couleur de la table, pour ce soir ! reprit sa mère. Alors doré ou argenté ?

Scully réfléchit un court instant.

- Hum… argenté.
- Tu vois ! Je te l’avais dit Janis ! s’exclama Charles. L’argenté !

Elle réalisa enfin qu’il avait lui aussi, tout comme elle l’avait fait il y a plus d’une heure, choisi une chaise haute… Que William était tout près d’elle et que… Mulder était lui aussi à côté.

Matthew et Georgia s’étaient éclipsés entre cousins dans le salon, chacun un bol dans les mains, afin de libérer un peu d’espace dans cette cuisine, qui pourtant était bien assez grande pour tous les accueillir.

Bill fut frappé par l’image qu’il avait devant lui. Sa sœur, souriante, entourée de Mulder et William. La plus belle image qu’on lui ait donnée à voir de sa sœur. Il n’avait jamais aimé Mulder, car justement, il n’avait jamais cessé de percevoir ce dernier comme un aimant à problèmes, vous attirant toujours plus bas vers la douleur et la souffrance. Si elle n’avait pas rencontré Mulder, Mélissa serait encore en vie, il en était persuadé. Mais… ce qu’il avait sous les yeux… effaça soudainement toute cette haine bien installée au fond de lui. Mélissa n’était peut-être pas morte pour rien. En un sens, elle avait permis à Dana de survivre, donc…de lui offrir ce qu’elle avait toujours désiré. Ce que tout le monde, au fond, aspirait. Une famille. Avant d’avoir Matthew, lui et Tara avaient dû s’accrocher pour créer la leur. Dana, elle, avait toujours gardé foi pour créer la sienne car… Mulder lui avait ordonné de ne jamais renoncer.

***

18h00

La table était déjà dressée.

- Tu as eu raison ma chérie ! La couleur argentée est un excellent choix.
- Merci Maman.

Scully décortiquait toute la décoration.

- Et bien… c’est magnifique.
- Merci.
- Tu aurais dû me demander de l’aide maman !
- On était déjà bien assez. Tara, Georgia, Janis, Bill ! Et puis… je ne voulais pas te déranger… c’est comme si vous ne vous étiez jamais quittés…

Margaret dirigea son regard vers la baie vitrée, laissée entrouverte depuis que Scully s’était glissée dans le salon. Mulder et William discutaient, assis sur le rebord de la piscine.

- Ils vont finir par attraper froid à force de laisser leurs pieds dans cette eau !
- C’est ce que je leur ai dit ! Mais… ils n’ont pas voulu m’écouter.
- Ce sont les garçons ma chérie ! Et crois-moi, j’en ai eu deux, je sais de quoi je parle ! … … Qu’est-ce qu’il ressemble à son père…

Scully parut soudainement intriguée, lorsqu’elle observa de nouveau la table.

- Douze assiettes… ? mais… on est que… dix !
- C’est parce que ya John et Monica en plus !! hurla-t-on depuis la cuisine. C’était soit ça, soit ils passaient le nouvel an tous seuls à Washington !!

Scully ne comprenait pas.

- Quoi ? Georgia plaisante j’espère !
- Tu n’étais pas au courant ? Pourtant Georgia m’a dit ainsi qu’à Janis qu’elle avait votre accord, de toi et Mulder.
- Et bien elle t’a menti ! … (Elle leva les yeux au ciel et soupira)... Georgia…

Mulder tira complètement la porte fenêtre. Charles apparut aussi, sortant de la cuisine.

- Doggett et Reyes seront là ce soir ?

Scully ne se retourna pas vers Mulder, quelque chose avait attiré son regard.

- T’en fais pas Mulder ! Le nombre de personnes ne changera absolument rien ! tenta de rassurer Charles.
- Whoo, t’es « pâle » Mulder ! remarqua Georgia, qui surgit à son tour dans le salon. Si j’avais su que leur présence serait un facteur de stress supplémentaire… Elle sourit malicieusement.

Mulder avait dû mal à retrouver ses couleurs.

William passa la baie vitrée, le rejoignant.

Scully semblait partie sur une autre planète… n’ayant sans doute rien entendu des dernières paroles échangées entre Mulder, Georgia et Charles. Margaret n’avait pas non plus fait très attention, ayant remarqué sur quoi les yeux de sa fille s’étaient posés.

Scully plongea sa main dans le carton, posé sur la table basse, devant la télé. Elle en retira une bobine Super 8, parmi les dizaines d’autres gisants dans le fond.

- J’en reviens pas que Charles les ai toutes aussi bien conservées… souffla Scully à sa mère.
- En réalité, c’est moi qui les lui ai données il y a quelques temps. Il m’a dit qu’il pouvait les faire numériser facilement, ici, à Los Angeles.

Scully lut l’inscription écrite.

Dana 1967

Charles détecta à quoi sa sœur était occupée. Il s’approcha d’elle.

- Tu peux la prendre celle-ci Dana ! La copie numérique est dans le carton, cherche ! lui dit son frère… les yeux pétillants.

Aussitôt, le frère et la sœur fouillèrent le carton dans tous les sens, veillant toutefois à ne pas écorcher les super 8.

- Je l’ai ! s’exclama-t-il, triomphal, se dirigeant aussitôt vers la télé.
- Non Charles ! supplia Scully.

Le dvd glissait déjà dans le lecteur… Trop tard…

- Toi, à trois ans, je ne voudrais surtout pas rater ça… lui murmura Mulder qui s’était rapprochée d’elle, lisant l’inscription figurant sur la bobine sortie du carton.

« Dana !… Dana ! Fais coucou !… » La voix de Bill Sr. Scully résonnait. Une petite fille leva les yeux. Soudain, un petit garçon passa en courant devant elle, lui arrachant des mains sa peluche.

« Charles ! » Aussitôt, la petite Dana se mit à pleurer.

L’image s’obscurcit brutalement.

« Oh, non ! Les plombs viennent encore de sauter Bill ! », dit Margaret à son mari. « Je vais voir au garage ! Tiens… prends la caméra… »

« Dana !… Regarde qui c’est qui revient !… » Le petit garçon refit son apparition, redonnant la peluche à sa sœur. Elle se calma aussitôt.

« Bill ! C’est plus la peine de descendre ! La lumière est revenue ! » s’écria Margaret.

La dernière fois qu’elle avait vu ce film, c’était il a au-moins trente ans… en 1982. Elle n’avait alors que dix-huit ans. Ils avaient passé la soirée et une bonne partie de la nuit à redécouvrir leurs films, elle et sa famille. Une impression étrange l’envahit en cet instant précis… Pas cette nostalgie habituelle qui nous prends face à notre passé… non ! Mais plutôt cette émotion claire et limpide, comme suite à une révélation – celle qui nous fait comprendre que les réponses sont toujours en nous.

Scully tressaillit. Mais un tressaillement qui fut seulement perceptible par Mulder qui venait d’enlacer sa taille. Elle le laissa faire. Tous les regards de toute façon étaient rivés vers l’écran. Mulder en profita pour lui glisser à l’oreille :

- Tu faisais déjà preuve d’une électricité remarquable…

19h00

- Tourne pour voir !
- Dans l’autre sens maintenant !
- Tourne encore !
- Encore une fois !

Scully s’apprêtait de nouveau à tourner sur elle-même quand elle s’arrêta, comprenant enfin qu’on se moquait d’elle.

William et Georgia explosèrent de rire.

- Vous me faites marcher!
- C’était pour voir si ta robe se soulevait bien ! lui expliqua Georgia.

Ils s’étaient tous les trois réfugiés dans une des nombreuses chambres situées à l’étage de la maison.

- Tu es… resplendissante Lyly !
- Merci Georgia.

William était bien trop émerveillé pour dire quoi que ce soit. Georgia se racla la gorge :

- Hum… il manque un « truc » William ! T’es pas d’accord ?

Il réfléchit.

- Han !! s’exclama-t-il, frappant sa paume contre son front.

William se leva du lit sur lequel il était installé avec sa cousine, passant devant sa mère qui s’observait devant la glace.

- J’ai failli oublier !!… se reprocha William, sortant dans le couloir.

Sa robe était noire, lui arrivant juste en-dessous des genoux. Elle comportait de fines bretelles et un dos nus digne d’en faire rougir plus d’un dans la salle.

William refit surface, un fin coffret bleu-nuit entre ses mains.

- Non Lyly ! Tu ne peux pas refuser ! prit les devant Georgia, voyant les yeux stupéfiés de sa tante. William a tenu à te faire ce cadeau. Bon d’accord, Mulder et moi on l’a un peu aidé, mais j’ai dit « un peu » et… c’est lui qui a choisi.
- Je comprends mieux où vous étiez passé hier…

William ouvrit l’écrin de velours. Un collier, en argent, d’une finesse et d’une élégance infinie apparut.

- C’est sublime… … William, ce n’est qu’un nouvel an…
- Peut-être… mais chaque instant compte, répondit-il à sa mère.

C’était le premier nouvel an qu’ils passaient tous les trois. Il voulait que tout soit parfait, surtout depuis qu’il avait senti que 2013 porterait bonheur à ses parents.

- Ce serait un crime de ne pas faire honneur au bonheur comme il se doit maman.

… … Scully se sentit vaciller sur ses jambes. Il avait raison. Ses mots étaient d’une remarquable justesse et d’une incroyable maturité pour son âge. Mais elle n’était pas surprise, car William était tout simplement exceptionnel. Et puis… il avait dit … « maman ».

Il lui glissa le bijou autour du cou.

Un flash l’éblouie. Puis un autre.

Scully plaça une main devant elle.

- Georgia !… arrête avec toutes ses photos… la supplia-t-elle, bien que pour une fois, elle appréciait assez d’être au centre de toutes les attentions. Du-moins, c’était l’impression qu’elle avait et… c’était plutôt agréable.
- C’est que… j’peux pas m’en empêcher ! T’es trop belle !!

William sentit sa soudaine préoccupation. Son bras. C’était très visible… beaucoup trop. A certains endroits, tout n’était pas complètement guéri. Voilà pourquoi elle n’avait quitté son gilet depuis que toute la famille était autour. Et puis même cicatrisé… elle gardait la marque.

William interrogea sa cousine du regard. Qu’est-ce qu’on pouvait faire ? …

- On peut mettre des bracelets… non, trop Virgin Suicide… … Une guêtre !
- Nan ça fait trop punk ! dit William.
- Qu’est-ce t’en sais ? Peut-être que dans un monde parallèle, ta mère est une super punk !

Scully sourit. Les regarder trouver une solution d’une manière aussi complice l’amusait et la touchait.

- Un tatouage ! argumenta William.
- Non ! pas le temps ! Quoi que c’est une bonne idée ! On lui en paiera un ! continuait Georgia.
- Une veste ?
- William ! Veste et « pouf » le dos nus ! Tara veut pas la voir avec une veste en plus…
- Ah oui c’est vrai…

Les trois se rendirent bien vite compte qu’il n’y avait pas grand-chose à faire. Et puis pourquoi vouloir toujours dissimuler les balafres… Ce sont elles qui nous permettent de grandir et de devenir plus fort. Et surtout, assumer les cicatrices… permet de tirer un trait sur le passé.

***

19h30

Il l’observait descendre les escaliers. William et Georgia n’avaient pas dérogé à leur mission. Elle était… Mulder ne trouva pas les mots.

Il lui saisit la main lorsqu’elle arriva enfin à sa hauteur.

- J’ai… j’ai l’impression que ce n’est pas moi, dit-elle, un peu gênée.

Mulder sourit.

- Je t’assure pourtant que c’est bien toi Scully.

***

Les douze coups de minuits approchaient. Ils avaient tous quittés la table. Charles, Georgia, William et Matthew étaient occupés à jouer les DJ aux platines. Matthew et Georgia n’arrivaient pas à se mettre d’accord sur le prochain morceau. Etrangement, dès que Charles s’éloignait d’eux, le volume semblait monter en puissance pour retrouver un niveau tout à fait supportable dès qu’il les menaçait de couper le courant. Tara et Janis s’amusaient à danser. Scully regardait son fils. Il était si à l’aise. Sa capacité d’adaptation à sa nouvelle famille… à sa « vraie » famille l’époustouflait. « J’ai même parfois l’impression qu’un lien plus que biologique vous unit » Ces mots d’Elizabeth surgirent dans ses songes. Mulder discutait avec Margaret. De quoi pouvaient-ils bien parler… ? De là où elle était, elle n’entendait pas, surtout que Charles s’étant éclipsé encore quelques secondes, la musique en profitait pour se faire entendre. Scully sourit quand elle vit que William, lui-même, avait tourné le volume en flèche. Charles refit aussitôt surface, des flûtes de champagne à la main :

- C’est pas au courant que je devrais m’en prendre mais directement à vous trois ! On est bien assez ici pour vous traîner jusque dans la piscine… « glacée » !! les prévint Charles, cherchant tant bien que mal à se faire menaçant.
- William ! baisse!… s’étrangla Georgia, amusée mais tout de même moyennement rassurée.

Bill était assis sur le canapé qui avait été poussé au maximum contre le mur pour laisser aux danseurs d’un soir toute la place qu’ils voulaient. Doggett et Reyes étaient aussi sur ce canapé, répondant aux questions de Bill dont une interpella l’oreille de Scully :

- Pourquoi sommes-nous rentrés au FBI ? reformula Reyes en réponse à la question de Bill.

Scully soupira, levant les yeux au ciel. Bill ne changerait donc jamais. Mais c’est ce qui faisait que Bill… était Bill.

- Plus qu’une minute !! prévint Matthew.

Scully regarda sa montre. Déjà ! C’était toujours comme ça. Les moments suspendus, en réalité étaient loin de l’être… La souffrance interminable et le bonheur un éclair. Mais il suffit juste à Scully de contempler de nouveau son fils pour se sentir persuadée que… oui ! … les moments de félicités passaient toujours très vite mais… « Il est à vous ». La voix d’Elizabeth résonna encore dans son esprit. « Il est à vous »… Scully était heureuse. « C’est votre fils »… Et… elle savait que cela durerait pour l’éternité… donc peu lui importait la vitesse préférée du bonheur.

- Bonne Année !!!!
- Regardez Dana qui s’attaque au champagne sans nous ! fit remarquer Charles.

Scully sortit de ses songes… encore une fois. Elle réagit cependant rapidement :

- Tu m’as demandé de remplir toutes les flûtes Charles !
- Oui, mais pas de commencer sans nous !
- Mais je n’ai pas…
- Parce que je t’ai vu avant que tu ne commences !

Scully s’apprêtait encore à se défendre quand Mulder qu’elle n’avait vu arriver derrière elle, lui murmura dans le creux de l’oreille, lui soulevant quelques boucles rousses :

- Joyeux anniversaire…

L’adrénaline la parcourut… la faisant frissonner d’émotions… Il y a treize ans, jour pour jour, la ligne, si longtemps retenue, avait été franchie. Ils n’avaient trop su sur le moment pour quelle aventure ils s’embarquaient tous les deux… S’ils avaient raison ou pas de soudainement tout changer. Mais peut-être qu’ils n’avaient absolument rien « changé » ce soir là… bien sûr que non. Rien n’avait été modifié. Sinon ce baiser n’aurait pas été si naturel. Ce soir là, ils s’étaient juste décidés de lire enfin dans le cœur de l’autre.

Fébrilement, la voix remplie d’émotion, elle répondit à son appel :

- Joyeux anniversaire.

Elle se tourna vers lui.

- Tu vois… personne n’a remarqué pour ton bras…
- Je sais… … (Elle baissa les yeux) Mêmes les cicatrices les plus évidentes, les autres sont toujours aveugles … ils sont déjà bien trop occupés avec les leurs…
- Hé… fit doucement Mulder, lui relevant les yeux.

Elle sourit.

- « Ou »… je n’ai pas fini… Ils n’ont rien remarqué car… cela signifie que toute cette histoire est bien terminée.

Il lui renvoya son sourire.

Elle voulut l’embrasser mais… Charles, volontairement ! … trouva que passer entre eux deux afin d’atteindre la table sur laquelle sa sœur avait installé toutes les flûtes remplies à ras bord était le meilleur des chemins.

- Charles tu m’énerves…
- Je suis ton frère Dana ! C’est mon rôle !

00h30

- Plus que quatre minutes Georgia, prévint son père… Ne me demande pas pourquoi Mulder a choisi 00h34, je crois que lui-même ne sais pas, il a dû tirer au sort.
- Elle est bien dans l’ordi ?
- Oui… Charles tapa le titre sur le clavier.
- Ah oui c’est bon. Pourquoi cette chanson ? demanda sa fille.
- Il m’a expliqué que… la prochaine fois que cette chanson résonnerait… enfin il a promis à ta tante que…
- C’est leur chanson quoi !
- Oui… Et elle est magnifique.
- Ray Charles… … rah …. 00h32 ! J’le crois pas! Je tiens plus ! Dis ! Ya que nous qui sommes au courant ?
- Oui, toi, moi et … Il regarda William près de Georgia. William sourit, faisant l’innocent. Je crois bien que nous avons un espion dans la salle. Mais restez concentrés ! Plus que deux minutes !

Charles, William et Georgia regardèrent devant eux … et firent un grand sourire (un peu crispé) à Mulder qui au même moment regardait en leur direction depuis la terrasse éclairée.

- Les enfants ! Là, vous pouvez mettre aussi fort que vous voulez ! Vous avez ma permission !

Les deux doubles bais vitrées du salon étaient grandes ouvertes. Ils s’étaient tous réfugiés à l’air frais. Scully discutait avec sa mère :

- Vous le reverrez quand ? demanda Margaret.
- Aussi souvent qu’il le voudra et que… ses parents…
- Dana ! Toi et Mulder « êtes » ses parents !
- Les choses ne sont pas toujours comme on le voudrait Maman… Il faut l’accepter.
- Dana…
- Maman… William va bien ! Il est heureux. C’est tout ce qui compte ! Il faut savoir saisir ces moments privilégiés… il y a encore un mois, jamais je n’aurai osé imaginer vivre de tels instants de bonheur comme ce soir !
- Crois-moi c’est pas fini sœurette ! siffla Charles passant juste derrière elle.
- Mais tu vas arrêter Charles un peu de t’en prendre à ta sœur !

Scully souriait, écoutant avec plaisir sa mère s’en prendre à son frère. Puis d’un seul coup ! Le sourire s’effaça… mais pas parce qu’elle n’en avait plus envie. Elle n’avait pas fait attention aux premières notes de piano s’élevant dans l’air mais… maintenant si ! Un bouleversement la submergea… comme si la foudre venait de la traverser ! Où est-ce qu’elle était ? … La lumière éclairant la terrasse chancela. Doggett et Reyes se tournèrent vers Scully. Son souffle, il fallait qu’on lui rende son souffle. Le piano continuait de s’élever. Elle le chercha des yeux… Il apparut devant elle.

- T’es fou… lui murmura-t-elle.

En réponse, Mulder lui tendit sa main… qu’elle accepta. Il l’entraîna au milieu du salon.

Margaret comprit ce qui était en train de se passer. Elle regarda Charles.

- Tu le savais Charles et tu ne m’as rien dit ! lui reprocha-t-elle. Je lui ai pourtant parlé tout à l’heure et je n’ai rien senti…
- De quoi tu parles maman ? Regarde-les ! … au lieu de me poser des questions.

Bill remarqua enfin qu’il se tramait quelque chose.

- Qu’est-ce que tu regardes comme ça Bill ? demanda Janis qui… n’avait visiblement toujours rien remarqué… tout comme Tara.
- Ma sœur qui danse. C’est ma sœur… elle danse.

… … …

“There's no one more important to me
(Il n’y personne de plus important pour moi)
So darling can't you please see through me
(Chérie ne vois-tu pas en moi)
'cause we're alone now and I'm singin' this song for you
(car nous sommes seuls maintenant et je chante cette chanson pour toi)
You taught me precious secrets of The Truth, with holdin' nothin'
(Tu m’as enseigné les précieux secrets de la vérité, sans rien cacher)
You came out in front and I was hiding
(Tu es apparue devant moi mais je me cachais)
But now I'm so much better so if my words don't come together
(Mais maintenant je me sens bien mieux et si mes mots n’ont aucun sens)
Listen to the melody cause my love's in there hiding
(Ecoute la mélodie, car c’est là que la preuve de mon amour réside)
I love you in a place where there's no space or time
(Je t’aimerai même dans un endroit où il n’y a pas d’espace et de temps)
I love you for my life, ‘cause you're a friend of mine
(Je t’aimerai toute ma vie, tu es comme mon amie)
And when my life is over, remember when we were together
(Et si ma vie se termine, souviens-toi quand nous étions ensembles)
We were alone and I was singin' my song for you…”
(Nous étions seuls et je te chantais cette chanson)




Les yeux fermés, de toutes ses forces, elle humait ces secondes d’ivresse dans les bras de Mulder. Plus rien ne semblait exister… à part Lui et Elle.

- Dana… Katherine Scully…

Il n’avait même pas fini, ou plutôt à peine commencé qu’elle hocha la tête. Il lui sourit, lui prenant le visage dans les mains. La musique s’élevait toujours dans les airs.

- Attends au-moins que je te dise ce que j’ai… à te dire…

Elle rit, doucement, tremblante, nerveuse… les yeux brillants…

- Tout d’abord, heureusement que cette chanson ne passe jamais à la radio…

Elle rit encore… toujours aussi nerveuse, comme une enfant contemplant ses trésors d’une journée ramassés dans la nature.

- …sinon c’est tous les soirs que j’aurai dû t’emmener danser mais la dernière fois qu’on a entendu cette chanson… tu te rappelles ? Je t’ai dit quelque chose...

Elle hocha la tête encore.

- Je me rappelle … oui… que la prochaine fois qu’elle résonnerait… tu me le demanderai…

Il sourit.

- Mais est-ce que tu te rappelles ce que Toi… tu m’as dit ?
- Oui… … Elle ancra profondément son regard dans le sien… laissant échapper quelques secondes… Je me rappelle t’avoir dit… qu’on n’avait pas besoin de ça… et tu n’as pas répondu.
- … … Il y a vingt ans, la première fois que je t’ai vue passer la porte du bureau, j’ai compris que t’allais m’en faire découvrir des choses, plusieurs fois j’ai failli te perdre mais comme tu l’as dit tout à l’heure… « cette histoire est bien terminée », mais je veux commencer la prochaine de la manière la plus incroyable qui soit… … (Scully jouait à entrelacer constamment les mains dans les siennes… Mulder reprit sa respiration… Elle lui sourit… encore) et… je veux écrire cette histoire comme la précédente à tes côtés … à la seule différence que je veux que celle-ci dure pour l’éternité.
- …
- Dana Katherine Scully…
- … Oui…
- Dana Katherine Mulder…
- … Oui… Dana Katherine Mulder…

Cette fois-ci, personne ne se mit en travers d’eux … Il chercha ses lèvres, elle chercha les siennes.

- Elle a dit « OUI » !! s’exclama Charles.

Mulder et Scully ne purent s’empêcher de sourire.

Une bouteille de champagne explosa.

Charles se tourna vers son frère.

- Bill !… Notre sœur va avoir besoin de toi ! Et oui, c’est le rôle de l’aîné !

Ce dernier contre toute attente, ne quittant jamais sa nature susceptible et arrogante, ne grimaça pas… car, il était heureux… pour sa sœur.

- … Oh non maman, ne pleure pas…
- Je sais… mais… c’est à chaque fois comme ça… j’ai pleuré pour Bill et Tara, pour toi et Janis alors… il n’y avait pas de raison pour que j’y échappe cette fois-ci…

Georgia commença à applaudir… elle fut suivi par tout le monde… Monica dut aussi comme Margaret essuyer quelques larmes. Doggett applaudissait à tout rompre…

- Oh mon dieu… souffla Scully… horriblement gênée. Tout le monde nous regarde …
- C’est vrai que j’ai hésité entre les Etats-Unis et l’Antarctique pour ce soir…

Elle rit.

Oui… cette nouvelle année semblait prometteuse… en rire et surtout en Vie. Il y avait du monde… mais ils étaient avant tout… tous les trois. Et cela aussi, Scully voulait l’inscrire pour l’éternité.

***

Dans les Etoiles – 05h14

On entendait juste le brisement des vagues. Ils étaient là, tous les trois, allongés sur le sable. Ils s’étaient éclipsés des autres pour monter jusque sur la plage, à quelques mètres derrière. Leurs yeux étaient dans les étoiles.

- William… Il y a treize ans… j’ai emmené ta mère sur une plage pour contempler les étoiles… et une étoile filante a fini par se montrer… sais-tu quel vœux elle a fait ?
- Si on dit les vœux Mulder, ils ne se réalisent pas... dit Scully.
- Mais on peut les révéler quand nos prières se sont exaucées… maman…

Scully s’empara de la main de son fils, puis de Mulder.

Il y a treize ans… Mulder et Scully avaient fait le vœu d’être trois sous les étoiles. Il ne faut jamais renoncer aux miracles et surtout… ne jamais en chercher l’explication. L’amour étant la seule preuve de vérité.

The End. I love you

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