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Question d'orientation

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Message  noisette Sam 2 Fév 2013 - 15:17

Question d’orientation


- Tu fais la gueule ?
- Pas du tout.
- Je vois bien que si.
- Je suis fatiguée, c’est tout !
- Fatiguée ?
- Ne fais pas ton psy, Mulder. Je la connais par cœur ta technique des questions miroirs.
- Donc tu ne veux pas me parler ?
- Donc je veux passer à autre chose si ce n’est pas trop demander !
- Ok. Très bien. Comme tu veux ! (Sure. Fine. Whatever What a Face )
Il se renfrogna et se renfonça dans son siège en soupirant ostensiblement. Elle décida de ne pas relever le ton railleur de son partenaire mais se mit mentalement à compter. Elle n’avait pas atteint 12 qu’il souffla derechef et se mit à tapoter ses genoux.
- Mulder…
- Il faut bien que j’occupe mes mains ! Je n’ai rien à faire !
- J’ai des tas d’idées pour toi…
- Sans blague ? Des idées qui t’incluent ? nargua-t-il avec un ricanement satisfait.
Elle tourna vers lui un regard noir. Il soutint sa vindicte et enfonça le clou.
- Tu m’en veux toujours pour le détective White. Et attention au tournant !
- J’ai vu le tournant, coupa-t-elle furieuse. Je me fous de White. Et j’allais te suggérer de commencer à rédiger le rapport… pour une fois, ajouta-t-elle fourbement.
- Ah non, ça, ça ne va pas être possible, déclara-t-il tranquillement.
Elle écarquilla les yeux en le toisant à nouveau.
- Et pour quelles raisons je te prie ?!
- Je t’ai déjà laissé le volant. J’ai atteint mon maximum de PPJ.
- PPJ ?
- Progression personnelle journalière.
- Je vois. Et donc ? Elle lui adressa une moue éloquente. Si tu dois… progresser : la solution que tu me suggères, c’est… que je te refile le volant et que tu rédiges en roulant ?
- Presque ! exulta-t-il. Tu me « rends » mon volant et je te laisse écrire. Tu le fais si bien ! Moi, je ne peux me concentrer que sur une chose à la fois.
- En fait, tu es capable de peu.
- Ce serait inapproprié de te demander à toi aussi un minimum de PPJ ? Sur cette façon si gracieuse de me parler en m’agressant par exemple ? siffla-t-il avec humeur.
Elle freina brutalement. La route était déserte. La nuit dense. Les phares n’éclairaient qu’une chaussée grise et solitaire. Curieusement, le vent n’était pas tombé avec le soir et des rafales balayaient la route. Les poussières de terre emportées par les courants d’air venaient frapper l’habitacle dans un cliquetis étrange et continu. Mulder se tortilla sur son siège, mal à l’aise.
- Tu ne devrais pas rester là.
- Il faudrait savoir ! Tu voulais parler, non ?!
- Mets-toi au moins sur le bas-côté…
- Il n’y a personne Mulder. Pas de danger. Plus de meilleures amies rivales, plus de maudite conjonction de planète, plus de détective en rab, il n’y a plus que nous…
- Et… ?
Il jeta un coup d’œil vers l’arrière, manifestement inquiet.
- Mulder !
- Je ne suis pas tranquille.
- Comme toujours quand je conduis. Pourquoi ?
- Mais…
- Regarde-moi bon sang ! Quel est ton problème avec ça ? Quel est ton problème avec moi ?
Il resta un instant estomaqué par l’attaque et la dévisagea bouche ouverte, sans rien dire.
- Je n’ai pas de problème avec toi. Juste avec « nous ».
Elle se tut et avala péniblement sa salive.
- Nous ?
- Pourquoi n’arrivons nous plus à parler comme avant ?
- C’est la bonne question…
Les épaules de Dana s’affaissèrent et elle soupira à son tour.
- Mais je ne devrais pas te parler comme ça, tu as raison.
- Presque à chaque fois, acquiesça-t-il par automatisme en reprenant ses esprits.
Elle le regarda encore mais cette fois, elle avait un drôle d’air. La déception se lisait sur son visage. Elle l’observa quelques secondes en silence, distante, et ses yeux se détournèrent vers l’obscurité derrière la portière. Il resta fixé sur sa nuque gracieuse, légèrement courbée qu’on distinguait sous l’épaisse chevelure et parut enfin s’émouvoir de l’attitude étrange de sa partenaire.
- C’était une plaisanterie, s’excusa-t-il.
- Tu plaisantes toujours, murmura-t-elle en continuant de lui présenter son dos.
Il y avait tant d’amertume dans ses mots.
- Je croyais que tu aimais ça.
- Je suis fatiguée, répéta-telle pour la seconde fois de la soirée.
De moi ? Faillit-il demander. Mais il n’osa pas. Il se raidit et scruta le noir en face de lui aussi loin que la lumière des phares le permettait.
Il n’y avait personne en effet. Ils étaient seuls au milieu de nulle part.
Plusieurs minutes passèrent. Elle faisait rouler les mots dans sa tête, reprenant dix fois, cent fois ses phrases pour tenter de lui expliquer qu’elle ne savait plus où était sa place, qu’elle détestait ces disputes froides et rageuses mais qu’elle était… perdue. Blessée. Et dans le même temps, elle imaginait son rire en retour, la plaisanterie de trop qui minimiserait une fois de plus sa douleur. Elle n’avait pas envie de vivre ça. Ces situations désespérantes où le remède qu’on espère est pire que le mal.
Parce qu’elle avait mal. Il ne lui avait pas fait confiance. Et tout prenait un gout terriblement amer. Pour la première fois peut-être, Mulder l’avait déçu.
Quant à lui, il craignait de commettre un nouvel impair. Au fond, il ne pouvait s’empêcher de se dire que tout ça n’arrivait qu’à cause de cette scène – pas très glorieuse il devait le reconnaitre – avec le détective White. Mais de toute évidence, ce n’était pas ce qu’il devait dire. Scully avait l’air sincèrement affectée, mais en même temps, elle avait été franchement pénible. Pourquoi ne disait-elle pas simplement les choses quand ça n’allait pas ?! Et puis, ses reproches étaient injustes : les rares fois où il avait tenté la rédaction d’un rapport, elle avait repris les choses derrière : il en avait vite tiré la conclusion que l’activité ne lui déplaisait pas tant que ça, même s’il était conscient de cet état de fait l’arrangeait bien. Quant à la voiture, il n’avait rien à redire sur sa façon de conduire sauf quand elle était en colère : là, ses accélérations entrainaient une surconsommation franchement inutile ! Il se corrigea intérieurement : c’est vrai qu’il préférait avoir le contrôle du véhicule. Ça devait être un truc de mâle, un instinct de protection même peut-être. Pas de quoi en faire un plat quand même…
Il hésita et se décida à poser la question qui lui brulait les lèvres. Dans sa tête, il expédia une prière païenne pour que la réponse ne soit pas celle qu’il craignait par-dessus tout.
- Et toi, tu as un problème avec moi ?
- J’ai posé la question la première. Et je ne crois pas que tu m’aies réellement répondu.
- Je n’ai pas de problème avec toi.
Il insista sur le pronom et réalisa avec ennui au moment où il le faisait tout le dédain qu’il mettait dans la réponse à cette question. Scully l’agaçait à tout ramener à elle. Il poursuivit.
- C’était à cause de cette conjonction exceptionnelle de planète.
- Elle a bon dos.
- Mon problème, s’agaça-t-il, c’est quand tu me reproches quelque chose sans le dire clairement.
- Parce que tu as besoin de points sur les i ?!
- Il faut croire que oui.
- Tu es prêt à remuer ciel et terre pour comprendre n’importe quel phénomène inexpliqué mais quand il s’agit de notre partenariat, tu n’essayes même pas de te remettre en question.
- OK, très bien ! – le ton montait – Je n’aurai pas dû me « laisser assaillir » par l’agent White.
- Te « laisser assaillir » ? Tu l’avais flairée bien avant, non, monsieur « c’est moi qu’on assaille » ?!
- Donc notre partenariat implique que je ne regarde aucune autre femme que toi ?! s’indigna-t-il. Je vais exiger des contreparties Scully dans ce cas ! Il jeta sa dernière pique avec hargne et sut, à l’instant où les mots quittaient sa bouche qu’il avait gravement dérapé.
D’un geste rageur, elle s’éjecta de la voiture et claqua la portière. Il tressaillit et resta étourdi avant de sortir à son tour.
Le regard qu’elle lui avait jeté à ce moment respirait un tel mépris ! Il n’en revenait pas que quelques mots lâchés dans un mouvement de colère stupide puissent avoir un tel pouvoir de démolition. Il la suivit des yeux ; Elle s’enfonçait dans ce bois noir qui ne le rassurait pas, sous les sifflements du vent qui, vu de dehors, commençait à ressembler sérieusement à une tempête qui se lève.
- Scully ! appela-t-il.
En retour, il ne perçut que des jurons, des bruits suspects de bois brisé et le hululement lugubre des courants d’air s’engouffrant à travers les branches.
Il desserra sa cravate, attrapa son manteau sur la plage arrière. Il se demanda s’il serait judicieux de dégager la route et convint qu’une voiture pourrait aisément les contourner en dépit de leur placement en plein milieu de la chaussée. Il laissa les phares allumés mais ferma la voiture.
- Scully ! insista-t-il en s’avançant sur le sol mousseux, au milieu des ombres.
Scully n’était pas comme ça. Scully enjolivait sa vie normalement. A vrai dire, jamais personne ne lui avait autant fait confiance.
Il pénétra le rideau végétal et au bout de dix mètres, alluma sa lampe torche. La lumière des phares ne traversait presque plus le sous-bois. Il dirigea le faisceau loin devant. Il ne voyait pas Scully et, ce qui le tourmentait davantage, il ne l’entendait plus.
- Scully ! Réponds-moi ! C’est idiot de s’engueuler comme ça !
Seule une rafale glacée lui répondit le faisant vaciller sur ses jambes. Il avança encore. Un coup d’œil vers l’arrière lui confirma qu’il s’était bien éloigné de la route : il ne distinguait plus du tout leur phare carrossé dans la tempête. De plus en plus fébrile, il poursuivit ses recherches. Les minutes s’égrenaient et Scully ne répondait toujours pas à ses appels.
Il s’interrompit soudain, croyant avoir surpris au milieu du vacarme un bruit d’origine humaine. A moins qu’il ne soit animal…
Il se tint debout sans bouger et tendit toute son attention aux bruits qui l’entouraient. Sa torche fouillait les bosquets face à lui sans succès. Et la peur se mit à l’étreindre d’un coup, tombant sur lui comme un couperet.
- Scullyyyyyyy ! hurla-t-il.
Il eut un violent frisson en sentant son propre cri disparaître dans l’obscurité, avalé par cette nature agitée comme un loyer par son propriétaire.

- Je suis là.
Il sursauta et se retourna vivement mais ne vit rien d’autre que l’orée d’une clairière à sa droite.
- Je suis là. En bas, répéta Scully.
Il baissa le faisceau de sa lampe et sentit à nouveau le sang circuler dans son corps, le réchauffer et l’envelopper d’une félicité incroyable.
- Assieds-toi et éteins la torche, commanda doucement Scully.
Il s’exécuta sans poser de question et prit place près d’elle sur un gros rocher. La pierre était froide et humide, la terre fouettait ses jambes jusqu’aux genoux. Il se serra contre Scully, coude à coude, sans même se demander une seconde s’il pouvait se le permettre. Elle n’eut pas d’autre réaction qu’un :
- Regarde.
Trop heureux de ne pas reprendre la discussion houleuse où elle s’était arrêtée, il suivit la direction de son doigt.
Face à eux, sous la lumière de la lune, les courants d’air se rejoignaient, s’enlaçaient et faisaient tourner les feuilles mortes dans les airs comme un manège. Ici, la tempête exprimait toute sa puissance concentrée. Le spectacle de cette force autonome était fascinant, presque hypnotisant. Un être aussi léger qu’un souffle émergeait au centre de cette clairière, fait de poussières, de brindilles et de feuilles craquantes. Le souffle court, ils suivirent la masse qui glissait sur l’herbe rase.
Le phénomène n’était pas que fascinant.
Il était familier.
Ils avaient déjà vu ça.
Billy Miles. Leur première enquête.
Ils se tournèrent l’un vers l’autre. Les yeux de Mulder s’étaient habitués à l’obscurité et avec soulagement, il nota que les traits de Scully semblaient apaisés.
Elle ne dit rien. Lui non plus.
Chacun pensait à la même chose que l’autre et chacun le savait aussi sûrement qu’une évidence. Scully glissa ses doigts dans la main de Mulder. Il les serra sans la quitter des yeux.
- On y va ? Il la redressa en l’attirant vers lui. J’ai un rapport à rédiger, souffla-t-il à son oreille en déposant un léger baiser sur sa joue.
Elle hocha la tête avec un sourire. Il s’apprêta à rallumer sa torche mais elle l’interrompit dans son geste.
- Quand on se perd et qu’on veut retrouver sa route, il faut chercher les repères, disait mon père. Et ne se fier qu’à l’essentiel.
D’un mouvement de tête, elle désigna un point vers leur droite et, après quelques secondes, il devina une infime lueur jaune derrière les arbres.

Ils rejoignirent la voiture et s’arrêtèrent ensemble devant le capot pris du même doute. Il hésita encore un peu et prit son courage à deux mains.
- Je n’aime pas qu’on se dispute.
- Moi non plus, confessa-t-elle dans un souffle.
- Je suis désolé de t’avoir blessée.
- …
- …
- On tourne la page, Mulder. Je suis désolée de t’avoir… « agressé » comme ça.
- Ce n’est pas moi qui ai sauté sur…
- C’est bon, coupa-t-elle. Je ne te demande rien, ajouta-t-elle plus doucement.
- Mais moi, je veux te le dire, soutint-il fermement. Il lui prit le bras pour l’obliger à se tourner vers lui. Je n’ai pas sauté sur le détective White. Et entre elle et toi, je n’hésiterai pas une seconde.
Scully n’aurait jamais reconnu qu’elle désirait cet aveu, mais un large sourire éclaira ses traits.
- Je suis heureuse de savoir que tu préfèrerais me sauter dessus !
Elle se reprocha immédiatement d’avoir exprimé tout haut une telle pensée.
Il haussa un sourcil et prit un air interloqué. Elle balbutia confuse.
- Je plaisante.
- Moi aussi, sourit-il en renonçant immédiatement à son air désapprobateur.
- On ne perd pas nos habitudes alors ?
Il saisit sa clé de voiture dans la poche de son imperméable.
- Et si on se perd, quelqu’un m’a dit qu’il faut se fier à ses repères pour retrouver son chemin.
Il lui tendit les clés.
- J’ai peut-être une direction dans ma vie, mais de repère, je n’en ai qu’un…
Il referma les doigts froids de sa partenaire sur son trousseau.
- … Alors je compte sur toi, Scully.


FIN


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